Il s’agit de l’un des points sur lesquels la position du Gouvernement diffère le plus de celle de la commission, non pas sur la philosophie de l’objectif visé, mais sur sa mise en œuvre.
Cet amendement tend à rétablir les dispositions de l’article 46 relatives à la peine de sursis probatoire que votre commission a souhaité modifier en maintenant, sous un autre nom, la contrainte pénale, mesure emblématique de ma prédécesseur, Christiane Taubira. À l’inverse, j’entends rétablir les dispositions transformant le sursis avec mise à l’épreuve, ou SME, en sursis probatoire pouvant comporter, si la personnalité du condamné le justifie, un suivi individualisé, renforcé, pluridisciplinaire et évolutif fondé sur des évaluations régulières du condamné.
Sur le fond, messieurs les rapporteurs, monsieur le président, je crois que nous partageons le même objectif : nous souhaitons disposer d’une mesure efficace qui permette de développer la probation, afin de lutter efficacement contre la récidive. Je crains pourtant que la peine de probation que vous proposez, à l’instar de la contrainte pénale, ne soit, in fine, pas adoptée par les magistrats, car c’est bien cela qui s’est passé concrètement.
Ma démarche, comme je l’ai déjà souligné, est rationnelle et pragmatique. La contrainte pénale, intellectuellement très intéressante en ce qu’elle instituait une peine autonome de probation, n’a été que très peu prononcée par les juridictions – en moyenne, centre trente fois par mois sur les douze derniers mois –, parce qu’elle est apparue comme très complexe.
Il me semble beaucoup plus efficace d’améliorer le SME, peine mixte mélangeant à la fois la référence à la détention et des mesures de suivi. Il s’agit d’une peine très courante, qui a été prononcée quelque 70 329 fois en 2017, c’est-à-dire bien davantage que la contrainte pénale, qui est extrêmement complexe. J’ai donc choisi de doter le SME de la boîte à outils de la contrainte pénale, pour aboutir à une mise en œuvre effective de mesures de probation de nature à prévenir la récidive.
Je sais qu’un certain nombre de personnes plaident pour que la probation soit déconnectée de l’emprisonnement – telle est la position de votre commission – et construite comme une peine autonome.
J’entends cet argument, mais il me semble que nous allons nous heurter à la même difficulté qu’avec la contrainte pénale : en effet, le tribunal qui prononcerait la peine de probation proposée par votre commission des lois devra fixer, comme il le fait aujourd’hui dans le cas d’une contrainte pénale, dans la limite de deux ans la durée de l’emprisonnement encouru par le condamné qui ne respecterait pas ses obligations. Finalement, cette peine de probation que vous prétendez autonome est forcément référencée à l’emprisonnement, puisque la personne qui ne satisferait pas aux obligations qui y sont liées retournera en prison.
Il n’est donc pas intellectuellement correct de dire que la peine de probation est déconnectée de l’emprisonnement. Elle ne l’est pas moins qu’une peine d’emprisonnement de deux ans assortie d’un sursis probatoire avec suivi renforcé.
Encore une fois, nous visons le même objectif : permettre que certains condamnés fassent l’objet d’une mesure de probation renforcée, individualisée et évolutive. Il me semble toutefois que le texte issu des travaux de votre commission est plus complexe, moins lisible et moins efficace que celui que je soutiens.
Prenons l’exemple d’une personne condamnée en récidive pour des faits de violences au sein d’un couple. Avec le sursis probatoire, le tribunal peut prononcer une peine de quatre ans d’emprisonnement, dont deux ans assortis d’un sursis probatoire renforcé. La personne effectue donc une peine de deux ans d’emprisonnement et, à sa libération, fait l’objet d’une probation renforcée.
Avec le dispositif de la commission des lois, le système est un peu plus complexe, me semble-t-il : le tribunal devra tout d’abord prononcer une peine ferme de deux ans, puis fixer une peine de probation dont l’articulation avec l’emprisonnement ne sera pas nécessairement bien comprise par le condamné et, enfin, déterminer le quantum d’emprisonnement encouru en cas de non-respect de la probation.
Le sursis probatoire que je propose permet de regrouper ces trois étapes en une seule. La proposition de la commission apparaît complexe pour un praticien et peu lisible pour le justiciable, qui se demandera avant tout quelle est la durée de sa peine.
Par ailleurs, ce dispositif me semble moins dissuasif : en cas de récidive, le quantum de peine sanctionnant le non-respect des obligations de la probation ne pourrait excéder deux ans.
Enfin, le dispositif proposé par la commission des lois limite la peine de probation aux délits punis, au plus, de cinq ans d’emprisonnement, ce qui exclut donc les délits punis de sept ou dix ans auxquels la contrainte pénale est aujourd’hui applicable.
Pour toutes ces raisons, et puisque nous visons le même but, je vous propose d’adopter l’amendement présenté par le Gouvernement et, bien sûr, de poursuivre le travail d’amélioration du texte au cours de la navette.