Je vous transmets tout d'abord les salutations de la population de Bora-Bora. Au sujet de la prévention, je pense nécessaire de relativiser le qualificatif de risques naturels car tous ces dérèglements climatiques dont nos îles du Pacifique sont les victimes sont la conséquence de la pollution émise par les activités humaines des grands pays. Je salue le travail de notre président Édouard Fritch qui a fédéré tous les États du Pacifique derrière lui à l'occasion de la COP21 ; on a enfin entendu la voix du Pacifique, et maintenant il faut passer aux actes et notamment au fonds vert. Jean-Christophe Bouissou, notre ministre du logement, de l'aménagement et de l'urbanisme, va vous parler des PPR, mais si le principe est effectivement pertinent il est en pratique très compliqué de faire admettre les conséquences à la population. Il faut savoir que la Polynésie est entourée d'eau et que la terre est rare ; dans 80 % des cas, les parties habitables se trouvent à un mètre à peine au-dessus du niveau de la mer. Nous sommes dans un pays quasiment inconstructible avec côté mer le risque de submersion et côté montagne les glissements de terrain. La mise en place des PPR se heurte à l'incompréhension des maires et des populations. Mais il faut anticiper les risques et trouver des moyens de prévention.
Nous avons anticipé à l'occasion des cyclones de 1983 : 7 cyclones coup sur coup ont frappé la Polynésie française et il y a eu beaucoup de dégâts ; le pays, à l'époque, a engagé la construction des abris anticycloniques. La construction des premiers abris anticycloniques a démarré en 1984-1985 et cela reste d'actualité, mais demander aux fonds intercommunaux de participer à l'action de protection de la population contre les cyclones, les aléas, c'est lourd pour le budget des communes. Les maires veulent pouvoir consacrer les investissements communaux à la construction d'écoles, de cantines, etc... certes aux normes anticycloniques mais pas à la construction d'abris. Ces investissements relatifs à la sécurité devraient être financés par l'intervention du fonds vert ou d'un fonds spécial alimenté par le fonds vert ; nous estimons d'ailleurs totalement incompréhensible que la Polynésie française ne soit pas éligible au fonds vert étant donnée sa vulnérabilité au changement climatique. À l'échelon des communes, nous réalisons de petits travaux qui contribuent à la prévention, comme l'élagage ou le nettoyage du lit des rivières, mais c'est largement insuffisant pour mettre en place un vrai plan de prévention car il faudrait édifier des ouvrages et peut-être revoir les normes de construction anticycloniques. En Polynésie, toutes les constructions sont loin d'être aux normes pour des vents souvent de plus de 250 km/h. Il faut en outre considérer la majoration du coût de la construction : celui-ci peut être multiplié par deux ou par trois et nous serions incapables de faire face à ces obligations si les normes étaient rendues encore plus exigeantes. Je voudrais d'ailleurs saluer les sénateurs de Saint-Barthélemy et Saint-Martin, leur dire toute notre compassion pour ce que leurs îles ont subi en septembre.
En ce qui concerne les moyens d'alerte, les sirènes ne sont malheureusement pas fiables ; il faut surtout sécuriser la production d'énergie et d'électricité. J'avais même proposé de faire sonner les cloches dans les temples, car elles ne connaissent pas le risque de panne. J'ai déclaré au congrès des maires de France que les Polynésiens étaient un peuple de la mer, s'adaptant aux changements, aux phénomènes liés à la montée des eaux. Je prends l'exemple d'un hôtel sur pilotis qui a été reconstruit trois fois à cause de la montée de la mer, du fait des houles cycloniques : il est maintenant à deux mètres au-dessus de l'eau, par rapport au niveau du lagon, et nous espérons que l'eau ne montera pas plus haut. Nous prenons des dispositions localement, nous faisons face aux phénomènes, nous n'en sommes pas encore à la gestion des crises mais nous disposons d'un plan communal de sauvegarde (PCS) qui nous permet effectivement de réagir rapidement au moment où l'alerte est donnée. J'insiste sur l'importance de sauvegarder les moyens de communication et de sécuriser la production d'énergie électrique de manière à ce que le contact reste établi tout au long de la période de crise.