Intervention de Victorin Lurel

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 1er février 2018 : 1ère réunion
Audition de M. Jean-Marc Ayrault ancien premier ministre président de la mission de la mémoire de l'esclavage des traites et de leurs abolitions

Photo de Victorin LurelVictorin Lurel :

Même si le point que je soulève n'entre pas dans les missions de la future fondation, monsieur le Premier ministre, je voudrais attirer votre attention sur le lien qui existe entre l'esclavage et les discriminations subies aujourd'hui par certaines catégories de Français.

L'esclavage moderne existe toujours et concernerait plus de 30 millions de personnes dans le monde aujourd'hui. En revanche, on ne parle pas suffisamment des discriminations observées ici même, en France !

Hier, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH, a livré ses statistiques annuelles sur les actes racistes en France. Or ces statistiques recensent bien les actes antisémites, les actes anti-musulmans, les actes anti-roms, mais pas les actes anti-noirs ou les actes subis par les afro-descendants. C'est un peu curieux !

Dans le cadre des débats sur la loi « Égalité et Citoyenneté », nous avions pourtant demandé que ces discriminations aient leur place dans les statistiques de la CNCDH. À cette même occasion, j'avais déposé un amendement pour que le Gouvernement remette un rapport relatif à l'abrogation de l'article 5 du décret Schoelcher - lequel précise que l'Assemblée nationale octroie une quotité de l'indemnité accordée aux colons par suite de l'abolition de l'esclavage - puisque, par sa nature, ce texte n'était pas abrogeable par voie parlementaire.

J'avais également défendu un amendement tendant à donner les moyens aux associations d'ester en justice en cas d'actes de discrimination ou d'actes racistes. En revanche, nous avions échoué à donner force normative à la loi Taubira, notamment en ce qui concerne l'apologie de l'esclavage. Aujourd'hui encore, les juridictions estiment que la loi Taubira n'est qu'une loi mémorielle et déboutent systématiquement les associations qui l'invoquent, s'appuyant en cela sur la jurisprudence de la Cour de cassation. En France, on punit les actes antisémites, mais on ne sanctionne pas les autres actes revêtant une portée discriminatoire. On peut donc dire ce que l'on veut à propos de l'esclavage sans craindre d'être sanctionné !

Même si ce n'est pas le rôle de la future fondation, je le répète, il existe un lien entre esclavage et discriminations, qui légitime notre combat. Il ne devrait plus y avoir de citoyens de seconde zone. C'est pourquoi certaines avancées sont encore nécessaires sur le plan législatif.

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