Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, c’est un amendement important que je vous présente. Il vise à accélérer l’indemnisation des victimes d’attentats terroristes. Ces victimes, qui ont évidemment vécu des situations dramatiques, très douloureuses, sont aujourd’hui confrontées à un parcours procédural extrêmement complexe lorsqu’elles sollicitent la réparation des préjudices subis, ce parcours s’inscrivant aujourd’hui dans le sillage de la procédure pénale.
En effet, de multiples acteurs sont susceptibles d’intervenir pour assurer cette indemnisation en fonction de l’état de la victime et également de l’avancement des investigations. Interviennent ainsi le fonds de garantie des victimes d’actes de terrorisme, le juge d’instruction, le juge civil statuant en référé ou au fond, la juridiction pénale de jugement.
Je souhaite que cette complexité procédurale ne vienne pas s’ajouter à l’épreuve qu’ont déjà subie ces victimes. C’est pourquoi j’ai demandé à Mme Chantal Bussière d’évaluer les dispositifs existants et d’identifier les améliorations susceptibles d’être apportées au parcours procédural des victimes. Mme Bussière, magistrate, m’a rendu ses conclusions il y a quelque temps, et ce sont ces conclusions, qu’elle a pu établir à la suite d’un très large processus de dialogue et de consultation, qui conduisent le Gouvernement à vous proposer l’amendement dont il est ici question.
Prenant, donc, appui sur ces travaux, je vous propose de simplifier le parcours des victimes d’actes de terrorisme, d’accélérer leur indemnisation et de favoriser l’égalité de traitement entre elles. Tels sont les trois objectifs que je poursuis : simplification, accélération de l’indemnisation et égalité dans le traitement.
Il ne s’agit évidemment pas ici de remettre en cause le dispositif amiable de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme, qui est assuré par le FGTI, le fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions. Il s’agit au contraire de renforcer son efficacité, d’y adosser un recours juridictionnel unifié et spécialisé et de veiller à une meilleure articulation avec la procédure judiciaire.
Ainsi, outre le choix du médecin sur une liste d’experts, qui est prévu par le présent amendement, je vous indique dès à présent que les mesures réglementaires viendront renforcer les garanties offertes aux victimes pendant le déroulement de l’examen médical qui est pratiqué de manière systématique à la demande du FGTI, pour les rapprocher de celles qui sont offertes par la procédure civile – je pense notamment à la remise d’un prérapport ou au renforcement du contradictoire.
S’agissant donc du présent amendement, afin de favoriser un traitement plus rapide et plus juste sur l’ensemble du territoire, un juge civil sera spécialisé au tribunal de grande instance de Paris dans l’indemnisation des victimes de terrorisme. Il s’agit donc d’un juge civil unique et spécialisé, qui siégera à Paris. Il s’appellera JIVAT, pour « juge de l’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme ».
Notre intention n’est absolument pas, évidemment, d’éloigner les victimes de leur juge, bien au contraire, puisque – je vous le rappelle – le juge pénal qui est compétent en matière de terrorisme se trouve déjà à Paris. Il s’agit au contraire de donner aux victimes un accès à un juge civil spécialisé, suivant en cela les recommandations qui ont été formulées par le Défenseur des droits.
L’accès à ce juge se fera selon une procédure adaptée à la complexité des demandes liées à la réparation de ces préjudices très particuliers, et le traitement de ces demandes, ainsi conçu, ne retardera plus le déroulement de l’information judiciaire et la tenue du procès, qui constituent très souvent une étape indispensable dans le parcours de reconstruction de ces victimes.
Cette compétence exclusive donnée au JIVAT aura pour corollaire l’incompétence des juridictions pénales pour connaître de l’action civile en réparation du dommage causé par une infraction résultant d’un acte de terrorisme. Mais je tiens à souligner avec force que cette incompétence matérielle ne retirera aucun droit aux victimes d’actes de terrorisme : celles-ci conserveront bien entendu toute leur place dans le procès pénal, se constituant partie civile afin soit de mettre en mouvement, soit de soutenir l’action publique.
Les victimes continueront ainsi d’avoir accès au dossier de la procédure et, bien entendu, elles pourront formuler toute demande d’acte utile à la manifestation de la vérité afin de soutenir l’action publique. Il est évidemment impensable – et il n’est en aucun cas envisagé – que la parole publique ne puisse pas être portée devant le juge pénal, tant par leur témoignage direct que par la voix de leur avocat.
Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, cet amendement, avec la création du JIVAT, a en réalité pour objet d’accélérer l’indemnisation des victimes, cette rapidité étant évidemment liée au fait que l’indemnisation sera décorrélée du procès pénal, qui est souvent extrêmement long.
Par ailleurs, cette disposition permettra l’égalité dans le traitement des victimes, puisque la solution résultera d’un juge qui, à Paris, prendra des décisions identiques dans tous les cas similaires. Il me semble qu’il y aurait là un appui considérable offert à ces victimes très durement frappées par les actes de terrorisme.