Il ne vous a pas échappé que nous devions auditionner ce matin M. Julien Denormandie en sa qualité de secrétaire d'État en charge du déploiement du numérique. Lorsque nous l'avions reçu, il y a environ un an, nous étions convenus de réaliser des points réguliers sur ce sujet.
De plus, l'actualité mérite que nous recevions des informations aussi bien sur la mise en oeuvre de l'accord mobile dans les territoires que sur la manière dont s'effectue le déploiement des réseaux fixes, ou sur les objectifs affichés par le Président de la République en vue d'un bon haut débit pour tous en 2020, d'un très haut débit en 2022 et de la généralisation de la fibre optique en 2025.
Toutefois, M. Denormandie, comme vous le savez, a changé de titre au sein du Gouvernement à l'issue du remaniement. Désormais ministre, il a été convoqué au Conseil des ministres de ce matin. Il s'est d'ailleurs excusé de ne pouvoir être de ce fait présent ce matin.
Pour l'instant, nous ne savons pas encore qui sera en charge des questions d'aménagement numérique. Quoi qu'il en soit, il est très important que l'on puisse recevoir dans les meilleurs délais le ministre ou le secrétaire d'État en charge du dossier afin d'être informé, de l'interroger et de lui faire remonter les difficultés que nous pouvons observer dans nos territoires.
Nous nous limiterons donc ce matin à la communication relative au déplacement d'une délégation de la commission, qui s'est rendue au Japon du 1er au 9 septembre. Elle était composée de Mme Vullien, qui s'excuse de ne pouvoir être là ce matin, de MM. Cornu, Chaize, Gold, Jacquin et moi-même.
Nous avons effectué une dizaine de visites de terrain à Tokyo et dans ses environs, avec l'aide des services de l'ambassade de France. Notre mission était centrée autour de quatre thèmes : la transition énergétique, les mobilités, la prévention des risques et le numérique.
Il faut avoir à l'esprit plusieurs paramètres à propos du Japon. Ce pays offre tout d'abord une urbanisation très dense, concentrée sur le littoral. Le Grand Tokyo rassemble à lui seul près de 38 millions d'habitants, soit plus d'un quart de la population totale.
En second lieu, le Japon présente un des taux de natalité les plus bas du monde, ce qui engendre un vieillissement démographique qui n'est pas compensé par la politique d'immigration. La population japonaise, actuellement de 127 millions d'habitants, pourrait passer à 90 millions en 2060 et à 60 millions en 2100.
La troisième caractéristique du Japon, c'est une exposition régulière à des aléas naturels très forts : tremblements de terre, tsunamis, typhons...
Dernière caractéristique : une très forte dépendance énergétique, compte tenu du caractère insulaire du pays, de l'absence d'interconnexion électrique avec le continent, et du recours accru aux énergies fossiles, avec l'arrêt des réacteurs nucléaires après l'accident de Fukushima et de la part encore insuffisante des énergies renouvelables.
Concernant la transition énergétique, la délégation a visité les installations du réseau de chaleur et d'énergie du quartier urbain créé autour de la nouvelle tour de radiodiffusion de Tokyo, la plus haute du monde. Mis en service en 2012, ce réseau fonctionne à partir de la géothermie. Il est complété par des mesures d'efficacité énergétique et dessert l'ensemble des bureaux, commerces et habitations sur une surface de dix hectares.
Nous avons également découvert les travaux menés par le Centre de recherche sur les énergies renouvelables de la préfecture de Fukushima. Rattaché à l'AIST - une des principales agences de recherche publique du Japon - ce centre travaille à l'amélioration des technologies de production d'énergie à partir de sources renouvelables, comme la réduction de l'épaisseur des tuiles des panneaux photovoltaïques, le repérage des sources de géothermie via des micro-secousses sismiques ou encore l'optimisation des éoliennes en fonction de la force et de l'orientation du vent grâce à la technologie laser « lidar ».
En matière de prévention des risques, nous avons eu l'opportunité de visiter la centrale de Fukushima, située à environ 250 kilomètres au nord de Tokyo, et qui a été comme vous le savez le lieu d'un accident nucléaire majeur de catégorie 7, le seul comparable à Tchernobyl.
Cet accident, qui est survenu en 2011, a été provoqué par les effets cumulés d'un tremblement de terre et du tsunami qu'il a engendré. Endommageant différents équipements et interrompant les systèmes de refroidissement, ces deux phénomènes ont conduit à la fusion partielle de trois réacteurs. Les rejets par l'eau et l'air ont contaminé une zone importante autour de la centrale.
Aujourd'hui, le territoire n'a évidemment plus rien à voir avec ce qu'il était en 2011. La situation sanitaire et environnementale s'est nettement améliorée, même si de nombreux défis demeurent. Le premier concerne les opérations de décontamination des sols et de reconstruction, qui se poursuivent et ont pour objectif de permettre la réinstallation des habitants et des activités au fur et à mesure.
Concernant la centrale, plusieurs réacteurs dégagent encore de la chaleur et font l'objet de travaux pour récupérer progressivement le combustible fondu. Le chantier de démantèlement ne s'achèvera pas avant 2040. On y racle les terres contaminées, qui sont stockées dans d'énormes sacs, mais on ne sait pas très bien ce qu'on en fera.
L'autre enjeu réside dans la question de l'eau. Un volume considérable d'eau utilisé pour refroidir les réacteurs est actuellement stocké dans un millier de citernes sur le site de la centrale. Les modalités d'évacuation de cette eau sont en cours de discussion, avec plusieurs pistes possibles : le rejet dans l'océan, le stockage dans des plans d'eau ou la vaporisation dans l'air. La société TEPCO, qui exploite la centrale, assure que les traitements qui ont été appliqués à cette eau la rendent sans danger. Face aux populations locales, notamment les pêcheurs, qui sont des acteurs économiques très importants, les autorités n'ont toutefois pas encore pu trouver de solution.
Des eaux de ruissellement sont également présentes sur le site. Pour essayer d'en limiter l'importance, des murs de glace ont été construits autour de la centrale. Ils sont censés limiter les arrivées d'eau à cet endroit. Ces eaux de ruissellement, chargées en tritium, sont traitées et considérées comme non nocives.
Un montant total de 170 milliards d'euros a été évoqué pour chiffrer le coût de cet accident, qui s'ajoute aux conséquences sanitaires et environnementales de la catastrophe. De telles répercussions rappellent l'impérieuse nécessité d'améliorer la sûreté nucléaire de nos installations ainsi que les capacités d'intervention en cas d'incident, et de poursuivre les réflexions sur l'évolution du mixte énergétique, ne fût-ce que pour des questions budgétaires.
Autre visite sur le thème des risques : le système d'évacuation souterraine des eaux de la région de Saitama. Cette zone de 4 millions d'habitants située dans une cuvette entre deux fleuves alimentant Tokyo a été régulièrement sinistrée par d'importantes inondations.
Pour y mettre un terme, le gouvernement a construit et mis en service en 2002 une installation souterraine très impressionnante, constituée de larges puits de récupération des eaux, de tunnels de transport et d'un immense bassin, dont l'eau est ensuite pompée pour être réinjectée dans un fleuve en aval. Malgré son coût significatif - 1,8 milliard d'euros - les responsables de l'installation nous ont indiqué que les économies en termes de sinistres ont déjà excédé les investissements initiaux. Cette immense citerne, installée à 22 mètres sous terre, constitue une sorte de cathédrale destinée à récupérer les eaux provenant d'inondations.
Je ne pense pas qu'il soit envisageable de faire la même chose en France, mais peut-être faudra-t-il réfléchir à la mise en place de solutions face aux phénomènes récents que l'on a déploré.
Quelle est l'utilité de cette eau ? Dans le Doubs, on plante actuellement des tomates, faute de précipitations suffisantes. Peut-on l'utiliser pour l'irrigation ?
Dans le cas présent, non, mais on pourrait tout à fait imaginer récupérer ces eaux après les avoir retraitées. Le Japon est un pays très urbanisé. Il s'agit plutôt d'éviter les inondations. Dans des pays avec des surfaces agricoles plus grandes, et surtout dans ceux où l'on pourrait manquer d'eau, cela pourrait constituer une solution.
Hier, j'ai eu un échange avec l'ambassadeur du Maroc au sujet des efforts que fait ce pays pour récupérer les eaux usées afin d'irriguer les terres. Ce n'est donc pas la même problématique. Il faut qu'il existe toutefois un intérêt écologique et économique. Il ne faut pas que cela coûte plus cher de récupérer les eaux et les traiter que de recourir à d'autres apports. Cette zone de Saitama est par ailleurs irriguée par de nombreuses rivières.
Il faut que l'on réfléchisse à cette problématique devant l'amplitude des excès et des insuffisances de précipitation. Les retenues collinaires peuvent être utiles à l'agriculture, mais également à la vie aquatique dans les fleuves et les rivières. On a vu certaines rivières s'assécher complètement et toute la vie piscicole disparaître. Cette réserve d'eau peut aussi servir de « chasse d'eau » s'agissant des fleuves.
Je pense qu'il nous faudra nous saisir de cette question, qui présente une double finalité, réguler les précipitations, mais aussi les réutiliser pour l'agriculture et d'autres activités.
Troisième thème de notre déplacement : les mobilités. Nous avons en particulier visité la gare de Tokyo, et avons bénéficié d'une présentation du système ferroviaire par JR East, une des sept entreprises issues de la privatisation de l'entreprise nationale JNR en 1987. Ce système n'est pas subventionné, à l'exception des opérations de mise en accessibilité et d'un fonds de soutien pour les entreprises chargées de desservir certaines îles moins denses. Lors de la privatisation, le personnel a été divisé par deux, de nombreux agents ayant été transférés vers d'autres entités publiques ou de grandes entreprises.
Le système japonais a pour particularité d'être constitué d'un ensemble de monopoles géographiques, où les activités sont totalement intégrées : ce sont les mêmes entreprises privées qui maîtrisent le réseau, l'exploitation, les gares et les activités économiques connexes. JR East gère ainsi le transport ferroviaire de la moitié occidentale et septentrionale de l'île principale d'Honshu.
Outre une fréquentation considérable due à la concentration de population et une tarification des billets plus élevée qu'en France, le secteur ferroviaire est également financé en grande partie par les bénéfices tirés d'activités commerciales et immobilières liées aux gares. 32 % du chiffre d'affaires de JR East vient de ces ressources. Il est frappant de voir le succès de ces aménagements et des services proposés - commerces, restaurants, hôtels - chaque gare ou station de métro étant un lieu de vie en soi.
Au total, JR East dégage un bénéfice annuel de 2,4 milliards de dollars. Son fonctionnement est très intégré, l'entreprise produisant son propre matériel roulant.
Concernant la logistique urbaine, nous avons effectué une visite très intéressante, sur la proposition d'Olivier Jacquin, dans un centre de tri de l'opérateur de transport Yamato, qui assure des activités de livraison de colis dans tout le Japon, en s'appuyant sur un réseau très dense de supérettes. Le système mis en place permet de recevoir et d'envoyer très facilement des colis, avec des délais rapides et des créneaux particulièrement fiables. Même si les enjeux d'aménagement du territoire sont très différents au Japon, ce dispositif constitue un maillage qui contribue directement au maintien de services dans des territoires très reculés.
Au croisement entre les questions énergétiques et de mobilité, nous avons rencontré plusieurs acteurs de la filière hydrogène dans une station d'Air Liquide, à proximité de Tokyo. Le ministère de l'économie, du commerce et de l'industrie porte un plan hydrogène ambitieux, dont le développement nécessite encore certaines évolutions réglementaires, ainsi qu'une diminution du coût des véhicules à hydrogène.
Cette rencontre a été l'occasion de rappeler que le recours à l'hydrogène ne garantit pas en soi la production d'une énergie décarbonée. Il constitue un vecteur énergétique, qui permet d'éviter une perte d'énergie, mais l'origine de celle-ci peut être très diverse.
En l'espèce, nous avons été surpris de constater que l'hydrogène, au Japon, provient d'Australie, où il est produit par des centrales à charbon ! L'effet est plus que limité en termes de bilan carbone.
L'une des difficultés structurelle vient du fait que les objectifs de l'accord de Paris sont nationaux, alors que les enjeux sont mondiaux. Utiliser l'hydrogène est bon pour les objectifs du Japon en termes de réduction de ses émissions, cet hydrogène issu du charbon étant produit dans un autre pays. Il y a là un enjeu qu'il faut bien avoir à l'esprit.
L'hydrogène constitue néanmoins une piste très intéressante et prometteuse en termes de stockage. Il faut évidemment remettre cela en lien avec les perspectives que l'on peut avoir en France, face au plan de déploiement le Gouvernement a annoncé en juin dernier.
Quatrième et dernier axe du déplacement : le numérique. Nous avons rencontré un des principaux opérateurs de téléphonie mobile sur le sujet des technologies 5G. Le Japon vise un déploiement commercial à partir de 2020. La perspective des Jeux Olympiques de 2020 « stimule » le Japon en la matière. Les opérateurs sont très actifs pour développer des partenariats avec des entreprises innovantes en matière de services, ainsi qu'avec les industriels, qui sont particulièrement concernés par cette nouvelle génération de réseau : usines connectées, robotique, utilisation de capteurs, etc.
Nous avons également découvert des services intéressants le grand public, comme la rediffusion d'images en très haute définition d'événements sportifs ou culturels, ou le développement de véhicules autonomes partagés au sein des villes, dont le trajet sera défini à la demande des usagers. Les objets connectés constituent également un domaine d'innovation très intéressant.
J'ajoute que nous avons pu essayer les minibus autonomes développés par l'entreprise française Navya, qui en a déployés sur le site de Fukushima.
Au total, nous avons pu découvrir de nombreuses installations et initiatives ambitieuses, voire exemplaires. Il nous a toutefois semblé que, sur de nombreux sujets, la transition vers un véritable modèle de développement durable au Japon reste à confirmer, en particulier en matière de production décarbonée. La place du nucléaire reste vivement débattue et les énergies fossiles constituent encore aujourd'hui une part très importante du mixte énergétique, 89 % du total.
À ce titre, les politiques publiques de transition écologique menées en France et les savoirs et technologies développés dans le cadre de la croissance verte créent de vraies possibilités d'échanges avec le Japon, notamment dans le domaine des énergies renouvelables et des mobilités propres, où nous avons acquis de multiples atouts.
Nous avons également eu l'occasion de rencontrer des membres de la Chambre de commerce et d'industrie France-Japon, qui nous ont confirmé l'existence de nombreuses opportunités pour les entreprises françaises, dès lors que sont bien appréhendées les spécificités du monde économique japonais. À ce titre, l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2020 est identifiée comme un accélérateur pour l'innovation et le déploiement de nouvelles infrastructures.
Enfin, nous avons pu visiter la Diète du Japon, qui est un Parlement bicaméral regroupant la chambre des représentants et la chambre des conseillers, comparable à notre Haute Assemblée. Nous avons rencontré plusieurs conseillers membres du groupe d'amitié Japon-France pour échanger avec eux sur les enjeux environnementaux et les relations franco-japonaises, dont nous fêtons cette année les 160 ans, ce qui donne lieu à de nombreuses manifestations culturelles dans nos deux pays.
Voilà, mes chers collègues, les éléments que je voulais vous livrer au sujet de ce déplacement. Je ne doute pas que mes collègues qui ont participé à cette mission viendront compléter mon propos.
Le Japon présente des caractéristiques frappantes. Il est en premier lieu très propre, et la discipline constitue un élément très présent. Le retard cumulé d'un train sur une année se compte en secondes, ce qui peut laisser rêveurs ceux qui utilisent quotidiennement ce moyen de transport.
On constate également une forte avance s'agissant du déploiement de la 5G du fait de l'arrivée des Jeux Olympiques, mais pas seulement. Malheureusement, nous risquons de ne pas avoir comblé notre retard pour les Jeux Olympiques de Paris en 2024.
Lorsqu'on arrive à Fukushima, on traverse un village fantôme envahi par la végétation. Il y a partout d'énormes sacs remplis de la terre qu'ils ont commencé à nettoyer. Ceci a soulevé en moi bien des questions en matière de sûreté nucléaire.
La France a beaucoup de chance de disposer d'un système public solide qui contrôle cette énergie. Des failles importantes ont été révélées. Chaque fois qu'un accident survient quelque part, on explique qu'il est impossible ailleurs. Il n'empêche qu'il a eu lieu, et qu'une région est presque rayée de la carte, même si la volonté des Japonais de reconquérir l'espace est très forte, contrairement à Tchernobyl, où le périmètre a été fermé.
Les Japonais veulent faire la démonstration de leur force. Ils vont tout nettoyer, maison par maison, et proposent aux habitants de revenir.
Ils sont par ailleurs très pragmatiques. S'agissant de l'hydrogène, ils développent tout un réseau de distribution. Si, demain, ils décident de produire de l'hydrogène à partir des énergies fatales ou renouvelables, ils y parviendront : lorsque l'impulsion vient d'en haut, tout le monde s'y met et ils réussissent à atteindre l'objectif.
Un point sur la qualité des services, touristiques ou commerciaux : dans le train, le nombre d'agents qui vous accueillent est incroyable. Il existe une qualité de services exceptionnelle mais, en conséquence, le troisième pays le plus riche par le PIB est très mauvais en termes de productivité du travail, tant on compte d'agents.
Le logisticien Yamato chez qui nous avons réalisé une visite s'appuie sur un réseau de supérettes et propose des livraisons six fois par jour, même dans le territoire le plus reculé du Japon. Quand on leur demande le taux de satisfaction, ils ne comprennent pas la question, car ils tiennent toujours leurs engagements.
Sur le plan régional, le Japon pense être entouré d'ennemis. Ce qui s'est passé lors du siècle précédent fait que les relations avec tous les pays qui l'entourent sont compliquées, ce qui peut expliquer son rapprochement vis-à-vis de l'Europe. Nous avons intérêt à nous appuyer sur le Japon dans le cadre des négociations internationales, tant il est dans une situation diplomatique complexe.
Du fait de son enfermement et de son taux de fécondité parmi les plus faibles du monde, je ne suis pas très optimiste pour ce pays, qui est toutefois doté d'une énergie considérable. Dans les années 1980, une Première ministre française avait comparé les Japonais à des fourmis. La métaphore était diplomatiquement insultante, mais correspondait assez bien à ce que j'ai pu ressentir. C'est un pays dans lequel je n'irai pas habiter, tant tout est écrit, codifié, hiérarchisé, avec une discipline qui, pour un Français, est difficilement envisageable. Robert Georges Bernanos disait : « Il faut beaucoup d'indisciplinés pour faire un peuple libre ».
Enfin, ce déplacement était très agréable. Je suis coutumier de la Corée pour des raisons familiales. Le Japon est encore plus propre, sûr et sécurisant. On ne trouve pas de tags. Personne ne jette rien par terre. Les prix ne se négocient pas non plus, et il n'existe pas de pourboire. Ils font simplement leur travail. Pour un touriste, c'est extrêmement agréable.
Mon fils vit très bien depuis dix ans au Japon. Il est vrai que c'est un garçon qui aime l'ordre !
Pouvez-vous faire savoir à l'ambassadeur que les conditions de vote pour les Français de l'étranger sont catastrophiques au Japon ? Mon fils, qui habite Sôka, a dû faire trois heures de train aller-retour et quatre à cinq heures de queue pour voter. Il faudrait peut-être imaginer différents points de vote.
J'étais maire d'une commune située à deux kilomètres à vol d'oiseau d'une centrale nucléaire. Chaque année, EDF invitait tous les élus des environs à visiter sa centrale.
Le jour où a eu lieu la catastrophe de Fukushima, le directeur de la centrale a annulé la visite prévue. Dès lors, on a commencé à raisonner différemment, à intégrer le fait que cela peut arriver, et à travailler sur la prévention.
Les Japonais acceptent-ils que l'on bénéficie de leur retour d'expérience ?
Comment les choses se passent-elles lorsque les trains passent d'une région à l'autre ? Existe-t-il des accords entre les différentes sociétés privées ?
En France, on a un réseau d'un côté, la mobilité de l'autre, mais le réseau est partout homogène, alors qu'au Japon, il appartient à plusieurs sociétés privées.
J'ai eu l'occasion d'aller au Japon cet été à titre privé. J'ai testé les lignes à grande vitesse du shinkansen et le métro de Tokyo, qui est extrêmement bien organisé. Les différentes sociétés se partagent le réseau. Les touristes ont, grâce à un passe, le droit de circuler autant de fois qu'ils le veulent, à la fois à Tokyo et sur les lignes à grande vitesse. C'est extrêmement simple, et la signalétique est merveilleuse, ainsi que les horaires, l'accueil, la propreté et la sécurité.
J'ai été frappée par la visite d'Hiroshima. Il existe bien sûr un mémorial et un hôtel qui a résisté à l'explosion de la bombe, mais il y a tout autour une vie absolument extraordinaire, avec des commerces, des hôtels. Les Japonais rient et vivent tout autour.
Cela amène à se poser des questions. Par rapport à Kyoto, qui a pourtant été plus préservé des bombardements, Hiroshima est moderne et dynamique.
Il existe enfin des expériences entre le Japon et le CEA, qui se déplace régulièrement à Fukushima.
J'ai également eu l'occasion de visiter la dernière usine d'enrichissement d'uranium au Tricastin, qui s'est inspirée de l'expérience de Fukushima pour renforcer ses mesures de sûreté.
S'agissant des transports, on bénéficie maintenant d'informations en anglais. On peut désormais se promener seul et prendre le métro bien plus aisément.
Le Japon est un pays où tout est très codifié. Il faut éviter tout retard. Nous avons été impressionnés par la discipline des piétons, par exemple. L'honnêteté des Japonais est également incroyable.
Quant à la 5G, il est vrai que nous ne sommes pas en avance et les industriels français sont diversement mobilisés.
S'agissant du vote des Français de l'étranger, je crois que c'est malheureusement quelque chose qu'on observe dans beaucoup de pays. C'est pourquoi on envisage le vote électronique. Nous allons faire remonter l'information.
Madame Sollogoub, on nous a indiqué que les représentants de l'autorité japonaise de sûreté avaient, avant les événements de Fukushima, signalé certaines faiblesses préoccupantes, notamment le fait que les groupes électrogènes étaient en dessous du niveau de la mer et pouvaient être submergés en cas de montée des eaux. On ne les a pas écoutés. Si on en avait tenu compte, les choses auraient pu être différentes.
L'Autorité de régulation nucléaire japonaise, nouvellement créée, est bien plus indépendante. Bien évidemment, les standards et les contrôles ont non seulement évolué au Japon, mais également dans tous les pays qui recourent au nucléaire, dont la France.
Le président de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a récemment rappelé que la France a, à la suite de Fukushima, tiré un certain nombre de conséquences et pris des mesures.
Il existe d'ailleurs des coopérations fortes entre la France et le Japon sur ce sujet, que ce soit avec EDF ou Orano.
Pour répondre à Monsieur Cornu, le shinkansen traverse plusieurs régions, gérées par différentes entreprises JR, sans rupture dans le service.
Avez-vous pu cerner l'articulation entre les initiatives privées et les initiatives publiques dans le domaine du déploiement de la 5G ou des réseaux numériques ?
En France, la puissance publique est fortement impliquée dans ce domaine, qu'il s'agisse des collectivités ou de l'État. En est-il de même au Japon ou est-ce le marché qui tire par le haut les développements technologiques ?
Au Japon, l'intervention publique en la matière est très faible. Le pays recourt à de grandes entreprises privées. Ils ne raisonnent pas en termes d'aménagement du territoire mais adoptent une optique commerciale. La question ne se pose même pas vraiment au Japon.
A priori, le prix des licences pour les opérateurs n'est pas le même qu'en France, ce qui peut expliquer une initiative plus large. On est dans une pure logique privée.
L'État offre des compensations aux zones les plus faiblement peuplées, notamment pour le ferroviaire et les transports.
C'est toutefois un des pays les plus urbanisés au monde : 92 % de la population vit en ville. Tokyo compte 40 millions d'habitants. Il n'existe pas de véritable centre. La sphère privée équilibre ses comptes assez facilement.
Le plus gros opérateur ferroviaire du Japon, JR East, doit desservir 50 millions d'usagers, dont 40 millions dans la mégalopole de Tokyo, pour un réseau de 7 500 kilomètres seulement. En France, on compte 60 millions d'habitants pour plus de 30 000 kilomètres de lignes. Leurs systèmes productifs sont assez naturellement rentables. Les choses sont donc différentes par rapport à la France, où l'espace est faiblement densifié.
Il me reste à vous remercier.
Nous essaierons de tenir prochainement une réunion sur la question du numérique dès que nous saurons qui inviter.
La réunion est close à 10 heures 25.