Je suis heureux d'accueillir cet après-midi Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé et M. Gérald Darmanin, ministre de l'action et des comptes publics pour la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019, dévoilé ce matin en conseil des ministres. Nous avons la chance d'être informés avant l'Assemblée nationale ! Nous examinerons ce PLFSS en commission le 7 novembre et en séance publique à partir du lundi 12 novembre. Ce deuxième PLFSS de la législature s'inscrit dans la trajectoire des finances sociales définie par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022, trajectoire sur laquelle nous en avons appris un peu plus cet été avec la transmission du rapport sur les relations financières entre l'État et la sécurité sociale.
Les recettes du PLFSS sont marquées par la transformation du CICE en allègement de cotisations, par des exonérations de cotisations salariales sur les heures supplémentaires et par un transfert à l'État des prélèvements sociaux sur les revenus du capital.
En dépenses, il traduit notamment les premières mises en oeuvre du plan santé mais aussi un gel de certaines prestations, ce qui assure le bouclage du texte, l'ensemble affichant un excédent inédit depuis 18 ans de 700 millions d'euros.
Nous sommes très heureux de pouvoir vous présenter ce PLFSS pour 2019, le deuxième du quinquennat. Il reflète l'action du Gouvernement au cours de l'année écoulée et il s'inscrit dans une continuité évidente afin de libérer l'économie et d'améliorer le pouvoir d'achat.
Concernant les politiques sociales et de santé que j'ai la charge de conduire, il concrétise les orientations que le Président de la République et le Gouvernement ont présentées au cours des derniers mois.
Pour la première fois depuis 18 ans, le régime général et le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) seront à l'équilibre : c'est une très bonne nouvelle pour nos concitoyens et notamment pour les plus jeunes, car cela signifie que l'on cesse de creuser la dette et que l'on consolide notre système de sécurité sociale. La Cades reprendra, entre 2020 et 2022, 15 des 27 milliards de dette de la sécurité sociale, encore portée par l'Acoss.
La Haute Assemblée s'était interrogée sur la question de la dette lors des débats du PLFSS pour 2018 et, pour reprendre les mots de M. le rapporteur général, « la dette sociale est une anomalie qu'il convient de faire disparaître ». Le Gouvernement vous a entendu et nous souhaitons faire disparaître l'intégralité de la dette de la sécurité sociale en 2024.
Ce constat est le fondement même de la construction de ce PLFSS et nous permet de conduire les politiques sociales, d'être ambitieux et d'envisager la couverture de nouveaux risques.
Ce PLFSS porte une double ambition : investir pour réorganiser notre système de santé et protéger les plus fragiles.
Le Président de la République a présenté le 18 septembre un plan appelé « Ma santé 2022 » dont l'objectif premier est de mieux organiser et de mieux structurer les soins de proximité, qu'ils soient ambulatoires ou hospitaliers, en dépassant ce clivage qui n'est pas pertinent du point de vue des patients.
Nous voulons définir une stratégie claire pour mieux répondre aux attentes des patients sur l'ensemble du territoire. Ainsi, l'exercice en ville devra être regroupé, pluridisciplinaire et organisé à l'échelle d'un territoire pour mieux répondre aux besoins de soins non programmés. Nous voulons réinvestir dans les hôpitaux de proximité, afin qu'ils puissent collaborer avec les professionnels de santé libéraux pour mieux organiser les soins. Nous définirons des modèles de financement adaptés aux pathologies chroniques pour privilégier la prévention et faciliter la coordination des acteurs. Enfin, il faudra mettre en place des technologies numériques pour rendre les soins plus efficaces. Cette stratégie est très largement partagée par les acteurs du monde de la santé et, je crois, par votre commission. Cette action en profondeur devra être développée au cours des prochaines années mais elle a déjà commencé avec le PLFSS pour 2018.
Ce projet de loi de financement contient diverses dispositions relatives à la prévention, qui reste la pierre angulaire de notre politique de santé. Il comporte également plusieurs dispositifs pour diversifier les modalités de financement des soins, ce qui est l'un des leviers principaux d'action pour opérer la mutation du système de santé. Ainsi, la dotation allouée sur des critères de qualité va passer de 60 à 300 millions d'euros pour les établissements de santé. En outre, une rémunération forfaitaire de suivi de certaines maladies chroniques sera mise en place pour le diabète et l'insuffisance rénale chronique.
Comme l'a annoncé le Président de la République, la priorité donnée à la transformation du système de santé se traduit par un effort financier significatif puisque, en 2019, l'Ondam sera fixé à 2,5 %, soit le taux le plus élevé depuis six ans. Cet effort exceptionnel permettra d'investir dans la transformation. Il sera donc dirigé vers les soins de proximité, la création de communautés professionnelles territoriales de santé, le recrutement d'assistants médicaux et l'augmentation du nombre de structures d'exercice regroupé. Cette augmentation permettra également de moderniser notre appareil de soins, ce qui concerne l'investissement dans les systèmes d'information en ambulatoire au sein des établissements. L'investissement hospitalier s'étant nettement réduit au cours des dernières années, nous risquions une dégradation des conditions d'accueil et de prise en charge. En 2019, une dotation supplémentaire de 200 millions sera allouée à l'aide aux projets d'investissements. D'ici quatre ans, 3,4 milliards d'euros seront consacrés à l'accompagnement du plan, dont un peu moins d'un milliard destiné à la restructuration et la modernisation du tissu hospitalier.
Le PLFSS accordera également une place importante au médicament. Suite à la réunion du comité stratégique des industries de santé qui s'est tenu début juillet, diverses dispositions vont faciliter l'accès à des traitements innovants. Cet objectif est partagé par votre commission. Je veux également poursuivre le développement des génériques. A efficacité thérapeutique égale, l'assurance maladie doit rembourser le médicament le moins onéreux. S'il n'y a pas de motif médical à la délivrance du princeps, et donc s'il n'y a pas la mention « non substituable » sur l'ordonnance, il n'y a aucune raison de faire supporter un surcoût à l'assurance maladie. Je propose donc que, dans ce cas, le princeps soit remboursé sur la base du générique.
Dans le même temps, nous voulons mieux protéger, ce qui signifie améliorer l'accès aux soins et répondre aux besoins des plus fragiles. À cet égard, le PLFSS comporte quatre dispositions principales.
D'abord, il donne l'assise légale au dispositif 100 % santé, qu'on a appelé lors de la présidentielle, « le reste à charge zéro ». Ce dispositif a fait l'objet d'un accord avec les professionnels des trois secteurs concernés : le dentaire, l'optique et l'auditif. Cette réforme ambitieuse va changer l'accès de nos concitoyens, notamment les plus âgés, aux équipements de santé indispensables. Pour les prothèses auditives, le reste à charge moyen s'élève à 850 euros par oreille. À compter de 2021, il sera possible d'accéder à une offre sans aucun reste à charge.
Deuxième disposition : la transformation de l'aide complémentaire santé (ACS) en une couverture maladie complémentaire contributive. Le taux de recours effectif à l'ACS ne dépasse en effet pas 35 %, près de 15 ans après sa création. Nous présentons donc un dispositif plus complet et plus favorable aux personnes pour lesquelles le coût des soins est le plus élevé, notamment les personnes âgées. Elles pourront ainsi, sous les mêmes conditions de ressources que pour la complémentaire santé, bénéficier d'une couverture pour moins d'un euro par jour.
Avec ces deux réformes, nous renforçons encore notre modèle social, à savoir le haut niveau de prise en charge collective des dépenses de santé, même si nous avons aujourd'hui le reste à charge le plus faible du monde.
En troisième lieu, nous renforçons les moyens des Ehpad et la prise en charge des personnes en perte d'autonomie. Nous mettons ainsi en oeuvre la feuille de route que j'ai présentée le 30 mai en accélérant la convergence tarifaire pour renforcer les moyens en soignants. Ainsi, 360 millions supplémentaires seront engagés sur la période 2019 - 2021, dont 125 millions dès 2019.
Cette feuille de route s'inscrit dans une perspective plus large : j'ai lancé le 1er octobre les travaux de la mission de concertation sur le grand âge et l'autonomie qui débouchera, courant 2019, sur un projet de loi, que M. le sénateur Bonne appelait de ses voeux dans son rapport l'an passé.
Dernier axe : le PLFSS met en oeuvre les dispositions du quatrième plan autisme présenté début avril. La mise en place du forfait d'intervention précoce va permettre de combler une réelle carence dans la détection et l'intervention précoces auprès des enfants autistes, avant même qu'un diagnostic ferme soit posé.
Mieux protéger c'est aussi construire un système de retraite universel, équitable, et qui assurera aux Français la pérennité des pensions. Ce PLFSS ne comporte aucune disposition relative aux retraites puisqu'un projet de loi vous sera présenté en 2019. Les concertations du haut-commissaire, Jean-Paul Delevoye, se poursuivent. Nous avons réuni ce matin les partenaires sociaux, ce qui fut l'occasion de préciser les principes sur lesquels devra s'appuyer le système universel.
Mieux protéger, enfin, c'est aussi assumer de donner la priorité aux plus fragiles. Toutes les prestations évolueront en 2019 et en 2020 d'au moins 0,3 %, mais les minima sociaux suivront l'inflation et certains, comme le minimum vieillesse ou l'allocation pour adulte handicapé, bénéficieront de revalorisations exceptionnelles. Le minimum vieillesse aura été ainsi revalorisé de 100 euros au 1er janvier 2020, conformément aux engagements du Président de la République.
Aider les plus fragiles, c'est aussi le sens de la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté présentée le 13 septembre par le Président de la République, et qui donne la priorité aux enfants des familles les plus pauvres. Ainsi, 30 000 places de crèche seront prioritairement créées dans les territoires et pour les familles les plus vulnérables. Pour autant, nous demeurons attentifs aux besoins des familles. Nous allons ainsi aligner la durée du congé maternité des travailleuses indépendantes sur celle des salariées et nous allons améliorer la couverture maternité des agricultrices. Ces mesures d'équité respectent les spécificités d'exercice professionnel des futures mamans. De plus, nous allons majorer de 30 % le montant maximum versé aux parents pour la garde de leur enfant handicapé pour tenir compte des surcoûts de garde. Enfin, nous allons prolonger jusqu'à l'entrée effective à l'école des enfants de 3 ans l'aide à la garde à taux plein, alors qu'elle est aujourd'hui réduite de moitié dès le troisième anniversaire de l'enfant.
Tels sont donc les axes principaux de ce PLFSS. C'est un projet d'avenir, avec une sécurité sociale équilibrée, désendettée, qui investit dans son système de santé et qui protège mieux les plus fragiles.
Tout d'abord, je voudrais insister sur la confirmation de la trajectoire de redressement des comptes publics, notamment les comptes sociaux. Le PLFSS s'inscrit dans les comptes de la Nation. Si l'État est responsable de 30 % des dépenses et les collectivités locales de près de 20 %, les dépenses du champ social sont donc responsables de 50 % des dépenses. À ce titre, le ministre des comptes publics ne peut se désintéresser du redressement des comptes sociaux. Ce PLFSS est donc un complément cohérent et utile aux documents budgétaires d'État que j'ai présentés devant la commission des finances il y a quelques jours, et qui est conforme à la loi de programmation des finances publiques que vous avez votée.
Nous voulons maîtriser les dépenses pour nous désendetter, pour encourager le travail et pour investir dans l'avenir. Nous vous devons quelques excuses pour le retard - modéré - dans la transmission du rapport État - sécurité sociale, sujet extrêmement complexe.
De même qu'il n'y a pas de cagnotte fiscale, il n'y a pas de cagnotte sociale, même si le trou de la sécurité sociale est comblé. Pour la première fois depuis 2001, nous enregistrerons un excédent compris entre 700 et 800 millions. En revanche, nous n'avons pas résorbé notre dette sociale qui se monte à plus de 120 milliards. À la demande du Premier ministre, nous nous sommes engagés à la résorber à l'horizon 2024. Cela nous permettra de nous intéresser aux défis du futur, au vieillissement de la population, à la multiplication des maladies chroniques et à la dépendance.
Nous tenons également les dépenses de santé, et l'Ondam sera porté exceptionnellement à 2,5 %, soit 0,2 % supplémentaires par rapport à l'engagement du Président de la République, ce qui représente 400 millions pour l'investissement dans le cadre de la transformation du système de santé, notamment pour le plan hôpital. Si nous réalisons 5,7 milliards d'économies tout confondu sur le tendanciel du PLFSS, cet Ondam et celui de l'an passé sont les plus élevés de ces dix dernières années. Nous réaliserons 1,8 milliard d'économies sur les 5,7 milliards annoncés en raison de la revalorisation modérée des prestations sociales, dont les retraites.
La dette sociale sera apurée en 2024 car les relations financières entre les deux sphères - État et sécurité sociale » - seront transparentes. Si le déficit de l'État restera inférieur à 3 %, il augmentera facialement en raison des compensations, notamment du CICE. Nous considérons en effet que le champ social doit pouvoir garantir l'apurement de sa dette et se consacrer aux chantiers de demain.
J'en viens aux engagements pris en faveur du travail puisqu'il m'appartient de présenter le volet recettes de ce PLFSS. L'année dernière, nous avons posé la question de la suppression des cotisations. Nous allons passer d'un système assurantiel à un système universel. Pour 2019, nous présentons un projet de loi de financement qui prévoit, en année pleine, des cotisations en moins, soit 266 euros pour un salarié touchant un Smic brut. Ce sera moins visible pour les employés du public, même s'ils bénéficieront, grâce à la suppression des cotisations sur les heures supplémentaires, de 11 % de pouvoir d'achat en plus.
Ces deux mesures cumulées représentent largement plus que les mesures de la loi Tepa de 2008, et bénéficieront en priorité aux employés et aux ouvriers.
Je ne reviendrai pas sur les mesures qui relèvent du champ d'action de Mme Buzyn, à savoir la prime d'activité. Je rappelle simplement les allégements de charges et le CICE, avec le double compte pour les entreprises l'année prochaine. Jusqu'à présent, le monde associatif employeur ne percevait pas le CICE, alors qu'il va bénéficier de l'allègement des charges généralisé. De même, les agriculteurs qui ne touchaient pas le CICE vont bénéficier de ces allègements.
Beaucoup de questions m'ont été adressées sur la suppression du dispositif « travailleurs occasionnels - demandeurs d'emploi » (TO-DE). Le monde agricole gagnera plus de 60 millions avec l'allègement des cotisations, mais des filières pourraient rencontrer quelques difficultés. Le Premier ministre a reçu l'ensemble des organisations syndicales agricoles : il s'est engagé à examiner la question et à envisager une sortie en sifflet. Il a demandé à Mme Buzyn, à M. Travert et à moi-même de proposer en séance publique des aménagements pour des filières spécifiques qui ont besoin d'une main-d'oeuvre importante, comme la viticulture, l'horticulture, les maraîchers, etc... Ces filières intéressent plus particulièrement le sud de la Loire, même si je suis attaché au nord de la Loire...
Je vous remercie pour ces exposés à la fois synthétiques et complets. J'ai néanmoins quelques questions qui vous permettront de préciser votre pensée et surtout de répondre aux attentes de notre commission. Pourriez-vous détailler les baisses de recettes des différents organismes de sécurité sociale qui ne seront pas compensées en 2019 et au-delà ? En effet, le PLFSS apparaît peu clair sur cette question : rien n'est dit en particulier sur les exonérations de forfait social porté par la loi Pacte, dont le montant avoisine celui de l'excédent du régime général et du FSV, soit 600 millions. Devons-nous en déduire que le projet de loi étant naturellement sincère, cette diminution de recettes sera bien compensée ?
J'en viens aux rapports entre l'État et la sécurité sociale : vous n'attendez pas les excédents de la sécurité sociale pour opérer un transfert vers l'État, puisque le PLFSS et le PLF prévoient que les recettes de TVA affectées à la sécurité sociale diminueront de 1,5 milliard en 2020, de 3,5 milliards en 2021 et de 5 milliards à compter de 2022. Est-il raisonnable de prévoir d'ores et déjà une trajectoire aussi ambitieuse et lointaine, en raison des fortes incertitudes qui pèsent sur l'équilibre financier ? Je pense à la conjoncture, à la réforme des retraites, à la dépendance : tous ces sujets risquent de peser sur les comptes de la sécurité sociale, alors qu'il reste 8 à 13 milliards de dettes à court terme qui sont logés à l'Acoss.
L'affectation de la CSG et de la CRDS - qui portent sur les revenus patrimoniaux - au FSV et à la Cades ne créent-ils pas un risque au regard du droit communautaire ? Je pense en particulier à la jurisprudence de Ruyter.
Vous avez parlé de diversification de la tarification, notamment à l'hôpital, pour le soin des maladies chroniques comme le diabète et l'insuffisance rénale. Mais rien sur la psychiatrie, alors qu'un Français sur cinq souffre ou souffrira dans sa vie de dépression. Ne serait-il pas utile de prévoir un parcours de soins qui intègre tous les acteurs de la chaîne, à commencer par le médecin généraliste ? C'était une des préconisations d'un rapport du président Milon en 2012.
Quelles mesures de lutte contre les déserts médicaux le PLFSS contient-il ? Quel montant représentent-elles ?
L'insistance paie : voilà trois ans que je rappelle qu'il est dangereux de maintenir à l'Acoss les déficits cumulés. Mon voeu est enfin - partiellement - exaucé, puisque vous en transférez une partie.
Ce matin, le Premier président de la Cour des comptes a évoqué 23 milliards d'euros de déficit résiduel, dont 15 milliards d'euros transférés et 8 milliards d'euros maintenus à l'Acoss. Et vous parlez de 27 milliards d'euros. Quel est le bon chiffre ?
Votre idée est de faire absorber les 15 milliards d'euros transférés par un prélèvement sur la CSG, pour que la Cades expire bien en 2024. Vous pensez que les 8 milliards d'euros restant pourront être absorbés par l'Acoss grâce aux excédents conjoncturels. N'est-ce pas risqué ? La baisse de la croissance et une conjoncture mondiale obscurcie par le protectionnisme et le Brexit pourraient condamner ces 8 milliards d'euros à demeurer à l'Acoss. N'aurait-il pas été plus raisonnable de transférer l'ensemble des 23 ou 28 milliards d'euros et de faire financer ce transfert par la CRDS, dont c'est justement l'objet ? Vous auriez pu diminuer d'autant la CSG, d'ailleurs. Il importe en tous cas de supprimer la CRDS en 2024 : ce sera un symbole fort.
On utilise beaucoup la CSG... Ne pourrait-on réfléchir à la modulation du taux de TVA sur certains produits d'importation, ou de haut de gamme ? En effet, la CSG est une taxe subie et imposée, alors que la TVA - si on élimine les biens de consommation courante - est une taxe choisie.
Certains articles posent assez peu de difficultés. C'est le cas de ceux relatifs à la qualité des établissements ou au financement forfaitaire. Certains concernent les déserts médicaux. L'article 33 porte sur le reste à charge zéro. Nous commençons à peine nos auditions... Notre avis est plutôt favorable sur l'extension de la CMUC, surtout pour des personnes dont les revenus étaient juste au-dessus du seuil. Sur les génériques, la mention manuscrite « non substituable » devra désormais reposer sur des critères médicaux objectifs. Comment fera le praticien, concrètement ?
Le ralentissement de l'activité des hôpitaux s'est révélé plus important qu'anticipé - ce qui a permis de compenser le dépassement de l'enveloppe de soins de ville. Dans un contexte de baisse des tarifs de séjour, cela va fragiliser la situation financière des établissements de santé : le déficit des hôpitaux publics a quasiment doublé ! Comment s'explique ce ralentissement de l'activité hospitalière ? On l'impute parfois à l'ambulatoire, mais la Cour des comptes estime que cela n'explique pas tout. Il y a aussi le vieillissement de la population, la chronicisation de certaines maladies... Quelles mesures envisagez-vous pour réduire le déficit hospitalier et soutenir les établissements en difficulté ? La Cour préconise une réserve prudentielle sur les dépenses de soins de ville. Y avez-vous songé ?
L'article 42 porte sur la refonte importante du dispositif des autorisations temporaires d'utilisation (ATU). Notre rapport avait souligné le besoin d'avoir des ATU qui s'appliquent aux extensions d'indication. Cet article est très complexe ! Il y a un encadrement financier des spécialités sous ATU. L'extension d'indication va-t-elle donner lieu à un relèvement des plafonds ? L'article parle aussi de nouvelles modalités quant à la fixation du prix des spécialités sous ATU, avec une compensation fixée par le ministre de la santé. S'il y a une différence de prix importante avec nos voisins européens, n'y aura-t-il pas danger pour l'accès des patients français à l'innovation ? Cette évolution avait-elle été actée par le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS) de juillet dernier ?
Le PLFSS pour 2019 prévoit une revalorisation des prestations familiales à hauteur de 0,3 % pour 2019 et pour 2020. Mais les prévisions d'inflation du Gouvernement pour ces années sont respectivement de 1,3 % et de 1,4 %. Cette moindre revalorisation des prestations ne défavorise-t-elle pas les familles bénéficiaires ? Alors que vous prévoyez un solde positif de 1,2 milliard d'euros en 2019 pour la branche famille, comment justifier ce décalage ?
La nouvelle convention d'objectifs et de gestion entre l'État et la Cnaf 2018-2022 fixe pour objectif d'ouvrir 30 000 nouvelles places de crèches et 1 000 relais assistantes maternelles. Cela a été rappelé par le Président de la République lors de la présentation du plan pauvreté il y a quelques semaines. Quels sont les moyens alloués ? Le Président a précisé que seuls 10 % des investissements seraient à la charge des collectivités. Mais c'est surtout le fonctionnement qui pose problème, car il coûte vraiment très cher.
Nous avons examiné ce matin une proposition de loi sur les aidants, à laquelle son auteur, Mme Guidez, tient beaucoup. Je vous sais très sensible à ce sujet, madame la ministre - vous menez actuellement une grande consultation sur la dépendance. La tentation du Gouvernement sera probablement de repousser cette proposition de loi. Pourtant, celle-ci concerne non seulement la dépendance mais aussi la santé publique : on sait combien d'aidants s'épuisent auprès des aidés. Ce serait l'occasion de suivre le travail du Sénat, notamment sur l'indemnisation du congé de proche aidant. Il faut appréhender cette proposition de loi comme une opportunité et ne pas y voir une contrariété.
Il n'y a presque rien sur les retraites dans ce PLFSS, dites-vous. Mais la trajectoire 2019-2022 prévoit la revalorisation des retraites à un taux de 0,3 %. C'est une vraie mesure d'économie structurelle ! Le niveau de vie des retraités sera accru par la diminution de la taxe d'habitation, mais affecté par les modifications des APL et de la CSG... Est-ce la comparaison avec les autres pays européens qui vous a inspirés ?
Vous avez confirmé ce matin que le taux de cotisation sera de 28 % pour les salariés et les fonctionnaires et de 14 % pour les indépendants. L'âge légal restera de 62 ans. Donc, pour l'équilibre des retraites, le seul paramètre sera le niveau des pensions. Assumez-vous sa diminution à venir ?
Pour la transition, vous avez parlé de 40 ans. Les deux systèmes vont-ils cohabiter ? Y aura-t-il une place pour le régime complémentaire ? Qu'adviendra-t-il des réserves des différents régimes ?
La branche AT-MP est en excédent depuis quelques années. Toutefois, la sous-reconnaissance des maladies professionnelles continue de peser sur son équilibre puisqu'elle occasionne un transfert d'1 milliard d'euros à la branche maladie ainsi que l'imputation d'une dépense de 930 millions d'euros au compte spécial. Quelles mesures concrètes comptez-vous déployer pour renforcer la reconnaissance des maladies professionnelles et l'identification des entreprises responsables ? Envisagez-vous un système de bonifications pour les médecins qui détecteraient une maladie professionnelle, comme en Allemagne ?
La Cour des comptes, dans son rapport sur l'application de la loi de financement de la sécurité sociale, appelle à un renforcement de l'application de cotisations supplémentaires par les caisses d'assurance retraite et de santé au travail (Carsat) pour sanctionner les entreprises n'ayant pas pris les mesures de prévention nécessaires. Avez-vous prévu des objectifs précis sur ce point dans le cadre de la convention d'objectifs et de gestion de la branche AT-MP pour la période 2018-2022 ? Il faut inciter les entreprises à mettre en oeuvre des dispositifs de prévention.
La députée Charlotte Lecocq plaide pour un guichet unique de la prévention qui réunirait les services de santé au travail et les préventeurs des Carsat. Or, le vice-président de la commission nationale des AT-MP s'est récemment opposé au transfert de l'activité de prévention de la branche à un opérateur privé régional unique. Quelle est votre position sur ce sujet ?
Le PLFSS ne comporte guère de mesures médico-sociales. Je me réjouis tout de même que l'Ondam augmente de 2,5 %, en regrettant que cette hausse se limite à 2 % pour le médico-social. Je me réjouis aussi que l'on puisse enfin débattre sur le règlement du problème de l'autonomie. Voilà des années qu'on cherche une solution ! Le PLFSS propose la convergence tarifaire au niveau des Ehpad. C'est une excellente solution : dommage qu'on ne l'étende pas aux GIR et aux départements. Avez-vous prévu une compensation pour les départements pour éviter les pertes de certains établissements publics ?
La baisse des cotisations dont bénéficieront les intervenants à domicile compensera largement le CICE, dites-vous. Or, ils bénéficient déjà d'une réduction et ne seront donc pas gagnants.
L'article 28 instaure pour les maladies chroniques un forfait, qui serait déterminé pour les médecins. Comment sera-t-il calculé ? Par qui ? Je vous félicite de prévoir enfin, à l'article 29, une activité médicale hors les murs de l'hôpital, qui permettra peut-être de combler en partie la désertification médicale.
M. le rapporteur général nous interroge sur les relations entre l'État et la sécurité sociale. Le Gouvernement a souhaité mettre un terme à une certaine hypocrisie, qui dure depuis la loi ayant instauré une compensation intégrale, puisqu'en réalité, tout n'est pas compensé. De plus, il y a peu de responsabilisation et beaucoup de tuyauterie ! Résultat : on a du mal à comprendre comment tout cela fonctionne : crédits budgétaires, transferts de recettes... En tous cas, en 2019, un total de 36 milliards d'euros seront transférés de l'État à la sécurité sociale. Cela représente un tiers du déficit de l'État ! Sur cette somme, 23 milliards d'euros concernent les allègements généraux. Par comparaison, les pertes de recettes non compensées ne représentent que 2 milliards d'euros. L'idée est que chacun soit responsable des allègements décidés.
Justement, si ! La sécurité sociale est l'affaire de tous. La dualité des textes financiers nous pousse à la schizophrénie...
Ne seront pas compensés en 2019 : les 300 millions d'euros de CSG, pour les 300 000 retraités qui sortiront du dispositif ; les 600 millions d'euros du forfait social ; les 600 millions d'euros de la suppression de cotisations sociales sur les heures supplémentaires ; les 400 millions d'euros de compensation du CICE pour les régimes spéciaux. Total : 2 milliards d'euros, qui s'ajoutent aux 700 millions d'euros de l'an dernier de non-compensation du CITS.
Pour les retraités, il y a des plus et des moins. Les plus, c'est la taxe d'habitation.
Pour la taxe d'habitation, c'est l'État qui a compensé la baisse de recettes pour les collectivités territoriales.
La majorité sénatoriale a elle-même préconisé par la voix d'Alain Vasselle l'augmentation de la CSG mais, à l'époque, sans compensation. Nous, nous considérons qu'il ne faut pas créer d'impôt supplémentaire. Il n'y a d'ailleurs pas d'augmentation du taux général : les retraités bénéficiaient d'un taux réduit, que nous avons augmenté mais ils bénéficient toujours d'un taux réduit.
Sur la jurisprudence de Ruyter, les instances européennes n'ont pas remis en cause le prélèvement, mais son affectation. Nous avons commandé un rapport à Mme Genetet, députée des Français établis hors de France. Le Parlement adoptera sans doute une partie de ses propositions qui consisterait à regarder le sujet des non-résidents dans un cadre européen, qui sont affiliés à un autre régime de sécurité sociale.
La différence que vous avez évoquée entre les chiffres de 23 milliards d'euros et de 28 milliards d'euros de dette Acoss reflète, je crois, une simple différence de champ.
Pour les particuliers-employeurs, nous déposerons un amendement proposant une compensation de 65 millions d'euros, avec un plafond de 1,2 Smic, soit la quasi-intégralité de leurs salaires.
Il y a moins de questions cette année sur l'équilibre de nos comptes publics. Tant mieux ! Mais qu'auriez-vous fait ? J'ai entendu M. Woerth et M. Wauquiez hier.
Nous avons fait le choix de la revalorisation modérée, à 0,3 %. Votre proposition aurait été de baisser de façon extrêmement importante toutes les prestations sociales, pour atteindre 75 % du Smic. Nous faisons l'inverse. Vous proposez aussi que des personnes cotisent pendant trois ans sans bénéficier de systèmes sociaux - et notamment les étrangers... Je suppose que le groupe LR déposera des amendements.
Pour moi, la TVA, même en excluant les produits de première nécessité, frappe proportionnellement plus les plus modestes.
Deux remarques. Si Éric Woerth et Laurent Wauquiez avaient été au Gouvernement, il me semble que vous auriez été avec nous... Le rapport que vous avez évoqué porte effectivement sur l'augmentation de la CSG mais dans l'optique du remboursement de la dette de la sécurité sociale.
Je serai moins percutante !
Toutes les mesures présentées dans le plan Santé sont d'ores et déjà intégrées : postes d'assistants salariés, assistants médicaux, financement des communautés professionnelles de territoires de santé, plateformes territoriales d'appui, sans oublier tout ce qui concerne les créations et le fonctionnement des maisons de santé pour les professionnels. Toutes ces mesures sont prévues dans les 125 millions d'euros destinés à améliorer l'accès aux soins. Nous y ajoutons 52 millions d'euros dédiés à l'amélioration des systèmes d'information à l'hôpital comme en ville, qui permettront de dégager du temps médical. De plus, 200 millions d'euros concernent directement les investissements hospitaliers en immobilier.
Nous commençons par diversifier uniquement la T2A hospitalière. En effet, cela implique d'importants efforts de modélisation. Progressivement, cette forfaitisation s'étendra au secteur libéral pour d'autres pathologies.
La psychiatrie fait partie du champ mais elle n'est pas financé par la T2A : heureusement qu'on ne gagne pas de l'argent en gardant les patients psychiatriques hospitalisés ! Mais la psychiatrie sera dans le champ de la réflexion générale autour de la forfaitisation des parcours.
Vous m'avez interrogé sur la réforme des ATU. Effectivement, l'article 42 est complexe. La régulation des extensions d'indication entre dans le cadre conventionnel. La réforme prévoit qu'une compensation, fixée par le ministre, soit accordée à l'entreprise qui souhaite disposer d'une ATU pour une extension d'indication. L'idée est d'éviter les difficultés actuellement observées, liées au fait que les industriels souhaitent que l'ATU sur l'extension d'indication bénéficie du prix pour lequel le médicament est déjà autorisé, et qui généralement est le prix très élevé d'entrée puisque, dans la stratégie des industriels, il y a souvent une première indication qui concerne des pathologies orphelines, comme le mélanome, et des extensions d'indication qui concernent des pathologies beaucoup plus fréquentes. Pour éviter d'être bloqué avec un prix très élevé d'entrée, il est prévu que le ministre fixe le prix de cet accès précoce en extension d'indication à partir des règles générales de fixation des prix. L'exposé des motifs de la mesure a été tout de même modifié pour tenir compte de remarques des industriels concernant les références existantes. De plus, le principe de reversement rétroactif post-négociation du prix reste maintenu et leur garantit que le prix négocié s'appliquera, y compris sur la période d'ATU, même si le prix initial que nous aurons fixé sur l'ATU est plus faible que le prix négocié in fine. Enfin, nous nous sommes engagés à ce que l'on parle de prix facial, qui est le seul connu internationalement, alors que le prix net provisoire reste confidentiel et leur permet de négocier leur prix à l'international. Tout cela explique la complexité de la mesure !
Nous avons remarqué que l'un des freins à la substitution des médicaments par des génériques est la mention « non substituable » inscrite sur l'ordonnance, dans une proportion qui est passée en six ans de 2 % à 9 % des ordonnances. Il y a donc une tendance des médecins à prescrire du non substituable. L'objectif est de la contrer en définissant précisément les cas où la mention « non substituable » est médicalement justifiée. Trop de patients se déclarent tout simplement allergiques au générique... Pour les génériques à marge thérapeutique étroite, il faudra une attention toute particulière, et cette mention n'aboutira pas à la levée du secret médical.
En effet, le ralentissement de l'activité des hôpitaux est plus important que prévu. La Cour des comptes estime que le virage ambulatoire ne peut pas expliquer la totalité de cette baisse d'activité. La proportion d'actes réalisés en ambulatoire augmente tout de même de plus de deux points par an. Pour 2018, nous avons tenu compte dans les tarifs de cette baisse d'activité. Nos premières estimations nous font penser qu'elle continue. C'est un mouvement en profondeur, dont nous ignorons les causes. En tous cas, nous traitons avec le plan « Ma santé 2022 » les causes des difficultés de l'hôpital en améliorant la structuration des soins sur le territoire pour renforcer l'offre de proximité, notamment dans le secteur libéral. L'idée est de donner aux hôpitaux les leviers pour adapter leur rôle. D'où l'idée de gradation des soins, avec des hôpitaux de proximité qui seront recentrés sur une actualité de proximité pour éviter la dispersion des plateaux techniques et des compétences dans tous les hôpitaux locaux, régionaux et les CHU. Puis, nous conduisons des améliorations de la performance des hôpitaux dans le cadre du programme « Performance hospitalière pour des achats responsables » (Phare), qui permet une très forte professionnalisation des acheteurs, et du programme « SIMplification du Parcours HOspitalier du patient et Numérisation des Informations Echangées » (Simphonie), qui améliore la facturation et le recouvrement des recettes. Enfin, nous avons un accompagnement spécifique pour les hôpitaux les plus en difficulté, avec des mesures de suivi par les ARS. Nous sommes très attentifs à cette dégradation de la dette hospitalière et souhaitons qu'elle ne s'aggrave pas en 2018.
Quant à l'idée d'une réserve prudentielle sur les soins de ville, la construction de l'Ondam pour 2019 inclut d'ores et déjà une provision de 120 millions d'euros sur l'objectif soins de ville, à la suite des préconisations de la Cour des comptes sur une meilleure régulation de l'enveloppe.
Comment justifier le décalage entre la revalorisation de 0,3 % et l'inflation ? Nous orientons les financements supplémentaires sur les familles les plus en difficulté, avec le plan de lutte contre la pauvreté. Nous travaillons notamment à un parcours de santé 0-6 ans, à une facilitation de l'accès aux crèches pour les familles les plus défavorisées, en incitant à la création de places dans les quartiers classés en politique de la ville, sans oublier les petits déjeuners à l'école et les tarifs sociaux dans les cantines. L'année dernière, nous avons pris des mesures particulières en faveur des familles monoparentales, qui font partie des familles les plus pauvres.
Le Fonds national d'action sanitaire et sociale (Fnass) verra ses moyens croître de 10 % pour atteindre 6,38 milliards d'euros en 2022. Nous créerons 30 000 places supplémentaires de crèches et 500 000 places supplémentaires en accueil de loisirs dans le cadre du plan Mercredi. Il y aura une réforme du mode de financement des crèches pour s'assurer qu'une part significative de ces places soient créées dans les quartiers prioritaires politique de la ville, et que davantage d'enfants issus des familles modestes y soient accueillis. Nous avons créé un bonus territoire et un bonus mixité qui va jusqu'à 1 000 euros par place et par an. Et nous avons majoré de 30 % le montant maximal de complément de libre choix accordé aux familles monoparentales dans les PLFSS pour 2018.
Oui, la problématique des aidants est un enjeu de société et de santé publique. Mais nous souhaitons développer une politique ambitieuse d'accompagnement et de valorisation des aidants dans le cadre de la réforme sur l'autonomie et le grand âge. Cela ne se limitera pas aux aidants des personnes âgées mais concernera aussi ceux des personnes malades et des personnes handicapées.
Notre proposition est donc d'attendre les conclusions de la concertation nationale « grand âge et autonomie », prévues en fin d'année. Cette concertation comporte un atelier spécifique sur les aidants et la lutte contre l'isolement, avec des réflexions qui concernent le bilan de la loi relative à l'adaptation de la société au vieillissement, le non-recours aux droits, ou la rémunération du congé pour aidant. Il serait prématuré de voter des mesures sur les aidants dès cette année. Bien sûr, nous tiendrons compte de vos travaux, mais aussi des résultats de la consultation.
Nous n'avons pas voulu dissocier les aidants de personnes handicapées des aidants de personnes âgées.
Nous assumons la moindre revalorisation des pensions, de 0,3 % sur deux ans, mais nous prenons des mesures spécifiques pour les personnes les plus en difficulté. Clairement, dans le budget des personnes âgées ayant une petite retraite, la part de la santé et du reste à charge est prédominante. Nous avons donc orienté les financements supplémentaires de manière à annuler le reste à charge pour l'optique, les soins dentaires ou les audioprothèses. Nous organisons aussi un accès à une complémentaire santé modifié, avec un panier de soins élargi, notamment pour les besoins des personnes en situation de handicap. Cela concerne tout de même 1,2 million de personnes : ce PLFSS est clairement orienté en faveur des petites retraites et des petites pensions.
Vous m'avez beaucoup interrogé sur la réforme. Je ne souhaite pas en dire plus que ce matin. L'ensemble des partenaires sociaux s'engagent à poursuivre la concertation. Les premières pistes et les premiers principes ont été posés, je ne souhaite pas y revenir. Nous avons fait le choix d'une concertation approfondie, sur le temps long, avec des périodes de transition longues entre les deux régimes.
Nous avons confié aux partenaires sociaux une négociation sur l'aspect santé au travail. Le rapport de Mme Lecocq sert de base mais n'est pas inscrit dans le marbre ! Les partenaires sociaux négocient actuellement sur l'amélioration de la prévention.
Vous m'interrogez sur la convergence des tarifs autour du GIR pour les départements. Nous nous sommes engagés à une compensation pour les perdants sur deux ans, ce qui nous laisse le temps de la concertation. J'ignore sur quoi cette concertation va déboucher. Évidemment, la concertation sur le grand âge et la perte d'autonomie va probablement apporter des pistes de réforme en profondeur et je ne suis pas sûre que notre fusée à trois étages, telle qu'elle existe aujourd'hui, sera toujours d'actualité dans trois ans.
Sur l'article 28, vous m'interrogez sur le forfait pour les médecins. Nous constatons une augmentation des maladies chroniques, et nous nous engageons vers une diversification du mode de tarification de la médecine. Il y aura toujours une tarification à l'acte, mais nous y ajoutons une tarification forfaitaire. La mission du ministère sur ce sujet n'est pas encore en mesure d'apporter des réponses sur la partie soins de ville. Pour l'heure, donc, la diversification portera essentiellement sur le mode de financement des hôpitaux. Ces forfaits concerneront l'ensemble des professionnels de santé dans le PLFSS pour 2020.
Le rétablissement des comptes de la sécurité sociale est une excellente nouvelle pour notre protection sociale et pour le pays. Les actions qui ont permis d'obtenir ce résultat ont été entreprises avant 2017...
Plusieurs centaines de praticiens hospitaliers se sont exprimés à nouveau en début de semaine dans la presse nationale pour souligner la dégradation des conditions de travail, qui peut entraîner une dégradation des soins. Le plan santé présenté par le Président de la République n'apporte pas de réponse dans l'immédiat à cette situation des hôpitaux, ni à la surcharge des urgences. Le gel prudentiel sera-t-il réaffecté au secteur hospitalier ou à un autre domaine ?
Nous sommes opposés à la fin de l'indexation des pensions de retraite et d'un certain nombre d'allocations.
La psychiatrie n'est-elle pas le secteur oublié de ce PLFSS ? Quel est votre regard sur ce secteur dégradé, en particulier dans le Nord et le Nord-Est ?
Vous avez évoqué la question de l'accès aux soins. Une étude publiée aujourd'hui indique que l'ophtalmologie est le secteur le plus concerné, avant la dermatologie et la cardiologie. Il existe une profession, l'optométrie, reconnue dans plusieurs pays. Elle n'est pas interdite en France mais elle n'y est pas reconnue. Pourquoi ? Elle apporterait un élément de solution à cette crise.
Nous avons travaillé sur les pénuries de médicaments. Je souhaiterais pouvoir vous entretenir de nos conclusions. À côté de la maîtrise des prix et des coûts des médicaments, à côté de la notion de sécurité et de qualité du médicament, il faudrait introduire une troisième notion : la disponibilité du médicament.
Vous avez rappelé la loi Veil de 1994. Je ne partage pas votre analyse. La non-compensation est une mesure non seulement financière mais aussi fortement symbolique. Elle va changer progressivement la nature de la sécurité sociale. La reprise de dette par la Cades est une bonne mesure. Elle sera compensée par le versement de 5 milliards d'euros de CSG. Pourquoi pas ? Mais ces 5 milliards d'euros manqueront à d'autres branches.
Après la hausse de 2,5 % de l'Ondam, nous avions des raisons d'espérer une bouffée d'oxygène pour tous les acteurs de santé. Mais l'annonce de 150 millions d'euros d'économies à fournir par le secteur de la prestation de santé à domicile en 2019 tombe comme un couperet. Entre 2013 et 2016, la prestation de soins à domicile a contribué largement à la maîtrise des dépenses en apportant 50 millions d'économies par an dans le cadre des baisses de prix successives et, en 2017-2018, cet effet annuel a été portée à 90 millions d'euros. Sur quel champ d'activité le Gouvernement compte-t-il trouver encore 150 millions d'euros d'économies ? Quelle catégorie de patients seront sacrifiés ?
Le système de santé français est à la fois le plus généreux du monde et, parfois, le moins compréhensible. Souvent, on ne sait pas quelles sont les démarches à effectuer pour se faire rembourser ou pour se faire soigner. La coordination des intervenants est un des points critiques de notre système de santé. Dans cette vaste jungle, vous allez créer une nouvelle profession : les assistants médicaux, à mi-chemin entre les infirmières et les secrétaires médicales. Ne craignez-vous pas d'ajouter la confusion à la confusion ? Pourquoi ne pas avoir choisi de renforcer le rôle de coordinateur des infirmières, au lieu de créer un nouveau poste ?
Madame la ministre, vous avez évoqué la prévention, mais quelle en est votre définition ? Durant mes études médicales, nous apprenions que la prévention primaire empêchait la maladie de survenir, la prévention secondaire la récidive et la prévention tertiaire les complications. J'ai l'impression que vous mettez beaucoup en avant la prévention tertiaire et je note que la baisse du budget consacré au sport ne va pas dans le sens d'un développement de la prévention...
Par ailleurs, à quels professionnels est destiné le forfait d'intervention précoce dans l'autisme ? Je suis pédiatre et je ne peux que m'inquiéter de la disparition programmée de cette spécialité... Est-ce que des non-spécialistes pourront intervenir et bénéficier de ce forfait ?
Je concentrerai mon intervention sur la branche AT-MP, qui - je le rappelle - est excédentaire depuis 2013.
Tout d'abord, comme Yves Daudigny qui parlait des retraites, je regrette profondément le choix du Gouvernement de sous-indexer les pensions d'invalidité et les rentes servies par la branche.
Nous avons auditionné ce matin le premier Président de la Cour des comptes ; le rapport qu'il nous a présenté avance un certain nombre de recommandations, notamment en ce qui concerne la mise en place d'une tarification incitative liée à la prévention tant pour les accidents du travail que pour les maladies professionnelles. Reprendrez-vous tout ou partie de ces recommandations ?
En ce qui concerne la santé au travail, le rapport de notre collègue députée Charlotte Lecocq préconise un certain nombre de recommandations, qui ont déjà suscité des réactions. Il ne mentionne pas, ou très peu, la situation des agents de la fonction publique. Certes, la mission confiée par le Premier ministre n'englobait pas spécifiquement ce secteur, mais quelles sont vos intentions en la matière à l'égard des fonctionnaires, qu'ils soient d'État, territoriaux ou hospitaliers ? Avez-vous l'intention d'intégrer des mesures dans ce PLFSS ?
Le sujet de la reconnaissance des maladies professionnelles fait toujours débat. C'est évidemment le cas pour l'amiante. De nombreux territoires sont touchés par ce fléau, qu'il s'agisse du Tripode à Nantes ou de la région de Condé-sur-Noireau dans mon département, le Calvados, où le parquet a récemment demandé un non-lieu au bénéfice des anciens responsables de l'usine concernée, ce qui pose à nouveau la question essentielle de la responsabilité des employeurs.
Enfin, je voudrais savoir si vous disposez déjà d'une évaluation des conséquences de la disparition des CHSCT prévue par les ordonnances présentées par votre collègue Muriel Pénicaud à l'automne dernier sur la santé au travail et la prévention ?
Les hôpitaux publics sont confrontés à de très graves difficultés qui entraînent d'ailleurs les nombreux mouvements que nous connaissons. Avec mon groupe politique, le CRCE, j'ai réalisé un tour de France des hôpitaux et nous avons recueilli les doléances des personnels, qui souffrent profondément. Les besoins en santé augmentent chaque année de 4,5 % et l'Ondam ne progresse que de 2,5 %, ce qui est totalement insuffisant.
Vous annoncez des investissements supplémentaires à hauteur de 200 millions d'euros dans les hôpitaux, mais cela représente bien peu si l'on rapporte cette enveloppe au nombre d'établissements concernés - 3 089 en 2015 selon une étude de la DREES ! Pourtant, les attentes et les besoins sont immenses. Comment comptez-vous redresser réellement la situation ?
En ce qui concerne l'interruption volontaire de grossesse, vous avez pris des positions que je salue, madame la ministre, en répondant à certaines déclarations inquiétantes. Pourtant, 5 000 femmes sont obligées d'aller à l'étranger chaque année pour avorter. Quels sont les moyens prévus dans ce PLFSS pour conforter ce droit fondamental ?
De manière générale, je suis assez inquiète sur le financement de la sécurité sociale. Le Gouvernement multiplie les réductions de cotisations ou de charges pour les entreprises : 20 milliards d'euros pour la suppression totale des cotisations au niveau du Smic, 26 milliards versés en 2019 pour le CICE au titre de 2018 et à peu près autant du fait de la transformation du CICE en abattement de cotisations sociales. Dans le même temps, vous demandez aux plus vulnérables des efforts importants, je pense notamment à la revalorisation des pensions ou des allocations qui est limitée à 0,3 %, soit un niveau bien inférieur à l'inflation. Sans parler de la hausse de la CSG... Comment justifier une telle différence de traitement entre les entreprises et les personnes qui bénéficient d'allocations ou de prestations sociales ?
Enfin, je relève que le financement de la sécurité sociale dépend de plus en plus de la CSG plutôt que des cotisations, ce qui ne correspond à l'idée que nous nous faisons du système français. Vous envisagez un excédent du budget de la sécurité sociale. Comment être certains que cet excédent bénéficie effectivement à la sécurité sociale, et pas au budget de l'État ?
Madame la ministre, vous avez évoqué la prévention précoce de l'autisme. Je salue votre volonté d'augmenter de 30 % le complément du mode de garde pour les parents qui ont un enfant porteur de handicap, mais j'attire votre attention sur l'effectivité de cette mesure. En effet, il faut savoir que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé, AEEH, est déjà sous-utilisée pour les jeunes enfants.
Nous revenons donc à la question centrale : l'information et la formation des professionnels, en particulier ceux qui travaillent dans des structures qui reçoivent de jeunes enfants - services de protection maternelle et infantile, centres d'action médico-sociale précoce...
Nous le savons, il est très important de développer une approche globale pour les tout-petits. Or certaines caisses d'assurance maladie refusent certaines prises en charge ou font des difficultés aux parents pour des remboursements, lorsqu'il s'agit de consultations « hors cadre » ou qui ne rentrent pas dans le protocole de soins. Je pense notamment à des séances d'orthophonie ou de rééducation, qui peuvent se révéler très intéressantes, y compris sur des enfants qui ont un syndrome du trouble du comportement, sans être nécessairement diagnostiqués autistes.
Je rappelle que la prévention permet une meilleure prise en charge, ainsi que des économies sur de futures dépenses thérapeutiques. C'est pourquoi j'ai été étonnée l'an passé, quand des amendements que j'avais déposés avec Corinne Féret ont été déclarés irrecevables au titre de l'article 40 de la Constitution.
Je voulais aussi vous faire part de certaines inégalités dans l'accès aux soins, notamment pour les femmes porteuses de handicap. Envisagez-vous de prendre des dispositions dans ce PLFSS pour pallier cette difficulté, qui concerne surtout la médecine de ville ? Nous savons bien que les personnes handicapées recourent encore moins que les autres à la prévention.
Nous aurons bientôt l'occasion, lors de l'examen d'une proposition de loi, de parler des décisions prises par le Gouvernement au sujet de l'allocation adulte handicapé, mais je veux quand même vous faire part de la profonde colère des personnes handicapées, qui trouvent que ces annonces ne correspondent pas franchement à la réalité qu'elles vivent au quotidien. Je pense notamment aux couples.
Je voudrais vous dire toute mon admiration devant le talent que vous déployez pour présenter de façon élogieuse une situation qui ne le mérite pas ! J'ai rarement rencontré au cours de ma vie politique, pourtant longue, une manière aussi particulière de présenter les choses...
Premier exemple, les heures supplémentaires. Vous nous dites, monsieur le ministre, que l'exonération de cotisations sociales permettra d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés. Cela serait vrai, si tout le monde pouvait faire des heures supplémentaires et si elles dépendaient de la volonté du salarié. Or, nous le savons, cette décision dépend de l'employeur, qu'il soit privé ou public. Je crois vraiment qu'il faut arrêter de faire des effets d'annonce !
Je ne peux pas éluder l'évolution très faible, 0,3 %, des pensions de retraite, des aides au logement - APL -, des prestations familiales, des rentes AT-MP et des pensions d'invalidité. Vous demandez constamment des sacrifices aux plus faibles et aux plus vulnérables !
Autre exemple, au prétexte de trouver de l'argent, vous ponctionnez à la sécurité sociale 600 millions d'euros pour payer la disparition du forfait social, 2,5 milliards pour l'exonération des heures supplémentaires et environ 7 milliards au titre de la suppression du CICE remplacé par une exonération de charges sociales, soit un total d'à peu près 10 milliards d'euros ! Qui plus est, vous en faites une règle : au-delà d'un milliard d'euros d'excédents, l'État ponctionnera la sécurité sociale. C'est tout simplement inadmissible ! Ce procédé attaque les principes mêmes de notre sécurité sociale, dans laquelle chaque personne finance sa propre assurance. Vous allez faire payer des dépenses de l'État par des cotisations de sécurité sociale. C'est encore plus inadmissible, quand on connaît la situation dans les hôpitaux...
Par ailleurs, nombre de questions se posent sur les optométristes et je partage le sentiment d'Yves Daudigny à ce sujet. J'ai eu l'occasion de déposer deux amendements qui ont été retoqués ; j'espère que, cette année, j'aurai le bonheur d'assister enfin à leur adoption.
Première question, monsieur le ministre, les modalités de calcul de la prime d'activité, qui est censée augmenter de 20 euros par mois. J'ai lu dans la presse que le décret qui prévoit cette mesure modifie aussi le coefficient utilisé, qui est passé de 62 % à 61 %. Cette modification peut paraître dérisoire, mais en réalité, elle limite l'augmentation de la prime d'activité à seulement 7 euros, sans compter l'inflation qui va évidemment grever cette hausse. J'ai fait le calcul, je peux vous confirmer cette information !
Vous avez indiqué que les associations ne bénéficieraient plus du crédit d'impôt sur la taxe sur les salaires, le CITS. Vous proposez à la place une nouvelle exonération. Pourquoi pas ? Le problème est que vous réfléchissez à enveloppe constante, 120 millions d'euros, alors que le nombre de bénéficiaires du nouveau dispositif sera plus élevé que celui du précédent. Ainsi, les associations qui sont éligibles au crédit d'impôt actuel verront leurs moyens d'action amputés. Quand on connaît la situation dans les Ehpad, on peut s'interroger sur cette mesure...
La fusion de la CMU-c et de l'ACS, qui fait partie du plan Pauvreté, a pour objectif de rendre plus efficace l'aide aux plus vulnérables. Je rappelle qu'environ deux Français sur trois éligibles aujourd'hui n'utilisent pas ces dispositifs. De nombreuses personnes, en particulier handicapées, connaîtront ainsi une meilleure prise en charge, par exemple en ce qui concerne les dispositifs médicaux, dont les fauteuils roulants.
Le dispositif à l'étude permettra notamment d'offrir à tous les assurés sous le plafond de ressources la prise en charge complémentaire de la totalité des frais sur un large panier de soins. Comment éviter les effets de seuil de ce plafond de ressources ? Quel est le périmètre de ce panier de soins ? Comment cette mesure sera-t-elle coordonnée avec le dispositif de zéro reste à charge, RAC 0, les prothèses étant par exemple très présentes dans le panier de soins des personnes âgées ?
Je souhaite vous interroger sur Mayotte. Le PLFSS entend résoudre l'engorgement du centre hospitalier mahorais avec la mise en place d'une prise en charge intégrale par l'assurance maladie du ticket modérateur sur les soins de ville sous conditions de ressources. Si cela permet effectivement de lever un frein financier, il faut savoir qu'à Mayotte l'accès aux soins est d'abord limité par la faiblesse de l'offre libérale : 11 médecins pour 100 000 habitants. Comment estimer l'impact de la mesure que vous proposez sur le quotidien des Mahorais ?
Le PLFSS contient d'autres mesures pour améliorer l'accès aux soins, par exemple une exonération de charges pour les étudiants ou les médecins remplaçants. D'autres solutions de financement mériteraient sûrement d'être creusées grâce à une meilleure concertation avec élus et acteurs locaux.
En ce qui concerne la prévention - vous répétez souvent, madame la ministre, que mieux vaut prévenir que guérir... -, elle a souvent été le parent pauvre de notre système de santé. La lutte contre les addictions, y compris celles liées aux substances psychoactives, est la suite logique de la politique menée contre le tabagisme. Je salue ainsi la volonté du Gouvernement de suivre l'avis du Haut conseil de santé publique et de se concentrer sur les actions de prévention à destination de la jeunesse. Pour autant, j'aimerais connaître, madame la ministre, la place que vous accorderez à la médecine scolaire dans cette politique et le soutien que vous lui apporterez.
Je vais d'abord répondre à M. Daudigny. En ce qui concerne le gel prudentiel qui est opéré chaque année sur les crédits hospitaliers, la décision est généralement prise à la fin du mois de novembre en fonction de la consommation des budgets. Il est donc trop tôt pour vous répondre.
Ensuite, vous dites que la psychiatrie est un secteur dégradé. C'est exact et cela ne date pas d'hier ! Avant mon arrivée au Gouvernement, on parlait d'ailleurs très peu de cette question, alors qu'elle était déjà très prégnante, et la dégradation des soins psychiatriques n'a ému personne pendant des années... J'avais déjà décidé d'en faire une priorité, lorsque je présidais le collège de la Haute Autorité de santé.
Au ministère, j'ai pris le sujet à bras le corps. Je rappelle que l'Ondam est fixé à 2,5 %, tandis qu'il oscillait autour de 1,7 % durant les cinq années précédentes. J'ai présenté une feuille de route spécifique et très ambitieuse pour la psychiatrie. Ce secteur va évidemment bénéficier d'investissements financiers, mais le problème n'est pas uniquement budgétaire. Parmi les difficultés, je citerai l'absence de psychiatres et d'attractivité des postes hospitaliers et la disparition progressive de la pédopsychiatrie, profession qui a été abandonnée. Ainsi, dans huit régions, il n'y a plus de professeurs de pédopsychiatrie, j'ai donc demandé aux doyens des facultés de médecine d'en nommer afin de former des internes dans cette spécialité. En 2019, nous allons aussi créer des postes d'infirmiers de pratiques avancées en psychiatrie. Des projets locaux de santé psychiatrique vont être créés. Les psychiatres pourront intégrer les communautés professionnelles territoriales de santé, les CPTS.
La question de la psychiatrie est donc très complexe et ce PLFSS ne contient pas de mesure spécifique, hormis les investissements hospitaliers dont j'ai déjà parlé, car les leviers d'action les plus importants ne sont pas financiers. Je rappelle que la plupart des hôpitaux qui sont aujourd'hui en tension dans le secteur psychiatrique ont des postes de psychiatres ouverts, mais ne réussissent pas à les pourvoir.
En ce qui concerne la reconnaissance des optométristes, nous avons beaucoup dialogué avec la filière des soins optiques dans le cadre de nos travaux sur le reste à charge zéro. Nous avons pris des engagements avec les ophtalmologues et leurs collaborateurs. Aujourd'hui, 60 % de ces spécialistes ont un collaborateur orthoptiste ou infirmier, en cas de protocole de coopération. Nous avons travaillé sur l'ingénierie des métiers et des diplômes ; ainsi, la formation des opticiens passera de deux à trois ans afin qu'ils puissent pratiquer des actions de prévention. En outre, les orthoptistes auront la possibilité de renouveler les prescriptions.
Au sujet de la pénurie de médicaments, nous allons nous saisir des conclusions du rapport réalisé par le Sénat. Je vous remercie d'avoir travaillé sur cette question, ce que le ministère est en train de faire de son côté. Le PLFSS pourrait être l'occasion de réfléchir à une disposition autour de la disponibilité, notamment pour renforcer les plans de gestion proposés par les industriels. Comme vous le savez, les explications des pénuries sont très diverses, on ne peut donc pas y apporter une réponse simple et unique.
Madame Bonfanti-Dossat m'a interrogé sur les prestations de soins à domicile. Je voudrais d'abord vous faire remarquer que je n'ai pas l'habitude de sacrifier des patients ! Votre remarque à ce sujet m'a quelque peu troublée. Des économies sont prévues à hauteur de 150 millions d'euros sur les dispositifs médicaux et les prestations à domicile, mais il faut savoir que les dépenses de la liste des produits et prestations remboursables, la LPPR, où sont inscrits les dispositifs médicaux, augmentent de manière extrêmement rapide, à un niveau bien supérieur à celui de l'Ondam. Nous n'avons pas souhaité introduire un mécanisme de régulation avec une clause de sauvegarde, comme pour le médicament, mais nous avons prévu de mener des négociations très ambitieuses sur le prix des dispositifs médicaux. Les économies porteront sur ce secteur. Par ailleurs, nous sommes évidemment d'accord pour réfléchir avec les acteurs économiques à de nouveaux outils de régulation, qui pourraient être introduits dans le PLFSS pour 2020.
Vous me posez aussi la question du nouveau métier d'assistant médical. Il faut d'abord savoir que ce métier existe dans de nombreux pays. Ensuite, il est complètement distinct de celui d'infirmière. Nous allons négocier le champ de compétences de ces assistants médicaux avec les professionnels, mais il ne correspondra pas du tout à celui des infirmières de coordination ou à celui des infirmières de pratiques avancées. Nous souhaitons que les infirmières soient sur le terrain, au plus près des patients, en particulier des patients chroniques, et qu'elles se voient déléguer des tâches aujourd'hui exercées par les médecins. Je pense notamment à la vaccination ; nous avons d'ailleurs demandé à la Haute Autorité de santé de se pencher sur la primo-vaccination et, à la suite de son rapport positif, nous allons élargir la possibilité offerte aux infirmières de les réaliser.
Nous engageons donc une restructuration globale de l'offre de soins de proximité, mais je ne souhaite pas que les infirmières jouent le rôle d'assistante médicale. Elles ont mieux à faire !
Madame Lassarade, vous m'interrogez sur la prévention. Non, nous ne privilégions pas particulièrement la prévention tertiaire, comme le montre ce que nous avons décidé sur la vaccination ou le prix du tabac. Toutes les actions de prévention primaire ou secondaire, dont l'activité physique, pourront être prises en charge dans les forfaits dédiés aux patients chroniques.
L'ensemble des crédits consacrés à la prévention institutionnelle augmente. Les moyens du FNPEIS, Fonds national de prévention, d'éducation et d'information sanitaire qui est géré par la Cnam, augmentent de 20 % dans le cadre de la convention d'objectifs et de moyens 2018-2022. Ceux du Fonds de lutte contre le tabac vont passer de 30 millions à 100 millions, en s'élargissant à toutes les addictions. Le FIR, Fonds d'intervention régional géré par les Agences régionales de santé, progresse de 3,3 %, soit un point de plus que l'Ondam. Le budget du fonds national de prévention des accidents du travail de la branche AT-MP double, en passant de 50 millions à 100 millions.
En matière de prévention secondaire, une consultation sera prise en charge à 100 % pour le dépistage des cancers chez les femmes à 25 ans. Nous avons réparti les examens de prévention chez les jeunes jusqu'à 18 ans. Nous créons une consultation de prévention autour de la sexualité et de l'accès à la contraception chez les jeunes entre 15 et 17 ans, prise en charge à 100 % par la sécurité sociale.
Bref, je ne vois pas comment on peut nous faire le procès de ne pas mettre les moyens sur la prévention !
Autre question de Mme Lassarade, les forfaits d'intervention précoce seront activés par les médecins généralistes, les pédiatres et généralement tous ceux qui interviennent auprès des enfants et sont amenés à repérer un trouble du neuro-développement, avant même un éventuel diagnostic d'autisme. Ce forfait sera versé aux structures de coordination, qui le répartiront entre les différents professionnels - orthophonistes, psychomotriciens... Cela répond donc aussi à la question de Mme Meunier sur les consultations « hors-cadre ». Il s'agit de répondre à un besoin très bien identifié : la prise en charge, chez des professionnels aguerris, des pathologies du développement avant même qu'un diagnostic soit posé par un centre d'action médico-sociale précoce.
Madame Féret, vous me posez la question du rapport Lecocq sur la santé au travail. Nous sommes actuellement dans une phase de consultation des partenaires sociaux, qui ont déjà eu des réunions bilatérales avec le Premier ministre. Je ne dispose pas encore des conclusions de cette consultation et nous devrions disposer d'un document d'orientation à la fin du mois. En ce qui concerne les agents publics, le secrétaire d'État auprès du ministre de l'action et des comptes publics a lancé une réflexion et des discussions sur le sujet de la santé au travail.
Par ailleurs, nous réfléchissons à la question de la reconnaissance des maladies professionnelles. J'ai été très étonnée quand j'ai découvert que la liste des maladies professionnelles résultait d'une négociation entre les partenaires sociaux et qu'elle n'avait donc rien de scientifique. Muriel Pénicaud et moi-même souhaitons remettre un peu de science dans ce processus, ce qui permettra d'améliorer profondément le système actuel.
Madame Cohen, vous dites que 5 000 femmes vont à l'étranger pour procéder à une IVG, mais une grande majorité d'entre elles le fait parce qu'elles sont hors délai en France et que certains pays autorisent des IVG plus tardives. Il est donc faux de penser que cela est lié à une difficulté d'accès aux soins.
Par ailleurs, le nombre d'IVG est stable en France depuis quinze ans autour de 216 000 par an.
Je suis très attentive à ce que le monde associatif peut nous remonter comme informations et, quand il y a un problème particulier de clause de conscience, comme cela a été le cas dans la Sarthe, nous sommes intervenus extrêmement rapidement pour faire venir des professionnels.
Sincèrement, le droit à l'IVG n'est en aucun cas remis en cause en France, sauf par quelques déclarations individuelles qui n'engagent que leurs auteurs, et je n'ai pas constaté de difficulté particulière en termes financiers ou d'organisation. C'est pourquoi il n'y a pas de raison que le PLFSS contienne une mesure sur ce sujet.
Je rappelle que Marisol Touraine, mon prédécesseur, a élargi la possibilité d'effectuer des IVG instrumentales dans les centres de santé des IVG, procédure qui a été cadrée par la Haute Autorité de santé. En outre, les sages-femmes et les médecins généralistes ont l'autorisation de procéder à des IVG médicamenteuses et 65 % des centres médicaux pratiquent l'IVG.
Madame Meunier, nous sommes d'accord, l'AEEH est utilisée tardivement. Il est vrai que les familles hésitent beaucoup à faire reconnaître un diagnostic de handicap ou de trouble du développement avant l'âge de trois ans. Elles mettent un certain temps à faire la démarche de consulter un professionnel.
Dans le cadre du plan autisme, nous avons prévu des actions pour former tous les professionnels de la petite enfance au repérage - médecins des services de protection maternelle et infantile, puéricultrices, assistants sociaux, personnels de l'éducation nationale... Tous auront une formation au repérage précoce des troubles du neuro-développement. Plus on intervient tôt, mieux c'est ! La création du forfait dont je vous ai parlé répond à cette exigence.
Sur les inégalités dans l'accès aux soins pour les personnes en situation de handicap, notamment en ce qui concerne la prévention, là encore, ce ne sont pas des problèmes budgétaires, mais d'organisation. Lors du comité interministériel du handicap, qui se tiendra la semaine prochaine, je présenterai des mesures à ce sujet.
Monsieur Tourenne, vous vous interrogez sur la prime d'activité. J'ai répondu cet après-midi même à une question identique qui m'a été posée à l'Assemblée nationale. Soyons clairs : les engagements du Président de la République seront tenus ! À l'issue du quinquennat, la prime d'activité sera revalorisée de 100 euros pour les personnes dont les revenus se situent au niveau du Smic. La prime varie en fonction des revenus et il est normal qu'elle soit supérieure pour les personnes dont les revenus sont plus faibles. L'ensemble des bénéficiaires ne touche donc pas la même prime d'activité.
Je vais répondre aux quelques questions qui concernaient les comptes publics.
M. Daudigny a évoqué un sujet de nature, au fond, philosophique sur les relations entre l'État et la sécurité sociale. Il faut d'abord savoir qu'il n'y a jamais eu de compensation exacte. Ensuite, nous sommes passés au fil du temps d'un système assurantiel, lié au statut de l'assuré, à un système plus universel. Un simple exemple : la place dans le financement de la sécurité sociale de la CSG, qui n'est pas une cotisation, mais une contribution, est de plus en plus importante et le Gouvernement a souhaité, vous le savez, poursuivre dans cette voie.
Ce changement n'est aucunement une remise en cause du système, il correspond en fait aux évolutions de la société elle-même depuis la création de la sécurité sociale après la Seconde Guerre mondiale et aux bouleversements dans les questions liées à la maladie, à la famille et, demain, à la dépendance. Ces questions étaient déjà largement présentes dans le débat que nous avons eu l'an passé sur le PLFSS pour 2018.
Mme Cohen a évoqué la suppression de certaines cotisations et le niveau de contribution des entreprises au financement de la sécurité sociale. C'est une question de philosophie politique, sur laquelle nous sommes clairement en opposition. De notre côté, nous pensons que baisser la fiscalité, notamment sociale, permet à l'entreprise de produire davantage, donc d'embaucher et de mieux payer les salariés, ce qui permettra une rentrée supérieure en termes de ressources pour la sécurité sociale. À notre sens, il faut encourager l'entreprise, en baissant la pression fiscale.
Au sujet du CITS, je ne suis évidemment pas d'accord avec M. Tourenne. Il faut distinguer les activités qui relèvent du champ concurrentiel et les autres. La question du coût du travail explique notre volonté de transformer le CICE en un allégement de charges généralisé. Je rappelle que ce crédit d'impôt a été inventé durant le quinquennat précédent pour compenser les augmentations de fiscalité qui avaient été adoptées au début du même quinquennat... Vous connaissez cette histoire !
Certes, il existe une difficulté sur les aides à la personne, mais le Gouvernement a proposé un amendement sur ce sujet. D'autres questions se posent, notamment pour les Ehpad, mais il s'agit plutôt d'un problème global de modèle de financement et de fonctionnement.
Dernier point, les heures supplémentaires. Il est manifeste que, là non plus, nous ne sommes pas d'accord ! Qui fait des heures supplémentaires ? Ce sont plutôt des jeunes, en tout cas des salariés de moins de 45 ans, et les ouvriers et employés. En 2012, on a pu constater un effondrement des heures supplémentaires, lorsqu'elles ont été à nouveau fiscalisées, parce que les salariés ne voulaient plus en faire. Nous voulons moins fiscaliser les heures supplémentaires pour rendre le système plus attractif et faire gagner du pouvoir d'achat aux personnes qui en ont besoin.
En 2012, le Gouvernement avait gardé une partie des baisses de charges, ciblées sur les petites entreprises.
Justement, monsieur le rapporteur général, nous n'avons pas souhaité baisser davantage les charges des entreprises au titre des heures supplémentaires pour éviter les effets d'aubaine. Notre mesure concerne les salariés, pas les entreprises.
Monsieur Lévrier, les personnes entrant dans le nouveau dispositif résultant de la fusion entre la CMU-c et l'ACS bénéficieront de la totalité des conditions ouvertes aux bénéficiaires de la CMU : mêmes conditions d'accès et garanties, notamment l'absence de dépassements d'honoraires. Ils auront les mêmes prestations que les bénéficiaires du « 100 % santé », c'est-à-dire avec un reste à charge de zéro. En outre, le panier de soins est élargi aux différents aspects de la compensation du handicap.
En ce qui concerne Mayotte, l'exonération du ticket modérateur vise à favoriser le recours à l'offre de soins en libéral, même si nous savons que celle-ci est extrêmement peu développée. Dans ce département, l'essentiel de l'offre de soins est assuré par l'hôpital, qui va d'ailleurs bénéficier d'investissements considérables ; pour mémoire, je rappelle que cet hôpital fonctionne avec un budget global, et non sur le principe d'une tarification à l'activité, ce qui est extrêmement rare. En tout cas, c'est un sujet que je suis de très près.
Sur la médecine scolaire, tout le monde considère que le système ne fonctionne pas bien ! Comme vous le savez, les médecins et infirmières scolaires dépendent du ministère de l'éducation nationale et ils ne souhaitent pas être rattachés au ministère de la santé. Jean-Michel Blanquer et moi-même nous attachons à ce que l'ensemble des enfants bénéficie de la consultation médicale obligatoire avant six ans. Nous travaillons aussi à mettre en place un parcours de santé des 0-6 ans ; la députée Stéphanie Rist et des inspecteurs de l'Igas sont d'ailleurs chargés de remettre un rapport en vue d'améliorer l'accès à la médecine scolaire, en favorisant par exemple les coopérations avec les services de protection maternelle et infantile et avec les médecins généralistes et en élargissant les personnes en capacité de prendre en charge les enfants. Nous savons bien qu'aujourd'hui la profession n'est pas attractive et nous travaillons à une meilleure reconnaissance de ce métier.
Les prestations des psychomotriciens sont reconnues, mais elles ne sont pas remboursées par la sécurité sociale. Envisagez-vous de valoriser ce métier ?
Votre plan prône, à juste titre, la complémentarité entre les secteurs publics et privés. Envisagez-vous d'évaluer la situation actuelle, car la plupart des établissements publics de santé sont en certification ou en accréditation ?
Les travailleurs indépendants connaissent des situations difficiles, liées notamment à la compatibilité des logiciels qu'ils utilisent pour leurs cotisations. Le dispositif va-t-il être amélioré ? À La Réunion, un indépendant est mort car, sa carte vitale étant muette, il n'a pu bénéficier de soins.
Vous avez rappelé que le médicament était un secteur clé du soin. Vous avez aussi rappelé l'objectif d'accès aux traitements innovants, objectif que nous partageons tous. Néanmoins, le médicament va servir de variable d'ajustement dans ce PLFSS car, sur les 3,83 milliards d'économies, le médicament contribuera à hauteur de 1,36 milliard.
Je souhaite aussi vous interroger sur la répartition pharmaceutique : ce secteur est menacé alors qu'il soutient le maillage des officines qui contribue à l'aménagement du territoire. La répartition pharmaceutique, qui garantit la sécurité de la distribution du médicament dans notre pays, est fragilisée depuis le développement des génériques. Nous avions adopté l'an passé un amendement de mon collègue Gérard Dériot retirant le segment des génériques de l'assiette de la taxe sur le chiffre d'affaire des répartiteurs. L'une des demandes de la répartition pharmaceutique est l'instauration d'un forfait sur le générique. Si la situation actuelle perdure, les officines - notamment rurales - risquent demain d'être moins bien desservies. L'égalité d'accès aux médicaments ne serait alors plus assurée. Seriez-vous favorable à l'instauration d'un forfait sur les génériques ?
L'année dernière, nous avions voté l'amendement que ma collègue vient d'évoquer. Quelle sera votre position lorsque nous présenterons à nouveau cet amendement ?
Les négociations avec les 120 000 infirmiers libéraux avec la caisse d'assurance maladie sont bloquées depuis plusieurs mois. L'année dernière, vous étiez intervenue pour débloquer les négociations avec les dentistes. Allez-vous en faire de même, ce qui permettrait aux infirmiers libéraux de prendre le virage des soins ambulatoires ?
Il est demandé aux prestataires de santé à domicile de passer de 90 à 150 millions d'économies en un an. C'est vraiment beaucoup !
Je salue la création des assistants médicaux, mais ils devront exercer dans un cabinet. Qu'entendez-vous par « cabinet » ? Faudra-t-il un ou plusieurs médecins ? S'agira-t-il d'une maison de santé ? Quelles seront les conditions pour bénéficier d'un assistant médical et ce dernier pourra-t-il assister, outre les médecins, les dentistes, les kinésithérapeutes etc... ?
Le PLFSS ne pourrait-il être l'occasion de renforcer les dispositifs de surveillance des anomalies congénitales ? Il existe aujourd'hui six registres de malformations congénitales. Récemment, l'un de ces registres a perdu les 100 000 euros de subventions que lui versait le conseil régional d'Auvergne-Rhône-Alpes, soit 50 % de son budget. En appui de Santé publique France qui souhaite une mise en réseau de ces registres, comment pérenniser la prévention des anomalies congénitales ? L'État compte-t-il soutenir financièrement le registre Remera ?
- Présidence de M. Gérard Dériot, vice-président -
Le plan de lutte contre les addictions 2018-2022 devait être publié en mars, puis en juin, puis en septembre. Nous sommes aujourd'hui le 10 octobre et ce plan n'a toujours pas été dévoilé. J'attends de ce plan des mesures sur les addictions comportementales mais aussi sur les addictions aux jeux, aux écrans, à la pornographie, en particulier pour protéger les jeunes les plus vulnérables. Pouvez-vous nous dire quand ce plan sera publié ?
Mon collègue Daudigny a rappelé le cri d'alarme de la Fédération hospitalière de France. L'augmentation de 0,2 % de l'Ondam permet d'affecter 400 millions de plus à tous les acteurs, mais ils doivent être comparés aux 900 millions d'économies demandées chaque année aux hôpitaux publics, et aux 1,2 milliard d'économies prévues sur la masse salariale d'ici 2022. Cette équation est énigmatique.
Vous avez dit qu'un accompagnement des établissements en difficulté sera opéré par les ARS, mais si l'enveloppe budgétaire demeure inchangée, comment redresser la situation de ces hôpitaux ?
Le forfait hospitalier sur les actes coûteux -soit supérieurs à 120 euros- serait relevé de 18 à 24 euros. Cette mesure n'entre-t-elle pas en contradiction avec la mise en place d'un reste à charge à zéro ?
Le déficit des hôpitaux publics a augmenté de plus de 50 % en deux ans. Ces établissements s'essoufflent, les Groupements hospitaliers de territoire (GHT) ne sont pas encore en ordre de marche, les conditions de travail ne favorisent pas les soins de qualité, les personnels sont en grande souffrance et les patients sont légitimement de plus en plus exigeants. Allez-vous annexer à l'Ondam la maîtrise des déficits et de la dette des établissements publics de santé ? Cette mesure sera-t-elle suffisante pour donner la bouffée d'oxygène tant attendue par les dirigeants gestionnaires et la communauté soignante ?
Quid des soins palliatif et des actes redondants ?
Je salue le plan santé 2022 qui répond aux problématiques des soins de proximité, de la désertification médicale et d'égal accès aux soins.
Ce plan préconise trois types d'hôpitaux : hôpitaux de proximité, hôpitaux techniques et hôpitaux de pointe, qui correspondent sans doute aux CHU actuels. Quel sera le périmètre géographique pour effectuer ces gradations ? Certains hôpitaux qui comprennent des plateaux techniques pourront-ils devenir des hôpitaux de proximité ? Qui définira le cadre ? Les ARS et les GHT seront-ils autour de la table des négociations ?
Un cadre législatif ne pourrait-il éviter l'inflation des salaires des médecins intérim qui consultent dans les hôpitaux ? Dans certains territoires, ces salaires dégradent les finances des hôpitaux.
Les médecins PAE (procédure d'autorisation d'exercice) qui ne viennent pas de l'Union européenne pourront-ils être intégrés dans les hôpitaux ? L'an dernier, nous avions proposé, en vain, une expérimentation. Envisagez-vous de les intégrer de façon pérenne ?
Je salue votre courage concernant l'obligation des onze vaccins. Ne pensez-vous pas que le vaccin contre les infections par papillomavirus humains, notamment chez les garçons, devrait être rendu obligatoire, d'autant que les cancers du col et les cancers génitaux sont plus nombreux en France que dans les autres pays européens où la vaccination est massive ? Ne faudrait-il pas également obliger les personnels soignants à se faire vacciner contre la grippe ?
La sédentarité est la quatrième cause de mortalité dans le monde. Comment le ministre de la santé, en lien avec celui des sports et le ministère de l'Éducation nationale, agissent-ils pour changer les comportements dès l'enfance ?
De nombreux jeunes, enfants ou adultes handicapés doivent être accueillis dans des pays étrangers, notamment la Belgique. Ce PLFSS prévoit-il la création de places sur les territoires frontaliers ? Là où l'accès aux soins est difficile, ou qu'on observe une désertification médicale sur les territoires frontaliers, le travail transfrontalier est-il pris en compte par votre plan santé ?
Je me réjouis que la sécurité sociale soit à l'équilibre, et que la dette de la Cades doive être amortie totalement en 2024. Je soutiens le plan santé. Certes, il y a un déficit des hôpitaux, qui est ancien. Dans les hôpitaux périphériques, on est souvent obligé de prendre des salariés en intérim, ce qui coûte deux ou trois fois plus cher que des postes normaux.
Je me réjouis de la suppression du numerus clausus. Recruter 4 000 assistants médicaux d'ici 2022 ? Je suppose qu'ils assureront l'accueil de patients et la vérification des vaccinations dans les maisons de santé. Vous parlez de généralisation des communautés professionnelles territoriales avec un seuil de 20 000 habitants. En zone rurale, cela peut être vaste ! Des adaptations sont à prévoir.
Certains ophtalmologues opèrent la cataracte en cabinet et sont pénalisés, parce que cela coûte moins cher qu'en clinique. Et l'implant n'est pas remboursé. Il faudrait faire le point sur ce sujet.
Dans les Ehpad, il manque des aides-soignantes et des infirmières. Des manifestations récentes l'ont rappelé. Vous avez prévu 125 millions d'euros en 2019. Il faut arriver à 0,7 personne par pensionnaire. Les infirmières itinérantes ne sont pas efficaces ; mieux vaut augmenter le temps infirmier dans les vingt-quatre heures.
La majoration des modes de garde et le congé de maternité amélioré sont de bonnes choses. On peut regretter la limitation à 0,3 % de la revalorisation des retraites ou des allocations familiales.
En zone rurale, l'augmentation du prix du gasoil reprendra l'augmentation de pouvoir d'achat que vous procurez aux salariés. La mesure sur la rémunération des heures supplémentaires va dans le bon sens, tout comme l'allégement des charges sociales en plus du CICE. Je suis aussi pour l'économie sociale et solidaire. Il faudra de la formation !
Nous fusionnons le RSI au régime général, et cela se passe bien. Cela aligne les droits tout en conservant certains droits spécifiques, et le service s'est amélioré : votre commission pourra nous entendre sur ce point, si elle le souhaite.
Il n'est pas prévu de remboursement des actes des psychomotriciens. Il faudra les introduire dans les forfaits de prise en charge d'un certain nombre de pathologies, et notamment dans celui de prise en charge précoce des enfants autistes.
La répartition pharmaceutique est essentielle pour l'accès aux médicaments, et je suis très attentive au maillage territorial des pharmacies. Des négociations sont en cours pour revoir les modalités de financement de ce secteur. C'est dans ce cadre que la question du forfait va être posée. Nous réfléchissons à l'organisation de ce secteur, en général.
Je suis intervenue pour les dentistes parce que je voulais ouvrir la négociation sur le reste à charge zéro. Le bras de fer qui avait eu lieu avant mon arrivée n'était pas propice à l'ouverture de négociations apaisées. Pour les infirmières libérales, la situation est différente. D'abord, je n'interviens pas toujours dans la négociation de la Cnam avec les professionnels ! Puis, j'ai déjà dit aux professionnels de santé que, dans le cas de la réforme « Ma santé 2022 », je privilégiais les nouveaux modes de rémunération à la rémunération à l'acte ou à l'activité. Je souhaite que les professionnels libéraux soient incités à mieux coopérer et à être attentifs à la pertinence des actes. Cela passe par des forfaits de prise en charge, notamment des pathologies chroniques. Je souhaite donc que, dans la négociation, on travaille sur d'autres modes de rémunération, incitatifs à des bonnes pratiques, plutôt que d'augmenter le coût de la consultation. Par ailleurs, on élargit leur champ d'actes, notamment avec la vaccination des primo-vaccinés. Mais si on veut vraiment modifier l'organisation du système de santé, le meilleur levier de transformation, c'est le mode de tarification.
La surveillance des anomalies congénitales repose sur un réseau de six registres sur le territoire, animés par Santé publique France. Les financements sont complexes et impliquent acteurs locaux, hôpitaux, Inserm, l'Institut national du cancer... Pour être utiles, les registres doivent couvrir 20 % de la population. C'est le cas en France, puisque ces registres couvrent 19 % des naissances. Quand on repère un cas d'anomalie, ce cas est systématiquement évalué par les équipes d'épidémiologistes de Santé publique France. Entre 2009 et 2014, il y a eu sept cas dans l'Ain. Ce n'est pas un excès par rapport à la moyenne nationale. Il y a eu un excès de cas en Bretagne et en Loire-Atlantique. Nous maintenons donc la surveillance. Les registres doivent répondre à des critères de qualité très particuliers pour être financés. Ils sont évalués par un comité scientifique indépendant. Certains registres disparaissent s'ils ne sont pas assez robustes.
Le plan de lutte contre les addictions est rédigé par la mission interministérielle, parce que beaucoup d'actions concernent aussi les douanes ou l'Éducation nationale. Il sera dévoilé d'ici la fin octobre. Il fait entièrement partie du plan prévention santé. J'attends donc avec impatience sa publication.
Le cri d'alarme de la fonction publique hospitalière, je le connais, et le plan « Ma santé 2022 » vise à y répondre. C'est vrai que les hôpitaux ont pâti depuis des années d'un rabot permanent, avec une baisse des tarifs. Si je ne suis pas responsable de la situation que j'ai trouvée à mon arrivée, j'ai décidé de réagir avec un plan qui prend en compte la nécessité de mieux organiser la médecine de ville, pour que l'hôpital ne pâtisse pas de cette désorganisation. Cela dit, tout ne repose pas sur des rallonges budgétaires. Il va falloir réinvestir, mais nos hôpitaux ne sont pas organisés de façon suffisamment rationnelle. En particulier, dans beaucoup d'hôpitaux locaux, certains plateaux techniques ne sont pas en situation de rendre un service de qualité. C'est le résultat de la dispersion des moyens financiers et humains. La gradation des soins hospitaliers va permettre de repenser le système et de le rendre plus efficient : il faut une masse critique, par exemple, autour de la radiologie ou de la cardiologie interventionnelles. Il faut donc une rallonge budgétaire, et nous la donnons. Notez d'ailleurs que les 400 millions d'euros que représente le desserrement de l'Ondam seront repris dans les Ondam suivants, de sorte qu'on aboutira à 1,6 milliard d'euros supplémentaires.
Dans le forfait hospitalier, il existe une participation forfaitaire de 18 euros pour les actes coûteux au-delà de 120 euros. Les conditions de fixation de cette participation ne sont pas logiques : un acte qui coûte 100 euros supporte une participation plus élevée qu'un acte qui coûte 120 ou 130 euros ! Je ne m'interdis pas de revoir ses règles, mais il paraissait opportun de rééquilibrer immédiatement entre les actes les plus coûteux et les moins coûteux, d'autant que ce forfait hospitalier est pris en charge par les complémentaires santé.
Ma réforme vise à sauver l'hôpital. Nous veillons à la résorption des déficits, et nous accompagnons nombre d'hôpitaux : aides de trésorerie, aide à l'investissement... Le milliard d'euros de déficit des hôpitaux publics est la conséquence de l'absence de décisions suffisamment transformantes dans les dernières années.
Je souhaite relancer les soins palliatifs. Nous ferons une campagne d'information sur les directives anticipées.
Quant à la pertinence des soins, j'en ai fait mon cheval de bataille depuis que je suis médecin ! Sauf un rapport du Sénat, personne n'en avait jamais parlé avant que je produise ce plan.
L'assurance maladie évalue à 10 milliards d'euros les soins non pertinents. Nous visons une tarification à la pertinence des parcours et des actes.
Comment graduer les soins ? Certains CHU sont purement de recours - c'est le cas de l'AP-HP. D'autres proposent vraiment une offre de proximité. Il faudra donc s'adapter en fonction des territoires. Le CHU doit porter les activités de haute technicité, comme la transplantation. Mais la radiologie interventionnelle, par exemple, peut être faite dans des hôpitaux généraux ou régionaux. Les hôpitaux locaux se transforment en 500 ou 600 hôpitaux de proximité. Nous n'en créerons, ni n'en supprimerons, aucun. Nous ne créerons pas de dispensaires, mais nous avons tout un budget pour créer de nouvelles structures : centre de santé ou maisons de santé pluriprofessionnelle. Nous allons donc doubler les structures de coopération interprofessionnelles avec 1 000 maisons de santé ou centres de santé supplémentaires au cours du quinquennat.
Sur la question des prix des médecins intérimaires, j'ai pris un décret encadrant très strictement le recours à l'intérim, avec des mesures transitoires en 2019. Ce décret fixe un plafond par jour de 1 287 euros, qui passera à 1 170 euros par jour 2020. Merci de me signaler les dérives car je suis dans un bras de fer avec ces professionnels. J'ai demandé aux ARS de veiller à ce que nul ne dépasse le plafond.
J'ai saisi la Haute Autorité dès mon arrivée pour savoir s'il fallait élargir la vaccination contre le HPV aux garçons, comme le font l'Angleterre ou l'Australie. Le cancer du col de l'utérus est le seul cancer qui pourrait être totalement éradiqué. Au lieu de cela, nous avons 3 600 cas par an, et 1 500 décès. Inacceptable ! La question des garçons se pose car, en dehors du cancer du col, il y a le cancer du canal anal et les cancers ORL. C'est un enjeu de santé publique et j'attends les conclusions de la Haute Autorité de santé pour savoir si nous devons élargir la vaccination aux garçons, voire la rendre obligatoire.
La vaccination des personnels de santé contre la grippe était une obligation mais elle ne l'est plus. En effet, le bénéfice individuel de la vaccination antigrippale pour les professionnels de santé jeunes n'était pas avéré. Le bénéfice étant purement collectif, on ne pouvait pas l'imposer. Nous réfléchissons à des méthodes d'incitation, par exemple en obligeant les personnes non vaccinées à porter un masque.
Je ne suis pas favorable au financement par un acte de l'activité physique : sinon, il faudra aussi financer les fruits et les légumes ! Je préfère un financement dans le cadre du forfait de prise en charge des pathologies chroniques ou de l'obésité de l'enfant. La ministre des Sports met d'ailleurs en oeuvre un plan sport et santé.
Sur la santé transfrontalière, je n'ai pas la réponse à votre question.
Les 4 000 assistants médicaux et les 1 000 CPTS sont financés. Ces derniers concernent les bassins de vie comprenant entre 20 000 et 100 000 personnes. Mais ce n'est qu'un ordre de grandeur. Un territoire rural de 10 000 habitants pourra en bénéficier.
Il est interdit d'opérer les cataractes en cabinet !
Pour les Ehpad, nous finançons des postes d'infirmières et d'aides-soignantes avec 125 millions d'euros dès cette année et 360 millions d'euros sur cinq ans. Nous créons des postes d'infirmières de nuit, plus ou moins mutualisées selon les territoires. Nous installons la téléconsultation dans tous les Ehpad. Nous souhaitons mettre en place des équipes mobiles de gériatrie, portées par les hôpitaux de proximité. Bref, nous allons nettement améliorer la situation dans les deux ou trois prochaines années.
Je vous remercie.
Ce point de l'ordre du jour a fait l'objet d'une captation vidéo qui est disponible en ligne sur le site du Sénat.
La réunion est close à 20 heures.