La France est le pays avec l'administration la plus importante d'Europe... Nous évoquons deux sujets distincts : d'une part, les déclarations sur le registre parcellaire graphique, c'est-à-dire les déclarations graphiques de surfaces des agriculteurs, et, d'autre part, le paiement des aides. Le constat que nous faisons tous, c'est que nous avons monté une usine à gaz où il n'y avait pas de pilote dans l'avion, ce qui a conduit à des erreurs colossales. Il ne faut pas oublier que les déclarations PAC et parcellaires sont faites depuis 1992 ; ce n'est qu'en 2018 que les déclarations PAC se stabilisent ! Or la surface qu'exploitent les agriculteurs ne change pas - ou à la marge seulement -, non plus que celle de la planète...
Si nous en sommes arrivés là, c'est parce que pendant bien longtemps, personne n'a été capable de savoir exactement ce qu'il devait faire. Les agriculteurs ont ainsi déclaré leur surface pendant des années sur le registre parcellaire graphique en sachant que la déclaration du voisin pouvait engendrer des doublons. L'administration renvoyait tous les ans une feuille demandant de préciser qui débordait dans la parcelle de l'autre. Nous aurions pu traiter le problème plus tôt ! Ce sont les refus d'apurement qui ont commencé à faire bouger les choses : en 2014, 601 ETP supplémentaires ont été embauchés, et 350 en 2015, auxquels s'ajoutent 1 200 vacataires, pour traiter notamment les problèmes des surfaces non admissibles (SNA). Les SNA ont donné lieu à des aberrations sans nom : ainsi du râtelier situé, comme il se doit, au milieu de la parcelle, que l'on demandait à l'exploitant de retirer de sa déclaration !
Je m'étonne que le rapport de la Cour des comptes insiste, 80 pages durant, sur les dysfonctionnements de l'ASP - erreurs de calcul, de paiement, retards - et n'aboutisse qu'à la recommandation principale de lui affecter les techniciens des DDT... Je pense pour ma part que l'erreur principale qui a été commise a été une centralisation trop importante. Une plus grande proximité aurait permis d'apporter des réponses à tous ces problèmes. Il fallait certes un cadre étatique, mais aussi plus de latitude donnée aux acteurs de terrain. Nous le voyons pour le programme Leader ou pour les aides du Feader : les régions sont obligées de réembaucher du monde pour faire le travail de l'ASP, de monter des systèmes d'information différents de ceux de l'ASP pour procéder aux paiements des aides européennes... Dans quel monde vit-on ? Comment accepter qu'autant de personnes soient chargées de ce travail dans les différentes structures de gestion et de contrôle, et que les collectivités territoriales soient obligées d'embaucher pour se substituer à elles ? Et ce avec l'argent public... Tout cela témoigne d'un réel fiasco, et d'un mal bien français, qui consiste à traiter n'importe quel problème non pas au niveau local - parce là, naturellement, ils n'y comprennent rien - mais au niveau central. C'est exactement l'inverse de ce qu'il faudrait faire !