Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 9 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi et d'un projet de loi organique dans les textes de la commission

Nicole Belloubet :

Madame Costes, je partage votre constat, notamment sur l’épuisement des magistrats et des personnels, lié à la fois à la succession des réformes et aux difficultés de travail. Vous avez raison. J’ai essayé de répondre au travers de ce projet de loi, qui témoigne d’un certain pragmatisme, à un certain nombre de demandes et d’attentes exprimées lors des consultations que j’ai menées sur le terrain.

Nous mettons ainsi en place des équipes qui épauleront les magistrats. Vous le savez, cela répond à une demande forte. On compte aujourd’hui 356 juristes assistants ; nous allons en créer 50 de plus par an durant le quinquennat, ainsi que 102 assistants spécialisés et 250 greffiers assistants. Prendre en compte les difficultés de travail est indispensable.

Vous avez également évoqué un autre sujet qui me touche beaucoup, celui des détenus en difficulté psychiatrique. Je vais le prendre en compte dans le cadre du plan pénitentiaire que j’aurai l’occasion de présenter prochainement. J’ai mis en place avec ma collègue Agnès Buzyn un groupe de travail sur cette question. Néanmoins, comme vous le savez, nous peinons à recruter des médecins psychiatres ou pédopsychiatres ; c’est une véritable difficulté, que je ne puis résoudre seule.

Enfin, nous consentons les efforts budgétaires importants pour l’insertion et la probation que vous appelez de vos vœux, puisque je propose la création de 1 500 conseillers d’insertion et de probation supplémentaires durant le quinquennal.

Madame Joissains, je ne répéterai pas ce que j’ai dit à propos de Bercy : ce projet de loi a été conçu non pas selon un « prisme gestionnaire », mais selon un prisme d’efficacité et de simplicité. Cela m’amène à recentrer chacun des acteurs de la procédure – les enquêteurs, les procureurs, les magistrats du siège – sur son cœur de métier. Le mouvement de déjudiciarisation, quand il existe, porte sur certains points sur lesquels il me semble que l’intervention d’un magistrat n’apporte pas de plus-value.

Vous avez évoqué, ainsi que le président Bas, la question du juge unique. J’y suis moi aussi très sensible. C’est la raison pour laquelle je présenterai un amendement relatif à la collégialité en appel, suivant ainsi les propositions de la commission des lois.

Enfin, sur l’important sujet du tribunal criminel départemental, pourquoi supprimer les jurés populaires, avez-vous demandé, alors même que la justice est rendue au nom du peuple français ? Madame la sénatrice, que je sache, tous nos magistrats professionnels, et pas uniquement les jurés d’assises, rendent la justice au nom du peuple français ! La procédure entièrement orale des cours d’assises permet une justice de grande qualité, mais elle est extrêmement chronophage. La procédure que nous proposons d’instaurer pour le tribunal criminel départemental permettra aux magistrats d’auditionner tous témoins utiles, mais également de disposer du dossier écrit. Ainsi, la procédure sera sans doute un peu plus simple, et donc plus rapide. Quant aux appels, ils continueront de relever exclusivement de la compétence des cours d’assises, ainsi que les crimes punis de plus de vingt ans d’emprisonnement.

M. le sénateur Lefèvre a évoqué un sujet important. Améliorer la répartition des moyens humains sur le territoire est effectivement l’une des difficultés auxquelles nous nous heurtons. Certaines fonctions peuvent apparaître moins attractives que d’autres : je pense notamment à celles des surveillants pénitentiaires ou des personnels de greffe. Nous allons mettre en place, pour les surveillants pénitentiaires, des concours déconcentrés à affectation locale, ce qui permettra de résoudre cette difficulté. Nous instaurons en outre des primes de fidélisation, et nous accroissons les moyens consacrés à la prise en charge sociale du personnel.

Monsieur le président Bas, je suis largement d’accord avec les constats que vous dressez. Vous les aviez d’ailleurs déjà établis lors des travaux que vous avez conduits et sur lesquels je me suis appuyée. En revanche, je ne pose pas toujours le même diagnostic et nous divergeons parfois quant aux solutions à mettre en œuvre, mais j’ai, comme vous, confiance dans notre capacité à progresser ensemble au cours de ce débat.

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