Voici, mesdames, messieurs les sénateurs, l’amendement tendant à la création d’un parquet national antiterroriste. La presse s’en est abondamment fait l’écho, mais je souhaite vous le présenter de manière complète.
Je tiens à le dire d’emblée : la création de ce parquet ne résulte pas du constat de quelque dysfonctionnement. Au contraire, vous savez à quel point le procureur de Paris, qui exerce actuellement les fonctions de procureur antiterroriste, remplit parfaitement ses fonctions. Nous souhaitons toutefois améliorer ce dispositif, pour les raisons que je vais tenter de vous exposer.
Le parquet national dont nous vous proposons la création sera dirigé par un procureur de la République antiterroriste, positionné auprès du tribunal de grande instance de Paris. Il se substituera pour le traitement des infractions terroristes au parquet de Paris, qui, de ce fait, sera scindé en deux : il y aura le procureur de la République de Paris et le procureur antiterroriste.
Au-delà des infractions terroristes, la compétence de ce parquet sera élargie aux crimes contre l’humanité, aux crimes et délits de guerre, aux infractions relatives à la prolifération d’armes de destruction massive et aux infractions portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la Nation.
Nous souhaitons la création de ce parquet pour deux raisons.
D’abord, nous voulons pouvoir disposer d’une véritable force de frappe judiciaire antiterroriste, en créant un ministère public ayant l’entière disponibilité pour se consacrer à cette mission. Il ne sera plus à la fois, comme aujourd’hui, procureur de la République de Paris et procureur chargé de l’antiterrorisme. Sa disponibilité sera donc pleine et entière pour se consacrer à ce contentieux extrêmement spécifique et qui, vous le savez, requiert une vigilance et une attention de tous les instants – nous savons en effet que la menace, notamment endogène, est toujours à un très haut niveau.
Ensuite, il s’agit d’offrir à ce procureur une meilleure visibilité institutionnelle, au plan non seulement national – il l’acquiert assez aisément –, mais également international.
En outre, la création du parquet national antiterroriste permettra au procureur de la République de Paris de recentrer son activité sur les contentieux propres à ce parquet, qui sont très lourds et très nombreux ; je pense notamment à la criminalité et la délinquance organisées – vous venez de renforcer la lutte contre celles-ci en adoptant l’amendement précédent –, aux accidents collectifs et aux affaires de santé publique.
Par ailleurs, le Gouvernement a pris en compte les observations formulées par le Conseil d’État. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai préféré retirer la disposition tendant à la création du parquet national antiterroriste, initialement contenue dans le projet de loi. Je l’ai réintroduite récemment, modifiée pour tenir compte des observations du Conseil d’État.
Ainsi, sur la suggestion de celui-ci, nous avons prévu la création d’une réserve opérationnelle de magistrats du parquet de Paris, à laquelle le procureur de la République antiterroriste pourra recourir en cas de crise pour adapter ses effectifs aux variations liées à l’activité terroriste. En tant que de besoin, par exemple en cas d’attentat grave, le procureur de la République antiterroriste pourra donc piocher dans une liste de magistrats du parquet de Paris établie après avis du procureur général.
Le parquet national antiterroriste sera également doté d’un mécanisme innovant du point de vue procédural, qui lui permettra de requérir tout procureur de la République situé sur le territoire national pour la réalisation d’actes d’enquête qu’il déterminera, afin de répondre efficacement à l’ampleur des investigations nécessaires en cas d’attentat.
Enfin, ce nouveau parquet ne sera pas isolé au sein de l’institution judiciaire : ce ne sera pas un parquet qui sera seul à Paris. En effet, avec le mécanisme que nous avons conçu, le procureur antiterroriste pourra compter sur des relais territoriaux, grâce à la création, au sein des tribunaux de grande instance dont le ressort paraît particulièrement exposé à la menace terroriste, de magistrats du ministère public délégués à la lutte contre le terrorisme.
Ainsi, dans les tribunaux de grande instance dont les ressorts semblent particulièrement exposés au terrorisme, des magistrats du ministère public seront délégués à la lutte contre le terrorisme : associés à la coordination administrative de veille, de prévention et de détection du terrorisme, ils pourront mieux informer le parquet national antiterroriste sur les parcours de radicalisation violente et les liens qui pourraient exister entre petite délinquance et terrorisme.
Pour l’ensemble de ces raisons, l’architecture que nous vous proposons est à la fois forte – parce que centralisée, mais comportant des relais sur l’ensemble du territoire national –, visible au plan national comme international et efficace, avec un procureur antiterroriste qui aura les moyens de répondre à la menace terroriste.
J’invite donc le Sénat à adopter l’amendement n° 184 du Gouvernement et non l’amendement n° 365 de la commission, qui – à moins que M. Buffet n’ait changé d’avis après m’avoir entendue… – ne prévoit pas la création d’un parquet antiterroriste spécifique.