Délégation sénatoriale aux outre-mer

Réunion du 21 février 2018 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

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La réunion

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Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Après avoir auditionné la ministre des outre-mer, Madame Annick Girardin, puis Monsieur Sébastien Lecornu, secrétaire d'État auprès du ministre de la transition écologique et solidaire ainsi que Monsieur Jacques Witkowski, directeur général de la sécurité civile, et après avoir effectué deux déplacements, l'un à Orléans au Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), l'autre ce lundi à Saint-Mandé au siège de Météo France, nous poursuivons aujourd'hui nos auditions sur le premier volet de l'étude relative aux risques naturels majeurs dans les outre-mer, centré sur les questions de prévention, d'alerte et de gestion de l'urgence en cas de survenue d'une catastrophe.

Nous accueillons Monsieur le préfet Pascal Bolot, directeur de la protection et de la sécurité de l'État au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) rattaché au Premier ministre, ainsi que les représentants des forces armées. Nous souhaitons donc également la bienvenue au général Lambert Lucas qui commande la gendarmerie outre-mer à la direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) après avoir dirigé la gendarmerie de Guyane ; il est accompagné de son chef d'état-major le colonel Michel Cagnasso.

Nous font également l'honneur de leur présence le général Thierry de Ladoucette, qui commande le service militaire adapté (SMA), accompagné du directeur des opérations de l'état-major du commandement du SMA, le colonel Philippe Boccon-Liaudet, qui a été au coeur de la gestion de l'assistance aux populations lors du cataclysme Irma ; le capitaine de vaisseau François Moucheboeuf, chef de l'état-major des opérations de la marine, adjoint à l'amiral sous-chef d'état-major « opérations aéronavales ».

La présente audition commencera par l'intervention du préfet Bolot, qui traitera des modalités de gouvernance dans la gestion de crise par les autorités politiques et administratives ; il livrera ses observations sur le fonctionnement de la cellule interministérielle de crise pendant le cyclone Irma, fonctionnement qu'il a d'ailleurs été chargé d'évaluer. À l'issue de cette présentation, nos rapporteurs ne manqueront pas de l'interroger, en particulier sur la coordination politique de l'événement.

Une seconde séquence, qui sera centrée sur les aspects opérationnels de l'intervention des forces armées, notamment sur les moyens déployés sur chaque zone, sera également suivie d'échanges avec les rapporteurs et l'ensemble des membres de la délégation.

Nos collègues Mathieu Darnaud et Victorin Lurel sont co-rapporteurs sur le premier volet de l'étude qui nous occupe aujourd'hui, centré sur l'alerte et la gestion de crise, et notre collègue Guillaume Arnell assurera la coordination avec le second volet, qui traitera de la reconstruction et de l'organisation de la résilience des territoires.

Je cède la parole à Monsieur le préfet Pascal Bolot pour présenter le dispositif organisationnel de pilotage et les procédures en situation de crise résultant de la survenance outre-mer d'une catastrophe naturelle.

Debut de section - Permalien
Pascal Bolot, préfet, directeur de la protection et de la sécurité de l'État au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

Merci de votre accueil. Voilà deux ans que je suis le directeur de la protection et de la sécurité de l'État, et j'ai eu à connaître du cataclysme Irma qui a frappé les Antilles du 5 au 20 septembre derniers.

Le Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) a beau être proche du Président de la République et du Premier ministre, il n'est pas toujours bien connu. C'est un organisme ancien, qui a pris il y a 110 ans la suite du Conseil supérieur de la défense nationale.

Sa première mission est de fournir au Président de la République et au Premier ministre un appui sur les questions de défense et de sécurité, notamment en préparant les conseils de défense, dont la fréquence est devenue hebdomadaire depuis les attentats de Nice. Sa deuxième mission est d'aider ces mêmes autorités à gérer les crises majeures. Sa troisième mission consiste à fournir une expertise aux autres ministères, ses cadres spécialisés de haut niveau jouant le rôle de têtes de réseau pour l'ensemble de l'administration du pays. Enfin, sa quatrième mission vise à assurer la coordination interministérielle pour ce qui concerne la défense et la sécurité nationales. L'Agence nationale de la sécurité des systèmes d'information (Anssi), qui monte en puissance depuis cinq ans, garantit la sécurité des systèmes de communication de l'État. Quant au Centre de transmissions gouvernemental (CTG), il fournit aux hautes autorités des communications cryptées sécurisées partout dans le monde, même lors des déplacements en avion. En termes d'effectifs, ces services comptent un millier de personnes, dont plus de la moitié travaillent à l'Anssi.

En cas de crise, notre mission est d'abord de conseiller l'autorité politique responsable, c'est-à-dire le cabinet du Premier ministre. Lorsque celui-ci ordonne la mise en place d'une cellule interministérielle de crise (CIC), comme le prévoit la circulaire du 2 janvier 2012, c'est presque toujours le ministre de l'intérieur qui la préside - parfois, c'est le ministre des affaires étrangères pour une crise concernant des Français établis hors de France, ou celui de la santé, dans le cas, par exemple, d'une pandémie menaçant la continuité des services publics et la stabilité de la nation. Le SGDSN prête alors son appui au cabinet du Premier ministre et conseille le président de la CIC, auprès duquel je me trouve en permanence, sauf lorsque mon adjoint me remplace - le ministre peut aussi déléguer son directeur de cabinet. Les cadres du SGDSN sont affectés aux différentes cellules de la CIC. Pour Irma, l'un de nos officiers a animé nuit et jour la cellule interministérielle de logistique de crise.

Avec l'autorité politique, nous identifions les objectifs : protéger la population, éviter les épidémies, organiser et protéger des têtes de pont, gérer la logistique et l'aide internationale, procéder aux évacuations nécessaires, communiquer auprès de la population. Avec le président de la CIC, le travail est plus technique.

Notre bureau de veille et d'alerte (BVA) dispose d'un annuaire interministériel de crise, qui permet de déclencher l'organisation de crise et de joindre directement tous les cadres de l'État ayant suivi une formation pour réagir sans délai en cas de crise. Pendant les cinq premières années, la CIC n'a été réunie que pendant dix jours. Depuis que j'ai pris mes fonctions, j'y ai passé 80 jours ! C'est vous dire si le travail est bien rodé : en moins d'une heure, toutes les cellules de la CIC peuvent être armées grâce, notamment, au Centre opérationnel de gestion interministérielle des crises (COGIC).

Concernant le retour d'expérience, l'un de mes cadres observe le déroulement de nos opérations, et nous le commente à chaud si c'est un exercice ; sinon à froid, deux mois plus tard, pour déterminer les améliorations souhaitables.

La circulaire de 2012 prévoit l'activation possible de la CIC au niveau ministériel, pour la veille ou le suivi. C'est ce que nous avons fait pour Irma, dès le dimanche, pour observer l'évolution du cyclone qui n'était alors que de niveau 3. Il est passé le lundi au niveau 4 puis, dans la nuit de lundi à mardi, au niveau 5, ce qui est rarissime - le dernier cas, le cyclone Hugo, remonte à 1989. La crise, qui ne concernait jusqu'alors que le ministère de l'outre-mer et celui de l'intérieur, avec la mobilisation de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, nous a conduits à mobiliser le préfet de zone et les préfets de département pour prendre des mesures préventives, d'autant que la violence du cyclone s'est accrue très rapidement, passant du niveau 4 au niveau 5 en seulement 13 heures. Il a fallu associer rapidement plusieurs autres ministères, la santé et les transports notamment, sans que la CIC n'ait encore été rendue interministérielle. Les ministères nous ont envoyé, en observation, des chefs de bureaux ou des sous-directeurs le dimanche et le lundi.

C'est le mardi 5 septembre que le Premier ministre a fait monter en gamme la CIC de suivi sectoriel, mais sans la rendre officiellement interministérielle, ce que nous avons regretté, car nous avions besoin de réunir directement des directeurs d'administration centrale ou des directeurs de cabinet, et non leurs représentants. Cette évolution aurait dû se produire une ou deux réunions plus tôt. La circulaire du 2 janvier 2012 sera modifiée en conséquence pour réunir plus rapidement les cadres en charge de la décision. Dès le 6 septembre, le Président de la République et le Premier ministre sont venus en personne, accompagnés de tous les ministres concernés, ce qui est excessivement rare, même en cas de crise terroriste. La prise de conscience avait été faite. Les convocations par le BVA et le COGIC n'ont pas posé de problème : elles sont parvenues à leurs destinataires dans les délais requis, qui se sont aussitôt mobilisés.

La CIC est composée d'une cellule de situation, au sein de laquelle fonctionne une cellule d'anticipation, d'une cellule de décision et d'une cellule de communication. Les correspondants des services déconcentrés de chaque ministère transmettent leurs informations et nous faisons plusieurs fois par jour un point de situation nationale selon la nature de la crise. Dans le cas d'Irma, on en a tenu jusqu'à 4 le vendredi. Cela n'avait pas été possible le jeudi 7 septembre, lendemain du passage du cyclone, car les communications avaient été coupées. Grâce à la gendarmerie, et aux moyens satellitaires mobiles, celles-ci ont été rapidement rétablies dès le 7 au matin : la préfecture détruite avait reconstitué un centre opérationnel à la gendarmerie. Aussi avons-nous pu faire le point dès le vendredi matin sur l'évaluation des besoins et la définition des moyens à mettre en oeuvre : où faire poser les avions, où faire accoster les bateaux, .... En fait, la cellule anticipation a surtout fait de la logistique interministérielle de crise, en rassemblant les hauts fonctionnaires concernés et en anticipant les flux logistiques. Dès le 8 septembre, le cabinet du Premier ministre a convoqué une réunion interministérielle, dans laquelle un comité interministériel a été créé, dirigé par un délégué interministériel, qui avait pour charge de gérer les suites : réhabilitation, reconstruction, rétablissement des réseaux, rentrée scolaire, etc. Au conseil des ministres de la semaine suivante, le Président de la République revenait des Antilles, où l'avait accompagné le délégué interministériel. La cellule d'anticipation n'a donc pas fonctionné comme à l'accoutumée mais a été dédiée à l'anticipation des flux logistiques.

La cellule communication, elle, s'est heurtée à un black-out de 24 à 36 heures. Routes coupées, radios hors d'usage : comment contacter la population ? Il a fallu 72 heures pour dégager les axes routiers et aller au-devant de la population. L'émotion a été grande aux Antilles et dans l'hexagone, et il a fallu gérer un afflux de quelque 100 000 appels. Les préfectures ont accru la capacité de leurs cellules d'information du public (CIP) ; le Service d'information du Gouvernement (SIG) a mobilisé la société Teleperformance et sa centaine d'opérateurs. Mais il fallait trier les appels : on ne dit pas la même chose à des sinistrés qu'à leurs proches ou à une personne qui demande si elle doit annuler ses vacances. La direction de la communication du ministère de l'intérieur (DICOM) a immédiatement envoyé une équipe pour renforcer les capacités et orienter les demandes. Mais encore faut-il que les opérateurs sachent quoi répondre, ce qui suppose que les informations remontées du terrain soient validées et leur soient transmises, avec les réponses à fournir selon la nature des questions posées.

Pour les recherches en disparition, une centaine d'opérateurs du ministère des affaires étrangères prennent les appels, se renseignent, et rappellent une fois l'information obtenue. Bref, sur une crise de cette nature, la cellule communication a tourné à plein régime. Cela a la grande vertu de diminuer l'ampleur des rumeurs sur les réseaux sociaux, et donne une image positive de l'implication des pouvoirs publics.

Chaque crise est l'occasion de tirer les enseignements et d'adapter nos moyens. La cellule interministérielle d'aide aux victimes (CIAV), de création récente, transmet ensuite ses responsabilités à la délégation à l'aide aux victimes. La cellule interministérielle qui vient d'être instaurée sera pérennisée et passera des contrats dormants susceptibles d'accroître la vitesse de mobilisation des moyens. La crise provoquée par Irma a confirmé la difficulté d'établir un pont aérien avec l'outre-mer ! Pour un générateur d'un mégawatt, il faut un Antonov, et il n'y en a que deux de disponibles, en Ukraine et en Russie. L'armée sait faire, et notre tempérament gaulois nous rend prompts à réagir à l'urgence, mais nous pouvons optimiser en anticipant.

La CIC s'est réunie 28 fois entre le 5 et le 20 septembre. Pour le retour à la vie normale et au rétablissement des services publics, il faut formaliser plus précisément la sortie de crise par une CIC présidée par les plus hautes autorités ou par renvoi à une réunion interministérielle, afin que les responsabilités soient clairement établies pour la suite. En l'occurrence, le délégué interministériel avait constitué une équipe d'une dizaine de personnes. Mais en théorie, la dernière réunion de la CIC doit être plus formalisée, avec des clauses de revoyure, car les conséquences de la crise doivent encore être prises en charge.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

À la suite de votre présentation complète et circonstanciée, je tiens à préciser que nous avons voulu éviter une commission d'enquête et une démarche d'inspiration accusatoire pour, au contraire, par temps calme, dresser un état des lieux objectif et élaborer des préconisations utiles. Le phénomène Irma était totalement inédit et nous devons en tenir compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Monsieur le préfet, je vous remercie de cet exposé d'ampleur.

À titre personnel, j'ai voulu faire taire les rumeurs naissantes sur le pré-positionnement et l'omniprésence de l'armée au détriment des acteurs politiques de terrain. Il m'a semblé utile d'indiquer à la représentation nationale et au Premier ministre que ce que l'on aurait pu dire ou faire n'aurait rien changé à la force du phénomène ni aux dégâts occasionnés.

Nous avons préféré nous orienter vers une mission d'information plutôt que d'initier une commission d'enquête, avec un souci de sincérité et la volonté que nos travaux soient utiles. Pour cela, nous devons examiner les choses en profondeur et ne pas nous voiler la face sur les éventuels manquements, s'il a pu y en avoir.

Les préconisations de notre rapport devront servir, et pas seulement aux territoires ultramarins, puisqu'il semble acté que les risques majeurs vont aller en s'amplifiant en force et en fréquence.

Mon rôle consiste plus particulièrement à veiller à ce que nos travaux restent dans le cadre défini au départ. Soyez libres, messieurs, de dire les choses comme vous le sentez. Nous ne sommes pas au tribunal ! Nous souhaitons que chacun se livre en son âme et conscience.

Debut de section - PermalienPhoto de Mathieu Darnaud

Je vous remercie de l'exhaustivité et de la précision de vos propos.

Nous voulons véritablement aller au fond du sujet, à partir, notamment, de l'exemple d'Irma, et transposer le déroulé de la gestion de crise à un autre territoire où se produirait un événement de même ampleur.

Quel a été, en l'espèce, le rôle dévolu au ministère des outre-mer dans la cellule interministérielle ? Nous avons bien compris que, au regard de l'importance de l'événement, la logique avait été très interministérielle. Quel doit être, selon vous, son rôle à l'occasion d'un autre épisode climatique ? Quelle doit être la juste articulation, notamment dans les relations avec les collectivités concernées, et comment qualifier le passage de témoin entre la cellule interministérielle et les acteurs des territoires ?

J'ai évoqué l'intérêt, pour nous, d'envisager qu'un événement similaire se produise dans d'autres territoires, notamment dans les collectivités du Pacifique à statut particulier. Je pense, notamment, aux compétences en matière de sécurité civile ou de gestion des risques, en particulier en Nouvelle-Calédonie ou en Polynésie. Quelles adaptations jugeriez-vous utile d'intégrer dans les schémas d'intervention sur ces territoires, en termes d'articulation des compétences entre l'État et les gouvernements locaux ?

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Vous avez évoqué le black-out, l'isolement total du reste du monde. Pour l'avoir vécu de l'intérieur, c'est sans doute ce qui m'a le plus frappé. Les valises activables avec des téléphones satellites dont nous disposions à la collectivité de Saint-Barthélemy, ont-elles été utilisées à Saint-Martin ? Ont-elles fonctionné ?

Debut de section - Permalien
Pascal Bolot, préfet, directeur de la protection et de la sécurité de l'État au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

J'ai passé une bonne partie de ma carrière à m'occuper de l'outre-mer, en cabinet - j'ai été directeur de cabinet adjoint au ministère - ou en poste dans les territoires du Pacifique ou de l'océan Indien. J'ai déjà été confronté à plusieurs épisodes cycloniques ou tempêtes en Polynésie, à La Réunion ou dans les TAAF.

Beaucoup de crises outre-mer sont gérées directement en outre-mer, qu'il s'agisse de crises d'ordre public ou de celles qui sont liées à des risques naturels. On organise des réunions en visioconférence avec les acteurs, sur place, notamment le préfet, pour évaluer si l'on va pouvoir faire face à la crise sur le terrain.

En ce qui concerne Irma, conscients de la gravité de ce qui se préparait, la direction générale de la sécurité civile, le cabinet du ministre de l'intérieur et celui de la ministre de l'outre-mer, bien conseillés par Météo France, ont décidé très vite, à juste titre, de travailler ensemble et de se mettre en veille. De ce point de vue, le ministère des outre-mer a été très rapidement intégré dans la cellule interministérielle, avec des missions particulières. Par exemple, c'est le cabinet de la ministre qui a été chargé de coordonner l'interministérialité pour l'évacuation des personnes des Antilles vers la métropole et d'établir l'ordre de priorité dans les départs face à l'afflux des demandes. Nous avons d'abord fait partir 1 000 personnes par jour, avant de passer à 1 500 puis à 2 000 au bout de 7 jours. Au total, quelque 8 000 personnes ont été évacuées.

La ministre des outre-mer est partie dès le lendemain avec pour mission d'entrer en contact avec tous ceux qui pouvaient rendre des services sur place - élus locaux, forces vives -, en complément des services de l'État résilients, qui étaient en capacité de conduire leurs missions et, surtout, de ceux qui pouvaient être envoyés en renfort. Il était important d'entendre les besoins. Encore fallait-il savoir quelles étaient les têtes de pont et si l'on pouvait faire atterrir un avion à l'aéroport Princess Juliana. Au bout du quatrième jour, on a pu y faire atterrir un A400M. Les quais n'étaient pas endommagés, mais il fallait vérifier que les bateaux venant apporter des secours pouvaient y accéder sans dommage. Tout cela ne se fait pas en claquant des doigts, surtout quand tout est cassé et que les informations sont parcellaires. L'action de la ministre des outre-mer sur place, les contacts qu'elle a pu nouer, les synthèses qu'elle nous faisait passer nous ont aidés.

Au reste, le Président de la République s'est rendu sur place avec une cinquantaine d'experts, dont certains du ministère des outre-mer, qui ont évalué les besoins pour les différents réseaux. De ce point de vue, le ministère des outre-mer a joué tout son rôle.

J'ai souvenir de nombreuses crises - je pense notamment au passage de plusieurs cyclones, en Polynésie, dans les années 90 -, pour lesquelles on n'avait pas pu faire mieux que mobiliser une ou deux unités d'instruction et d'intervention de la sécurité civile, des unités militaires à la disposition de la direction générale de la sécurité civile. Il n'y avait pas alors de CIC. Ensuite, on a progressivement commencé à parler de reconstruction, avec le souci de ne pas répéter les erreurs du passé. Il y a eu une progression collective dans la prise en compte de ce type d'épisodes.

Certes, le rôle du ministère des outre-mer, qui incarne en propre l'interministérialité, est de gérer un certain nombre de crises. Toutefois, l'ampleur d'un événement peut nécessiter de faire appel à la solidarité nationale, déshabiller certaines missions et déstabiliser l'ensemble du fonctionnement national pour concentrer les forces. Tout cela se prévoit.

Les prises de contact avec les collectivités territoriales ont été très compliquées.

Le 5 septembre, nous avons pu passer quelques appels, mais la communication était mauvaise. Le 6 septembre, nous avons pu avoir des contacts plus approfondis avec un certain nombre de responsables, notamment le président de la collectivité de Saint-Martin, qui a pris des initiatives pour évaluer l'ampleur des dégâts sur le terrain. Cependant, l'institution véritablement résiliente et réactive a été la gendarmerie nationale, qui a très vite pu organiser le centre opérationnel départemental (COD) après la dévastation de la préfecture, et recréer, dans la gendarmerie endommagée - il manquait des toits çà et là -, une base de commandement locale. Cela a permis qu'il y ait un point de rencontre des différents acteurs, un endroit où l'on pouvait communiquer, y compris avec la CIC dès le 6 septembre. Nous avons alors pu échanger précisément sur ce qu'il fallait envoyer, dans quel ordre, etc.

Le rôle des collectivités territoriales est encore plus important pour éclairer M. Philippe Gustin dans sa mission.

Par exemple, nous avons mis un certain temps pour remettre en route les usines de désalinisation, trouver des moyens de substitution, mais aussi pour s'apercevoir que les réseaux d'eau potable et les réseaux d'eaux usées avaient énormément souffert. C'est sur ces différents aspects que les élus locaux, par leur connaissance fine du territoire, peuvent être utiles. Connaissant les habitats spontanés, ils peuvent toucher toute la population, y compris la moins aisée.

La Nouvelle-Calédonie a bénéficié d'un transfert de compétences en matière de sécurité civile et de protection des populations. Cela dit, si une grosse catastrophe s'y produisait, la solidarité nationale primerait la question statutaire, sous réserve que le congrès le demande. Il n'y a aucune raison que le principe de solidarité nationale ne joue pas parce qu'il y a transfert de compétences. Jusqu'à nouvel ordre, la Nouvelle-Calédonie est pleinement dans la République.

Au reste, si la Nouvelle-Calédonie n'est pas concernée par l'accord FRANZ, qui lie la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande et permet une coordination des moyens en cas de catastrophe dans l'un des petits États du Pacifique Sud, on peut imaginer que l'aide d'un grand pays voisin ne nous manquerait pas.

On a bien vu, avec Irma, la difficulté que pouvait représenter la distance : pour atteindre les territoires dévastés, il fallait huit heures en avion et douze jours en bateau... Toutefois, des accords locaux peuvent permettre des circuits d'aide plus courts. Je pense notamment à l'hypothèse où des moyens aériens ne seraient pas pré-positionnés. Pour atteindre un incendie en Nouvelle-Calédonie, il vaut mieux louer des avions dans un pays ami voisin dont les standards d'utilisation sont proches des nôtres que d'envoyer des Canadair ou des Dash !

Je reviens sur le black-out après Irma. Les liaisons satellitaires et les câbles sous la mer étant abîmés, les communications ont été très difficiles pendant dix-huit heures. Compte tenu de la difficulté à disposer d'une photographie, l'éventail des hypothèses était large concernant le bilan humain. D'ailleurs, quand le Président de la République et le Premier ministre sont venus, nous ignorions que neuf morts étaient à déplorer. Un certain nombre de personnes vivant dans les habitats spontanés n'avaient pas voulu quitter les lieux, et nous avions tous en tête le tsunami qui, en Asie, a fait 100 000 morts. Dès lors, je dois dire que nous nous étions attendus à pire. C'est petit à petit que nous avons construit le bilan. Il n'a pas été simple à établir - nous avons cru, à un moment, qu'il y avait 11 morts. Les décomptes sont beaucoup plus compliqués quand tout est aussi désorganisé.

Bien évidemment, des moyens militaires de transmission peuvent être mis en place. C'est ce qu'a fait la gendarmerie au commandement de la gendarmerie (COMGEND), là où le COD a été organisé, dès le 6 septembre. La communication a été correcte. Nous avons ensuite pu avoir une liaison satellitaire. Le 11 septembre, une équipe est arrivée, en même temps que le Président de la République, qui a commencé à réparer les antennes radio et à diffuser en modulation de fréquence, de manière à pouvoir informer le plus grand nombre de personnes possible des cinq points de distribution de l'eau et des vivres, en complément de l'action des forces de l'ordre.

Depuis, la direction générale de la sécurité civile nous a sollicités, sachant que nous disposons de quelques budgets d'intervention au titre du contrat général interministériel. Nous avons signé un décret de transfert afin qu'elle puisse doter les troupes de la mission d'appui en situation de crise (MASC) de moyens de transmissions satellitaires permettant, en cas de reconnaissance éloignée et lorsque la téléphonie mobile ne marche plus, de diffuser les informations vers le PC ou vers Paris.

Après Irma, nous avons été confrontés à un moment de silence. Cela arrive rarement lors des crises.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Merci de cet exposé, particulièrement intéressant. Il me conforte dans l'idée que les informations ont bien circulé, du haut vers le bas.

Les réseaux sociaux ont fonctionné assez rapidement, plus vite même que les autres moyens de communication pour une certaine population.

Je vais donner la parole aux généraux des forces armées et au capitaine de vaisseau. Nous allons les écouter sur la dimension opérationnelle.

Général Lambert Lucas, commandant de la gendarmerie outre-mer, Direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN). - Je vous remercie de me fournir l'occasion d'évoquer le commandement et le positionnement de la gendarmerie en outre-mer et de revenir sur le caractère absolument exemplaire et exceptionnel de l'action des femmes et des hommes de la gendarmerie dans la gestion d'Irma. Initialement centré sur la sécurité civile, le traitement de la crise s'est rapidement transformé pour toucher aux problématiques de sécurité.

J'ai cherché à respecter la trame qui nous a été suggérée, même si les questions de sécurité civile, notamment l'élaboration des plans, ne relèvent pas de notre coeur de métier : nous sommes concourants et pas menants.

La gendarmerie outre-mer compte 4 000 gendarmes, femmes et hommes, sur l'ensemble des neuf territoires ultramarins, commandés par des COMGEND sur la surface du globe. Viennent s'y ajouter 21 escadrons, soit environ 1 500 personnels, plus quelque 1 400 réservistes de la gendarmerie. Le personnel d'active représente donc environ 5 500 militaires et civils et 1 400 réservistes. La gendarmerie couvre 98 % du territoire ultramarin et assure la sécurité d'environ 70 % de la population dans l'ensemble de ces territoires.

Je vais vous présenter les points clés de la manoeuvre de la gendarmerie à la suite du passage de l'ouragan Irma et clore mon propos en vous livrant les quelques enseignements essentiels que nous avons tirés de cette crise.

Dans la nuit du 5 au 6 septembre 2017, l'ouragan Irma a frappé le nord de l'arc antillais, détruisant 90 % du bâti de la collectivité territoriale de Saint-Martin et paralysant presque totalement le fonctionnement des services territoriaux et de l'État, à l'exception notable de la gendarmerie. Ainsi, le commandant de la gendarmerie de Guadeloupe a rapidement repris le contrôle de la situation, dans des conditions particulièrement dégradées et absolument exceptionnelles.

La gendarmerie, ainsi que l'ensemble des services, s'étaient bien préparés au risque cyclonique, mais de manière classique. Un plan Cyclone avait été revu en novembre 2015, qui était décliné par tous. Les dispositions de ce plan ont été rappelées dès le 1er septembre, avec les premières indications concernant l'arrivée du cyclone Irma. En outre, au moins une fois par an, la gendarmerie participe à un certain nombre d'exercices de préparation - en l'occurrence, cela a eu lieu trois fois pendant les six mois qui ont précédé la crise. Le dispositif de préparation paraissait donc satisfaisant.

Dès le 2 septembre, les premières mesures de déploiement préventif des forces ont été prises, tant sur Saint-Martin que sur la Guadeloupe, qui était encore, à ce stade, directement menacée par le cyclone.

Je souhaite revenir sur la question du pré-positionnement des forces, dont on sait qu'elle a été quelque peu polémique dans les premiers jours qui ont suivi Irma.

Quand on sait que la foudre va tomber, on essaie de ne pas se mettre dessous. Mais les raisons principales pour lesquelles nous n'avions pas redéployé ces forces sont autres. Tout d'abord, on ne savait pas, à l'époque, dans quelle direction le cyclone allait se déplacer. L'essentiel de nos forces étant positionnées sur la Guadeloupe, où nous sommes responsables de la sécurité d'environ 300 000 personnes, nous avons conservé une partie de nos capacités sur ce département. Par ailleurs, environ 200 militaires de la gendarmerie étaient déjà positionnés sur le site, ce qui nous paraissait tout à fait suffisant pour juguler, tout au moins dans les quarante-huit premières heures, toutes les difficultés que nous allions rencontrer, ce qui, du reste, de notre point de vue, a été le cas. Ensuite, au-delà du fait que nous souhaitions conserver une capacité de manoeuvre, il était important pour nous de pouvoir conserver une certaine mobilité à partir de la Guadeloupe. C'est la raison pour laquelle nous avions constitué une task force d'une centaine de militaires prêts à être projetés. De fait, nous les avons projetés dès le 7 septembre sur le territoire de Saint-Martin.

Dans le cadre de cette projection, c'est surtout l'absolue nécessité de renforcer les moyens de transport et de projection stratégique de nos camarades des armées qui nous a posé problème. Ce manque de moyens, qui existe également dans une certaine mesure en Guyane, a été mis en évidence dans cette crise.

Si l'intensité d'Irma sur les îles du nord et l'ouverture d'une seconde crise avec Maria ont mis à mal tous les modèles prévus, cette situation n'a pas provoqué de rupture capacitaire définitive de la gendarmerie, notamment du fait d'un certain nombre de caractéristiques de celle-ci. La résilience de la gendarmerie s'appuie, en effet, non seulement sur son statut militaire, mais également sur un soutien opérationnel totalement intégré à la force - le logement en caserne, où nous avons pu installer Madame la préfète, les magistrats et même le Président de la République lorsqu'il est passé à Saint-Martin, n'y est pas étranger - et sur une formation individuelle et collective à la gestion de crise. Voilà les piliers essentiels de la résilience de la gendarmerie, qui lui ont permis de faire face malgré tout à cette crise dans des conditions qui nous ont paru satisfaisantes.

La gendarmerie n'a pas été épargnée par cette crise, tant au niveau de l'immobilier que des véhicules, mais a pu conserver des points d'appui solides, qui lui ont permis de restaurer le fonctionnement des institutions régaliennes.

Néanmoins, malgré son isolement, la gendarmerie a dû, dans un premier temps, accomplir de nombreuses missions périphériques, telles que le secours aux populations et aux blessés, avec nos camarades de la sécurité civile, mais également la protection d'infrastructures stratégiques, telles que l'aéroport, l'hôpital ou le maintien du pilotage préfectoral.

Je garde à l'esprit les difficultés que l'évacuation des touristes et des ressortissants du territoire a engendrées, compte tenu du vent de panique et des conditions sanitaires particulièrement difficiles. Ce sont les gendarmes, avec un certain nombre d'autres acteurs, qui ont dû faire face à cette situation humanitaire, particulièrement traumatisante pour un certain nombre de nos militaires.

J'en viens à la montée en puissance de la gendarmerie et aux efforts qu'il nous a fallu conduire. Les renforts sont venus des outre-mer - de Martinique, mais également de Guyane. S'y sont ajoutés un certain nombre de réservistes en provenance de Guadeloupe, la task force que j'ai déjà évoquée, mais également 150 réservistes, soit deux compagnies de réserve territoriales, qui ont très rapidement été projetés sur ce territoire.

C'est le 16 septembre, soit une dizaine de jours après les événements, que nous avons atteint le point culminant de notre déploiement, avec 780 militaires au total. Cela illustre la résilience de la gendarmerie et la capacité de son dispositif intégré, robuste, interopérable et flexible, qui lui permet de faire face à des crises de ce type.

C'est cette flexibilité et cette interopérabilité avec les autres services de l'État, bien évidemment présents sur le territoire, qui a permis une excellente coordination. D'ailleurs, lors de son passage, Monsieur le Président de la République avait désigné le général Descoux, qui est le COMGEND actuellement, comme coordonnateur des services de sécurité. Articulée autour de six zones, cette organisation a permis de reprendre rapidement le contrôle de la situation sécuritaire.

Je souhaite évoquer le sujet de la reconstruction, car je sais que la délégation va également travailler sur cette question.

La reconstruction est indispensable, c'est évident. Mais on sait que, dans de telles situations de crise, tout le monde se tourne immédiatement vers les services de sécurité, en particulier la gendarmerie.

Si l'immobilier de la gendarmerie a été endommagé, ses personnels ont aussi souffert. L'action des psychologues cliniciens auprès des familles, mais aussi auprès des militaires, a été absolument essentielle. Sur environ 100 personnels militaires présents au moment des événements, nous avons dû en rapatrier environ 70 vers la métropole, qui ont été remplacés soit par des réservistes, soit par des personnels en mission de courte durée. C'est toujours le cas aujourd'hui. L'accompagnement des personnels et de leurs familles est un dispositif délicat à mettre en oeuvre parce qu'il nous faut désormais les remplacer.

Or, l'immobilier tient tout. De nombreux logements ont été touchés. La priorité, c'est de reconstruire les casernes, pour la plupart louées, remettre en état les véhicules et les transmissions. Nous sommes tenus de respecter le code des marchés publics, ce qui est préoccupant : nous ne sommes pas encore revenus à une situation normale compte tenu des délais et les casernes doivent être remises en état dans les meilleurs délais.

Vous souhaitiez que notre parole soit libre. Enseignement tiré de cette situation, il est indispensable d'entretenir et de préparer la résilience des populations d'outre-mer envers ces phénomènes dont la force et la fréquence risquent de s'accroître. Je partage votre inquiétude. Souvenons-nous de l'état de sidération des populations, voire de certains acteurs institutionnels. Les plans de l'état-major sont nécessaires, mais insuffisants face à ce type de crise. Prenons exemple sur certains pays comme le Japon. Comme pour la lutte contre l'insécurité routière, associons les populations à ces exercices, quitte à ce que ceux-ci soient en grandeur réelle. C'est une lutte pour protéger la vie. La sécurité doit être une co-production. Le général de Gaulle affirmait que « la politique la plus coûteuse, c'est d'être petit ». Voyons grand !

Nous devons entretenir la résilience des structures de commandement. La responsabilité de la coordination des forces de sécurité a été donnée au général Jean-Marc Descoux, avec des résultats exceptionnels. La préfète a évoqué une situation particulièrement dramatique. Cela a été l'occasion de quelques petits tiraillements, le général de gendarmerie se trouvant dans une situation non naturelle de coordination interservices. Chacun doit rester à sa place pour remplir sa mission dans les meilleures conditions.

Il est essentiel de préserver la mobilité. À l'origine de la crise, il y a l'absence de routes praticables : c'était une véritable expédition que de rejoindre la préfète. Rêvons un peu : il faudrait pouvoir, dans ce type de situation, réquisitionner tous les véhicules de dégagement lourds, y compris privés, et les garer dans des abris protégés, afin de pouvoir libérer rapidement les axes routiers, pour assurer les secours et procéder à un état des lieux et des besoins des populations plus rapidement. Cela aurait permis de faire la différence.

Préservons également la mobilité stratégique. L'armée doit avoir les moyens de sa stratégie.

Nous devons améliorer la communication. Même si les téléphones satellitaires étaient les premiers moyens de liaison, parfois difficile, dès le 8 septembre, des valises d'interopérabilité et des relais portables ont été installés par la gendarmerie. Le réseau de la gendarmerie, Quartz, a été rétabli les 10 et 11 septembre, à la veille de la visite du Président de la République, et était opérationnel pour toutes les forces de sécurité et de secours. La Bande latérale unique (BLU), moyen rustique de transmission radio, n'a pas pu être à la hauteur des attentes, car tous les mâts avaient été rasés. Nous avions aussi des problèmes de transport en provenance de la Guadeloupe et de la Guyane.

Général Thierry de Ladoucette, commandant le service militaire adapté (SMA). - Le service militaire adapté (SMA) a un rôle particulier. Formation militaire sous la tutelle du ministère des outre-mer, il dépend pour certains aspects, notamment les secours et l'aide aux populations, du ministère des armées. Nous sommes intervenus dans le cadre de l'ouragan Irma début septembre et Maria en Guadeloupe et en Martinique quinze jours après, alors que nous devions initialement nous engager seulement à Saint-Martin. Le SMA est un acteur de la prévention dans le cadre de la gestion du risque cyclonique, et ses capacités d'intervention massives ont été actionnées lors des épisodes cycloniques de l'été 2017.

Le SMA poursuit trois missions définies par un arrêté de 1991 cosigné par les ministres de la défense et des outre-mer : l'insertion socioprofessionnelle des jeunes d'outre-mer les plus en difficulté ; la contribution au développement des outre-mer ; la participation aux plans de secours, en appui des forces armées. Acteur de la prévention, le SMA délivre à ses jeunes une formation de sauveteur secouriste au travail, dont sont certifiés 90 % des jeunes qui nous quittent. Ils peuvent alors intervenir auprès de la population. Ce n'est pas anodin, sachant que le SMA intègre 10 % à 15 % d'une classe d'âge dans les outre-mer, et près de 20 % dans les Antilles. Même si la formation n'est pas spécifiquement adaptée aux types de blessures après un cyclone, ces jeunes peuvent délivrer les premiers secours.

La capacité de résilience est aussi entretenue par les compétences sociales, comme la vie en collectivité, l'attention à l'autre et l'entraide, acquises au SMA.

Dans le cadre de la préparation aux périodes cycloniques, nous délivrons une formation spéciale à un noyau dur d'une trentaine de personnes en Martinique et en Guadeloupe, en lien avec les unités de sécurité civile sur le sauvetage, le déblaiement et l'évacuation, qui donne lieu à une attestation de stage. Cette formation se tient deux fois par an, avant et au milieu de la période cyclonique, pour des interventions plus spécifiques.

Les interventions du SMA aux ordres des commandements supérieurs des forces armées déclinent une directive interarmées. Le SMA a une mission de sécurité civile pour porter assistance et secours aux populations. Il intervient en appui des armées par une capacité spécifique du SMA qui est indisponible ou insuffisante au sein des armées, notamment dans les travaux publics lourds. Nos jeunes bénéficient souvent d'une formation aux travaux publics et nos unités disposent des matériels correspondants. La directive prévoit un contrat opérationnel, négocié entre le régiment du SMA et le commandement des forces interarmées. Ce contrat, validé par le ministère de l'outre-mer, tutelle du SMA, est décliné en un plan d'opérations définissant chacune des composantes mobilisées en période cyclonique. Les plans opérationnels incluent des modules de commandement et des modules de reconnaissance, des moyens d'intervention techniques (électricité, plomberie, charpente,...), ainsi que des modules de transport - ils sont très limités en dehors des zones de stationnement des régiments -, un module de santé et un module de logistique permettant de survivre sur le terrain.

Le plan d'intervention permettait de déployer 280 personnes au maximum en Martinique et 208 en Guadeloupe. Au plus fort de la crise Irma mi-septembre, 262 personnes ont été déployées, provenant en majorité du régiment de Guadeloupe, et pour un tiers du régiment de la Martinique. L'unité de déblaiement et d'évacuation de la Martinique est partie en premier le lendemain du cyclone, au plus près des moyens de projection du COMSUP (l'Amiral commandant supérieur des forces armées aux Antilles). Cette préparation de qualité, en amont de chaque période cyclonique, et validée par le COMSUP et le SMA, donne lieu à des exercices, parfois internationaux. L'exercice international Richter 2017, auquel le régiment de la Martinique, en amont des ouragans Irma et Maria, a participé, a été particulièrement bénéfique en identifiant des difficultés qui ont été traitées avant le début de la période cyclonique.

Nos jeunes ne sont initialement pas destinés à ce type de missions, ils sont surtout là pour recevoir une formation socioprofessionnelle en vue de les réinsérer. Mais la veille du cyclone, aucun n'a refusé de partir à Saint-Martin, ce qui montre la motivation et le « savoir-donner » que les formations ont concrétisé.

Les contrats opérationnels et les plans d'intervention ont été efficaces et ont permis une projection rapide des détachements constitués. Selon les militaires, un plan s'effondre au premier coup de canon car rien ne se passe généralement comme prévu ; mais l'absence de plan est encore pire.... Les contrats opérationnels et les plans d'intervention ont été validés sur tout le territoire et ont donné des résultats conformes aux attentes.

Le SMA s'est engagé dans la durée : il a été présent à Saint-Martin jusqu'au 15 novembre, contre fin octobre pour les forces armées. Normalement, nos détachements ne peuvent pas rester plus de quinze jours sur place car ce ne sont pas des militaires professionnels. La période d'engagement doit être limitée et la durée de deux mois est un maximum à ne pas dépasser, sous peine de remettre en cause la mission première du SMA qui est l'intégration socioprofessionnelle.

Parmi les faiblesses, le SMA est sous-encadré et ne peut déployer que peu de cadres hors de ses zones de garnison. Cette situation est accentuée par la faiblesse des moyens de transmission, qui sont d'abord fournis par les forces armées. La communication interthéâtres ne se fait que grâce aux moyens satellitaires trop chichement mis à notre disposition par les forces armées.

Le SMA n'est pas assez bien représenté au sein des états-majors militaires ou de la préfecture. Il est insuffisamment employé, car il est trop méconnu.

Les moyens logistiques du SMA sont insuffisants ; ce dernier doit être intégré dans la logistique de l'armée pour les transports et l'alimentation, d'autant plus dans le cas de liaisons stratégiques entre la Guadeloupe, la Martinique et Saint-Martin. Sur les deux mois, nous avons également fait participer des unités de Guyane qui ont rejoint les Antilles, puis Saint-Martin, grâce à des moyens aériens stratégiques mis à disposition par les armées.

Capitaine de vaisseau François Moucheboeuf, chef de l'état-major des opérations de la marine, adjoint à l'amiral sous-chef d'état-major « opérations aéronavales ». - La marine est une armée de technologies. Ses forces ont comme missions principales le respect de la souveraineté de la France, la protection des ressources de la zone économique exclusive (ZEE), la coopération militaire régionale et la réaction immédiate en cas de crise. Ces capacités sont mélangées selon les configurations, les risques et les menaces spécifiques à chaque zone.

Les plus gros bâtiments sur place sont des frégates de surveillance de la ZEE dotées d'un hélicoptère, puis des moyens et petits patrouilleurs de protection, sauvegarde et sûreté des moyens maritimes. Ensuite, un bâtiment logistique assure le transport et le ravitaillement des îles. Les combinaisons sont différentes dans les cinq forces de souveraineté. Les Antilles et La Réunion disposent de deux frégates de surveillance, contre une pour les autres zones, tandis que la Guyane dispose uniquement de patrouilleurs, le patrouilleur léger guyanais (PLG). À La Réunion est basé depuis quelques mois l'unique vaisseau polaire, l'Astrolabe, propriété des Terres australes et antarctiques françaises, mais dont l'armement et l'entretien sont assurés par la marine, qui en dispose pour ses propres besoins d'avril à octobre.

Nous disposons également d'aéronefs, et notamment d'avions à réaction Guardian de la flotille 25F en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. Ces moyens ne sont pas spécialisés pour un seul type de missions ; ils sont polyvalents. Nous avons un peu moins de 2 000 marins en outre-mer, auxquels s'ajoute la gendarmerie maritime, force mise pour emploi auprès du chef d'état-major de la marine, qui a deux patrouilleurs côtiers, et cinq vedettes de la gendarmerie maritime, dont deux à Mayotte.

La marine est en pleine phase de renouvellement des matériels, notamment le BATRAL, vaisseau amphibie qui pouvait plager et débarquer - ce qui aurait été utile - ne naviguait que 90 jours par an. Il est remplacé par le B2M, plus moderne et de meilleure capacité, avec deux équipages multi-missions, qui peut tenir 200 jours par an en mer, qui est présent dans trois DOM. Un B2M arrivera en Martinique en 2019 et comblera le vide laissé par le désarmement de l'ancien BATRAL, le Dumont d'Urville, l'année dernière.

La situation est en revanche tendue concernant les patrouilleurs. Nous n'en avons malheureusement plus en Martinique. Il y en a un seul en Polynésie et à La Réunion, et deux vétérans de plus de 30 ans, La Glorieuse et La Moqueuse, en Nouvelle-Calédonie. Ces déséquilibres sont en cours de résorption. Un troisième PLG a été commandé et sera affecté en Martinique. La loi de programmation militaire 2019-2025 prévoit le renouvellement des patrouilleurs en outre-mer. Six unités seront livrées à la marine d'ici à 2024. Pour accélérer le processus industriel, nous avons détaré les capacités, avec un bâtiment distinct de celui de métropole, et non des monotypes.

Les forces de sécurité s'entraînent régulièrement en vue des catastrophes naturelles. En Polynésie et en Nouvelle-Calédonie, elles ont conduit les opérations Croix du Sud et Marara, interarmées, et en coopération avec les pays voisins. La coopération régionale est essentielle. Les opérations menées dans le cadre de l'accord FRANZ fonctionnent bien. Nous souhaitons dupliquer ce schéma d'organisation régionale dans l'arc antillais ; les Britanniques nous ont approchés à la suite du cyclone Irma, lors duquel ils avaient déployé leur navire de débarquement (LPD) Ocean, qui travaillait indépendamment de nous. La collaboration a été actée lors du sommet de Sandhurst en janvier dernier pour créer une plateforme commune dans les Antilles.

Avec Irma, nous avons bénéficié d'un cas d'école en utilisant des moyens pré-positionnés appuyés par des renforts venus de métropole. Les moyens de la marine étaient alors mobilisés, depuis fin août, dans la lutte contre les narcotrafics dans l'ouest des Antilles. Ils ont été renforcés par des avions Falcon 50. Dès la réception du préavis de cyclone, les moyens ont été redéployés pour faire venir un avion en Guyane, et dès le 6 septembre, les Falcon 50 ont survolé les îles pour évaluer les dégâts. Les deux frégates de surveillance Ventôse et Germinal basées en Martinique ont effectué le ravitaillement avec 160 tonnes de fret humanitaire, et ont apporté une assistance ponctuelle à terre. Lors d'une deuxième phase, le bâtiment de projection et de commandement (BPC) Tonnerre a été mis en alerte dès le 7 septembre. Amphibie, porte-hélicoptères, hôpital, bateau de transport, il a pu appareiller, après une phase de définition et de génération des moyens embarqués qui a été un peu longue, le 13 septembre à 4 heures du matin de Toulon. Il lui fallait 12 jours de traversée, mais il a atteint Saint-Martin au bout de 10 jours en « mettant les machines sur le pont ». Il a débarqué notamment 116 véhicules et plus de 1 000 tonnes de matériel du génie, de ravitaillement pétrolier, d'assistance médicale, de matériel pour des travaux sous-marins, afin de déblayer les accès du port. Un LEDAR, péniche de débarquement, a pu décharger sur les plages et dans le port de Philipsburg, dans la partie néerlandaise de l'île. Les opérations interarmées ont toujours bien fonctionné, une référence par leur ampleur ou leur résultat, avec des actions d'urgence et de rétablissement de la situation. L'anticipation a été très bien réalisée par le COMSUP qui assurait le contrôle opérationnel des moyens. Le BPC a prouvé qu'il était très bien adapté à cette mission par son temps de ralliement et ses capacités de transport, ses hélicoptères, 2 pumas et 2 caïmans. Il est resté 15 jours sur place, a participé à 20 chantiers à terre, et au déblaiement de la baie de Cul-de-Sac, où ont été relevées six épaves.

Ces chiffres sont impressionnants. Même si j'habite l'île voisine, toutes ces informations m'éclairent.

Général Lucas, vous témoignez que, pour Saint-Barthélemy, les services de gendarmerie ont été exemplaires. Tous les services ont en effet agi efficacement et en synergie bien au-delà du champ propre de leur mission, en nous prévenant toujours sur les limites de leurs capacités. Vous l'avez préconisé, mais nous fonctionnons déjà ainsi : en phase cyclonique, en fonction de l'importance du cyclone, nous nous réunissons pour décider de réquisitionner tous les moyens mécaniques du BTP, publics et privés, dans les différents quartiers de l'île, avec, pour objectif, que le lendemain du cyclone tous les axes routiers soient dégagés. Mon frère a choqué lorsqu'il a déclaré que nous nous préoccuperions du code des marchés publics ultérieurement...

Nous avons entendu votre message sur l'insuffisance de moyens humains et de matériel de dégagement. Compte tenu du statut de ma collectivité, nous sommes prêts à collaborer et à contractualiser avec l'État pour que ces moyens augmentent ; il y va de la survie de nos populations.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Je remercie la gendarmerie pour le travail réalisé, notamment grâce au général Descoux. Grâce à lui, j'ai pu intégrer le dispositif du centre opérationnel départemental, dont j'avais été écarté, pour venir en aide aux populations.

Lorsque vous avez signalé qu'il fallait réquisitionner tous les moyens matériels, j'ai frémi : cela se fait à Saint-Barthélemy, et cela se faisait à Saint-Martin. Chargé de l'aménagement du territoire, du développement durable et de l'environnement dans la collectivité, j'avais mis en place ce système. Nous ne sommes pas dans un tribunal et ne souhaitons pas faire office de commission d'enquête, mais les dysfonctionnements ont été flagrants sur Saint-Martin. Le moment venu, je pointerai les responsabilités. Auparavant, des secteurs étaient prédéfinis sur lesquels tous les acteurs listaient leurs moyens disponibles pour dégager les routes, réaménager les réseaux, organiser les secours, avec une fourchette de prix à laquelle on ne pouvait déroger. Pourquoi cette fois ce travail n'a-t-il pas été fait en amont ? Certains devront répondre de la cacophonie qui s'en est suivie.

Merci d'avoir parlé librement. Vous avez ainsi anticipé certaines de nos questions sur vos capacités, et vous nous avez évité un dialogue accusateur.

J'ai conscience des difficultés de la gendarmerie. Ses bâtiments sont anciens, loués par la collectivité, et qui souvent ne respectent pas les normes antisismiques. Le lendemain du séisme, je me suis rendu à la gendarmerie de Quartier-d'Orléans dont je suis originaire et ai été marqué par la détresse des familles de militaires. Je l'ai relayée au général. J'ai eu l'impression que ma présence les a quelque peu rassurées. J'ai fait de même à la caserne.

Nous avons une convention avec le SMA, et savons ce que vous êtes capables d'apporter. Nous recevons votre plaidoyer pour intégrer davantage le dispositif.

La police territoriale n'est pas très efficace, et ne s'engage pas beaucoup dans les opérations, tandis que la gendarmerie va au-delà de ses missions. Elle s'est retrouvée propulsée dans le commandement des opérations, alors que les élus locaux et les autres acteurs étaient en retrait. Compte tenu du travail réalisé, mes questions deviennent subsidiaires, et je tenais à vous témoigner de la reconnaissance de la population. Nous tiendrons compte de vos remarques dans notre rapport.

J'ai enfin compris pourquoi les Falcon nous survolaient, pour reconnaître les dégâts et transmettre les informations.

Il est nécessaire que nos dirigeants regardent plus frontalement les questions de sécurité et mettent à niveau les moyens mis à votre disposition.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Merci pour la qualité de vos interventions et l'absence de langue de bois, alors que nombreux sont ceux qui, sur les réseaux sociaux, ont dénigré les moyens mis en oeuvre.

Le législateur ne pourrait-il pas prévoir qu'on puisse s'affranchir du code des marchés publics en cas de contexte extraordinaire, même si je suis un fervent défenseur de ce code en temps normal ? Le temps nécessaire pour lancer les appels d'offres et mobiliser les crédits est un vrai sujet. Lorsque je présidais le conseil territorial de Saint-Pierre-et-Miquelon, le préfet réquisitionnait.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Nous avons un statut qui nous confère moins d'autonomie !

Quels enseignements tirez-vous de la coopération - ou de l'absence de coopération - avec les Néerlandais ? Le capitaine de vaisseau François Moucheboeuf évoquait un projet de plateforme avec les Britanniques. À Saint-Pierre-et-Miquelon, la France a des relations avec le Canada. Quel est votre retour d'expérience sur l'épisode Irma en la matière ?

Debut de section - Permalien
Pascal Bolot, préfet, directeur de la protection et de la sécurité de l'État au Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

L'ambassadeur des Pays-Bas en France a participé à la quasi-totalité des réunions du CIC, aux côtés des représentants du Premier ministre et du ministre des affaires étrangères. Il nous indiquait l'avancée des opérations de son pays, qui disposait d'un bateau sur place et d'une unité militaire. Un contrat a été signé dans les vingt-quatre heures pour pouvoir utiliser l'aéroport Princess Juliana placé sous leur responsabilité, afin de faire débarquer des Airbus A400M. Cela s'est bien passé.

Cette collaboration nous a également permis de mettre fin à des rumeurs comme la libération de prisonniers dans leur partie de l'île. En réalité, seule la deuxième clôture de la prison, extérieure, s'était effondrée. Leurs informations, suffisamment robustes, nous ont permis de contre-attaquer. Après la visite du président Macron les 11 et 12 septembre, la situation a basculé en notre faveur, alors que, auparavant, on louait la rapidité des actions néerlandaises sur l'île. L'image est fragile...

Sur le fond, nous nous sommes parlé, au-delà du symbole. L'ambassadeur était présent à plus de la moitié des 28 réunions, et à défaut, son premier conseiller.

Capitaine de vaisseau François Moucheboeuf. - Dans le même sens, une cellule de coordination avec les Néerlandais et les Anglais, la Multinational Coordination Cell (MCC), a été organisée à Curaçao fin septembre un peu tardivement. Mais elle a servi lors de l'épisode Maria. Le BPC Tonnerre a ainsi conduit 4 missions coordonnées par la MCC, et pu acheminer du fret humanitaire vers les victimes de Maria.

Général Lambert Lucas. - Je suis désolé de freiner votre enthousiasme, mais la coopération policière et judiciaire, la coopération entre les services de renseignement et la mise en place de patrouilles conjointes ne fonctionnent pas sur le terrain. La partie néerlandaise de Saint-Martin n'exécute pas totalement les recommandations de sa métropole... Il y a une réelle mauvaise volonté localement et l'essentiel des armes qui circulent sur l'île provient de cette partie de l'île.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

Je suis ravi que vous le disiez, et je le confirme. Les échanges de bonnes intentions sont effectifs entre La Haye et Paris, mais localement, il y a un vrai problème. J'espère que notre rapport en tirera des enseignements. C'est pour cela que le gouvernement est aussi instable et qu'il est encore tombé à la suite des polémiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Cet événement a montré la nécessité de formaliser la coopération : déjà écrite, elle doit devenir fonctionnelle rapidement. La collectivité de Saint-Barthélemy réquisitionne sur son terrain, mais l'État réquisitionne pour l'évacuation des personnes. La gestion des avions a mal fonctionné. Les Canadiens ont évacué leurs ressortissants en un temps record, en envoyant les pilotes de WestJet qui atterrissaient à vue. Au contraire, un avion Winair ne peut, juridiquement, relier directement deux aéroports français si bien que pour relier la Guadeloupe à Saint-Barthélemy, il nous déposait à Juliana avant de rembarquer... Quel gain de temps et d'efficacité en période de crise ! On devrait pouvoir y déroger...

Debut de section - PermalienPhoto de Victoire Jasmin

Sénatrice de Guadeloupe, j'ai été adjointe au maire déléguée à la sécurité de Morne-à-l'Eau. J'ai beaucoup travaillé avec la gendarmerie, notamment au sein du COD. Ma commune n'a pas été touchée par Irma, mais je salue le travail et la coordination permanente entre les élus et la gendarmerie de Morne-à-l'Eau. Lors des exercices anticycloniques, nous avons toujours pu compter et travailler avec notre compagnie de gendarmes. Je comprends mieux ce qui s'est passé pour Irma. Cela a fonctionné, chacun a pris en charge sa partie. Je vous félicite pour ce travail, car la coordination et la maîtrise du dispositif global ne sont pas évidentes en période de crise.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Merci pour tout ce que vous avez fait. Nous avions sans doute sous-évalué la participation de tous les services. Nous sommes à votre disposition pour intégrer dans notre rapport final les informations que vous voudrez bien nous transmettre. Les préconisations que nous formulerons devront aider à progresser à tous les niveaux et à faire face aux événements à venir, même si Irma était le phénomène le plus violent que j'aie connu jusqu'à présent. Nous n'avons pas choisi de naître là, mais nous n'avons pas d'autre choix que d'y vivre et d'organiser la résilience.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Monsieur le président de la collectivité, monsieur le préfet, madame la maire de Saint-Pierre, chère Karine nous sommes heureux de te retrouver, madame le maire de Miquelon-Langlade, monsieur le directeur, avec vous, Saint-Pierre-et-Miquelon ouvre une série de visioconférences avec les territoires. À défaut de pouvoir nous déplacer aussi souvent que nous le souhaiterions dans les outre-mer, notre délégation a en effet recours au palliatif de la visioconférence afin de recueillir au plus près du terrain les témoignages des acteurs locaux. Cela nous vaut le plaisir de vous entendre aujourd'hui.

Comme vous l'aurez compris à la lecture de la trame qui vous a été transmise, notre délégation a décidé d'engager une étude sur deux ans relative aux risques naturels majeurs dans les outre-mer. Cette étude comprendra deux volets distincts entre lesquels notre collègue Guillaume Arnell assurera la coordination.

Le premier volet, en cours d'instruction et sur lequel nous vous entendons aujourd'hui, est centré sur les problématiques d'anticipation des phénomènes, de déclenchement de l'alarme et de gestion de l'urgence lors de la survenue d'une catastrophe ; le second volet traitera des questions de reconstruction et de l'organisation de la résilience des territoires.

Sur le premier volet qui nous préoccupe aujourd'hui, ont été nommés rapporteurs nos collègues Mathieu Darnaud, sénateur de l'Ardèche, et Victorin Lurel, sénateur de la Guadeloupe.

Si Saint-Pierre-et-Miquelon n'est sans doute pas le territoire le plus exposé aux multiples risques naturels majeurs tels que cyclones, séismes ou éruptions volcaniques - et nous nous en réjouissons pour vous ! -, le territoire y est néanmoins exposé à des vents qui peuvent être très violents - et soufflant à l'horizontale comme nous l'avait expliqué notre collègue Karine Claireaux - et le littoral est évidemment éminemment exposé au risque de submersion. Nous avons donc tout lieu de nous y intéresser de près !

Sans plus tarder, et sur la base des différents aspects évoqués dans la trame, je vous cède la parole.

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

Mesdames et messieurs, bonjour. Je suis en poste à Saint-Pierre-et-Miquelon depuis un mois environ, et n'ai donc pas encore acquis une connaissance très fine de ces sujets. Afin que notre débat soit le plus pertinent possible, je suis entouré des maires de Saint-Pierre et de Miquelon-Langlade. Le président du conseil territorial s'excuse de ne pas être présent, étant retenu à l'extérieur, et se fait représenter par un agent de son administration. J'ai moi-même fait appel au directeur des territoires, de l'alimentation et de la mer (DTAM), à mon directeur de cabinet, au pompier en charge de la sécurité civile ainsi qu'au colonel commandant le groupement de gendarmerie pour que nous ayons une vision complète de la capacité du territoire à agir en cas de difficulté climatique.

Comme vous l'avez fait remarquer, ce territoire n'est pas exposé aux mêmes risques naturels que les autres départements, régions et collectivités d'outre-mer. Pour autant, la population de Saint-Pierre-et-Miquelon est parfois exposée à des conditions climatiques extrêmes, surtout en hiver. Ainsi, nous faisons face à des vents forts, des marées élevées et des tempêtes qui présentent un risque de submersion. Saint-Pierre et Miquelon-Langlade ont déjà connu des phénomènes de submersion importants au cours de leur histoire, et il est fort probable que ces épisodes se manifestent plus régulièrement. En effet, la montée des eaux provoquée par le réchauffement climatique constitue une menace pour le territoire, dont certaines zones sont situées au ras de la mer. À ces phénomènes s'ajoute le risque tsunami, puisque nous sommes directement impactés par l'effondrement des Grands Bancs de Terre-Neuve et l'activité volcanique dans l'Atlantique est.

La problématique des risques naturels à Saint-Pierre-et-Miquelon est essentiellement centrée sur les relations entre l'homme et la mer, particulièrement sur la fragilité des zones d'habitat sur le littoral. L'action prioritaire menée aujourd'hui dans ce domaine relève donc de la protection du littoral. Cela est d'autant plus important que l'évolution climatique a pour conséquence la réduction de la période englacée et une érosion accélérée des côtes du Canada et de Saint-Pierre-et-Miquelon davantage soumises à l'agression de la mer. Historiquement, dans cette partie du monde, les glaces qui se formaient pendant l'hiver avaient pour rôle de protéger les côtes.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Bonjour à tous. Je suis ravie de vous retrouver à travers la caméra, en attendant que vous nous rendiez visite sur l'archipel.

Saint-Pierre est peu confronté aux risques naturels majeurs, si ce n'est le risque de submersion. Les zones particulièrement sensibles de ce point de vue sont le port de Saint-Pierre et l'aéroport. En cas de fortes marées ou de tempête, les voies d'accès à l'île peuvent être coupées. Il y a quelques années, les habitants près du port ont dû être secourus en barque. Cela vous donne une idée de l'ampleur de la submersion. La montée des eaux rend certaines zones plus sensibles à ces épisodes en cas de fortes marées, voire de simples pluies.

Les collectivités et l'État mutualisent leurs moyens pour faire face à ces risques. Un plan d'action est d'ailleurs en cours d'élaboration pour la commune de Saint-Pierre. Notre principale difficulté, partagée par les autres territoires d'outre-mer, est l'isolement. Nous devons donc être en mesure d'agir seuls en cas de problème majeur.

Il me semble important de vous donner davantage d'explications sur le port de Saint-Pierre. Cette construction est naturellement protégée par l'île aux Marins. Or, cet abri naturel a été envahi par la mer à plusieurs reprises ces dernières années. Il existe donc un risque que cet îlot soit coupé en deux par les eaux et ne puisse plus jouer son rôle de digue naturelle qui a permis à Saint-Pierre de devenir le chef-lieu de l'archipel en abritant les bateaux. Nous portons une attention particulière à la protection de l'île aux Marins. Le chef des services techniques de la commune et moi-même restons à votre disposition pour répondre à vos questions.

Debut de section - Permalien
Danièle Gaspard, maire de Miquelon-Langlade

Le constat est quasiment le même qu'à Saint-Pierre. À Miquelon, le village est entouré par la mer. Le littoral, constitué de galets ou de sable dans l'isthme, est fortement soumis à l'érosion. Les hivers étant de moins en moins rigoureux, les falaises ne sont plus protégées comme autrefois par la glace.

En outre, le risque de submersion marine, qui s'est déjà matérialisé dans les années 1960, est un sujet de préoccupation majeur. La construction d'un merlon de protection, déjà en cours, devrait empêcher que la mer ne frôle de trop près les habitations de la partie sud du village en cas d'intempéries. La commune a également travaillé, en collaboration avec les services de la DTAM, à l'élaboration du plan de prévention des risques littoraux (PPRL). Un document d'information communal sur les risques majeurs (DICRIM) sera par ailleurs diffusé à la population. Enfin, le plan communal de sauvegarde est en cours d'élaboration avec l'aide du chef de la sécurité civile.

En termes de moyens, les pompiers volontaires peuvent intervenir, ainsi que les services de la DTAM, de la préfecture et de la gendarmerie, selon les besoins. De plus, le PPRL a mis en lumière la nécessité d'identifier un nouveau point de regroupement car le lieu qui avait été pressenti se trouve à une altitude trop basse. Nous souhaitons donc construire une aile supplémentaire à l'école, située en hauteur, afin que ce bâtiment puisse accueillir la population. Cette aile comporterait des douches ainsi que du matériel de secours.

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

Même si nos interventions ont souligné les enjeux liés à la mer, il convient de ne pas négliger le risque incendie, en particulier dans la forêt boréale de Langlade, en été. Ceci est d'autant plus préoccupant que la construction de maisons secondaires se développe aux abords de la forêt.

Il existe un deuxième risque terrestre, plus rare, à prendre en compte. En effet, la ville de Saint-Pierre étant adossée à une montagne, le village peut subir des avalanches ou des inondations par débordement de ruisseaux mal canalisés.

Debut de section - Permalien
Alain Cazenave, chef de cabinet du préfet

J'aimerais porter à votre connaissance deux éléments, de façon à brosser un portrait complet de la situation. Après la tempête du 16 décembre 2016, la mairie de Miquelon a demandé la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle à Langlade. Il s'agit d'une première pour la collectivité.

Par ailleurs, l'archipel compte en 2017 30 vigilances météo, dont 4 de niveau orange. Je me permets d'indiquer que le niveau orange correspond au niveau rouge dans l'hexagone, puisque nous sommes contraints d'adapter notre système de vigilance aux seuils venteux.

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

J'ajouterai que le classement en catastrophe naturelle de Miquelon a été décrété après qu'une maison a été emportée par la mer.

Debut de section - PermalienPhoto de Guillaume Arnell

L'élément déclencheur de notre mission est le passage de l'ouragan Irma sur les Îles du Nord, Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Notre mission englobe dans son champ tous les risques naturels et souhaité que l'ensemble des outre-mer soient entendus, y compris Saint-Pierre-et-Miquelon où l'éventail des risques est moindre.

Debut de section - PermalienPhoto de Stéphane Artano

Vous avez raison d'évoquer le risque incendie, Monsieur le préfet, notamment à Miquelon-Langlade. Il me semble que le plan de sauvegarde communal doit prévoir un périmètre de sécurité autour des habitations à risque en assurant un déboisement minimal afin de limiter la propagation du feu.

Après vos interventions, trois questions me viennent à l'esprit. Il y a quelques jours, la délégation a auditionné le secrétaire d'État à la transition écologique, M. Sébastien Lecornu, ainsi que le directeur de la sécurité civile, M. Jacques Witkowski. J'avais ainsi eu l'occasion de leur demander si les territoires ultramarins bénéficiaient d'un appui technique. À Saint-Pierre-et-Miquelon, par exemple, un capitaine travaille au sein des services de la préfecture et avec les autorités locales à l'élaboration de différents plans. J'aimerais toutefois savoir si vous disposez d'un soutien technique à Paris dans ces démarches.

Ma deuxième question porte sur les partenariats avec nos pays voisins, que nous venons d'aborder avec le directeur de la protection et de la sécurité de l'État, M. Pascal Bolot, ainsi que les représentants des forces armées, auditionnés cet après-midi. Des plateformes techniques sont-elles déjà prévues avec nos partenaires canadiens en cas de survenance d'un risque naturel majeur ? Il me semble primordial de lancer des discussions internationales pour prévoir la mise à disposition de moyens en cas d'impossibilité, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, de faire face à une catastrophe naturelle. Dans d'autres domaines, je sais qu'il existe des coopérations en matière de sécurité avec la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM), par exemple.

Enfin, pourriez-vous présenter à la délégation les moyens immergés mis en oeuvre par l'État au large de Saint-Pierre-et-Miquelon afin de mesurer le risque de submersion ? Cette démarche s'inscrit dans le cadre du projet OURANOS, qui concerne l'ensemble du golfe du Saint-Laurent.

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

Le capitaine de sapeurs-pompiers, à mes côtés, fait le lien entre les acteurs locaux pour développer la culture de la sécurité civile et élaborer les documents permettant d'identifier les risques et d'intégrer les bons réflexes en termes d'intervention. Cela me permet également d'avoir un lien direct avec les départements ministériels centraux afin de bénéficier d'un appui technique lorsque nous en avons besoin.

Par ailleurs, la question des partenariats régionaux est pertinente au regard de la position géographique particulière de l'archipel, imbriquée dans le territoire canadien. Il est donc évident que rien ne peut se faire sans le soutien des autorités canadiennes. À ce titre, la coopération entre Météo France et les services météorologiques canadiens, qui semble être au point mort, devrait être relancée afin que nous puissions bénéficier de leur travail de modélisation pour suivre les marées et le risque de submersion. Des contacts ont été pris, mais à ce jour, les démarches n'ont pas encore abouti.

En outre, le Québec vient de mettre en place aux îles de la Madeleine un centre de supervision des risques maritimes, ce qui constitue une autre piste de coopération intéressante compte tenu des similarités entre ces îles et notre territoire. Le ministre québécois s'est rendu sur l'archipel il y a trois semaines pour annoncer la nouvelle et les services du centre travaillent d'ailleurs déjà en collaboration avec des institutions françaises. Cette structure a pour vocation d'identifier les risques de pollution et d'érosion dans l'estuaire du Saint-Laurent, dont fait partie Saint-Pierre-et-Miquelon, et de coordonner l'action des secours en mer dans cette zone. Cela intéresse donc particulièrement notre collectivité, et des coopérations sont à développer en ce sens. À ce titre, je ferai partie de la délégation qui se rendra aux îles de la Madeleine en mai.

Pour conclure sur les partenariats, nous sommes totalement intégrés au dispositif de secours canadien auquel nous prêtons main forte. Ainsi, les actions en mer sont pilotées par le centre d'Halifax. En ce qui concerne la gestion de la crise, donc, la coopération avec les autorités canadiennes fonctionne bien. En revanche, des progrès sont à faire sur le volet connaissance des risques et anticipation.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je voudrais revenir sur un point technique. M. Alain Cazenave a évoqué les 30 vigilances météorologiques qui couvrent le territoire. Pourriez-vous nous expliquer en quoi consiste ce dispositif ?

Par ailleurs, je vous remercie pour cet exposé précis de la situation, car nous sommes peu informés sur les risques naturels majeurs spécifiques à Saint-Pierre-et-Miquelon et les moyens déployés pour y faire face. Les coopérations que vous venez d'évoquer ont-elles été formalisées ? Si non, nous sommes preneurs de toute proposition que vous pourriez formuler afin d'accélérer ces démarches.

Enfin, pourriez-vous nous dresser un état des lieux des moyens effectifs, humains et matériels, dont vous disposez sur l'archipel pour répondre à ces enjeux ? Estimez-vous ces ressources suffisantes ?

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

Un accord franco-canadien signé en 1982 organise la coopération et la mutualisation des moyens dans le cadre des opérations de secours en mer.

Pour en revenir à votre première question, le chiffre de 30 vigilances météo correspond au nombre de fois où Météo-France a déclenché une vigilance jaune ou orange sur le territoire en 2017. Ce mécanisme est déclenché en fonction de la force des vents conjuguée aux hautes marées qui créent un risque de submersion.

Sur la question des ressources, enfin, les moyens mobilisés par les autorités canadiennes sont primordiaux car nous ne disposons pas, par exemple, d'hélicoptère. Ceux-ci sont déployés depuis Terre-Neuve pour effectuer les missions de secours en mer et, selon leurs disponibilités, pour du sauvetage à terre. À titre exceptionnel, donc, les hélicoptères sont utilisés pour retrouver une personne disparue dans la forêt de Langlade. Nous disposons également de quelques moyens maritimes propres puisque l'armée, la gendarmerie maritime, la DTAM et la Société nationale de sauvetage en mer (SNSM) possèdent toutes un bateau. Or, la plupart de ces bateaux ne peuvent pas sortir par mauvais temps ce qui limite leur intérêt, d'autant plus que celui de la marine nationale, compte tenu de son âge, doit être remplacé.

En revanche, nos moyens d'intervention terrestres sont plus réduits. L'organisation des sapeurs-pompiers sur le territoire est atypique puisque nous disposons de deux équipes communales de pompiers volontaires, basés à Saint-Pierre et à Miquelon. Leur capacité à se projeter est limitée du fait de leur statut de volontaires et le faible nombre d'interventions qui les empêche de se former en continu. Madame le maire, par exemple, combien d'interventions comptabilisez-vous à l'année sur votre commune ?

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Les pompiers interviennent sur moins d'une vingtaine de sinistres par an. S'ajoutent à cela quelques actions de brancardage pour l'hôpital François Dunan. Les pompiers volontaires protègent les biens mais ne pratiquent pas de secours aux personnes.

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

En cas d'incident, nous rencontrons des difficultés pour intervenir rapidement à Langlade, car les pompiers volontaires de Miquelon ne peuvent s'y rendre en moins de 40 minutes.

Debut de section - Permalien
Danièle Gaspard, maire de Miquelon-Langlade

En effet, nous aurions besoin d'un minimum de matériel sur place pour pouvoir agir rapidement en cas de sinistre.

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

Pour la mairie de Miquelon-Langlade, l'enjeu consiste donc à répartir intelligemment les faibles moyens en sa possession, en particulier en été où le risque feu de forêt est le plus élevé.

J'ajouterai que Langlade est sans doute plus peuplé que Miquelon mais ne dispose, pour autant, d'aucun moyen de secours sur place. Se pose également, en cas d'accident, le problème de l'évacuation des victimes vers l'hôpital. Nous sommes alors tributaires d'un bateau, d'un avion ou d'un hélicoptère canadien qui sont les seuls moyens de rallier Saint-Pierre.

Debut de section - Permalien
Danièle Gaspard, maire de Miquelon-Langlade

Dans cette optique, le centre incendie s'est récemment doté d'un zodiac afin de transporter rapidement les blessés. Le centre aimerait également acquérir un quad afin de secourir les victimes en cas d'accident de montagne ou de chasse. Enfin, un camion à échelle nous serait très utile comme tenu de la hauteur de certains bâtiments comme l'église. Notre responsable des pompiers travaille donc à compléter la panoplie de nos moyens techniques afin d'apporter une réponse satisfaisante aux besoins de la commune.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

J'ai compris que le plan de sauvegarde n'était pas encore achevé. Existe-t-il, à cet égard, un échéancier pour rendre compte de l'avancée des démarches ?

En outre, j'ai conscience que les moyens humains et matériels déployés sur un territoire sont fonction de l'étendue de celui-ci. Pour autant, parvenez-vous à réaliser des exercices en situation ? J'imagine que les risques auxquels vous êtes confrontés, les incendies comme la submersion, nécessitent une préparation particulière.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Nos pompiers sont bénévoles. Ils se retrouvent tout de même régulièrement pour mener des exercices, en plus des formations et des mises en situation qu'ils suivent tout au long de l'année. Les exercices sont particulièrement difficiles à mettre en place en ce qui concerne les risques naturels, mais nous essayons tout de même de leur faire acquérir les bons réflexes pour pouvoir répondre à la plupart des situations auxquelles ils pourraient être confrontés.

Debut de section - Permalien
Danièle Gaspard, maire de Miquelon-Langlade

Cela fonctionne de la même manière à Miquelon, les pompiers se prêtant régulièrement à des exercices. Je pense que nos pompiers se maintiennent très à jour dans leur formation.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Pour plus de facilité, nous faisons venir les formateurs à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Entretenez-vous des relations avec le Canada dans le cadre de la formation des pompiers ?

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

En revanche, les camions de pompiers sont canadiens.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Vous n'êtes donc pas soumis aux mêmes normes que dans les autres territoires français.

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

Les pompiers ont dû trouver un moyen de contourner ce problème et apprendre à s'organiser avec un outil de travail radicalement différent. Mais le principal défi demeure le faible nombre d'interventions, principalement des incendies de maison, car les savoir-faire se développent avec l'expérience. Même si nous essayons de compenser ce déficit d'activité par des exercices réguliers, cela implique que nos pompiers se forment en continu pour s'assurer de pouvoir intervenir rapidement, sans se mettre en danger.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Il est clair qu'en cas de catastrophe naturelle, les pompiers volontaires ne suffiraient pas. Compte tenu de l'ampleur des dégâts potentiels, tous les moyens de l'archipel devraient être mis en commun. Les agents de l'État, la gendarmerie et les agents des collectivités devront tous être mobilisés. Sur certains exercices, d'ailleurs, nous convions tous les acteurs de la sécurité afin de mesurer notre capacité à se coordonner dans le cadre d'une situation inédite.

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

Madame le maire, estimez-vous aujourd'hui que la sensibilité de la population aux risques est suffisante ? Les habitants de l'archipel sont-ils en capacité d'anticiper la situation et de se prendre en charge individuellement et collectivement face à un risque naturel ? J'ai eu l'occasion de voir que dans les territoires soumis aux cyclones, comme La Réunion, les populations ont intégré ce risque dans leur mode de vie et l'ensemble des forces vives se mobilise pour préparer l'événement.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

En ce qui concerne les risques naturels de type submersion ou raz-de-marée, nous n'aurons pas d'autre choix que de prendre les habitants en charge car nous devrons leur trouver des abris. Si la catastrophe survient en hiver, nous devrons faire preuve d'une réactivité hors norme car les gens ne peuvent pas survivre longtemps dehors. Il convient donc que les élus et les administrations réfléchissent en amont aux abris potentiels et aux moyens nécessaires pour ces opérations. C'est d'ailleurs tout l'intérêt des plans sur lesquels nous travaillons à l'heure actuelle. Ces schémas permettent de coucher sur papier les démarches à suivre afin de se préparer au mieux et de gagner un temps précieux en cas d'urgence. Ils seront par ailleurs communiqués à la population afin que tout le monde intègre le fonctionnement du système d'alerte.

En revanche, nous sommes dépourvus de matériel pour faire face à de telles situations. En cas d'accident au sein de l'usine de production d'électricité, comme cela s'est déjà produit dans le passé, nous n'avons pas d'autre moyen pour approvisionner le territoire en électricité. Le même problème se pose avec l'usine de traitement de l'eau potable. Il me paraît essentiel de recenser dès à présent, au niveau de Terre-Neuve et des provinces maritimes, les territoires qui pourraient nous venir en aide rapidement en cas de crise de cette nature.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Vous êtes donc soumis à des risques spécifiques par rapport aux autres territoires d'outre-mer. Le plan de sauvegarde fera-t-il des préconisations de manière à établir un programme à moyen ou long-terme ?

Capitaine Simon Marie, officier de sapeurs-pompiers, coordinateur de sécurité civile auprès du préfet. - Bonjour à tous. J'ai été mis à disposition en tant que coordinateur de la sécurité civile auprès du préfet. Les plans communaux de sauvegarde ne prendront pas en compte toutes les problématiques que vous venez d'évoquer. En revanche, des dispositions spécifiques prévues dans le plan d'organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC) ont été arrêtées en 2013 en ce qui concerne l'hébergement et l'électro-secours. Ces dispositions doivent faire l'objet de révision tous les cinq ans, soit cette année.

Monsieur le sénateur, vous évoquiez les obligations de débroussaillement et l'autonomie en matière de feu de forêt. Or, le plan communal de sauvegarde ne travaille pas sur la réduction du risque à la source, mais uniquement sur la capacité de la commune à faire face à la crise avec ses moyens propres. Ces aspects ne seront donc pas pris en compte dans le plan communal de sauvegarde (PCS). En revanche, le risque incendie sera davantage étayé dans le DICRIM, qui sert de base au PCS et fait lui aussi l'objet d'une révision tous les cinq ans. Nous comptons ainsi nous inspirer des recommandations données pour le Sud de la France afin de les adapter à la situation de Miquelon et de les communiquer à la population.

Qu'en est-il de la submersion liée aux changements climatiques ? Dans les îles du Pacifique, par exemple, des mesures sont déjà envisagées pour déplacer les populations en raison de la montée des eaux. La collectivité est-elle concernée et réfléchit-elle déjà à ces questions ?

Debut de section - Permalien
Romain Guillot, directeur des territoires, de l'alimentation et de la mer (DTAM)

Nous menons actuellement une enquête publique dans le cadre du plan de prévention des risques littoraux (PPRL). Sur la base d'une carte d'aléas, nous avons pu définir des périmètres dans lesquels l'urbanisation sera limitée, voire interdite. Nous arrivons au terme d'une démarche entamée il y a plusieurs années et sommes en mesure de dire que ce phénomène impacte de manière significative la commune de Miquelon et, dans une moindre mesure, celle de Saint-Pierre. Les enjeux territoriaux sont tels qu'une concertation entre les différents acteurs de la commune est essentielle.

Une fois que ce PPRL aura fait l'objet d'un arrêté préfectoral, nous devrons nourrir localement une réflexion sur la suite à donner à ces cartes d'aléas. Le cadre de cette concertation reste, pour l'heure, à définir. J'ajoute que le programme d'action de prévention des inondations (PAPI) n'apparaît pas comme un outil adapté aux caractéristiques de Miquelon, tant dans sa rigueur que dans son périmètre.

En outre, je souhaite revenir sur la question concernant les réseaux d'observation dont nous disposons. L'archipel accueille en effet un houlographe, un marégraphe et quatre courantomètres. Or, ce réseau nous donne des indications en instantané et permet de tirer des conclusions à partir des mesures effectuées dans le passé. En revanche, il ne nous est pas utile pour faire des prévisions. Ainsi, notre dispositif d'alerte souffre d'un manque de moyens. Dans cette optique, Saint-Pierre-et-Miquelon souhaite développer un partenariat avec le Canada dans le but de définir un schéma d'alerte sur la surcote qui nous préoccupe particulièrement. Or, à l'heure actuelle, la coopération entre notre collectivité et le Canada, avec l'appui de Météo France en local, semble avoir perdu son élan. Les services locaux côté français comme canadien ont fait part de cette difficulté aux instances nationales, sans succès. Cette situation est d'autant plus problématique que les modèles de Météo France ne permettent pas de générer des alertes sur la surcote de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

La délégation s'est rendue à la direction générale de Météo-France en début de semaine. Les intervenants nous ont expliqué que le territoire de Saint-Pierre-et-Miquelon sera bientôt suivi par la Direction interrégionale Antilles-Guyane. Êtes-vous au courant de cette réorganisation ?

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

Nous n'en avons pas été informés. Ce qui est primordial pour la collectivité, c'est de rétablir la coopération entre Météo France et le Canada. En effet, les services météorologiques canadiens ont développé des modèles performants pour leur territoire, et donc pour le nôtre. Nous manquons cruellement de capacité à prévoir les événements météorologiques.

Pour revenir sur la question de l'impact de la montée des eaux sur notre territoire, le PPRL aura des conséquences sur le schéma territorial d'aménagement et d'urbanisme (STAU) que porte la collectivité territoriale. Celui-ci, décliné, permettra de revoir les plans d'occupation des sols et les taux d'urbanisation des deux communes. Le village de Miquelon, par exemple, est posé sur une dune, au-dessus d'un cordon de graviers et de cailloux au ras de l'eau. Si la mer montait d'un mètre, ce cordon serait submergé. Nous sommes donc, à certains égards, dans une situation proche de celle que peuvent connaître la Polynésie française ou les Maldives. Ce phénomène impactera nécessairement l'urbanisation de la zone de Miquelon à l'avenir.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Je suis particulièrement sensible à vos revendications en faveur d'une meilleure coopération avec le Canada. À Saint-Barthélemy, par exemple, la principale référence météorologique n'est pas Météo France mais le National Hurricane Center (NHC) basé à Miami. Je milite donc pour une coopération formalisée entre la France et les États-Unis dans l'optique d'une mise en commun des outils de prévision des événements cycloniques.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Vous avez déjà répondu à ma première question car j'ai compris que si un événement grave se produisait, les premiers secours vous viendraient du Canada.

Monsieur le préfet, vous avez affirmé que la fonte des glaces, qui jouent de moins en moins leur rôle protecteur, accélérait l'érosion des côtes. La fonte des glaces n'entraîne-t-elle pas elle-même l'érosion ?

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

En hiver, la mer n'atteint plus les côtes car la glace crée une barrière naturelle. La fonte des glaces réduit donc cette barrière et accélère l'érosion. Ce phénomène préoccupe les Québécois également puisqu'il est particulièrement prégnant dans le golfe du Saint-Laurent.

Debut de section - PermalienPhoto de Vivette Lopez

Le Conservatoire national du littoral intervient-il chez vous ?

Sur une note plus légère, subissez-vous un hiver rigoureux cette année ? Quelle est la température actuelle chez vous ?

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

Le Conservatoire national du littoral intervient de manière limitée car il n'est pas parvenu à passer de partenariat avec la collectivité territoriale dans certains domaines. Ainsi, le référent pour le compte du conservatoire ne réside plus sur l'archipel, mais je crois qu'il existe un relais à la DTAM.

Debut de section - Permalien
Romain Guillot, directeur des territoires, de l'alimentation et de la mer (DTAM)

Le conservatoire est toujours propriétaire de 400 hectares de terrain à Saint-Pierre-et-Miquelon.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

L'hiver que nous connaissons cette année est particulièrement doux, avec peu de périodes enneigées. Nous n'avons subi aucune tempête de neige depuis le début du mois de février. Les températures avoisinent les -5 degrés, alors que nous sommes en plein coeur de l'hiver.

Debut de section - Permalien
Thierry Devimeux, préfet

Pour autant, la maire de Miquelon ne pourra pas rejoindre ce soir sa commune, son avion ayant été annulé à cause du risque verglas. Miquelon sera donc complètement coupé de Saint-Pierre ce soir, voire demain. Les conditions climatiques sont tout de même rigoureuses.

Debut de section - PermalienPhoto de Karine Claireaux

En effet, en hiver, il peut arriver que la commune de Miquelon soit privée de la possibilité de recevoir de l'aide de la part de Saint-Pierre pendant plusieurs jours. Les voies de communication maritimes et aériennes peuvent être totalement coupées en raison des conditions météorologiques. Miquelon se voit donc infliger une double peine et cela demande de développer une plus grande capacité d'autonomie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Magras

Il me reste à vous remercier et à vous réitérer mon engagement à me rendre à Saint-Pierre-et-Miquelon. Je vous encourage à nous communiquer toutes les données ou les préconisations que vous considérerez pertinentes dans le cadre de notre rapport.