Intervention de Jacques Bigot

Réunion du 9 octobre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 12

Photo de Jacques BigotJacques Bigot :

Madame la ministre, en vous entendant à l’instant, j’ai compris que vous ne cherchiez pas seulement à soulager les juges aux affaires familiales. Je vous en donne acte.

Cela étant posé, je veux vous dire qu’il faut complètement revoir votre dossier, parce que la question de la conciliation est fondamentale dans la procédure de divorce.

Vous avez accepté, après avoir auditionné les avocats et magistrats, que le divorce ne soit plus « causé » à l’origine, ce qui provoque un conflit. Au contraire, le fait de ne pas indiquer de motif de divorce, de se contenter d’annoncer son intention de divorcer, ce qui déclenche la convocation devant le juge de l’autre conjoint permet d’apaiser les choses.

La simple indication des mesures provisoires demandées peut être source de conflit. Dès lors que le juge est saisi, l’époux qui ne veut pas divorcer – tel est le cas, sinon le divorce se ferait par consentement mutuel – peut éventuellement consulter un avocat. C’est à ce moment-là que débute un dialogue par avocats interposés.

En outre, vous prévoyez de renvoyer à la procédure ordinaire, puisque vous supprimez l’article 252 du code civil, c’est-à-dire la tentative de conciliation dont l’objectif était de permettre au juge d’essayer de réconcilier les époux pour éviter un divorce. Dans la plupart des cas, la tentative n’aboutit pas, mais c’est une procédure préalable qui permet de fixer les mesures provisoires, c’est-à-dire d’organiser la séparation provisoire du couple dans une situation conflictuelle. S’il n’y a pas de situation conflictuelle, les gens s’organisent sans problème entre eux. Mais, et j’y insiste, dans une situation conflictuelle, il faut bien que le juge puisse intervenir et entendre les parties séparément. Si les professionnels que nous sommes, François Pillet et moi, insistons tant sur ce point, c’est parce que nous connaissons l’importance de ce temps de l’écoute du juge.

Or le schéma procédural indiqué dans l’étude d’impact va faire perdre du temps : on commence par l’assignation, qui donne quinze jours à l’autre époux pour constituer avocat ; puis vient la première audience au cours de laquelle, s’il y a des demandes de mesures provisoires, on renvoie devant le juge aux affaires familiales, qui fixe, comme un juge de la mise en état, les mesures provisoires. Cela prendra plus de temps qu’avec une audience ab initio !

Donc, le vrai sujet, c’est en effet l’engorgement des audiences des juges aux affaires familiales qui, pour certains d’entre eux – tous ne sont pas forcément aptes à ce genre d’activité –, éprouvent peu d’emballement à écouter les gens, alors que c’est fondamental et que cela fait partie de leur métier. J’ai heureusement connu des magistrats qui avaient cette capacité et allaient jusqu’à entendre les enfants – ce qui est aussi prévu par la loi –, et ils le faisaient en prenant du temps.

Croyez-moi, madame la ministre, je peux comprendre ce que vous dites, mais à ce moment-là, il faut tout revoir ! Il faut autoriser les parties à indiquer dans l’assignation qu’elles demandent des mesures provisoires. Il faut aussi que la première audience soit non une audience de mise en état ordinaire, mais devienne tout de suite une audience devant le juge, avec comparution des parties pour fixer les mesures provisoires. Il faut vraiment revoir complètement le processus ! Telles sont les raisons pour lesquelles nous soutiendrons la suppression proposée en commission par nos corapporteurs.

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