Intervention de Fabrice Melleray

Commission d'enquête mutations Haute fonction publique — Réunion du 30 mai 2018 à 15h30
Audition de M. Fabrice Melleray professeur à l'institut d'études politiques de paris

Fabrice Melleray :

Je n'en suis pas sûr. Sous la troisième République le pantouflage se fait chez les grands concessionnaires, à la charnière des sphères publiques et privées. Sous la quatrième République, il se fait dans les entreprises publiques qui sont devenues un secteur important à la suite des nationalisations d'après-guerre. Du fait des politiques de privatisation ces postes sont devenus moins nombreux et les fonctionnaires souhaitant pantoufler vont donc ailleurs. L'ouvrage d'Antoine Vauchez et Pierre France cite Olivier Debouzy, ancien énarque et avocat, aujourd'hui décédé. Pour lui, comme les canaris utilisés dans les mines, les hauts fonctionnaires permettent de détecter le pouvoir tant ils sont attirés par lui. Les personnes ayant choisi la voie des grands corps ont, pour une grande partie d'entre eux, envie d'exercer du pouvoir et vont donc là où il est.

Ce n'est pas la première fois qu'un banquier d'affaires est à la tête de l'État, il y en a eu un autre il y a quelques dizaines d'années. Lorsque l'on prétend que l'on veut la fin de la frontière entre les sphères publiques et privées, je pense que cela pose de vrais problèmes. Je pense ici au dispositif du projet de loi « Pénicaud » qui me parait dangereux. Si le Parlement devait revenir sur la durée de dix années applicable au régime de disponibilité pour le réduire, je pense que ce serait une bonne mesure. Je ne suis donc pas en faveur d'un pantouflage débridé. Je constate simplement qu'il s'agit d'un phénomène ancien. Émile Zola nous rappelle à travers les Rougon-Macquart, que la période haussmannienne a été largement marquée par les conflits d'intérêts et les passages du public vers le privé. À l'heure d'internet, nous disposons sans doute de plus de moyens pour percevoir les choses, mais ces phénomènes existaient déjà. Plus nous disposerons de mécanismes pour lutter contre les conflits d'intérêts et plus nous en détecterons, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'il y en aura plus. Je ne crois donc pas à une explosion du développement des conflits d'intérêts, je pense simplement qu'ils revêtent des formes nouvelles.

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