...spécialement lorsque notre assemblée a discuté, voilà un mois à peine, d'un texte relatif à l'organisation de certaines professions de santé !
Ces dispositions relatives aux conditions d'inscription sur les listes départementales des professionnels non inscrits de droit apparaissent d'autant moins opportunes que vous avez indiqué à l'Assemblée nationale, monsieur le ministre, que le décret d'application de l'article 52 de la loi relative à la politique de santé publique - puisque c'est de cela qu'il s'agit -, était en cours d'examen devant le Conseil d'État.
D'ailleurs, si j'en crois les courriers que nous reçus, ce décret suscite quelques inquiétudes chez les professionnels. S'il n'avait été absent de Paris, Jack Ralite se serait volontiers fait leur porte-parole et il les aurait certainement mieux défendus que moi.
Néanmoins, nous avons examiné les choses et, à y regarder de plus près, la démarche est finalement assez symptomatique de la tendance actuelle, contre laquelle nous nous élevons, qui tend à « médicaliser » la profession de psychothérapeute, comme si tout mal-être devait pouvoir être résolu par la voie des médicaments !
Mais c'est dans l'air du temps : les laboratoires ne nous annoncent-ils pas de nouvelles maladies, au gré de la découverte de nouvelles molécules ? Après les TOC - les troubles obsessionnels compulsifs -, nous avons découvert plus récemment la maladie des pleurs irrépressibles. Désormais, le médicament précède la maladie !
Concernant la profession de psychothérapeute, M. Accoyer sévit donc à nouveau avec l'amendement qu'il a déposé et fait adopter par l'Assemblée nationale, afin de corseter un peu plus une discipline qui tire précisément sa légitimité de sa diversité.
En l'occurrence, il s'agit de subordonner l'inscription sur la liste départementale à l'autorisation d'une commission régionale. Cette disposition pose déjà dans son mécanisme même un certain nombre de problèmes.
D'abord, la commission serait composée à parité de médecins et de psychologues, les psychanalystes étant exclus sans que l'on sache pourquoi et alors même que l'on peut douter de la qualité particulière des médecins pour apprécier la compétence d'un psychothérapeute, et pourtant ils bénéficient d'une inscription de droit sur la liste !
Ensuite, le texte n'évoquant aucune possibilité de recours contre les décisions de la commission régionale, cette dernière est a priori inconstitutionnelle.
Au-delà des problèmes résultant de sa rédaction, je dirai quelques mots sur l'esprit qui sous-tend l'amendement Accoyer.
On ne peut qu'approuver la volonté d'encadrer les dérives de faux thérapeutes, qui exploitent la douleur des gens. Mais cet argument sert un peu trop facilement de paravent pour « normer » une profession, la faire entrer dans des cases bien définies, sous le contrôle du « médical ».
Comme avec le dépistage précoce des troubles du comportement chez l'enfant, on est en train de reconstruire une discipline à partir d'une conception que j'aurais tendance à qualifier de préhistorique.
Pourtant, cette approche n'est pas aussi « sûre » que veulent bien le prétendre ses défenseurs. Revenant sur cet argument de « protection », je rappelle que des dispositions, notamment pénales, existent pour protéger les personnes vulnérables et qu'elles pourraient être employées bien plus utilement contre les charlatans peu scrupuleux.
À l'inverse, il convient de se méfier du « tout-médicament » qui semble progresser en la matière. Des associations, comme l'AAAVAM, l'Association d'aide aux victimes des accidents de médicaments, alertent chaque jour contre les dangers des anxiolytiques et des antidépresseurs ; de son côté, l'AFSSAPS, l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, a fait des recommandations pour l'administration de ce type de médicaments aux mineurs, ce qui permet peut-être de rendre un peu moins rouge le chiffon que M. Accoyer se plaît à agiter.
C'est du côté de la formation et de la déontologie de la profession qu'il convient d'agir, comme l'a dit tout à l'heure Jean-Pierre Sueur et comme nous y invite finalement la commission des affaires sociales, et non pas en jetant à tout prix l'opprobre sur des professionnels.
Telles sont les raisons qui nous ont conduits à déposer les amendements visant à supprimer les articles introduits par l'Assemblée nationale.