Intervention de Yves Détraigne

Réunion du 9 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice – renforcement de l'organisation des juridictions — Article 2

Photo de Yves DétraigneYves Détraigne :

Cet amendement important est contraire à la position de la commission, qui a souhaité supprimer l’extension du champ de l’obligation de tentative de règlement amiable des différends préalable à la saisine du juge.

Si l’on ne peut que souscrire à l’objectif du Gouvernement – « développer les modes alternatifs de résolution des différends afin que ne soient portées devant le juge que les affaires les plus contentieuses, pour lesquelles les parties n’ont pas pu trouver ensemble de solution amiable, et afin d’apaiser autant que possible les échanges entre les parties » –, le dispositif prévu ne nous semble pas abouti.

En premier lieu, la rédaction retenue entraînerait une restriction des modes de règlement des litiges admis, en énumérant seulement la conciliation par un conciliateur de justice, la médiation et la procédure participative, alors que les parties peuvent actuellement justifier avoir rempli leur obligation de tentative de règlement amiable de leur litige en justifiant d’autres diligences entreprises, par exemple dans le cadre d’une assurance de protection juridique, ou encore en faisant appel à un huissier de justice.

En deuxième lieu, le champ d’application du dispositif nous semble imprécis. Seraient concernées par cette obligation les demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant ainsi que les litiges concernant les conflits de voisinage. Qu’entendre par « demandes tendant au paiement d’une somme n’excédant pas un certain montant » ? Que recouvre exactement la notion de « conflits de voisinage » ? Aucune définition n’en est donnée par les textes législatifs en vigueur ; la jurisprudence, quant à elle, reconnaît seulement la notion de « trouble anormal de voisinage ».

En troisième lieu, le dispositif mis en place par la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle est trop récent pour avoir produit tous ses effets et n’a pas encore été évalué. À quoi bon proposer une extension de ce dispositif, si l’on ne peut affirmer avec certitude qu’il a eu un effet positif sur le nombre de saisines des tribunaux d’instance ?

En dernier lieu, le nombre de 2 400 conciliateurs nécessaire pour absorber la réforme de 2016, selon les évaluations du gouvernement de l’époque, n’a toujours pas été atteint, puisque seuls 2 021 conciliateurs sont actuellement en fonction. Or, selon le Gouvernement, s’il est difficile de quantifier les effets exacts de l’extension du dispositif, une augmentation significative de l’activité des conciliateurs est à prévoir.

Il est donc prématuré, selon nous, d’envisager d’étendre le dispositif créé en 2016, sous peine de porter atteinte au droit à un recours effectif devant un juge, droit constitutionnellement garanti, faut-il le rappeler ?

La solution envisagée par le Gouvernement dans cet amendement, qui consiste à prévoir que les parties pourront s’exonérer de leur obligation en cas d’absence de conciliateur disponible dans un délai raisonnable, ne peut être jugée satisfaisante et conforte le constat que le dispositif n’est pas prêt à être étendu, faute d’un nombre suffisant de conciliateurs pour absorber le surcroît d’activité qui résulterait de cette extension.

L’avis de la commission sur cet amendement est donc défavorable.

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