Intervention de Louis de Broissia

Réunion du 20 novembre 2006 à 22h00
Diffusion audiovisuelle et télévision du futur — Question préalable

Photo de Louis de BroissiaLouis de Broissia, rapporteur de la commission des affaires culturelles :

M. Renar sait tout le bien que je pense de lui. Mais je voudrais revenir, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur plusieurs des points qu'il a abordés, pour exprimer, soit mon accord, soit mon désaccord, sachant que ces points pourront se retrouver au cours de la discussion.

Qu'il me soit permis d'abord de rappeler, après le président Jacques Valade qui l'a fortement souligné, à sa façon, que la technicité ne doit pas cacher l'impact démocratique, sociétal et individuel d'un texte - j'y reviendrai d'ailleurs en conclusion et je vous proposerai, après Groucho Marx, une autre interprétation de la montre - qui est important, courageux et opportun.

Mes chers collègues, j'aimerais en effet convaincre tous les membres de notre assemblée, qu'ils soient du Nord ou du Sud, de l'Ouest ou de l'Est, qu'ils soient de l'opposition ou de la majorité, de la bonne foi et de l'ouverture d'esprit dont témoigne le Gouvernement à travers ce texte et que les deux commissions saisies ont voulu amplifier par leurs nombreux amendements, qui visent à répondre à la plupart des observations que vous aviez pu formuler.

Toutefois, j'ai le sentiment, cher collègue et ami Ivan Renar, chaque fois que l'on parle d'audiovisuel, que le débat est dépassé. Participant à la discussion parlementaire sur ce thème depuis de très nombreuses années, tantôt dans l'opposition, tantôt dans la majorité, il m'apparaît que la France a toujours cultivé, que ce soit à l'Assemblée nationale ou au Sénat, son appréhension des gros, des grands, des puissants. M. Jack Ralite a évoqué la « marchandisation ». On pourrait parler aussi de « merchandisation », terme un peu plus « franglais ».

Pendant que Bill Gates et ses groupes mondiaux caracolent en tête des indices boursiers - je n'ai rien contre Bill Gates, je lui ai d'ailleurs proposé un très bel article à son sujet - ni contre sa fondation, qui distribue généreusement de l'argent dans les pays en voie de développement - et pendant que caracolent aussi en France et en Europe des groupes de télécommunication de plus en plus en puissants, on craint Bouygues, TF 1, M 6, Lagardère, Vivendi, Bolloré, qui sont de petits groupes dans l'univers européen et des fourmis dans l'univers mondial.

Je crains, mes chers collègues, qu'à force de créer des lignes Maginot reposant sur le XXe siècle, on ne se laisse déborder - je ne résiste pas à la tentation ! - par les divisions blindées venues par les ondes et par la toile mondiale. Alors, attention, on nous a déjà fait le coup de la ligne Maginot, je ne voudrais pas qu'on nous la rejoue à chaque siècle !

Jamais auparavant - je l'affirme très solennellement - nous n'avons autant fait progresser l'offre télévisuelle pour tous les Français qu'avec la TNT, le paquet télécoms et ce projet de loi. Vous l'avez dit, monsieur le ministre, en passant de six à dix-huit chaînes, on a triplé l'offre gratuite, et je ne parle pas de l'offre payante.

Vous avez dit, mon cher collègue, que le service public serait marginalisé. Les bras m'en tombent, moi qui représente le Sénat au conseil d'administration de France Télévisions. Aujourd'hui, dans l'audiovisuel public, on trouve France 2, France 3, France 4, France 5, France Ô, France 24 et même Gulli, qui se taille une part importante - 4, 1 % d'audience -, d'après les résultats fournis par Médiamétrie en octobre 2006.

D'après les sondages, les téléspectateurs eux-mêmes jugent ce périmètre si impressionnant qu'ils ne s'y retrouvent plus. Ils ont eu les « chaînes bonus » par avance et, pourtant, l'augmentation de la redevance audiovisuelle - personne ici ne me démentira - a été rejetée par le Sénat, en dépit de mes efforts.

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