Intervention de Michel Magras

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 21 février 2018 : 1ère réunion
Risques naturels majeurs dans les outre-mer — Audition des représentants des forces armées

Photo de Michel MagrasMichel Magras, président :

Merci de cet exposé, particulièrement intéressant. Il me conforte dans l'idée que les informations ont bien circulé, du haut vers le bas.

Les réseaux sociaux ont fonctionné assez rapidement, plus vite même que les autres moyens de communication pour une certaine population.

Je vais donner la parole aux généraux des forces armées et au capitaine de vaisseau. Nous allons les écouter sur la dimension opérationnelle.

Général Lambert Lucas, commandant de la gendarmerie outre-mer, Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). - Je vous remercie de me fournir l'occasion d'évoquer le commandement et le positionnement de la gendarmerie en outre-mer et de revenir sur le caractère absolument exemplaire et exceptionnel de l'action des femmes et des hommes de la gendarmerie dans la gestion d'Irma. Initialement centré sur la sécurité civile, le traitement de la crise s'est rapidement transformé pour toucher aux problématiques de sécurité.

J'ai cherché à respecter la trame qui nous a été suggérée, même si les questions de sécurité civile, notamment l'élaboration des plans, ne relèvent pas de notre coeur de métier : nous sommes concourants et pas menants.

La gendarmerie outre-mer compte 4 000 gendarmes, femmes et hommes, sur l'ensemble des neuf territoires ultramarins, commandés par des COMGEND sur la surface du globe. Viennent s'y ajouter 21 escadrons, soit environ 1 500 personnels, plus quelque 1 400 réservistes de la gendarmerie. Le personnel d'active représente donc environ 5 500 militaires et civils et 1 400 réservistes. La gendarmerie couvre 98 % du territoire ultramarin et assure la sécurité d'environ 70 % de la population dans l'ensemble de ces territoires.

Je vais vous présenter les points clés de la manoeuvre de la gendarmerie à la suite du passage de l'ouragan Irma et clore mon propos en vous livrant les quelques enseignements essentiels que nous avons tirés de cette crise.

Dans la nuit du 5 au 6 septembre 2017, l'ouragan Irma a frappé le nord de l'arc antillais, détruisant 90 % du bâti de la collectivité territoriale de Saint-Martin et paralysant presque totalement le fonctionnement des services territoriaux et de l'État, à l'exception notable de la gendarmerie. Ainsi, le commandant de la gendarmerie de Guadeloupe a rapidement repris le contrôle de la situation, dans des conditions particulièrement dégradées et absolument exceptionnelles.

La gendarmerie, ainsi que l'ensemble des services, s'étaient bien préparés au risque cyclonique, mais de manière classique. Un plan Cyclone avait été revu en novembre 2015, qui était décliné par tous. Les dispositions de ce plan ont été rappelées dès le 1er septembre, avec les premières indications concernant l'arrivée du cyclone Irma. En outre, au moins une fois par an, la gendarmerie participe à un certain nombre d'exercices de préparation - en l'occurrence, cela a eu lieu trois fois pendant les six mois qui ont précédé la crise. Le dispositif de préparation paraissait donc satisfaisant.

Dès le 2 septembre, les premières mesures de déploiement préventif des forces ont été prises, tant sur Saint-Martin que sur la Guadeloupe, qui était encore, à ce stade, directement menacée par le cyclone.

Je souhaite revenir sur la question du pré-positionnement des forces, dont on sait qu'elle a été quelque peu polémique dans les premiers jours qui ont suivi Irma.

Quand on sait que la foudre va tomber, on essaie de ne pas se mettre dessous. Mais les raisons principales pour lesquelles nous n'avions pas redéployé ces forces sont autres. Tout d'abord, on ne savait pas, à l'époque, dans quelle direction le cyclone allait se déplacer. L'essentiel de nos forces étant positionnées sur la Guadeloupe, où nous sommes responsables de la sécurité d'environ 300 000 personnes, nous avons conservé une partie de nos capacités sur ce département. Par ailleurs, environ 200 militaires de la gendarmerie étaient déjà positionnés sur le site, ce qui nous paraissait tout à fait suffisant pour juguler, tout au moins dans les quarante-huit premières heures, toutes les difficultés que nous allions rencontrer, ce qui, du reste, de notre point de vue, a été le cas. Ensuite, au-delà du fait que nous souhaitions conserver une capacité de manoeuvre, il était important pour nous de pouvoir conserver une certaine mobilité à partir de la Guadeloupe. C'est la raison pour laquelle nous avions constitué une task force d'une centaine de militaires prêts à être projetés. De fait, nous les avons projetés dès le 7 septembre sur le territoire de Saint-Martin.

Dans le cadre de cette projection, c'est surtout l'absolue nécessité de renforcer les moyens de transport et de projection stratégique de nos camarades des armées qui nous a posé problème. Ce manque de moyens, qui existe également dans une certaine mesure en Guyane, a été mis en évidence dans cette crise.

Si l'intensité d'Irma sur les îles du nord et l'ouverture d'une seconde crise avec Maria ont mis à mal tous les modèles prévus, cette situation n'a pas provoqué de rupture capacitaire définitive de la gendarmerie, notamment du fait d'un certain nombre de caractéristiques de celle-ci. La résilience de la gendarmerie s'appuie, en effet, non seulement sur son statut militaire, mais également sur un soutien opérationnel totalement intégré à la force - le logement en caserne, où nous avons pu installer Madame la préfète, les magistrats et même le Président de la République lorsqu'il est passé à Saint-Martin, n'y est pas étranger - et sur une formation individuelle et collective à la gestion de crise. Voilà les piliers essentiels de la résilience de la gendarmerie, qui lui ont permis de faire face malgré tout à cette crise dans des conditions qui nous ont paru satisfaisantes.

La gendarmerie n'a pas été épargnée par cette crise, tant au niveau de l'immobilier que des véhicules, mais a pu conserver des points d'appui solides, qui lui ont permis de restaurer le fonctionnement des institutions régaliennes.

Néanmoins, malgré son isolement, la gendarmerie a dû, dans un premier temps, accomplir de nombreuses missions périphériques, telles que le secours aux populations et aux blessés, avec nos camarades de la sécurité civile, mais également la protection d'infrastructures stratégiques, telles que l'aéroport, l'hôpital ou le maintien du pilotage préfectoral.

Je garde à l'esprit les difficultés que l'évacuation des touristes et des ressortissants du territoire a engendrées, compte tenu du vent de panique et des conditions sanitaires particulièrement difficiles. Ce sont les gendarmes, avec un certain nombre d'autres acteurs, qui ont dû faire face à cette situation humanitaire, particulièrement traumatisante pour un certain nombre de nos militaires.

J'en viens à la montée en puissance de la gendarmerie et aux efforts qu'il nous a fallu conduire. Les renforts sont venus des outre-mer - de Martinique, mais également de Guyane. S'y sont ajoutés un certain nombre de réservistes en provenance de Guadeloupe, la task force que j'ai déjà évoquée, mais également 150 réservistes, soit deux compagnies de réserve territoriales, qui ont très rapidement été projetés sur ce territoire.

C'est le 16 septembre, soit une dizaine de jours après les événements, que nous avons atteint le point culminant de notre déploiement, avec 780 militaires au total. Cela illustre la résilience de la gendarmerie et la capacité de son dispositif intégré, robuste, interopérable et flexible, qui lui permet de faire face à des crises de ce type.

C'est cette flexibilité et cette interopérabilité avec les autres services de l'État, bien évidemment présents sur le territoire, qui a permis une excellente coordination. D'ailleurs, lors de son passage, Monsieur le Président de la République avait désigné le général Descoux, qui est le COMGEND actuellement, comme coordonnateur des services de sécurité. Articulée autour de six zones, cette organisation a permis de reprendre rapidement le contrôle de la situation sécuritaire.

Je souhaite évoquer le sujet de la reconstruction, car je sais que la délégation va également travailler sur cette question.

La reconstruction est indispensable, c'est évident. Mais on sait que, dans de telles situations de crise, tout le monde se tourne immédiatement vers les services de sécurité, en particulier la gendarmerie.

Si l'immobilier de la gendarmerie a été endommagé, ses personnels ont aussi souffert. L'action des psychologues cliniciens auprès des familles, mais aussi auprès des militaires, a été absolument essentielle. Sur environ 100 personnels militaires présents au moment des événements, nous avons dû en rapatrier environ 70 vers la métropole, qui ont été remplacés soit par des réservistes, soit par des personnels en mission de courte durée. C'est toujours le cas aujourd'hui. L'accompagnement des personnels et de leurs familles est un dispositif délicat à mettre en oeuvre parce qu'il nous faut désormais les remplacer.

Or, l'immobilier tient tout. De nombreux logements ont été touchés. La priorité, c'est de reconstruire les casernes, pour la plupart louées, remettre en état les véhicules et les transmissions. Nous sommes tenus de respecter le code des marchés publics, ce qui est préoccupant : nous ne sommes pas encore revenus à une situation normale compte tenu des délais et les casernes doivent être remises en état dans les meilleurs délais.

Vous souhaitiez que notre parole soit libre. Enseignement tiré de cette situation, il est indispensable d'entretenir et de préparer la résilience des populations d'outre-mer envers ces phénomènes dont la force et la fréquence risquent de s'accroître. Je partage votre inquiétude. Souvenons-nous de l'état de sidération des populations, voire de certains acteurs institutionnels. Les plans de l'état-major sont nécessaires, mais insuffisants face à ce type de crise. Prenons exemple sur certains pays comme le Japon. Comme pour la lutte contre l'insécurité routière, associons les populations à ces exercices, quitte à ce que ceux-ci soient en grandeur réelle. C'est une lutte pour protéger la vie. La sécurité doit être une co-production. Le général de Gaulle affirmait que « la politique la plus coûteuse, c'est d'être petit ». Voyons grand !

Nous devons entretenir la résilience des structures de commandement. La responsabilité de la coordination des forces de sécurité a été donnée au général Jean-Marc Descoux, avec des résultats exceptionnels. La préfète a évoqué une situation particulièrement dramatique. Cela a été l'occasion de quelques petits tiraillements, le général de gendarmerie se trouvant dans une situation non naturelle de coordination interservices. Chacun doit rester à sa place pour remplir sa mission dans les meilleures conditions.

Il est essentiel de préserver la mobilité. À l'origine de la crise, il y a l'absence de routes praticables : c'était une véritable expédition que de rejoindre la préfète. Rêvons un peu : il faudrait pouvoir, dans ce type de situation, réquisitionner tous les véhicules de dégagement lourds, y compris privés, et les garer dans des abris protégés, afin de pouvoir libérer rapidement les axes routiers, pour assurer les secours et procéder à un état des lieux et des besoins des populations plus rapidement. Cela aurait permis de faire la différence.

Préservons également la mobilité stratégique. L'armée doit avoir les moyens de sa stratégie.

Nous devons améliorer la communication. Même si les téléphones satellitaires étaient les premiers moyens de liaison, parfois difficile, dès le 8 septembre, des valises d'interopérabilité et des relais portables ont été installés par la gendarmerie. Le réseau de la gendarmerie, Quartz, a été rétabli les 10 et 11 septembre, à la veille de la visite du Président de la République, et était opérationnel pour toutes les forces de sécurité et de secours. La Bande latérale unique (BLU), moyen rustique de transmission radio, n'a pas pu être à la hauteur des attentes, car tous les mâts avaient été rasés. Nous avions aussi des problèmes de transport en provenance de la Guadeloupe et de la Guyane.

Général Thierry de Ladoucette, commandant le service militaire adapté (SMA). - Le service militaire adapté (SMA) a un rôle particulier. Formation militaire sous la tutelle du ministère des outre-mer, il dépend pour certains aspects, notamment les secours et l'aide aux populations, du ministère des armées. Nous sommes intervenus dans le cadre de l'ouragan Irma début septembre et Maria en Guadeloupe et en Martinique quinze jours après, alors que nous devions initialement nous engager seulement à Saint-Martin. Le SMA est un acteur de la prévention dans le cadre de la gestion du risque cyclonique, et ses capacités d'intervention massives ont été actionnées lors des épisodes cycloniques de l'été 2017.

Le SMA poursuit trois missions définies par un arrêté de 1991 cosigné par les ministres de la défense et des outre-mer : l'insertion socioprofessionnelle des jeunes d'outre-mer les plus en difficulté ; la contribution au développement des outre-mer ; la participation aux plans de secours, en appui des forces armées. Acteur de la prévention, le SMA délivre à ses jeunes une formation de sauveteur secouriste au travail, dont sont certifiés 90 % des jeunes qui nous quittent. Ils peuvent alors intervenir auprès de la population. Ce n'est pas anodin, sachant que le SMA intègre 10 % à 15 % d'une classe d'âge dans les outre-mer, et près de 20 % dans les Antilles. Même si la formation n'est pas spécifiquement adaptée aux types de blessures après un cyclone, ces jeunes peuvent délivrer les premiers secours.

La capacité de résilience est aussi entretenue par les compétences sociales, comme la vie en collectivité, l'attention à l'autre et l'entraide, acquises au SMA.

Dans le cadre de la préparation aux périodes cycloniques, nous délivrons une formation spéciale à un noyau dur d'une trentaine de personnes en Martinique et en Guadeloupe, en lien avec les unités de sécurité civile sur le sauvetage, le déblaiement et l'évacuation, qui donne lieu à une attestation de stage. Cette formation se tient deux fois par an, avant et au milieu de la période cyclonique, pour des interventions plus spécifiques.

Les interventions du SMA aux ordres des commandements supérieurs des forces armées déclinent une directive interarmées. Le SMA a une mission de sécurité civile pour porter assistance et secours aux populations. Il intervient en appui des armées par une capacité spécifique du SMA qui est indisponible ou insuffisante au sein des armées, notamment dans les travaux publics lourds. Nos jeunes bénéficient souvent d'une formation aux travaux publics et nos unités disposent des matériels correspondants. La directive prévoit un contrat opérationnel, négocié entre le régiment du SMA et le commandement des forces interarmées. Ce contrat, validé par le ministère de l'outre-mer, tutelle du SMA, est décliné en un plan d'opérations définissant chacune des composantes mobilisées en période cyclonique. Les plans opérationnels incluent des modules de commandement et des modules de reconnaissance, des moyens d'intervention techniques (électricité, plomberie, charpente,...), ainsi que des modules de transport - ils sont très limités en dehors des zones de stationnement des régiments -, un module de santé et un module de logistique permettant de survivre sur le terrain.

Le plan d'intervention permettait de déployer 280 personnes au maximum en Martinique et 208 en Guadeloupe. Au plus fort de la crise Irma mi-septembre, 262 personnes ont été déployées, provenant en majorité du régiment de Guadeloupe, et pour un tiers du régiment de la Martinique. L'unité de déblaiement et d'évacuation de la Martinique est partie en premier le lendemain du cyclone, au plus près des moyens de projection du COMSUP (l'Amiral commandant supérieur des forces armées aux Antilles). Cette préparation de qualité, en amont de chaque période cyclonique, et validée par le COMSUP et le SMA, donne lieu à des exercices, parfois internationaux. L'exercice international Richter 2017, auquel le régiment de la Martinique, en amont des ouragans Irma et Maria, a participé, a été particulièrement bénéfique en identifiant des difficultés qui ont été traitées avant le début de la période cyclonique.

Nos jeunes ne sont initialement pas destinés à ce type de missions, ils sont surtout là pour recevoir une formation socioprofessionnelle en vue de les réinsérer. Mais la veille du cyclone, aucun n'a refusé de partir à Saint-Martin, ce qui montre la motivation et le « savoir-donner » que les formations ont concrétisé.

Les contrats opérationnels et les plans d'intervention ont été efficaces et ont permis une projection rapide des détachements constitués. Selon les militaires, un plan s'effondre au premier coup de canon car rien ne se passe généralement comme prévu ; mais l'absence de plan est encore pire.... Les contrats opérationnels et les plans d'intervention ont été validés sur tout le territoire et ont donné des résultats conformes aux attentes.

Le SMA s'est engagé dans la durée : il a été présent à Saint-Martin jusqu'au 15 novembre, contre fin octobre pour les forces armées. Normalement, nos détachements ne peuvent pas rester plus de quinze jours sur place car ce ne sont pas des militaires professionnels. La période d'engagement doit être limitée et la durée de deux mois est un maximum à ne pas dépasser, sous peine de remettre en cause la mission première du SMA qui est l'intégration socioprofessionnelle.

Parmi les faiblesses, le SMA est sous-encadré et ne peut déployer que peu de cadres hors de ses zones de garnison. Cette situation est accentuée par la faiblesse des moyens de transmission, qui sont d'abord fournis par les forces armées. La communication interthéâtres ne se fait que grâce aux moyens satellitaires trop chichement mis à notre disposition par les forces armées.

Le SMA n'est pas assez bien représenté au sein des états-majors militaires ou de la préfecture. Il est insuffisamment employé, car il est trop méconnu.

Les moyens logistiques du SMA sont insuffisants ; ce dernier doit être intégré dans la logistique de l'armée pour les transports et l'alimentation, d'autant plus dans le cas de liaisons stratégiques entre la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin. Sur les deux mois, nous avons également fait participer des unités de Guyane qui ont rejoint les Antilles, puis Saint-Martin, grâce à des moyens aériens stratégiques mis à disposition par les armées.

Capitaine de vaisseau François Moucheboeuf, chef de l'état-major des opérations de la marine, adjoint à l'amiral sous-chef d'état-major « opérations aéronavales ». - La marine est une armée de technologies. Ses forces ont comme missions principales le respect de la souveraineté de la France, la protection des ressources de la zone économique exclusive (ZEE), la coopération militaire régionale et la réaction immédiate en cas de crise. Ces capacités sont mélangées selon les configurations, les risques et les menaces spécifiques à chaque zone.

Les plus gros bâtiments sur place sont des frégates de surveillance de la ZEE dotées d'un hélicoptère, puis des moyens et petits patrouilleurs de protection, sauvegarde et sûreté des moyens maritimes. Ensuite, un bâtiment logistique assure le transport et le ravitaillement des îles. Les combinaisons sont différentes dans les cinq forces de souveraineté. Les Antilles et La Réunion disposent de deux frégates de surveillance, contre une pour les autres zones, tandis que la Guyane dispose uniquement de patrouilleurs, le patrouilleur léger guyanais (PLG). À La Réunion est basé depuis quelques mois l'unique vaisseau polaire, l'Astrolabe, propriété des Terres australes et antarctiques françaises, mais dont l'armement et l'entretien sont assurés par la marine, qui en dispose pour ses propres besoins d'avril à octobre.

Nous disposons également d'aéronefs, et notamment d'avions à réaction Guardian de la flotille 25F en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. Ces moyens ne sont pas spécialisés pour un seul type de missions ; ils sont polyvalents. Nous avons un peu moins de 2 000 marins en outre-mer, auxquels s'ajoute la gendarmerie maritime, force mise pour emploi auprès du chef d'état-major de la marine, qui a deux patrouilleurs côtiers, et cinq vedettes de la gendarmerie maritime, dont deux à Mayotte.

La marine est en pleine phase de renouvellement des matériels, notamment le BATRAL, vaisseau amphibie qui pouvait plager et débarquer - ce qui aurait été utile - ne naviguait que 90 jours par an. Il est remplacé par le B2M, plus moderne et de meilleure capacité, avec deux équipages multi-missions, qui peut tenir 200 jours par an en mer, qui est présent dans trois DOM. Un B2M arrivera en Martinique en 2019 et comblera le vide laissé par le désarmement de l'ancien BATRAL, le Dumont d'Urville, l'année dernière.

La situation est en revanche tendue concernant les patrouilleurs. Nous n'en avons malheureusement plus en Martinique. Il y en a un seul en Polynésie et à La Réunion, et deux vétérans de plus de 30 ans, La Glorieuse et La Moqueuse, en Nouvelle-Calédonie. Ces déséquilibres sont en cours de résorption. Un troisième PLG a été commandé et sera affecté en Martinique. La loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit le renouvellement des patrouilleurs en outre-mer. Six unités seront livrées à la marine d'ici à 2024. Pour accélérer le processus industriel, nous avons détaré les capacités, avec un bâtiment distinct de celui de métropole, et non des monotypes.

Les forces de sécurité s'entraînent régulièrement en vue des catastrophes naturelles. En Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, elles ont conduit les opérations Croix du Sud et Marara, interarmées, et en coopération avec les pays voisins. La coopération régionale est essentielle. Les opérations menées dans le cadre de l'accord FRANZ fonctionnent bien. Nous souhaitons dupliquer ce schéma d'organisation régionale dans l'arc antillais ; les Britanniques nous ont approchés à la suite du cyclone Irma, lors duquel ils avaient déployé leur navire de débarquement (LPD) Ocean, qui travaillait indépendamment de nous. La collaboration a été actée lors du sommet de Sandhurst en janvier dernier pour créer une plateforme commune dans les Antilles.

Avec Irma, nous avons bénéficié d'un cas d'école en utilisant des moyens pré-positionnés appuyés par des renforts venus de métropole. Les moyens de la marine étaient alors mobilisés, depuis fin août, dans la lutte contre les narcotrafics dans l'ouest des Antilles. Ils ont été renforcés par des avions Falcon 50. Dès la réception du préavis de cyclone, les moyens ont été redéployés pour faire venir un avion en Guyane, et dès le 6 septembre, les Falcon 50 ont survolé les îles pour évaluer les dégâts. Les deux frégates de surveillance Ventôse et Germinal basées en Martinique ont effectué le ravitaillement avec 160 tonnes de fret humanitaire, et ont apporté une assistance ponctuelle à terre. Lors d'une deuxième phase, le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Tonnerre a été mis en alerte dès le 7 septembre. Amphibie, porte-hélicoptères, hôpital, bateau de transport, il a pu appareiller, après une phase de définition et de génération des moyens embarqués qui a été un peu longue, le 13 septembre à 4 heures du matin de Toulon. Il lui fallait 12 jours de traversée, mais il a atteint Saint-Martin au bout de 10 jours en « mettant les machines sur le pont ». Il a débarqué notamment 116 véhicules et plus de 1 000 tonnes de matériel du génie, de ravitaillement pétrolier, d'assistance médicale, de matériel pour des travaux sous-marins, afin de déblayer les accès du port. Un LEDAR, péniche de débarquement, a pu décharger sur les plages et dans le port de Philipsburg, dans la partie néerlandaise de l'île. Les opérations interarmées ont toujours bien fonctionné, une référence par leur ampleur ou leur résultat, avec des actions d'urgence et de rétablissement de la situation. L'anticipation a été très bien réalisée par le COMSUP qui assurait le contrôle opérationnel des moyens. Le BPC a prouvé qu'il était très bien adapté à cette mission par son temps de ralliement et ses capacités de transport, ses hélicoptères, 2 pumas et 2 caïmans. Il est resté 15 jours sur place, a participé à 20 chantiers à terre, et au déblaiement de la baie de Cul-de-Sac, où ont été relevées six épaves.

Ces chiffres sont impressionnants. Même si j'habite l'île voisine, toutes ces informations m'éclairent.

Général Lucas, vous témoignez que, pour Saint-Barthélemy, les services de gendarmerie ont été exemplaires. Tous les services ont en effet agi efficacement et en synergie bien au-delà du champ propre de leur mission, en nous prévenant toujours sur les limites de leurs capacités. Vous l'avez préconisé, mais nous fonctionnons déjà ainsi : en phase cyclonique, en fonction de l'importance du cyclone, nous nous réunissons pour décider de réquisitionner tous les moyens mécaniques du BTP, publics et privés, dans les différents quartiers de l'île, avec, pour objectif, que le lendemain du cyclone tous les axes routiers soient dégagés. Mon frère a choqué lorsqu'il a déclaré que nous nous préoccuperions du code des marchés publics ultérieurement...

Nous avons entendu votre message sur l'insuffisance de moyens humains et de matériel de dégagement. Compte tenu du statut de ma collectivité, nous sommes prêts à collaborer et à contractualiser avec l'État pour que ces moyens augmentent ; il y va de la survie de nos populations.

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