Globalement, le présent texte marque, en matière pénale, un recul de la place du juge d’instruction et des droits de la défense. Il octroie aux policiers, sans garde-fous, des pouvoirs d’écoute, de géolocalisation et de perquisition pour une multitude de délits qui n’ont rien à voir avec le grand banditisme ni avec le terrorisme. Il fait ainsi entrer encore davantage l’état d’urgence dans l’état de droit.
La justice repose sur le principe de la balance entre l’accusation et la défense ; sans cet équilibre, vous n’avez plus de justice. C’est ainsi la conception même de la justice qui est menacée.
L’article 32 étend les pouvoirs des enquêteurs au travers de l’intégration dans le droit commun des dispositifs actuellement prévus pour la seule poursuite des délits donnant lieu à une peine de prison de plus de cinq ans ou des infractions de terrorisme ou de criminalité organisée.
Les pouvoirs exceptionnels confiés aux enquêteurs dans le cadre de l’enquête de flagrance, qui sont justifiés par un crime ou par un délit qui vient d’être commis, n’ont aucune raison d’être étendus à un autre cadre juridique. En effet, ces pouvoirs ne sont justifiés que par « la conservation des indices susceptibles de disparaître et de tout ce qui peut servir à la manifestation de la vérité », conformément à l’article 54 du code de procédure pénale.
Alors qu’il serait nécessaire de réfléchir à la restriction de ce régime dérogatoire de l’enquête de flagrance à une durée strictement limitée à l’urgence, le projet de loi prévoit au contraire son extension et sa banalisation par deux moyens. Il s’agit, d’une part, de l’extension de la durée de la flagrance à seize jours lorsque la procédure porte sur un crime de droit commun ou sur une infraction prévue, entre autres, par l’article 706-73 du code précité, et, d’autre part, de l’extension de la possibilité de prolonger la flagrance à l’ensemble des infractions punies de trois ans d’emprisonnement ou plus. Or la formulation de cette disposition et la confusion de l’étude d’impact ne permettent pas d’exclure tout à fait formellement une application aux crimes de droit commun et aux infractions prévues par l’article que je viens de citer.
Pour toutes ces raisons, nous souhaitons la suppression du présent article particulièrement attentatoire aux libertés fondamentales, alors que, en parallèle, une réduction sensible de l’autorité judiciaire est à l’œuvre.