Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 10 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 18

Nicole Belloubet :

Cet amendement vise à rétablir la possibilité pour le parquet de recourir directement à la force publique en matière familiale. En effet, la commission a fait le choix de supprimer, dans le dispositif d’exécution des décisions en matière familiale que je vous propose, la possibilité pour le procureur de la République d’utiliser directement la force publique.

Actuellement, face au refus d’un parent d’exécuter une décision concernant l’autorité parentale, relative en particulier aux droits de visite ou à la question du lieu de résidence de l’enfant, l’autre parent est souvent démuni. Toutes les semaines, je reçois des courriers déchirants de pères ou de mères qui, après plusieurs mois, voire après plusieurs années de procédure, ont obtenu une décision de justice en leur faveur et peinent à la voir exécutée. Ces situations sont évidemment extrêmement douloureuses. Bien sûr, mes services peuvent inviter ces parents à porter plainte pour non-représentation d’enfant, mais cette voie pénale ne permet absolument pas l’exécution de la décision. Ainsi, au plan civil, le parent qui est confronté à un tel refus doit de nouveau saisir le juge aux affaires familiales pour solliciter la modification des dispositions non respectées, voire le changement de résidence habituelle de l’enfant. Cela n’est pas satisfaisant.

Par conséquent, je souhaite un dispositif complet et cohérent pour remédier à de telles situations, qui sont évidemment extrêmement perturbatrices pour les familles et dont les premières victimes sont les enfants.

Bien évidemment, ce mécanisme ne peut reposer sur un recours systématique à la force publique et à l’exécution forcée. C’est pourquoi il est proposé un système gradué, qui permettra le prononcé d’amendes civiles et d’une médiation, y compris post-sentencielle. Toutefois, en dernier recours, lorsque ni la menace ni le prononcé d’une sanction financière, d’une part, ni la médiation, d’autre part, n’auront permis l’exécution spontanée de la décision rendue en matière de responsabilité parentale, la force publique doit pouvoir être utilisée. Il est donc proposé que le recours à la force publique soit requis par le parquet directement dans les cas les plus extrêmes.

Je souhaite souligner qu’il existe déjà des modes d’exécution forcée en matière familiale. Le code civil prévoit déjà que le procureur de la République peut requérir directement le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions de placement rendues en assistance éducative. Cette exécution forcée est également possible pour l’application d’une décision concernant des parents qui résident dans deux pays différents.

Vous le constatez, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, une disparité de traitement existe au profit de situations particulières, notamment celles qui revêtent un caractère international : paradoxalement, il est beaucoup moins compliqué de faire revenir son enfant lorsque celui-ci a quitté la France que lorsqu’il habite dans une ville voisine, au sein de l’Hexagone.

Ce que je vous propose existe déjà dans d’autres pays proches de nous, sous des formes analogues. Je pense notamment à la Finlande, à l’Allemagne, à la Suède et au Luxembourg.

Il s’agit d’une mesure ultime, qui me semble souhaitable et pertinente dans certaines situations et qui permet à l’ensemble du dispositif progressif que j’ai évoqué d’être dissuasif, et donc d’être respecté.

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