Permettez-moi de répondre brièvement aux trois observations que j’ai entendues : pourquoi créer un tel parquet ? Cela ne va-t-il pas conduire à une réduction des effectifs ? La crainte de l’isolement transparaît aussi dans les différentes interventions.
Si nous voulons créer un tel parquet, c’est parce que la menace terroriste est d’une ampleur très singulière ; elle a évolué. Elle ne ressemble plus à ce que l’on a vécu il y a dix ans : la menace est nationale, internationale, exogène et endogène, comme le montre l’ensemble des attentats aujourd’hui déjoués, même si nous ne le précisons pas sans arrêt. Il existe une véritable menace terroriste ! Aussi, il nous semble qu’il nous faut accompagner ce mouvement, voire l’anticiper.
Par ailleurs, je l’ai dit, le parquet de Paris, au sens du procureur de la République de Paris, aura des compétences accrues, en lien notamment avec la criminalité organisée.
Cette montée en puissance du parquet de Paris conjuguée à l’augmentation et à l’évolution de la menace terroriste nous a conduits à dissocier ces deux tâches. Il ne nous semble plus réaliste de penser que le parquet pourra continuer à mener de front cette mission, ce qu’il fait remarquablement bien jusqu’à ce jour. Il n’est pas réaliste de ne pas prendre en compte cette double évolution, à savoir, je le répète, la montée en puissance du parquet de Paris et l’évolution de la menace terroriste.
Je l’indiquais précédemment, le parquet de Paris va avoir des compétences accrues en matière de criminalité organisée. Or ne lions pas criminalité organisée et lutte contre le terrorisme. Nous avons parlé avec de très nombreux acteurs, j’y insiste. Il n’existe pas de lien, si ce n’est occasionnel, et donc à un faible degré, entre criminalité organisée et terrorisme. Le procureur Molins et, notamment, la DGSI, la direction générale de la sécurité intérieure, que j’ai interrogés, l’affirment clairement, le lien est très ténu – je reprends là un mot qui a été utilisé. C’est la raison pour laquelle il ne nous semble pas pertinent de lier automatiquement crime organisé et lutte contre le terrorisme. Le schéma que nous proposons correspond à l’évolution de la menace terroriste et me paraît justifier cette organisation avec deux personnes.
Concernant la question de la réduction des effectifs – une crainte évoquée par M. le sénateur Buffet, prenant appui sur les craintes initiales exprimées par le Conseil d’État, auxquelles nous avons répondu –, je veux redire ici que, en cas de crise grave, d’attentat grave, le parquet antiterroriste pourra prendre, sur une liste de magistrats qui aura été établie par le procureur général ou avec l’accord du procureur général de Paris, parmi les magistrats du parquet de Paris, autant de magistrats figurant sur cette liste qu’il le voudra. Il s’agit donc d’une réponse souple et adaptée à la situation. Il n’y aura aucune difficulté pour choisir – le mot n’est pas juste –, mais plutôt pour prendre des magistrats figurant sur cette liste en vue de répondre aux besoins qui seront, par définition, occasionnels.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, la question de l’absence de pouvoir hiérarchique du procureur de Paris sur les magistrats des territoires. Mais il n’existe pas aujourd’hui de pouvoir hiérarchique ; nous ne changeons donc absolument rien.
Enfin, pas d’isolement, nous faisons le contraire. Ce que nous construisons permettra d’établir un lien extrêmement étroit entre le parquet antiterroriste à Paris et ce qui se passera au niveau territorial. Les procureurs délégués au niveau territorial ne sont pas créés, comme cela est indiqué dans l’objet de votre amendement, messieurs les rapporteurs de la commission des lois, pour « assurer une certaine coordination entre les parquets autonomes. » Face à une menace endogène présente sur l’ensemble du territoire – les loups solitaires radicalisés –, il convient de disposer de relais territoriaux pour faire remonter au PNAT l’information relative à la problématique des radicalisations locales. Ces relais territoriaux agiront au plus près du terrain, en lien avec les services de renseignements locaux et au sein du GED, le groupe d’évaluation départemental de la radicalisation, ce qui permettra de renforcer la connaissance du PNAT sur les phénomènes de radicalisation et, donc, d’anticiper et de mieux réagir face aux risques de passage à l’acte, notamment en cas d’infractions d’association de malfaiteurs terroristes.
Nous instituons là, me semble-t-il, un mécanisme à la fois puissant, souple et adapté à la réalité de la menace terroriste.