Cet amendement porte sur le statut de l'expert et sur la nécessité d'assurer l'indépendance de l'expertise, ce qui constitue un sujet de préoccupation concernant l'ensemble des agences sanitaires, en France comme à l'étranger. Cette indépendance est en effet la garantie de la qualité et de la neutralité des évaluations.
En France, monsieur le ministre, cette question se pose de manière encore plus aiguë, puisque l'on a fait le choix, dans le domaine du médicament, de recourir massivement à des experts extérieurs, qui, parallèlement, collaborent souvent avec des entreprises pharmaceutiques. D'autres pays ont fait un choix inverse, notamment les États-Unis, où la Food and Drug Administration travaille beaucoup plus avec des experts internes. Sur ce point au moins, nous ferions bien de nous inspirer du modèle américain.
L'année dernière, la mission sénatoriale d'information s'était fait l'écho de notre préoccupation, alors que le monde pharmaceutique était secoué par la crise du Vioxx. Pour attester l'indépendance de l'expertise, notre système repose classiquement, depuis 1998, sur un mécanisme de déclarations publiques d'intérêt que doivent produire et réactualiser les experts ayant à travailler au sein des commissions de l'AFSSAPS.
C'est à partir de ces déclarations que les experts seront ou non sélectionnés pour évaluer les dossiers, en application du principe selon lequel on ne peut évaluer des médicaments issus de firmes avec lesquelles on a un lien direct ou indirect.
Lorsque la mission d'information a eu à se pencher sur la question de l'indépendance des experts, elle a pu constater qu'au sein de l'AFSSAPS les déclarations étaient souvent incomplètes, non réactualisées, voire non communiquées ; au demeurant, le même constat peut être fait pour les membres de la commission de la transparence. On estime ainsi à 12 % la proportion d'experts qui sont en contravention avec l'obligation de déclaration. Or, que je sache, ceux-ci continuent à collaborer à l'AFSSAPS.
L'article 28 du projet de loi apporte de ce point de vue une première amélioration, en prévoyant une réactualisation chaque année, et non plus au bon vouloir de l'expert, de la déclaration d'intérêt. Cela constitue incontestablement un progrès.
Néanmoins, cette avancée ne résoudra pas l'ensemble des problèmes, dans la mesure où il n'existe ni véritable contrôle sur le contenu des déclarations ni sanction en cas de fausse déclaration. De plus, les conséquences induites par ces déclarations, elles ne sont pas toujours tirées : un rapport commun de l'inspection générale des finances et de l'IGAS avait ainsi conclu, en 2002, que « les déclarations d'intérêt existantes ne sont pas toujours exploitées pour détecter les éventuels conflits d'intérêts ».
Des expériences ont été menées pour améliorer le système, avec la création d'une cellule de veille déontologique, dirigée par un magistrat, au sein de l'AFSSAPS. Mais cette cellule a été, en 2003, rattachée au service du personnel. Quant au groupe de référence sur l'indépendance de l'expertise, il donne seulement un avis à partir des informations fournies par les experts, sans exercer de véritable contrôle de l'exhaustivité de ces déclarations.
Au vu de cette situation, et suivant en cela les suggestions contenues dans les rapports de M. Lionel Benaiche, d'août 2004, et de notre collègue Claude Saunier, de février 2005, la mission sénatoriale d'information sur le médicament a pu recommander la mise en place d'une instance indépendante de contrôle de l'expertise.
Afin de concrétiser cette recommandation, nous présentons cet amendement, dont l'objet est double : d'une part, permettre l'exercice effectif d'un contrôle sur les déclarations des experts et, d'autre part, favoriser la mise en place d'un statut de l'expert, ce qui pourrait passer par la rédaction d'une charte de déontologie de l'expertise.
Plutôt que d'instituer une nouvelle structure dans une architecture déjà foisonnante, nous proposons de confier cette mission à la Haute autorité de santé - certes, monsieur le ministre, vous ne voulez pas qu'on y touche, mais nous osons tout de même ce sacrilège ! -, qui a déjà un rôle de diffusion de bonnes pratiques. Une des réticences face à la création d'un organe tiers de contrôle serait ainsi levée.
En conséquence, les déclarations d'intérêt des experts de l'AFSSAPS, comme celles des membres de la commission de la transparence, seraient communiquées à la Haute Autorité de santé par le président de l'Agence. Cela fera l'objet de notre amendement suivant.
En termes d'expertise du médicament, nous aurions ainsi gagné en crédibilité, conformément au souhait partagé par tous ceux qui s'intéressent aux conditions de mise sur le marché et de suivi du médicament.