Nous sommes dans une situation tout à fait particulière : il n’y a aucune corrélation – cela vient d’être dit – entre l’indemnisation des victimes, qui est faite par un fonds, et la procédure pénale avec constitution de partie civile. Vous maintenez d’ailleurs dans la procédure pénale, madame la ministre, la possibilité pour la victime de se constituer partie civile pour intervenir au procès. Mais l’indemnisation, elle, est assurée par un fonds.
Le cas est analogue à celui que rencontrent d’autres victimes de délits, qui peuvent saisir la commission d’indemnisation des victimes d’infractions. En l’occurrence, il ne faut pas se faire d’illusions : les terroristes n’auront pas les moyens d’indemniser ! C’est donc bien le fonds qui doit indemniser.
Nous sommes donc dans le cadre d’une procédure tout à fait spécifique et particulière – je vous le concède.
La difficulté, madame la ministre, vient de ce que vous avez déposé cet amendement il y a huit jours ; les rapporteurs, en commission, nous ont dit qu’il leur fallait du temps pour l’étudier, et nous ont annoncé, ce matin, qu’ils inclinaient plutôt à le soutenir. J’avoue avoir, à cette occasion, émis des réserves, reprenant d’ailleurs des arguments qui nous ont été exposés par des associations.
Madame la ministre, je vous demande d’aller plus loin sur les dispositions réglementaires. Si vous voulez véritablement accélérer le processus d’indemnisation, il faut d’abord imposer au fonds des délais et des obligations, comme il en existe en matière d’assurance depuis la loi Badinter de 1985 – dans un temps donné, la compagnie d’assurance doit faire à la victime une offre au moins provisionnelle.
En outre, puisque la situation est particulière, il faudrait presque que ce juge spécialisé puisse intervenir selon une procédure particulière. Dans de telles circonstances, on ne saurait exiger de la victime, par exemple, qu’elle procède par voie d’assignation. Il faut un mode de saisine qui facilite les choses – mais de telles questions relèvent de la compétence réglementaire, et je pense que vous les réglerez.
Il faut quand même être conscient du risque – un certain nombre d’associations d’avocats de victimes l’ont pointé : celui d’une uniformisation de la procédure. Le fait qu’il existe une commission d’indemnisation des victimes d’infractions, ou CIVI, auprès de chaque tribunal de grande instance permet de faire évoluer la jurisprudence. En effet, chaque situation de victime est très particulière. L’indemnisation du préjudice moral peut être uniformisée ; mais l’indemnisation du préjudice matériel, du préjudice professionnel, des pertes de chance, etc. doit être très individualisée – de telles procédures, d’ailleurs, sont toujours longues.
Pour ces raisons, j’ai exprimé ce matin des réserves. Je pense néanmoins qu’il y a là un vrai problème, et que la volonté des uns et des autres va dans le sens de l’intérêt des victimes. Nous voterons donc cet amendement, avec un seul regret : sur un tel sujet, vous procédez par amendement au lieu d’insérer votre proposition dans le texte déposé ; il n’y a, en outre, qu’une seule lecture, la procédure accélérée ayant été engagée ; tout un aspect de cette question, de surcroît, relève du domaine réglementaire ; tout cela, on le voit bien, ne nous permet pas d’approfondir le dossier.
En définitive, madame la ministre, nous vous faisons confiance, dans l’intérêt des victimes.