Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 16 octobre 2018 à 21h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 45 ter

Nicole Belloubet :

L’extension à tous les délits et à tous les crimes de la peine de suivi socio-judiciaire, prévue à l’article 45 ter du texte, tel qu’il a été rédigé par la commission, me paraît injustifiée. En effet, cette mesure revient sur la spécificité du suivi socio-judiciaire, qui concerne actuellement les coupables d’infractions sexuelles ou violentes pour lesquels une injonction de soins paraît utile, pertinente, avec, si nécessaire, un traitement inhibiteur de libido.

Le suivi socio-judiciaire a été institué par la loi du 17 juin 1998, présentée par Élisabeth Guigou, relative à la répression des infractions sexuelles. Prévu à l’origine pour les seules infractions sexuelles ou pour les infractions mettant en évidence la perversion de leur auteur, y compris le meurtre avec viol, torture ou acte de barbarie, le suivi socio-judiciaire a été étendu en décembre 2005 à tous les meurtres, aux enlèvements et aux incendies volontaires.

Ces extensions ont été présentées par la circulaire du 16 juin 2006 comme répondant « à des demandes des praticiens » et comme ayant « pour objet de permettre le prononcé du suivi socio-judiciaire pour des infractions qui ont pu être commises dans des circonstances faisant apparaître chez leur auteur des troubles du comportement, principalement de nature sexuelle, susceptibles de faire l’objet d’un traitement médical, alors même que la dimension sexuelle de ce comportement n’apparaît pas dans la qualification juridique retenue. »

C’est pour la même raison que, en 2007, le suivi socio-judiciaire a été étendu aux violences au sein du couple ou commises par un ascendant sur mineur.

Dans son rapport de 2018, rendu dans le cadre des chantiers de la justice, antérieurs à l’élaboration du projet de loi que je présente, Bruno Cotte notait : « Il est intéressant de relever qu’aucune des contributions produites ni aucune des personnes auditionnées n’a évoqué l’extension de la peine de suivi socio-judiciaire ».

Une telle généralisation aboutirait d’ailleurs à une aggravation sans doute disproportionnée de la répression, puisque le suivi socio-judiciaire s’ajoute à la peine privative de liberté prononcée.

Enfin, cette extension me semble inutile pour empêcher les sorties sèches. Celles-ci peuvent déjà être évitées dans la majorité des cas grâce aux aménagements de peine, aux libérations conditionnelles et suivi post-peine et, dans les cas les plus graves, à la surveillance judiciaire ou à la surveillance de sûreté. L’amélioration de la libération sous contrainte, telle qu’elle est proposée par le Gouvernement, qui facilitera les aménagements en fin de peine, est également de nature à éviter les sorties sèches.

Pour toutes ces raisons, je vous demande de supprimer l’article 45 ter, tel qu’il a été élaboré par la commission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion