Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 9 octobre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 13

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

L’article 13 du projet de loi prévoit que, devant le tribunal de grande instance, la procédure peut, avec l’accord exprès des parties, se dérouler sans audience, et donc exclusivement par voie écrite.

Corrélée au sort réservé au tribunal d’instance par le projet de loi organique, cette disposition vise l’ensemble des procédures, quel que soit le montant impacté.

Cela porte gravement atteinte au principe de l’oralité des débats, qui pourraient, pour des raisons « pratiques », progressivement disparaître.

L’argument principal souvent invoqué pour justifier ce passage à une procédure exclusivement écrite est la contrainte que représenterait la compétence territoriale – contrainte pour les parties.

Or cet argument se heurte à deux impasses.

Tout d’abord, la mise en place du service d’accueil unique du justiciable, le SAUJ, et l’extension de son périmètre d’intervention à l’ensemble du territoire national devraient permettre de déposer la requête dans n’importe quel tribunal, à charge pour l’institution de la transmettre à la juridiction territorialement compétente. Il serait donc opportun d’attendre la mise en place de ce dispositif et d’en mesurer ses effets.

Ensuite, l’importance de l’audience est négligée : pour reformuler les demandes des parties, tenter de les concilier et aboutir à une solution judiciairement acceptée, le cadre de la procédure orale est parfaitement adapté et son maintien paraît plus que souhaitable.

Par ailleurs, ce même article prévoit que les demandes formées devant le tribunal de grande instance en paiement d’une somme n’excédant pas un montant défini en Conseil d’État peuvent, avec l’accord des parties, être traitées dans le cadre d’une procédure dématérialisée. Dans ce cas, la procédure se déroule sans audience.

Aux termes du texte, le tribunal pourra toutefois décider de tenir une audience si les preuves écrites ne sont pas suffisantes ou à la demande des parties. Mais s’il estime qu’une audience n’est pas nécessaire, le tribunal pourra rejeter la demande d’audience d’une des parties par décision spécialement motivée.

Ces dispositions sont contestables, qu’il s’agisse de l’instauration d’une saisine et d’une procédure intégralement dématérialisées pour les parties ou de la disparition progressive de l’audience et de l’oralité de la procédure.

Ces nouvelles mesures portent gravement atteinte au droit au procès équitable des justiciables et à notre modèle juridictionnel.

Telles sont les raisons pour lesquelles, mes chers collègues, nous vous demandons d’adopter cet amendement de suppression de l’article 13.

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