Intervention de Louis de Broissia

Réunion du 20 novembre 2006 à 15h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

Photo de Louis de BroissiaLouis de Broissia, rapporteur de la commission des affaires culturelles :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, deux ans après le « paquet télécoms », six ans après la loi du 1er août 2000, je suis particulièrement heureux de présenter les conclusions de la commission des affaires culturelles sur le nouveau projet de loi consacré à la communication audiovisuelle.

Il ne s'agit certes pas d'un texte aussi fondateur qu'a pu l'être, en son temps, la loi de 1986. Dieu merci, nous n'avons pas à proclamer la liberté de communication tous les ans ! Des bases solides ont été posées par nos prédécesseurs, d'autres lois sont intervenues, et il nous revient simplement de les adapter. Nous en avons longuement parlé dans d'autres enceintes, madame Tasca.

Il s'agit ici, par définition, d'un texte transitoire, puisque son titre Ier se borne à fixer un calendrier d'extinction de la diffusion analogique. Si tout se passe bien, et c'est ce que je souhaite, ce titre Ier devrait être caduc au 1er décembre 2011. Rassurez-vous cependant, monsieur le ministre : dans mon esprit, le terme « transitoire » ne rime pas forcément avec « accessoire ». Bien au contraire, il s'agit d'un texte fondamental, qui tend à faire entrer définitivement notre pays dans la modernité audiovisuelle, en tirant les conséquences législatives des évolutions technologiques profondes qui sont apparues à la fin du siècle dernier.

D'ici à quelques années, monsieur le ministre, vous serez sans doute fier d'avoir attaché votre nom à l'une des réformes les plus ambitieuses ; certains ajouteront, comme moi, l'une des plus courageuses de l'audiovisuel français. M. Valade et moi-même avons parlé d'urgence technologique ; il s'agit aussi d'une urgence démocratique : il faut que chaque foyer français soit davantage informé.

Toutefois, notre pays a-t-il vraiment le choix de différer le défi que constitue l'extinction définitive de la diffusion analogique ? Un simple coup d'oeil alentour nous permet de répondre par la négative. Comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, le contexte européen de migration des services de télévision vers le numérique, mais également la migration de tous les autres services - il n'est que de considérer tous les hors-série hebdomadaires que l'on nous propose - nous poussent à prendre des décisions importantes en ce domaine. Le « tout numérique » apparaît dans tous les foyers.

Si nous regardons juste au-delà de nos frontières, nous constatons que le Royaume-Uni, l'Allemagne ou l'Italie ont déjà fixé un calendrier d'extinction. La Commission européenne a récemment publié une communication concernant l'accélération de la transition, et la conférence régionale des radiocommunications, chargée de réviser l'accord de Genève de 1989, a déjà procédé à la répartition des fréquences entre les différents pays, à l'échelle continentale.

Autrement dit, si rien n'était fait avant le 17 juin 2015, nos voisins auraient le droit de diffuser leurs programmes sans tenir compte de la France.

C'est donc dans un contexte international précis que doit se comprendre le titre Ier du projet de loi consacré à la télévision numérique de terre.

Ce titre Ier parachève l'oeuvre engagée ici même, dès 1999, par notre ancien collègue Jean Paul Hugot, qui avait fixé un calendrier de basculement de l'analogique au numérique.

Entre le 31 mars 2008 et le 30 novembre 2011, l'extinction de la diffusion analogique serait ainsi organisée de manière progressive sur le territoire métropolitain par zones géographiques. Au plus tard le 30 novembre 2011, la diffusion numérique des services télévisés serait définitivement arrêtée.

À titre personnel, je ne peux que me réjouir de la fixation d'une date d'extinction de la diffusion analogique. Je me permets simplement de constater que ce type d'idées met un certain temps à mûrir dans l'esprit des décideurs publics. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, le Sénat a toujours marqué sa préférence pour l'initiative et pour la prospective.

Afin de garantir le succès de la bascule - mon collègue Bruno Retailleau préfère le terme « basculement » - vers le numérique, le projet de loi tend à faciliter l'extension de la couverture de la TNT au-delà des obligations de déploiement des chaînes, fixées par le CSA à 85 % de la population.

Deux mécanismes incitatifs sont prévus à cet effet : d'une part, un mécanisme volontaire, assorti d'une prorogation de la durée de l'autorisation proportionnée aux efforts du diffuseur et, d'autre part, un mécanisme unilatéral, assorti d'un canal supplémentaire à l'extinction de la diffusion analogique. Il s'agit du fameux « canal supplémentaire », sur lequel nous reviendrons, les uns et les autres, au cours de la discussion.

Si ce texte vise à faciliter l'extension de la couverture de la TNT au-delà des obligations de déploiement fixées par le CSA, il tend également à prévoir le cas des téléspectateurs qui, en 2011, ne recevraient toujours pas la TNT : il y en aura toujours trop !

Dans la mesure où, en dépit des efforts consentis par les éditeurs pour étendre leurs réseaux de diffusion, des obstacles physiques, techniques et environnementaux s'opposent à la couverture numérique totale de la population métropolitaine, le projet de loi vise à proposer le lancement d'une offre complémentaire gratuite par satellite, qui rassemblerait l'ensemble des chaînes « historiques ».

Enfin, afin d'éviter l'apparition d'une nouvelle fracture numérique, après la fracture sociale, le projet de loi prévoit la mise en place d'un fonds d'aide au bénéfice des téléspectateurs les plus démunis, qui n'auraient pu s'équiper seuls en terminaux de réception de la TNT.

Si ce texte prévoit d'accélérer l'arrêt de la diffusion analogique, c'est afin que nous bénéficiions un jour du « dividende numérique », dont nous reparlerons longuement.

Sur ce thème, l'article 2 du projet de loi tend à donner au Premier ministre le pouvoir de déterminer les futurs affectataires des fréquences hertziennes libérées par l'arrêt de la diffusion analogique des services télévisés, ce qui nous paraît utile.

Tenant compte de la rareté d'une ressource qui appartient au domaine public de l'État et fait l'objet des utilisations les plus diverses, cet article complète le dispositif législatif en vigueur, afin de permettre aux autorités publiques de déterminer une stratégie nationale pour l'utilisation de ce dividende.

Si le titre Ier est relatif à la TNT, le titre II est consacré aux « télévisions du futur ». De manière arbitraire, on regroupe sous ces termes les services de télévision mobile personnelle, ou TMP, et les services diffusés en haute définition, ou HD.

Chacun de ces services a des caractéristiques propres. Le téléviseur nomade permet de s'affranchir des contraintes filaires, comme l'a fait depuis longtemps la radio et, plus récemment, le téléphone et l'ordinateur. Déjà lancée en Corée du Sud, au Japon, en Italie et en Allemagne, expérimentée en Finlande, la TMP se différencie de la télévision sur mobile grâce à sa technologie broadcast, qui permet de diffuser une image de meilleure qualité à un nombre illimité de clients, ce qui a son importance.

La HD, quant à elle, tend à accroître la résolution des images diffusées pour améliorer la qualité de l'image perçue par les téléspectateurs. Cette notion demeure toute relative : à chaque époque, elle correspond simplement à une définition supérieure au standard du moment. C'est ce qu'illustre la cohabitation sur les présentoirs des enseignes spécialisées de récepteurs HD ready, ou prêts à la haute définition, et de récepteurs Full HD, ce que l'on pourrait traduire par « 100 % haute définition ».

En dépit de leurs caractéristiques propres, ces deux types de services représentent des enjeux majeurs pour notre pays, nos deux commissions le savent.

En termes de marché, ils sont considérés comme des relais de croissance importants pour les opérateurs mobiles, mais aussi pour les éditeurs et les distributeurs de services audiovisuels : c'est un nouveau marché de la télévision qui s'ouvre. En termes industriels, ils supposent le déploiement de nouvelles infrastructures et l'équipement des ménages en terminaux.

Afin de répondre aux attentes des éditeurs et des industriels, le titre II de ce projet de loi définit donc un cadre juridique qui permet au CSA de lancer des appels à candidatures spécifiquement destinés à la diffusion de ces deux nouvelles catégories de services, HD et « télévision nomade ».

Pour les services de télévision mobile, il prévoit ainsi la mise en place d'une procédure d'appel à candidatures par éditeur de service, conformément à la position exprimée par la grande majorité des éditeurs de services lors de la consultation publique préalable organisée par la direction du développement des médias.

Il instaure un dispositif de sélection qui tend à favoriser la reprise des chaînes préalablement autorisées pour la TNT et à tenir compte des engagements des éditeurs en matière de couverture du territoire, de qualité de réception des services, ainsi que de conditions de commercialisation.

Concernant les services diffusés en haute définition, le projet de loi vise à permettre l'édition de nouveaux services par un nouvel éditeur ou par un éditeur déjà autorisé. Il permet aussi, c'est important pour le téléspectateur, la double diffusion en simple et en haute définition de l'intégralité d'un service ou d'une partie seulement de celui-ci, selon le régime des déclinaisons de programmes. Il permet, enfin, le passage des services existants de la simple définition à la haute définition.

L'article 17, qui traite de ces deux catégories de services, procède, quant à lui, à l'adaptation du régime de contribution des éditeurs de services de télévision mobile personnelle et de télévision en haute définition au financement de la création audiovisuelle et cinématographique. Ils seront ainsi assujettis à une majoration de la taxe affectée au compte de soutien à l'industrie des programmes de 0, 2 % pour les services diffusés en haute définition et de 0, 1 % pour les services diffusés en télévision mobile personnelle. Notre commission considère que cette augmentation est nécessaire, raisonnée et parfaitement légitime.

Si la commission des affaires culturelles approuve l'esprit du projet de loi et l'ensemble du texte, elle souhaiterait néanmoins procéder à quelques modifications. Vous en avez fait état, monsieur le ministre, et je vais brièvement les résumer.

La première modification consiste à clarifier et à simplifier le processus d'extinction de la diffusion analogique. L'article 5 du projet de loi fixe, en effet, quatre étapes successives entre la date de publication de la loi et la date à laquelle le CSA est censé rendre public un calendrier d'extinction. Ces quatre étapes nous paraissent relativement longues. Sur la forme, et dans l'hypothèse où le projet de loi serait définitivement adopté en mars 2007, après une première lecture en janvier 2007 par nos collègues députés et, sans aucun doute, la réunion d'une commission mixte paritaire, la mise en oeuvre de ces différentes étapes avant le 30 juin 2007 nous paraît peu réaliste.

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