Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 17 octobre 2018 à 9h35
Déplacement d'une délégation de la commission au japon — Communication

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président :

Il ne vous a pas échappé que nous devions auditionner ce matin M. Julien Denormandie en sa qualité de secrétaire d'État en charge du déploiement du numérique. Lorsque nous l'avions reçu, il y a environ un an, nous étions convenus de réaliser des points réguliers sur ce sujet.

De plus, l'actualité mérite que nous recevions des informations aussi bien sur la mise en oeuvre de l'accord mobile dans les territoires que sur la manière dont s'effectue le déploiement des réseaux fixes, ou sur les objectifs affichés par le Président de la République en vue d'un bon haut débit pour tous en 2020, d'un très haut débit en 2022 et de la généralisation de la fibre optique en 2025.

Toutefois, M. Denormandie, comme vous le savez, a changé de titre au sein du Gouvernement à l'issue du remaniement. Désormais ministre, il a été convoqué au Conseil des ministres de ce matin. Il s'est d'ailleurs excusé de ne pouvoir être de ce fait présent ce matin.

Pour l'instant, nous ne savons pas encore qui sera en charge des questions d'aménagement numérique. Quoi qu'il en soit, il est très important que l'on puisse recevoir dans les meilleurs délais le ministre ou le secrétaire d'État en charge du dossier afin d'être informé, de l'interroger et de lui faire remonter les difficultés que nous pouvons observer dans nos territoires.

Nous nous limiterons donc ce matin à la communication relative au déplacement d'une délégation de la commission, qui s'est rendue au Japon du 1er au 9 septembre. Elle était composée de Mme Vullien, qui s'excuse de ne pouvoir être là ce matin, de MM. Cornu, Chaize, Gold, Jacquin et moi-même.

Nous avons effectué une dizaine de visites de terrain à Tokyo et dans ses environs, avec l'aide des services de l'ambassade de France. Notre mission était centrée autour de quatre thèmes : la transition énergétique, les mobilités, la prévention des risques et le numérique.

Il faut avoir à l'esprit plusieurs paramètres à propos du Japon. Ce pays offre tout d'abord une urbanisation très dense, concentrée sur le littoral. Le Grand Tokyo rassemble à lui seul près de 38 millions d'habitants, soit plus d'un quart de la population totale.

En second lieu, le Japon présente un des taux de natalité les plus bas du monde, ce qui engendre un vieillissement démographique qui n'est pas compensé par la politique d'immigration. La population japonaise, actuellement de 127 millions d'habitants, pourrait passer à 90 millions en 2060 et à 60 millions en 2100.

La troisième caractéristique du Japon, c'est une exposition régulière à des aléas naturels très forts : tremblements de terre, tsunamis, typhons...

Dernière caractéristique : une très forte dépendance énergétique, compte tenu du caractère insulaire du pays, de l'absence d'interconnexion électrique avec le continent, et du recours accru aux énergies fossiles, avec l'arrêt des réacteurs nucléaires après l'accident de Fukushima et de la part encore insuffisante des énergies renouvelables.

Concernant la transition énergétique, la délégation a visité les installations du réseau de chaleur et d'énergie du quartier urbain créé autour de la nouvelle tour de radiodiffusion de Tokyo, la plus haute du monde. Mis en service en 2012, ce réseau fonctionne à partir de la géothermie. Il est complété par des mesures d'efficacité énergétique et dessert l'ensemble des bureaux, commerces et habitations sur une surface de dix hectares.

Nous avons également découvert les travaux menés par le Centre de recherche sur les énergies renouvelables de la préfecture de Fukushima. Rattaché à l'AIST - une des principales agences de recherche publique du Japon - ce centre travaille à l'amélioration des technologies de production d'énergie à partir de sources renouvelables, comme la réduction de l'épaisseur des tuiles des panneaux photovoltaïques, le repérage des sources de géothermie via des micro-secousses sismiques ou encore l'optimisation des éoliennes en fonction de la force et de l'orientation du vent grâce à la technologie laser « lidar ».

En matière de prévention des risques, nous avons eu l'opportunité de visiter la centrale de Fukushima, située à environ 250 kilomètres au nord de Tokyo, et qui a été comme vous le savez le lieu d'un accident nucléaire majeur de catégorie 7, le seul comparable à Tchernobyl.

Cet accident, qui est survenu en 2011, a été provoqué par les effets cumulés d'un tremblement de terre et du tsunami qu'il a engendré. Endommageant différents équipements et interrompant les systèmes de refroidissement, ces deux phénomènes ont conduit à la fusion partielle de trois réacteurs. Les rejets par l'eau et l'air ont contaminé une zone importante autour de la centrale.

Aujourd'hui, le territoire n'a évidemment plus rien à voir avec ce qu'il était en 2011. La situation sanitaire et environnementale s'est nettement améliorée, même si de nombreux défis demeurent. Le premier concerne les opérations de décontamination des sols et de reconstruction, qui se poursuivent et ont pour objectif de permettre la réinstallation des habitants et des activités au fur et à mesure.

Concernant la centrale, plusieurs réacteurs dégagent encore de la chaleur et font l'objet de travaux pour récupérer progressivement le combustible fondu. Le chantier de démantèlement ne s'achèvera pas avant 2040. On y racle les terres contaminées, qui sont stockées dans d'énormes sacs, mais on ne sait pas très bien ce qu'on en fera.

L'autre enjeu réside dans la question de l'eau. Un volume considérable d'eau utilisé pour refroidir les réacteurs est actuellement stocké dans un millier de citernes sur le site de la centrale. Les modalités d'évacuation de cette eau sont en cours de discussion, avec plusieurs pistes possibles : le rejet dans l'océan, le stockage dans des plans d'eau ou la vaporisation dans l'air. La société TEPCO, qui exploite la centrale, assure que les traitements qui ont été appliqués à cette eau la rendent sans danger. Face aux populations locales, notamment les pêcheurs, qui sont des acteurs économiques très importants, les autorités n'ont toutefois pas encore pu trouver de solution.

Des eaux de ruissellement sont également présentes sur le site. Pour essayer d'en limiter l'importance, des murs de glace ont été construits autour de la centrale. Ils sont censés limiter les arrivées d'eau à cet endroit. Ces eaux de ruissellement, chargées en tritium, sont traitées et considérées comme non nocives.

Un montant total de 170 milliards d'euros a été évoqué pour chiffrer le coût de cet accident, qui s'ajoute aux conséquences sanitaires et environnementales de la catastrophe. De telles répercussions rappellent l'impérieuse nécessité d'améliorer la sûreté nucléaire de nos installations ainsi que les capacités d'intervention en cas d'incident, et de poursuivre les réflexions sur l'évolution du mixte énergétique, ne fût-ce que pour des questions budgétaires.

Autre visite sur le thème des risques : le système d'évacuation souterraine des eaux de la région de Saitama. Cette zone de 4 millions d'habitants située dans une cuvette entre deux fleuves alimentant Tokyo a été régulièrement sinistrée par d'importantes inondations.

Pour y mettre un terme, le gouvernement a construit et mis en service en 2002 une installation souterraine très impressionnante, constituée de larges puits de récupération des eaux, de tunnels de transport et d'un immense bassin, dont l'eau est ensuite pompée pour être réinjectée dans un fleuve en aval. Malgré son coût significatif - 1,8 milliard d'euros - les responsables de l'installation nous ont indiqué que les économies en termes de sinistres ont déjà excédé les investissements initiaux. Cette immense citerne, installée à 22 mètres sous terre, constitue une sorte de cathédrale destinée à récupérer les eaux provenant d'inondations.

Je ne pense pas qu'il soit envisageable de faire la même chose en France, mais peut-être faudra-t-il réfléchir à la mise en place de solutions face aux phénomènes récents que l'on a déploré.

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