Madame la ministre, je comprends ce que vous recherchez. Vous avez probablement sur votre bureau de nombreux dossiers, pas tous identiques, concernant des questions de non-représentation d’enfant, qui sont souvent des situations extrêmement dramatiques.
Cela étant, dans ces dossiers, l’idée qu’il faudrait permettre à la force publique d’intervenir pour appliquer une décision du juge aux affaires familiales résulte, à mon sens, d’un constat qui n’est pas certain, constat selon lequel le parent qui ne satisfait pas à son obligation de présenter son enfant, c’est-à-dire d’accorder le droit de visite et d’hébergement, serait un parent malveillant ou défaillant.
Toutes choses égales par ailleurs, j’ai moi aussi beaucoup de dossiers de ce type-là. J’identifie un type de dossier en particulier : il s’agit de toutes ces affaires dans lesquelles les juges aux affaires familiales n’ont pas entendu la parole des mères, toutes ces affaires dans lesquelles ce que les mères ont expliqué sur les maltraitances, les violences sexuelles du père n’ont été ni entendues ni retenues par les juges aux affaires familiales, toutes ces affaires dans lesquelles les mères sont obligées, en vertu de l’exercice d’un droit de visite et d’hébergement – un DVH –, de continuer à envoyer leurs enfants chez leur père, alors qu’elles savent pertinemment – j’ai eu beaucoup de dossiers comme cela – que leurs enfants sont en danger.
Si j’entends bien, le père pourra, en application de l’amendement n° 221, c’est-à-dire des dispositions figurant dans le projet de loi initial, faire requérir la force publique à ce moment-là. Cela découle de l’idée que le juge aux affaires familiales est infaillible. Or ce n’est pas vrai ! Il est faux de dire que la justice aux affaires familiales serait une justice juste par nature. Le JAF – juge aux affaires familiales – est un concept pour les étudiants en droit. En réalité, de nombreux juges aux affaires familiales utilisent le syndrome d’aliénation parentale contre les mères, syndrome pour lequel on a essayé d’obtenir des juges, parce qu’il n’a aucun fondement théorique, qu’il soit retiré des outils qu’ils utilisent.
Enfin, je vous invite à lire, ou à relire, le livre du Collectif Onze sur la justice familiale et, en particulier, sur la dimension « genrée » et matérielle ou financière de la justice aux affaires familiales. Je crains que cet amendement, qui a pour objet de répondre à quelques situations où la non-représentation d’enfant par l’un des parents est effectivement injustifiée, n’aboutisse en réalité à alourdir encore davantage la peine qui pèse sur les mères et les enfants dans tous ces cas où le juge aux affaires familiales s’est trompé. Et malheureusement ces cas-là sont nombreux !