Intervention de Sébastien Lecornu

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 30 janvier 2018 : 1ère réunion
Risques naturels majeurs dans les outre-mer — Audition de M. Sébastien Lecornu secrétaire d'état auprès du ministre d'état ministre de la transition écologique et solidaire

Sébastien Lecornu, secrétaire d'État :

Je vais tenter de répondre, dans un temps contraint, à l'ensemble des questions posées ; des éléments écrits seront adressés pour les aspects les plus techniques qui pourraient ne pas trouver réponse ici.

Concernant la jurisprudence des tribunaux sur ces questions, monsieur le sénateur, nous ne pouvons, au nom de la séparation des pouvoirs, émettre de jugement sur l'interprétation du droit par les juges judiciaires ou administratifs. Les juridictions administratives font leur mutation culturelle sur ces questions de prévention des risques. Je fais ici le lien avec la question relative au respect de la biodiversité et aux études faune-flore : avec le temps, certaines contraintes apparaissaient comme étant plus importantes que d'autres. La priorité était, il y a quelques années, de construire rapidement et densément pour loger. Il s'agit d'une culture commune : législateur, exécutif, agents de l'État, et aussi juges. On voit aujourd'hui qu'il s'agit de construire mieux - on peut notamment penser à la performance énergétique, respect de la planète - et plus sûr : il y a une évolution. Le législateur peut enfin toujours modifier la loi lorsque la jurisprudence ne lui semble pas bonne - il y a souvent une prise en compte de ces questions dans les travaux tant du Gouvernement que des commissions -, sachant que dans le domaine de la prévention des risques, le domaine légal est important mais le domaine réglementaire l'est tout autant si ce n'est plus, et je rappelle que les éléments sont encore plus précis en matière de risques technologiques.

Concernant l'existence d'un monitoring au niveau central, des exercices, je sais que vous auditionnez le directeur de la sécurité civile et de la gestion des crises : c'est lui qui est compétent pour vous répondre sur cette question qui concerne le ministère de l'intérieur. En tant que président de conseil départemental de l'Eure, j'ai présidé le SDIS, je sais que nous transmettions ces informations aux services de l'État.

Vous évoquiez la multiplication des règles dérogatoires pour adapter les normes outre-mer sur ces questions - avec en toile de fond la proposition de loi de votre collègue député Serge Letchimy.

Le droit à l'expérimentation est quelque chose d'essentiel, comme l'a rappelé le Chef de l'État devant vous en juin dernier à Versailles. La question est de savoir si l'on est dans une spécialisation définitive ou dans un dispositif plus temporaire. Le ministre Lurel le sait, il travaillait beaucoup sur ce sujet lorsqu'il était au gouvernement, la difficulté n'est pas tant de prévoir une expérimentation que de savoir comment on anticipe sa sortie. Pour la déclaration sur l'habitat précaire, je préfère réaffirmer la position constante de l'État pour ce qui est de la rendre universelle : si l'on est dans une logique de déclaration pour mieux trouver derrière des solutions de déconstruction, avec un accompagnement social, oui. Mais ce qui compte c'est que l'on reste dans le cadre de la loi : un habitat qui n'a pas de droit et de titre à être sur un terrain, n'a pas, par définition vocation à y rester. Je sais que cette position est plus facile à exprimer ici à Paris que sur le terrain - et les services de l'État le savent - mais j'ai le souci de la cohérence avec ce qui est fait en ce moment à Saint-Martin où l'on explique que l'on ne peut pas toujours reconstruire à l'identique et que, là où la construction était illégale, il n'y a pas lieu de la rendre légale automatiquement. Je n'ignore pas la situation spécifique de Mayotte où je me suis rendu avant d'entrer au Gouvernement et, considérant cette situation précise que connaît le territoire, nous pouvons travailler sur cette question.

Je comprends la question posée sur les études faune-flore, j'y ai été confronté en tant qu'élu. La particularité de ce ministère est qu'il est chargé de toutes les protections, y compris celle de la biodiversité. Des militants y sont très attachés, d'autres moins ; mon rôle est de dire le droit, alors que le Parlement a voté des lois sur ces sujets. Ce qu'il faut, c'est travailler sur des règles de compensation - dans le schéma « éviter, réduire, compenser » - et faire en sorte qu'un schéma de protection n'en gâche pas un autre, pour aller dans le sens de votre question. Les directions départementales des territoires et de la mer, en lien avec les directions de l'environnement, de l'aménagement et du logement, travaillent de plus en plus sur cette logique de compensation. À titre d'exemple, pour prendre un cas concret qu'est celui de Fessenheim, il y a cet enjeu le long du Rhin et une réflexion sur une éventuelle pré-compensation. Il faut que nous puissions y travailler notamment avec les conseils départementaux, qui ont la compétence sur les espaces naturels sensibles (ENS) et une fiscalité affectée dédiée - on ne manque pas en général d'argent sur ces questions - en lien avec les agences de la biodiversité, l'Agence française pour la biodiversité (AFB) et les agences régionales pour la biodiversité (ARB) qui se déploient depuis la loi relative à la biodiversité.

Madame la sénatrice Dindar, c'est bien la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement qui est le point d'entrée pour les élus. Si cela est estimé nécessaire, nous pouvons demander à la DEAL de La Réunion, et plus généralement à l'ensemble des DEAL, d'organiser des séances d'information à destination des élus.

Concernant les fonds européens gérés par la région, je n'ai pas d'information, mais nos services pourront vous aider sur ce sujet.

Vous m'interpelliez, madame la sénatrice Malet, sur l'opportunité d'un document unique. Ce document, c'est le plan de prévention des risques naturels, le PPRN. Ce qui n'empêche pas des documents en calques, qui permettent de juger de l'étendue du sujet. C'est souvent la matière qui est complexe. Dans le cadre de vos travaux, il est important que vous puissiez rencontrer des préfets - il ne faut pas déconnecter l'administration centrale des services déconcentrés - qui ont l'expérience du terrain au contact des élus.

L'élaboration d'un plan local d'urbanisme est longue et coûteuse : c'est ce que l'élu local pourrait vous répondre. Le membre du Gouvernement vous répondrait davantage : raison de plus pour aller vite et que les collectivités qui en ont la charge avancent rapidement sur les documents stratégiques (SCOT ou SRDEII) en lien avec les services de l'État pour les PPRN. Sur ces questions, c'est Julien Denormandie, secrétaire d'État auprès du ministre de la cohésion des territoires, chargé du logement, qui est compétent ; celles-ci entrent pleinement dans le cadre du second volet de votre étude, sur les questions de reconstruction.

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