Intervention de Sophie Joissains

Commission des affaires européennes — Réunion du 11 octobre 2018 à 9:5
Justice et affaires intérieures — Groupe de contrôle parlementaire conjoint d'europol : communication de mme sophie joissains

Photo de Sophie JoissainsSophie Joissains :

J'ai participé à la troisième réunion du groupe de contrôle parlementaire conjoint (GCPC) d'Europol, au Parlement européen, les 24 et 25 septembre derniers à Bruxelles. Cette instance, prévue aux articles 88 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et 51 du nouveau règlement d'Europol, est chargée d'assurer « le contrôle politique des activités d'Europol dans l'accomplissement de sa mission, y compris en ce qui concerne leur incidence sur les libertés et les droits fondamentaux des personnes physiques ». Le GCPC avait adopté son règlement à Sofia en mars dernier.

La réunion à laquelle j'ai participé était présidée par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures (LIBE) du Parlement européen et la commission des affaires intérieures du Conseil national autrichien. Elle fut l'occasion d'échanger principalement avec la directrice exécutive d'Europol, Catherine De Bolle, qui a pris ses fonctions le 1er mai dernier. Nous nous sommes également entretenus avec le président du conseil d'administration de l'agence, avec Sir Julian King, Commissaire chargé de l'Union de la sécurité, avec l'adjoint du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD) et avec un procureur général néerlandais spécialiste de la lutte contre le financement du terrorisme.

De nombreux parlementaires nationaux et européens ont pris la parole. Je suis intervenue sur la programmation pluriannuelle d'Europol pour 2019-2021. La convergence de vues est manifeste, sur l'insuffisance des moyens d'Europol pour faire face à des missions croissantes et complexes dans un contexte de menaces persistantes, ou sur la nécessité d'éviter des chevauchements de compétences, en particulier avec Frontex, alors que la crise migratoire est particulièrement aigüe. Nous nous rejoignons pareillement sur la protection des données, notamment dans les relations avec des pays tiers tels que la Turquie ou ceux des Balkans occidentaux, sur l'insuffisante attention portée à la lutte contre la corruption, sur la préservation de l'acquis de sécurité après le Brexit, la lutte contre le blanchiment des capitaux, le rôle d'Europol dans les futurs centres contrôlés décidés lors du Conseil européen de juin dernier.

Parmi les différents sujets, j'en aborderai plus particulièrement trois.

Europol doit devenir une plateforme de référence en matière d'échange d'informations policières, ce qui requiert un meilleur partage des données en vue d'une gestion intégrée et une préparation à l'interopérabilité des systèmes d'information. De même, l'analyse des données collectées devra être affinée. Les bases de données d'Europol devront évoluer pour répondre à des missions nouvelles tout en protégeant mieux les données. La directrice exécutive a toutefois cherché à rassurer en indiquant que les données utilisées par l'agence étaient d'ores et déjà protégées grâce à des contrôles internes. En outre, Europol fait l'objet d'un suivi attentif de la part du CEPD, notamment deux inspections en six mois et des réunions bimestrielles, à l'issue desquelles le CEPD formule des recommandations, par exemple sur les contrôles de sécurité dans les hotspots ou sur le cas des mineurs, mais il a pour l'instant estimé qu'il n'y avait pas matière à engager une procédure d'enquête. Seuls les partenaires dûment habilités bénéficient d'un transfert de données, qui demeurent la propriété des États membres. De même, Europol ne partage pas d'informations personnelles avec la Turquie.

En outre, Europol doit être en mesure d'apporter un appui opérationnel efficace aux États membres. Par exemple, l'agence participe à 90 enquêtes relatives au trafic de migrants, soutient des projets nationaux contre la corruption, accroît sa coopération avec les agences nationales anti-corruption ou encore participe à des opérations d'éloignement. Le soutien aux États membres conduira à développer des formations ciblées, par exemple en matière de lutte contre la criminalité financière. Europol devra également partager avec les États membres son expertise en matière d'analyse des contenus illicites en ligne, la propagande djihado-terroriste en premier lieu - la Commission européenne a récemment fait des propositions en la matière.

Enfin, le fonctionnement de l'agence doit être renforcé et rendu davantage complémentaire avec celui d'autres agences européennes, en particulier Frontex et le Bureau européen d'appui en matière d'asile, l'EASO. Pour ce faire, l'action de chaque agence doit être rigoureusement définie et évaluée. Le respect des compétences de chacun justifie aussi un échange optimal des informations pertinentes entre agences. La directrice exécutive a reconnu que les moyens d'Europol allaient diminuer de plus de 8 millions d'euros en 2019 par rapport à cette année, ce qui sera incompatible avec les besoins, croissants. C'est pourquoi Europol devra établir des priorités parmi les objectifs, par exemple le retrait dans l'heure des contenus terroristes en ligne, qui nécessite d'importants équipements technologiques, la criminalité sur le darkweb ou encore le cryptage. Le conseil d'administration d'Europol a appelé l'attention des institutions européennes sur cette situation qui sera source de lourdes difficultés.

Mme De Bolle a invité les délégations nationales à la rencontrer au siège d'Europol à La Haye. Avec Jacques Bigot, nous envisageons d'y effectuer un déplacement, ainsi qu'à Eurojust, pour nos travaux sur la coopération judiciaire européenne. Des échanges plus approfondis permettront sans doute de dépasser le caractère quelque peu formel des interventions effectuées dans le cadre du GCPC.

Je voudrais terminer en évoquant deux questions, certes de nature administrative, mais non dénuées d'importance : d'une part, la nécessité d'assurer la confidentialité des documents du conseil d'administration d'Europol consultables par le collègue qui y représente le GCPC, et, d'autre part, le régime linguistique - Europol a indiqué ne pas disposer de ressources pour faire traduire ses documents, tous rédigés en anglais. Le règlement du Groupe de contrôle dispose pourtant que le français est l'une des deux langues de travail.

Le GCPC tiendra sa prochaine réunion sous Présidence roumaine, à Bucarest, en février 2019.

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