L'État est accusé de tous les maux : il est improductif, il est inefficace, il coûte trop cher. C'est la petite musique qu'on entend dans la société française depuis des décennies : haro sur la fonction publique, haro sur les fonctionnaires, haro sur la dépense improductive. Il est compliqué, au terme d'un long cursus scolaire, quand vous avez fait le choix de vous incarner dans la fonction publique, d'en sortir parce que les perspectives de carrière vous semblent limitées. Certes, elles ne le sont pas au début : quand on sort de l'ENA ou d'un institut régional d'administration, on peut faire des choses passionnantes. Mais passé les premières années d'enthousiasme apparaît un goulet d'étranglement : a-t-on vocation à devenir sous-directeur, chef de service, sachant qu'il sera beaucoup plus compliqué de devenir directeur d'une administration centrale ? Faut-il se faire nommer dans un corps de contrôle faute d'avoir pu intégrer un grand corps ? Faut-il intégrer un établissement public sachant qu'ils sont une chasse gardée ? Un ministère ? Un cabinet ministériel ?
La réflexion que vous menez ne peut pas faire l'économie d'une réflexion sur l'attractivité des carrières publiques dans un moment historique de la société française où l'État est à la fois fort dans ses incarnations individuelles et plus en retrait dans ses incarnations collectives. Le passage dans le privé s'explique non pas tant par son attrait que par le fait qu'à un moment l'État n'est plus en capacité d'offrir des perspectives à la hauteur des attentes.
De ce point de vue-là, saluons l'initiative qui a été prise il y a quelques années de créer auprès du premier ministre la mission Cadres Dirigeants, vivier de hauts fonctionnaires. Quand la Cour des comptes m'a proposé d'en faire partie, j'ai bénéficié d'un assessment hyperprofessionnel. Voilà comment pourvoir les postes de responsabilité dans l'administration d'État et dans les administrations décentralisées. Cette mission est consultée à l'occasion de toute nomination à un poste de responsabilité dans le secteur public. Les initiatives de ce type devraient être encouragées, car elles donnent à de hauts fonctionnaires qui ne sont pas dans des cabinets ministériels, qui n'ont pas fait le choix de donner un tour plus politique à leur engagement professionnel la possibilité d'être nommés directeur d'administration centrale, préfet, etc.