Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 9 octobre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 6

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L’article 6 consacre une banalisation des mesures de fixation de la modification du montant d’une contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants.

Cette déjudiciarisation est plus qu’inquiétante, puisqu’elle aboutit à une atteinte d’une exceptionnelle gravité aux droits de l’enfant et des parents, dans des situations souvent complexes et conflictuelles. La protection du mineur et la bonne fixation de ces contributions doivent être la priorité.

L’objectif du Gouvernement est annoncé : réduire le temps de procédure de révision, pour obtenir plus rapidement l’actualisation d’une pension alimentaire. On peut certes entendre cet argument : avec l’engorgement de nos tribunaux, le règlement des litiges ayant trait à la revalorisation des pensions se fait dans un délai qui excède souvent six mois, et qui tend à s’accroître ces dernières années. Bien que nous en réprouvions le mécanisme, l’automatisation des révisions au moyen d’un barème devrait en effet permettre de fluidifier le processus de décision.

Cet amendement de repli vise toutefois à ériger un garde-fou, en conditionnant la mise en œuvre de cette disposition à une décision préalable du juge aux affaires familiales, gardien des libertés. Son action étant guidée par l’intérêt supérieur des enfants, il nous semble naturel qu’il ait a priori un droit de regard sur les cas pouvant faire l’objet d’une barémisation.

Je profite enfin de cette présentation, madame la ministre, pour vous faire part de l’avis des membres du barreau de Paris sur cet aspect de votre projet de loi : « C’est une atteinte grave à la démocratie et au principe de la séparation des pouvoirs. Dans un État de droit, il est impossible qu’une décision définitive d’un juge judiciaire soit modifiée par le directeur d’une CAF. Cela se ferait nécessairement au détriment des Français les moins riches, car les CAF ne connaissent pas l’intégralité des revenus des plus aisés, qu’ils proviennent de l’étranger ou des capitaux, notamment. Cette réforme créerait une inégalité entre les Français, alors que la pension alimentaire constitue un élément essentiel de l’équilibre d’un divorce. Il est intolérable de laisser le pouvoir remettre en question cet équilibre décidé par un juge à une autorité administrative. »

Je partage cet avis, madame la ministre.

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