Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 11 octobre 2018 à 15h00
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 43

Nicole Belloubet :

Nous abordons là un nouveau chapitre du projet de loi, consacré aux peines.

Cet amendement s’attache, au fond, à dire quelle est la nouvelle politique des peines du Gouvernement. Il s’agit de faire en sorte que les peines soient mieux adaptées à la réalité de la situation des personnes qui seront condamnées, que les tribunaux prennent toutes leurs responsabilités dans le prononcé des peines et, enfin, que les peines, une fois prononcées, soient mieux exécutées. Ce sont, me semble-t-il, ces trois éléments qui fondent la nouvelle politique des peines que je vous présente.

La nouvelle échelle des peines proposée donne une lecture plus aisée de différents seuils.

Jusqu’à un mois, je vous propose de proscrire les peines d’emprisonnement. Entre un et six mois, le principe général est l’exécution de la peine en dehors de l’établissement pénitentiaire, ce qui n’exclura pas en tant que de besoin un recours à l’emprisonnement. Entre six mois et un an, il reviendra au tribunal lui-même de se prononcer sur les conditions d’aménagement ou de non-aménagement de la peine, sur la base d’un choix éclairé au travers d’un renforcement des enquêtes de personnalité. Le tribunal décidera soit d’aménager la peine ab initio, soit de demander au JAP, le juge de l’application des peines, de le faire, soit de rendre immédiatement effective une peine de prison, soit d’exécuter la peine de prison en délivrant un mandat de dépôt différé. Le tribunal retrouvera donc son rôle plein et entier dans l’individualisation de la peine ; il sera davantage responsabilisé et ses décisions seront mieux respectées. Au-dessus d’un an, il n’y aura plus d’aménagement systématique ab initio des peines d’emprisonnement.

Cette politique volontaire, qui vise à mieux lutter contre la récidive, grâce, je vous le disais précédemment, à une meilleure adaptation de la peine à la nature de l’infraction, à sa gravité, à son auteur et à sa situation, requiert la création de peines autonomes, qui ne seront plus référencées par rapport à l’emprisonnement et qui permettront de mieux lutter contre la récidive. C’est pourquoi je vous propose de rétablir les dispositions de l’article 43 telles qu’elles apparaissaient dans le projet de loi, en prenant quatre mesures.

Tout d’abord, nous maintenons la création de la peine autonome de détention à domicile sous surveillance électronique, ou DDSE, qui est en effet de nature à diminuer le prononcé des peines d’emprisonnement.

Ensuite, je vous propose de ne pas supprimer la peine de sanction-réparation, car cette peine constitue dans de nombreux cas une réponse pénale appropriée, qui garantit les droits des victimes.

Je vous propose également de ne pas supprimer l’institution ancienne et reconnue du sursis avec mise à l’épreuve au profit d’une peine autonome de probation, telle qu’elle a été adoptée par la commission des lois, car celle-ci ne constituerait en réalité que la reprise sous un nom différent de la peine de contrainte pénale dont l’expérience montre qu’elle n’a pas été acceptée par les tribunaux. Je vous propose en réalité d’assurer la mise en œuvre de mesures de probation individualisées et renforcées en améliorant le sursis avec mise à l’épreuve, qui sera dénommé « sursis probatoire », et qui comprendra l’ensemble des outils contenus dans la contrainte pénale.

Enfin, je crois inutile de transformer le suivi socio-judiciaire en peine principale applicable à tous les délits et crimes, disposition qui revient sur la spécificité de cette mesure orientée vers les auteurs d’infractions à caractère sexuel. Cela aurait pour conséquence d’ajouter cette peine à la peine privative de liberté et donc d’aggraver de façon inutile la répression.

Dès lors, l’amendement que je vous présente tend à supprimer l’article 131-3 du code pénal, qui fixe l’échelle des peines en matière correctionnelle. Nous supprimons dans cet article les références à la peine de probation et au suivi socio-judiciaire, tout en y rétablissant la notion de sursis probatoire, ainsi que les dispositions sur la peine de détention à domicile. Nous y maintenons également les dispositions sur la peine de sanction-réparation.

Cet amendement vise également à rétablir les dispositions qui permettent de prononcer un travail d’intérêt général en l’absence du condamné, dont le consentement à l’exécution des travaux sera ensuite recueilli par le juge de l’application des peines qui pourra, notamment en cas de refus, convertir l’emprisonnement sanctionnant le refus d’exécution en peine de jours-amende.

L’amendement reprend cependant les coordinations qui ont été introduites par la commission des lois et que l’on avait omis d’insérer dans le projet de loi. Il prévoit également, comme l’avait fait la commission, que le tribunal ne pourra prononcer qu’un et non plusieurs stages à titre de peine principale ou complémentaire.

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