Je tâcherai d'apporter quelques précisions concernant l'action du ministère de la transition écologique et solidaire en matière de prévention des risques naturels majeurs en outre-mer.
La direction générale de la prévention des risques (DGPR) collabore en permanence avec la direction générale des outre-mer (DGOM) sur les sujets qui concernent les outre-mer à l'exception des collectivités du Pacifique où notre rôle se limite à une mission d'expertise. Dans ces territoires, en effet, la DGPR n'apporte pas son concours financier et n'est pas compétente en matière de règlementation.
Nous entretenons également d'étroites relations avec la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC). Même si notre mission se limite à la prévention, nous sommes appelés, tout comme Météo France, à être mobilisés dans la gestion de crise pour certains risques naturels majeurs. En l'espèce, la DGPR, à travers le Schapi, service à compétence nationale, intervient en matière d'administration des barrages et de prévision des inondations. Depuis 2003, la connaissance des débordements de cours d'eau n'a cessé de s'améliorer, ce qui a permis la mise en place des CVH dans les DROM. Nous adoptons également une démarche interservices au sein du ministère puisque nous sollicitons régulièrement la direction de l'habitat, de l'urbanisme et des paysages (DHUP).
En cas de cyclone, Météo France et le préfet sont les principaux acteurs de la chaîne d'alerte. Les DEAL, nos services déconcentrés, interviennent dans un second temps puisqu'elles effectuent des retours d'expérience systématiques pour évaluer a posteriori l'efficacité de nos plans de prévention.
Notre action porte donc principalement sur l'amélioration de la connaissance des aléas. Pour ce faire, nous nous appuyons sur les différents opérateurs tels que Météo France, l'Institut de recherche pour le développement (IRD) ou encore l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA). Le BRGM, très présent en outre-mer, et le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), qui a été sollicité dans les Îles du Nord après le passage d'Irma, sont également des partenaires privilégiés.
Le plan de prévention des risques naturels (PPRN) est notre canal historique d'intervention. Cet outil réglementaire arrêté par le préfet est essentiel car il permet de s'assurer que les risques naturels majeurs sont pris en compte dans l'aménagement du territoire. Les DROM sont bien couverts par les PPRN, avec des processus de révision déjà engagés comme à La Réunion. Le planning de révision des PPRN est défini à l'échelle des Antilles pour plus de cohérence, ce qui n'est pas le cas dans l'hexagone. À Saint-Martin, le plan en vigueur est en cours d'actualisation et nous travaillons en parallèle au déploiement d'un PPRN à Saint-Barthélemy.
Pour être réellement efficace, le PPRN doit être articulé avec les choix d'aménagement du territoire, c'est-à-dire avec les plans locaux d'urbanisme (PLU). La coopération entre l'État et les collectivités territoriales est donc un enjeu majeur de la prévention des risques naturels. En matière de prévision des crues, également, les mesures effectuées par les services de l'État et celles produites par les collectivités doivent être mises en commun pour améliorer la connaissance hydrologique globale du territoire.
Nous finançons ces actions en mobilisant deux outils principaux : le programme 181 - prévention des risques - du budget de l'État et le fonds Barnier, créé en 1995 en même temps que les PPR. Ce fonds, dont les délégations sont cosignées par la direction générale du trésor (DGT), est abondé par un prélèvement de 12 % sur le fonds « CAT-NAT » (catastrophes naturelles) lui-même financé par une contribution sur les primes d'assurance dont le montant diffère selon qu'elle s'applique à un véhicule ou à un bien immobilier. Historiquement, le fonds Barnier a été créé pour faire face aux menaces graves à la vie humaine et aux délocalisations liées aux mouvements de terrain. Ces sujets sont encore d'actualité aux Antilles où les lahars sont susceptibles à tout moment de générer des déplacements de population. Dans ce cas, après la publication de l'arrêté de péril, les habitants des zones dangereuses doivent quitter leur domicile volontairement, par une acquisition à l'amiable, ou de manière forcée, par expropriation. Les textes prévoient alors que les personnes sont dédommagées à hauteur de la valeur de leur bien, sans prise en compte du risque, pour leur permettre de se reloger correctement. Dans ce contexte, le fonds Barnier sert également à l'information préventive et à la réalisation des PPRN, à la réduction de la vulnérabilité, notamment par le cofinancement des PAPI des collectivités locales. Ces plans abordent la prévention des inondations de façon globale et pas seulement à travers le prisme de l'aménagement du territoire. Ces mesures sont plafonnées à 125 millions d'euros par an, tandis que le montant global du fonds Barnier s'élève à 200 millions d'euros. La dernière loi de finances a plafonné en recettes le fonds Barnier à hauteur de 137 millions d'euros.
Entre 1995 et 2017, 70 millions d'euros ont été mobilisés à travers ce fonds en Guadeloupe, 5 millions en Guyane, 117 millions en Martinique, 14 millions à La Réunion, 2 millions à Mayotte, 257 000 euros à Saint-Martin et 285 000 euros à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je profite de cette occasion pour préciser que Saint-Pierre-et-Miquelon est bien éligible au fonds Barnier qui concerne tous les territoires ultramarins à l'exception des collectivités du Pacifique. Ces montants ont permis de financer différents types de mesures telles que le plan séisme Antilles. La prévention des risques naturels majeurs étant assurée à la fois par l'État et les collectivités locales, le fonds Barnier est un outil majoritairement mobilisé pour cofinancer des projets. Aux Antilles, la situation financière de certaines collectivités locales est si délicate qu'il convient de les accompagner dans la recherche d'autres sources de financement. Le plan séisme Antilles est un outil primordial, car le risque sismique n'étant pas prévisible, les actions de prévention reposent avant tout sur l'amélioration de la résilience des infrastructures. Son périmètre concerne les écoles, les habitations à loyer modéré et les bâtiments du SDIS qui appartiennent tous aux collectivités locales. Je précise que les bâtiments de l'État ne sont pas éligibles au fonds Barnier au titre de la prévention du risque sismique.
Les différents postes du fonds Barnier peuvent donc varier considérablement d'une année sur l'autre en fonction de l'ampleur des expropriations et de la demande des collectivités locales pour mener à bien leurs études et leurs travaux. À l'échelle nationale, le plafond n'est pas atteint, ce qui signifie que des PAPI et des actions supplémentaires dans le cadre du plan séisme Antilles pourraient être cofinancés par l'État. Là encore, un travail de pédagogie et de médiatisation doit être déployé pour faire en sorte que les PAPI soient mieux connus des collectivités locales chargées de les mettre en oeuvre.
Pour mener à bien notre action, nous déployons des outils similaires dans les DROM à ceux mobilisés dans l'hexagone. Pour autant, 3 mesures spécifiques aux outre-mer demeurent pour prendre en compte la situation particulière de ces territoires au regard des risques naturels majeurs : les CVH, le plan séisme Antilles, qui ne connaît aucun équivalent sur le reste du territoire national, et la mesure Letchimy qui permet de mobiliser le fonds Barnier pour apporter un soutien aux personnes vivant dans de l'habitat informel, y compris lorsqu'elles ne sont pas assurées. Cette dernière mesure, qui ne bénéficie pas au propriétaire mais à l'occupant, a été déployée en outre-mer pour faire face aux situations dangereuses générées par la conjonction de l'habitat précaire et des mouvements de terrain brutaux. Elle a été déployée en Guyane, sur le mont Baduel, et à Mayotte, puis prolongée en loi de finances. Pour autant, cette mesure novatrice reste peu mobilisée alors que nous avons fait preuve de libéralité dans l'interprétation du droit commun. Plus largement, il existe un réel problème de connaissance des différents outils du fonds Barnier et un manque de lisibilité du dispositif alors que les DEAL ont été désignées comme le guichet unique de ce fonds. Certaines DEAL publient des plaquettes d'informations pour tenter de remédier à ce problème.
L'accompagnement des collectivités territoriales pour monter les dossiers de cofinancement est essentiel car, à l'heure actuelle, le complément pour financer le plan séisme Antilles est apporté par le Fonds européen de développement régional (FEDER), et nous souhaiterions mobiliser l'Agence française de développement (AFD) sur ce sujet pour limiter l'impact du changement de portage des autorités de gestion des fonds européens sur le financement de ce plan. L'année dernière, en effet, le niveau d'appel au cofinancement pour ce plan s'est avéré très bas. Cette année, au contraire, les montants mobilisés sont de l'ordre de 16 millions d'euros, soit davantage que la moyenne des années précédentes, mais le nombre d'écoles concernées reste largement au-dessous des objectifs fixés. Au rythme actuel, il nous faudrait 40 ans pour couvrir toutes les écoles.
En ce qui concerne la partie budgétaire, le budget du programme 181 reste modeste puisqu'il s'élève à 33 millions d'euros. Ces crédits sont utilisés en grande partie pour faire travailler les opérateurs que nous sollicitons quotidiennement et, dans une moindre mesure, pour effectuer les travaux nécessaires à l'amélioration de la prévision des crues. L'année dernière, les services déconcentrés de l'État dans les DROM ont bénéficié de 1,2 million d'euros sur les 22 millions d'euros consacrés à ce poste de dépenses au niveau national. L'heure est au renforcement des effectifs dans les DROM, en particulier depuis le passage d'Irma puisque nous avons envoyé des renforts en Guadeloupe pour contribuer à la mise à jour des PPRN, conformément à la doctrine qui prévoit l'actualisation des plans après un aléa extrême ou en fonction de l'aléa centennal.
Je me permets d'indiquer, en conclusion, que la prévention des risques est une préoccupation relativement récente pour les pouvoirs publics, ce qui explique que les outils déployés par l'État soient encore trop peu mobilisés par les collectivités.