Intervention de Sébastien Lecornu

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 30 janvier 2018 : 1ère réunion
Risques naturels majeurs dans les outre-mer — Audition de M. Sébastien Lecornu secrétaire d'état auprès du ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Sébastien Lecornu, secrétaire d'État :

Cette pression urbaine va renforcer les conflits d'usage, notamment entre les impératifs de développement de l'île et la prévention des risques. Un diagnostic et des orientations ont été dressés récemment dans le schéma d'aménagement régional (SAR). Il y a enfin, et c'est le champ de mon collègue ministre d'État, ministre de l'intérieur, Gérard Collomb, des enjeux de sécurité civile liés à l'insularité et la distance, paramètres qui n'améliorent pas la gestion de crise.

Après avoir abordé les constats, je souhaiterais aborder les solutions. Beaucoup de choses de moyens de l'État ont été engagés car c'est traditionnellement une compétence de l'État - et ce avant comme après la décentralisation - même s'il y a un partage avec les collectivités territoriales. La spécificité institutionnelle de certains territoires peut faire évoluer l'approche sur la question.

Je suis parfois agacé d'entendre des choses inexactes. Les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL), administrations de ce ministère - un des derniers à disposer d'une ingénierie d'État, notamment des mines et des ponts - sont complètement engagées sur ces enjeux et leurs effectifs ont considérablement augmenté ces dernières années. Pointer le manque de moyens est toujours facile mais il faut reconnaître les avancées : en l'occurrence une augmentation de 20 % entre 2012 et 2018 sur l'ensemble des DEAL des outre-mer, et en particulier en Guadeloupe pour couvrir un besoin d'ingénierie global sur l'ensemble des Antilles et du bassin de la Caraïbe. J'ai également insisté pour que, dans le cadre de la reconstruction, il y ait une présence à Saint-Martin et Saint-Barthélemy afin que les collectivités puissent mobiliser l'ingénierie de la Guadeloupe.

Le Fonds de prévention des risques naturels majeurs (FPRNM), également appelé Fonds Barnier, est mobilisable dans les DOM et à Saint-Pierre-et-Miquelon, et pour certaines actions à Saint-Martin et Saint-Barthélemy. Il ne s'applique pas en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. Ce fonds connaît une ampleur de mobilisation tout à fait importante : 58 millions d'euros ont par exemple été délégués depuis 2010 en Guadeloupe, 2 millions d'euros ont été délégués depuis 2010 à Mayotte. Le fonds est actuellement sollicité pour mettre à jour le PPR de Saint-Martin à la suite d'Irma, et pourra l'être pour la réalisation de celui de Saint-Barthélemy, dès lors que la collectivité a décidé de s'y engager - et je crois que le président de la collectivité a décidé de s'y engager, si mes informations récentes sont exactes.

Les territoires bénéficient également de la présence et de l'implication, indispensable, des opérateurs spécialisés dans le risque naturel, qui dépendent de ce ministère. Je pense utile de les rappeler pour vos travaux :

- le Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM), en particulier pour la connaissance de l'aléa sismique, par exemple aux Antilles ;

- l'Institut de physique du globe de Paris (IPGP) pour le volcanisme, notamment à La Réunion ;

- Météo France, que j'ai déjà cité ;

- le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema), qui a apporté son appui après Irma. Il accompagne également Saint-Barthélemy pour l'élaboration de son PPRN.

Je souhaiterais également développer les outils propres à chaque risque. Sur la prévision des crues, il y a un service à compétence nationale, le Schapi, dont le siège est à Toulouse, qui veille actuellement sur la Seine et ses affluents et les crues de l'Est de la France. Le Schapi a un dispositif adapté aux DOM : les cellules de veille hydrométrique (CVH). J'aurai l'occasion de m'y rendre pour le suivi des crues actuelles. Si les parlementaires souhaitent visiter ce service peu connu du grand public, cela me semble utile.

Je ne reviens pas sur les plans de prévention des risques. L'enjeu est évidemment la bonne entente entre les collectivités et l'État, notamment quand il y a une forte densité de population. Il est parfois difficile d'expliquer à un maire qu'il faut freiner le développement de sa commune et imposer des contraintes à son plan local d'urbanisme (PLU) - ceci n'est pas vraiment propre aux outre-mer, je parle en tant qu'ancien maire et ancien président de conseil départemental.

Concernant la prévention des inondations, la plupart des directives européennes, et notamment la directive inondations, s'appliquent aux territoires, sauf évidemment en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française puisque les gouvernements sont maîtres en ces matières. 11 territoires à risque important d'inondation (TRI) sur 122, sont situés en outre-mer. Des plans de gestion des risques d'inondation (PGRI) ont été mis en place sur chaque grand bassin hydrographique (Guadeloupe, Martinique, Guyane, Mayotte et La Réunion) à la fin de l'année 2015. Ce sont donc des avancées assez récentes qui permettent de partager l'opérationnalité de la gestion des risques entre l'État et les collectivités. Des programmes d'action de prévention des inondations (PAPI) sont en cours d'élaboration à Saint-Martin et à La Réunion. Ces PAPI ne sont pas l'apanage des outre-mer, et l'après-Xynthia, en Charente-Maritime où je me suis rendu, appelait de tels dispositifs. Concernant la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), beaucoup de choses ont été dites au Sénat ces derniers mois, je n'y reviens pas.

J'aimerais aborder enfin le plan séisme Antilles, document connu des pouvoirs publics et de la puissance publique territoriale de cette région. Il est prévu sur une trentaine d'années pour un montant d'environ 6 milliards d'euros. Il a été mis en place en 2007 afin d'agir principalement sur le bâti public existant : les établissements scolaires, les bâtiments de gestion de crise, les établissements de santé et les logements sociaux. Il ne concerne pas les bâtiments publics de l'État, mais est véritablement un plan d'aide aux bâtiments publics des collectivités. Une première phase a permis de connaître précisément la vulnérabilité des différents bâtiments publics et de commencer les premiers travaux de renforcement parasismique des écoles primaires, des collèges, des logements sociaux et de reconstruction des casernes de pompiers.

Je précise quelques éléments chiffrés : depuis 2007 ont été réalisés dans le cadre de ce plan la reconstruction des 2 états-majors et de 7 centres de SDIS, de 21 sites de l'État, des interventions sur 9 centres hospitaliers, 51 écoles, 6 collèges, 3 lycées et 3 511 logements sociaux. Ces travaux ont représenté 860 millions d'euros dont 397 millions apportés par l'État - nous sommes ici dans une co-construction et un croisement des financements. Mais il est clair que la tâche à accomplir reste d'une ampleur absolument majeure.

La seconde phase de ce plan a démarré en 2016 et prévoit de s'achever en 2020. Elle a été élaborée en concertation avec les collectivités territoriales et a pour objectif d'augmenter et d'amplifier le rythme des réalisations pour mettre en sécurité plus rapidement encore les populations antillaises. L'État prévoit d'engager globalement 450 millions d'euros pour cette deuxième phase. Il faut donc que les collectivités antillaises se mobilisent, puisque c'est à elles d'apporter des projets pour que l'État puisse engager des financements ; je le dis devant vous pour que vous puissiez en être les relais.

Je vais conclure, et c'est un des fils conducteurs des Assises des outre-mer, nous sommes sur des politiques publiques transversales pour lesquelles l'État a pu apparaître davantage en retrait par le passé. Cela ne veut pas dire que le travail n'était pas fait, bien au contraire, les services de l'État ont réalisé un travail remarquable en administration centrale comme en services déconcentrés. En revanche, peut-être que dans la parole publique gouvernementale ces questions de prévention des risques occupaient un plan plus second. Ce n'est plus le cas aujourd'hui, non pour des raisons politiciennes mais pour des raisons de pragmatisme évident, et l'ordre du jour de cette séance de travail montre qu'il y a vraiment un sujet. L'enjeu est que l'État soit présent, dans le respect des compétences des collectivités territoriales. Je suis un militant de la décentralisation, mais il n'y a rien de pire que lorsque les collectivités territoriales n'exercent pas les compétences que le législateur leur a données. Je vous remercie.

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