Intervention de Laurence Harribey

Réunion du 10 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 26

Photo de Laurence HarribeyLaurence Harribey :

Cet amendement vise à supprimer les alinéas 7 et 8 de l’article 26.

En l’état du droit, le tribunal correctionnel ne peut retenir un dossier que si la victime a été avisée de la date de l’audience, et il est contraint d’ordonner le renvoi si cette formalité n’a pas été accomplie. En imposant au tribunal correctionnel de renvoyer l’affaire à une audience sur les intérêts civils lorsqu’il a statué sur l’action publique, sans qu’il soit établi que la victime ait été avisée de la date d’audience, le présent projet de loi altère le statut des victimes. Selon nous, il s’agit d’une atteinte aux droits de celles-ci.

En effet, comment peut-on envisager, au vu des impératifs du droit à un procès équitable, de permettre à un jugement correctionnel d’intervenir à l’insu de la victime ? De plus, la condition prévue par le projet de loi autorisant le tribunal a passé outre l’avis à victime lorsqu’il estime que la présence de celle-ci n’est pas indispensable au débat repose sur un critère d’appréciation très large, laissé au seul arbitrage du tribunal, ce qui pose problème, d’autant que la question est insusceptible de recours de la part de la victime évincée.

Les répercussions négatives que cette mesure risque d’entraîner n’ont sans doute pas été suffisamment prises en considération, qu’il s’agisse du fonctionnement des services du greffe et des formations chargées des intérêts civils. Les avis à victime constituent une charge nécessaire, mais lourde pour les services du greffe, de la police et de la gendarmerie, qui sont, par ailleurs, soumis à d’importantes contraintes en termes de moyens. Il est donc à craindre que, dans certains services, cette disposition n’entraîne un désinvestissement de fait sur ce champ, conduisant l’absence d’avis à victime, aujourd’hui signe d’un oubli ou d’un dysfonctionnement ponctuel, à devenir une pratique généralisée aux dépens des victimes.

Enfin, la pratique du renvoi systématique devant les formations chargées des intérêts civils est de nature à engorger celles-ci dans des proportions au moins équivalentes au temps gagné devant le tribunal correctionnel.

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