Je maintiens que 15 000 places de prison seront livrées, dont 7 000 d’ici à 2022 ; la construction des 8 000 autres aura commencé à cette échéance.
Monsieur Mohamed Soilihi, je vous remercie d’avoir salué notre méthode de travail. À vous qui avez, comme d’autres orateurs, insisté sur les moyens humains, je veux dire que le travail que nous conduisons vise précisément à les accroître, aussi bien dans l’administration pénitentiaire que dans la magistrature. Je citerai simplement quelques chiffres : en 2008, il y avait 8 164 magistrats ; aujourd’hui, ils sont 8 400 et ils seront 8 500 l’année prochaine. L’effectif de magistrats augmentera chaque année. Nous pourrons ainsi améliorer la position de la France dans le classement européen réalisé par la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, la CEPEJ. Notre pays n’est effectivement pas bien classé aujourd’hui, mais le travail que nous conduisons vise à améliorer cette situation ; je vous remercie de l’avoir relevé.
Vous avez également fait part, monsieur le sénateur, de votre intérêt pour la libération sous contrainte, qui est l’une des peines à propos desquelles la commission des lois a émis une proposition différente. Nous tenons à cette peine parce qu’elle répond un objectif de fond : éviter les sorties sèches de prison. Bien entendu, c’est en rendant obligatoire ce type de dispositif que nous pourrons éviter ces dernières, et donc la récidive.
Madame Benbassa, selon vous, le projet de loi sacrifierait l’intérêt supérieur des justiciables les plus fragiles sur « l’autel du libéralisme économique ». Ce n’est pas du tout le cas, et vous le savez bien : en effet, nous renforçons la justice de proximité.
Vous dites que nous dévitalisons les tribunaux de proximité. C’est exactement l’inverse ! Nous les maintenons tous, ainsi que les contentieux qui y sont jugés. Nous créons même la possibilité, pour les juges et les chefs de cour qui le souhaiteraient, d’intégrer aux tribunaux de proximité des juges aux affaires familiales, si cela correspond à un besoin du territoire. Vous le voyez, nous densifions, au contraire, les tribunaux de proximité, parce que c’est dans leur ressort que se nouent les contentieux du quotidien.Nous en discuterons, madame Assassi, et j’espère que j’arriverai à vous convaincre. Rien, dans ce texte, ne va dans le sens du libéralisme économique.
Madame Benbassa, vous avez également critiqué la forfaitisation, qui relèverait, selon vous, d’une volonté d’être plus sévère. Ce n’est pas le cas : il s’agit simplement d’être plus efficace, au bénéfice de la santé publique.
Monsieur Bigot, je vous remercie d’avoir souligné que notre plan pluriannuel est ambitieux, même si vous estimez que, sur un certain nombre d’aspects, il pourrait l’être davantage.
Vous avez notamment indiqué que la numérisation que j’appelle de mes vœux relève davantage de l’organisation et des méthodes que de la loi. Vous avez absolument raison ! C’est pourquoi j’ai installé une gouvernance très serrée au sein de mon ministère sur ce sujet, avec un calendrier et des objectifs, afin que nous puissions déployer cette numérisation qui, me semble-t-il, sera l’une des conditions de l’amélioration du travail des magistrats, des personnels de greffe et également des avocats, avec lesquels nous travaillons en permanence.
Vous avez soulevé la question du coût de la représentation obligatoire, en relevant qu’il n’y avait rien sur l’aide juridictionnelle dans le projet de loi. C’est d’ailleurs un reproche qui m’a également été adressé par d’autres sénatrices et sénateurs. Il n’y a aucune disposition relative à l’aide juridictionnelle, je l’admets. Pourquoi en est-il ainsi ? Parce que je souhaite pouvoir dialoguer avec les avocats et construire avec eux un système qui soit pérenne et stable. C’est la raison pour laquelle il eût été précipité d’inscrire des dispositions définitives dans ce texte. Elles figureront sans doute dans la prochaine loi de finances, mais le financement est assuré, y compris celui de la représentation obligatoire. Pour vous donner un chiffre, monsieur le sénateur, dans le projet de loi de finances pour 2019, les crédits de l’aide juridictionnelle augmentent de près de 28 millions d’euros par rapport à 2018. Cela permettra de financer la représentation obligatoire.
Vous vous êtes félicité d’avoir fait voter en commission la suppression de l’extension de la possibilité de recourir aux techniques spéciales d’enquête, les TSE, aux crimes de droit commun. Aujourd’hui, le recours aux TSE est effectivement réservé aux crimes et délits commis en bande organisée et au terrorisme. Nous avons prévu de l’étendre aux crimes de droit commun, car cela peut, me semble-t-il, être extrêmement utile dans des affaires telles que celles qui, récemment, ont choqué la population. Une telle extension ne me semble pas radicalement inacceptable. Je vous proposerai donc de la rétablir, sachant que les TSE seront évidemment toujours utilisées sous le contrôle du juge des libertés et de la détention.
Enfin, monsieur le sénateur, vous avez conclu votre intervention en affirmant que les services de Bercy auraient « préparé des dispositions dans l’objectif de faire des économies budgétaires ». Je ne peux vraiment pas laisser dire cela ! Je n’ai pas le moindre contact avec Bercy, sauf lorsque je négocie mon budget. Du reste, dès lors qu’il existe une loi de programmation, la discussion dure assez peu… Bercy ne me parle jamais, absolument jamais, des questions qui ont trait à la justice !