Je vais d'abord répondre à M. Daudigny. En ce qui concerne le gel prudentiel qui est opéré chaque année sur les crédits hospitaliers, la décision est généralement prise à la fin du mois de novembre en fonction de la consommation des budgets. Il est donc trop tôt pour vous répondre.
Ensuite, vous dites que la psychiatrie est un secteur dégradé. C'est exact et cela ne date pas d'hier ! Avant mon arrivée au Gouvernement, on parlait d'ailleurs très peu de cette question, alors qu'elle était déjà très prégnante, et la dégradation des soins psychiatriques n'a ému personne pendant des années... J'avais déjà décidé d'en faire une priorité, lorsque je présidais le collège de la Haute Autorité de santé.
Au ministère, j'ai pris le sujet à bras le corps. Je rappelle que l'Ondam est fixé à 2,5 %, tandis qu'il oscillait autour de 1,7 % durant les cinq années précédentes. J'ai présenté une feuille de route spécifique et très ambitieuse pour la psychiatrie. Ce secteur va évidemment bénéficier d'investissements financiers, mais le problème n'est pas uniquement budgétaire. Parmi les difficultés, je citerai l'absence de psychiatres et d'attractivité des postes hospitaliers et la disparition progressive de la pédopsychiatrie, profession qui a été abandonnée. Ainsi, dans huit régions, il n'y a plus de professeurs de pédopsychiatrie, j'ai donc demandé aux doyens des facultés de médecine d'en nommer afin de former des internes dans cette spécialité. En 2019, nous allons aussi créer des postes d'infirmiers de pratiques avancées en psychiatrie. Des projets locaux de santé psychiatrique vont être créés. Les psychiatres pourront intégrer les communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS.
La question de la psychiatrie est donc très complexe et ce PLFSS ne contient pas de mesure spécifique, hormis les investissements hospitaliers dont j'ai déjà parlé, car les leviers d'action les plus importants ne sont pas financiers. Je rappelle que la plupart des hôpitaux qui sont aujourd'hui en tension dans le secteur psychiatrique ont des postes de psychiatres ouverts, mais ne réussissent pas à les pourvoir.
En ce qui concerne la reconnaissance des optométristes, nous avons beaucoup dialogué avec la filière des soins optiques dans le cadre de nos travaux sur le reste à charge zéro. Nous avons pris des engagements avec les ophtalmologues et leurs collaborateurs. Aujourd'hui, 60 % de ces spécialistes ont un collaborateur orthoptiste ou infirmier, en cas de protocole de coopération. Nous avons travaillé sur l'ingénierie des métiers et des diplômes ; ainsi, la formation des opticiens passera de deux à trois ans afin qu'ils puissent pratiquer des actions de prévention. En outre, les orthoptistes auront la possibilité de renouveler les prescriptions.
Au sujet de la pénurie de médicaments, nous allons nous saisir des conclusions du rapport réalisé par le Sénat. Je vous remercie d'avoir travaillé sur cette question, ce que le ministère est en train de faire de son côté. Le PLFSS pourrait être l'occasion de réfléchir à une disposition autour de la disponibilité, notamment pour renforcer les plans de gestion proposés par les industriels. Comme vous le savez, les explications des pénuries sont très diverses, on ne peut donc pas y apporter une réponse simple et unique.
Madame Bonfanti-Dossat m'a interrogé sur les prestations de soins à domicile. Je voudrais d'abord vous faire remarquer que je n'ai pas l'habitude de sacrifier des patients ! Votre remarque à ce sujet m'a quelque peu troublée. Des économies sont prévues à hauteur de 150 millions d'euros sur les dispositifs médicaux et les prestations à domicile, mais il faut savoir que les dépenses de la liste des produits et prestations remboursables, la LPPR, où sont inscrits les dispositifs médicaux, augmentent de manière extrêmement rapide, à un niveau bien supérieur à celui de l'Ondam. Nous n'avons pas souhaité introduire un mécanisme de régulation avec une clause de sauvegarde, comme pour le médicament, mais nous avons prévu de mener des négociations très ambitieuses sur le prix des dispositifs médicaux. Les économies porteront sur ce secteur. Par ailleurs, nous sommes évidemment d'accord pour réfléchir avec les acteurs économiques à de nouveaux outils de régulation, qui pourraient être introduits dans le PLFSS pour 2020.
Vous me posez aussi la question du nouveau métier d'assistant médical. Il faut d'abord savoir que ce métier existe dans de nombreux pays. Ensuite, il est complètement distinct de celui d'infirmière. Nous allons négocier le champ de compétences de ces assistants médicaux avec les professionnels, mais il ne correspondra pas du tout à celui des infirmières de coordination ou à celui des infirmières de pratiques avancées. Nous souhaitons que les infirmières soient sur le terrain, au plus près des patients, en particulier des patients chroniques, et qu'elles se voient déléguer des tâches aujourd'hui exercées par les médecins. Je pense notamment à la vaccination ; nous avons d'ailleurs demandé à la Haute Autorité de santé de se pencher sur la primo-vaccination et, à la suite de son rapport positif, nous allons élargir la possibilité offerte aux infirmières de les réaliser.
Nous engageons donc une restructuration globale de l'offre de soins de proximité, mais je ne souhaite pas que les infirmières jouent le rôle d'assistante médicale. Elles ont mieux à faire !
Madame Lassarade, vous m'interrogez sur la prévention. Non, nous ne privilégions pas particulièrement la prévention tertiaire, comme le montre ce que nous avons décidé sur la vaccination ou le prix du tabac. Toutes les actions de prévention primaire ou secondaire, dont l'activité physique, pourront être prises en charge dans les forfaits dédiés aux patients chroniques.
L'ensemble des crédits consacrés à la prévention institutionnelle augmente. Les moyens du FNPEIS, Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire qui est géré par la Cnam, augmentent de 20 % dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens 2018-2022. Ceux du Fonds de lutte contre le tabac vont passer de 30 millions à 100 millions, en s'élargissant à toutes les addictions. Le FIR, Fonds d'intervention régional géré par les Agences régionales de santé, progresse de 3,3 %, soit un point de plus que l'Ondam. Le budget du fonds national de prévention des accidents du travail de la branche AT-MP double, en passant de 50 millions à 100 millions.
En matière de prévention secondaire, une consultation sera prise en charge à 100 % pour le dépistage des cancers chez les femmes à 25 ans. Nous avons réparti les examens de prévention chez les jeunes jusqu'à 18 ans. Nous créons une consultation de prévention autour de la sexualité et de l'accès à la contraception chez les jeunes entre 15 et 17 ans, prise en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Bref, je ne vois pas comment on peut nous faire le procès de ne pas mettre les moyens sur la prévention !
Autre question de Mme Lassarade, les forfaits d'intervention précoce seront activés par les médecins généralistes, les pédiatres et généralement tous ceux qui interviennent auprès des enfants et sont amenés à repérer un trouble du neuro-développement, avant même un éventuel diagnostic d'autisme. Ce forfait sera versé aux structures de coordination, qui le répartiront entre les différents professionnels - orthophonistes, psychomotriciens... Cela répond donc aussi à la question de Mme Meunier sur les consultations « hors-cadre ». Il s'agit de répondre à un besoin très bien identifié : la prise en charge, chez des professionnels aguerris, des pathologies du développement avant même qu'un diagnostic soit posé par un centre d'action médico-sociale précoce.
Madame Féret, vous me posez la question du rapport Lecocq sur la santé au travail. Nous sommes actuellement dans une phase de consultation des partenaires sociaux, qui ont déjà eu des réunions bilatérales avec le Premier ministre. Je ne dispose pas encore des conclusions de cette consultation et nous devrions disposer d'un document d'orientation à la fin du mois. En ce qui concerne les agents publics, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics a lancé une réflexion et des discussions sur le sujet de la santé au travail.
Par ailleurs, nous réfléchissons à la question de la reconnaissance des maladies professionnelles. J'ai été très étonnée quand j'ai découvert que la liste des maladies professionnelles résultait d'une négociation entre les partenaires sociaux et qu'elle n'avait donc rien de scientifique. Muriel Pénicaud et moi-même souhaitons remettre un peu de science dans ce processus, ce qui permettra d'améliorer profondément le système actuel.
Madame Cohen, vous dites que 5 000 femmes vont à l'étranger pour procéder à une IVG, mais une grande majorité d'entre elles le fait parce qu'elles sont hors délai en France et que certains pays autorisent des IVG plus tardives. Il est donc faux de penser que cela est lié à une difficulté d'accès aux soins.