Intervention de Marie-Pierre de La Gontrie

Réunion du 10 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 14

Photo de Marie-Pierre de La GontrieMarie-Pierre de La Gontrie :

Premièrement, le corapporteur indique qu’une souplesse a été intégrée par la commission, ce qui est exact, car désormais le recours à la procédure dématérialisée n’est plus une obligation, mais une possibilité.

Il faut toutefois rappeler que ce sont essentiellement des organismes de crédits ou financiers qui forment des demandes d’injonction de payer à l’égard de débiteurs indélicats, et que ces organismes vont évidemment avoir recours à la procédure dématérialisée. C’est donc un leurre que de dire qu’il s’agit d’une possibilité laissée aux requérants et non d’une obligation. Ne nous racontons pas que cette possibilité ne va pas être utilisée systématiquement !

Deuxièmement, concernant la réponse de Mme la garde des sceaux, il convient de souligner que le mécanisme proposé est tout de même un peu complexe pour le justiciable.

Nous aurons en effet une juridiction unique nationale qui sera compétente pour les injonctions de payer, dont on devine, car ce n’est pas explicite dans le texte, qu’elle sera également compétente dès lors que l’opposition ne porterait que sur des délais de paiement, tandis que la juridiction territorialement compétente pourrait être compétente pour une opposition fondée sur tout autre motif.

Si je résume, le débiteur d’un organisme de crédit, absolument pas habitué au système judiciaire, comme on peut le supposer, recevra donc une injonction de payer dont il ignorait que l’organisme avait déposé la demande. Il en sera certainement un peu saisi, au sens physique du terme, car cela est toujours désagréable. Cette personne va lire dans la notification qu’elle a la possibilité de former opposition devant telle juridiction si cette opposition porte uniquement sur des délais de paiement ou devant telle autre pour tout autre motif. Vous admettrez qu’il s’agit d’un accès au droit – je n’ose dire au juge – tout de même singulièrement compliqué !

Nous comprenons bien votre objectif d’alléger les charges – il n’est pas illégitime, qu’on le partage ou non –, mais vous allez tellement complexifier la procédure que cela va priver d’accès au juge les justiciables les plus faibles. C’est en ce sens que le Défenseur des droits avait souligné qu’il s’agirait sans doute de la seule procédure française exclusivement dématérialisée.

Je pense qu’un tel sujet mérite plus de réflexion. Vous l’avez compris, personne n’est dogmatique dans cet hémicycle, mais nous pensons aux justiciables les moins armés pour faire face à ce type de difficultés.

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