Intervention de Victorin Lurel

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 1er février 2018 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marc Ayrault ancien premier ministre président de la mission de la mémoire de l'esclavage des traites et de leurs abolitions

Photo de Victorin LurelVictorin Lurel :

Monsieur le président, j'aimerais commencer par rendre hommage au Premier ministre Jean-Marc Ayrault, pour avoir eu le courage, voilà plus de dix-huit ans, de consacrer de l'argent, du temps et beaucoup d'énergie à créer le Mémorial de l'abolition de l'esclavage à Nantes, qui nous a inspirés.

Je vous félicite d'avoir accepté de porter cette mission en vue de la création d'une Fondation pour la mémoire de l'esclavage, des traites et de leurs abolitions. Ce n'est pas une tâche facile, face à l'impensé racial, historique, en terre hexagonale, d'où la difficulté de faire émerger des idées et des actions.

Après les missions confiées par Jacques Chirac à Maryse Condé et à Édouard Glissant, le nouveau président de la République, Nicolas Sarkozy, ne voulait pas sombrer dans la repentance et nous avons eu du mal à le faire venir à la cérémonie organisée le 10 mai dans le jardin du Luxembourg. Je ne dis pas cela pour ouvrir une polémique, mais pour montrer la difficulté, pour ceux qui incarnent les institutions, de donner des instructions.

Nous avons repris l'idée, portée partout dans les outre-mer, en rassemblant toutes les obédiences et le Mémorial ACTe a été inauguré le 10 mai 2015.

Je voudrais par ailleurs évoquer la loi du 27 janvier 2017 relative à l'égalité et à la citoyenneté, dans laquelle ont été abrogées des dispositions qui restaient vivantes dans le corpus juridique français : l'ordonnance du 17 avril 1825 demandant 150 millions de francs-or à Haïti, et les lois d'avril et de novembre 1849 visant à indemniser les colons !

Lorsque je parle à la tribune du Sénat, moi, descendant d'esclave, je suis sous l'ombre tutélaire de Colbert, qui a commis l'ignominieux Code noir. La réconciliation - la réparation, c'est une autre chose - est au fondement du Mémorial ACTe, mais malgré de belles histoires communes, vos héros sont nos bourreaux. C'est pourquoi votre action est courageuse et vous serez confronté à des résistances comme peut l'être la Cité des outre-mer. Il faudra en outre tenir compte de la concurrence entre plusieurs projets qui, je l'espère, ne sera pas frontale et en viendra à une synergie. Des intellectuels s'inquiètent en effet d'un moindre rayonnement du Mémorial ACTe.

Vous êtes donc très courageux de porter cette question essentielle pour pacifier les esprits, pour se réconcilier avec l'histoire partagée qui est la nôtre.

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