Intervention de Maurice Antiste

Réunion du 11 octobre 2018 à 10h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 37

Photo de Maurice AntisteMaurice Antiste :

Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, sous le titre « Dispositions clarifiant et étendant la procédure de l’amende forfaitaire », l’article 37 crée trois groupes d’amendes forfaitaires délictuelles, qui s’ajouteraient aux deux cas déjà prévus par la loi de 2016-1547 de modernisation de la justice du XXIe siècle.

L’amende forfaitaire délictuelle constitue à mon sens une négation absolue du principe d’individualisation de la peine, en ce qu’elle réduit l’acte de juger à l’application de tarifs à la seule appréciation des forces de l’ordre, sans intervention préalable de magistrats.

Selon le Syndicat de la magistrature, c’est d’autant plus grave que l’on nous propose ni plus ni moins d’étendre ce dispositif d’amende forfaitaire à trois nouvelles infractions, dont la principale est l’usage de stupéfiants, alors même qu’il reste purement et simplement inapplicable en pratique, faute de mesures réglementaires d’application, en raison d’obstacles juridiques et techniques non résolus.

De plus, loin de l’ambition de clarification affichée, ce projet de loi sème la confusion sur un certain nombre de points.

Ainsi, il y a une réelle incohérence entre le montant des amendes forfaitaires prévu par le projet de loi et les peines délictuelles encourues. Par exemple, l’amende forfaitaire pour la conduite sans assurance – 500 euros – est plus lourde que celle qui est prévue pour la vente d’alcool à un mineur – 300 euros –, alors que c’est l’inverse concernant leurs peines délictuelles, respectivement 3 750 euros et 7 500 euros.

De la même façon, l’article L. 3353-5 du code de la santé publique prévoit qu’aucune peine ne sera appliquée au prévenu qui peut prouver « qu’il a été induit en erreur sur l’âge du mineur, sur la qualité ou l’âge de la personne l’accompagnant ou encore sur l’état du malade ». Quid de l’application de cette disposition en cas de procédure de forfaitisation ?

En outre, je tiens à le souligner, la mise en place d’une amende forfaitaire pour usage de stupéfiants n’empêcherait aucunement les poursuites directes devant le tribunal correctionnel et ne constituerait donc pas un allégement de la répression ni une simplification : elle serait plus vraisemblablement de nature à « élever significativement le niveau de répression de l’usage de stupéfiants ». Cela va clairement à l’encontre du rapport de la mission d’information parlementaire du mois de janvier 2018, qui recommande la contraventionnalisation de l’usage de stupéfiants au regard des moyens insuffisants accordés à la justice pour traiter ce délit.

C’est pourquoi j’ai déposé un amendement tendant au maintien de la possibilité de suivre un stage de sensibilisation aux dangers de l’usage de produits stupéfiants en lieu et place du paiement de l’amende forfaitaire.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion