Intervention de Hervé Maurey

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 17 octobre 2018 à 9h35
Déplacement d'une délégation de la commission au japon — Communication

Photo de Hervé MaureyHervé Maurey, président :

Troisième thème de notre déplacement : les mobilités. Nous avons en particulier visité la gare de Tokyo, et avons bénéficié d'une présentation du système ferroviaire par JR East, une des sept entreprises issues de la privatisation de l'entreprise nationale JNR en 1987. Ce système n'est pas subventionné, à l'exception des opérations de mise en accessibilité et d'un fonds de soutien pour les entreprises chargées de desservir certaines îles moins denses. Lors de la privatisation, le personnel a été divisé par deux, de nombreux agents ayant été transférés vers d'autres entités publiques ou de grandes entreprises.

Le système japonais a pour particularité d'être constitué d'un ensemble de monopoles géographiques, où les activités sont totalement intégrées : ce sont les mêmes entreprises privées qui maîtrisent le réseau, l'exploitation, les gares et les activités économiques connexes. JR East gère ainsi le transport ferroviaire de la moitié occidentale et septentrionale de l'île principale d'Honshu.

Outre une fréquentation considérable due à la concentration de population et une tarification des billets plus élevée qu'en France, le secteur ferroviaire est également financé en grande partie par les bénéfices tirés d'activités commerciales et immobilières liées aux gares. 32 % du chiffre d'affaires de JR East vient de ces ressources. Il est frappant de voir le succès de ces aménagements et des services proposés - commerces, restaurants, hôtels - chaque gare ou station de métro étant un lieu de vie en soi.

Au total, JR East dégage un bénéfice annuel de 2,4 milliards de dollars. Son fonctionnement est très intégré, l'entreprise produisant son propre matériel roulant.

Concernant la logistique urbaine, nous avons effectué une visite très intéressante, sur la proposition d'Olivier Jacquin, dans un centre de tri de l'opérateur de transport Yamato, qui assure des activités de livraison de colis dans tout le Japon, en s'appuyant sur un réseau très dense de supérettes. Le système mis en place permet de recevoir et d'envoyer très facilement des colis, avec des délais rapides et des créneaux particulièrement fiables. Même si les enjeux d'aménagement du territoire sont très différents au Japon, ce dispositif constitue un maillage qui contribue directement au maintien de services dans des territoires très reculés.

Au croisement entre les questions énergétiques et de mobilité, nous avons rencontré plusieurs acteurs de la filière hydrogène dans une station d'Air Liquide, à proximité de Tokyo. Le ministère de l'économie, du commerce et de l'industrie porte un plan hydrogène ambitieux, dont le développement nécessite encore certaines évolutions réglementaires, ainsi qu'une diminution du coût des véhicules à hydrogène.

Cette rencontre a été l'occasion de rappeler que le recours à l'hydrogène ne garantit pas en soi la production d'une énergie décarbonée. Il constitue un vecteur énergétique, qui permet d'éviter une perte d'énergie, mais l'origine de celle-ci peut être très diverse.

En l'espèce, nous avons été surpris de constater que l'hydrogène, au Japon, provient d'Australie, où il est produit par des centrales à charbon ! L'effet est plus que limité en termes de bilan carbone.

L'une des difficultés structurelle vient du fait que les objectifs de l'accord de Paris sont nationaux, alors que les enjeux sont mondiaux. Utiliser l'hydrogène est bon pour les objectifs du Japon en termes de réduction de ses émissions, cet hydrogène issu du charbon étant produit dans un autre pays. Il y a là un enjeu qu'il faut bien avoir à l'esprit.

L'hydrogène constitue néanmoins une piste très intéressante et prometteuse en termes de stockage. Il faut évidemment remettre cela en lien avec les perspectives que l'on peut avoir en France, face au plan de déploiement le Gouvernement a annoncé en juin dernier.

Quatrième et dernier axe du déplacement : le numérique. Nous avons rencontré un des principaux opérateurs de téléphonie mobile sur le sujet des technologies 5G. Le Japon vise un déploiement commercial à partir de 2020. La perspective des Jeux Olympiques de 2020 « stimule » le Japon en la matière. Les opérateurs sont très actifs pour développer des partenariats avec des entreprises innovantes en matière de services, ainsi qu'avec les industriels, qui sont particulièrement concernés par cette nouvelle génération de réseau : usines connectées, robotique, utilisation de capteurs, etc.

Nous avons également découvert des services intéressants le grand public, comme la rediffusion d'images en très haute définition d'événements sportifs ou culturels, ou le développement de véhicules autonomes partagés au sein des villes, dont le trajet sera défini à la demande des usagers. Les objets connectés constituent également un domaine d'innovation très intéressant.

J'ajoute que nous avons pu essayer les minibus autonomes développés par l'entreprise française Navya, qui en a déployés sur le site de Fukushima.

Au total, nous avons pu découvrir de nombreuses installations et initiatives ambitieuses, voire exemplaires. Il nous a toutefois semblé que, sur de nombreux sujets, la transition vers un véritable modèle de développement durable au Japon reste à confirmer, en particulier en matière de production décarbonée. La place du nucléaire reste vivement débattue et les énergies fossiles constituent encore aujourd'hui une part très importante du mixte énergétique, 89 % du total.

À ce titre, les politiques publiques de transition écologique menées en France et les savoirs et technologies développés dans le cadre de la croissance verte créent de vraies possibilités d'échanges avec le Japon, notamment dans le domaine des énergies renouvelables et des mobilités propres, où nous avons acquis de multiples atouts.

Nous avons également eu l'occasion de rencontrer des membres de la Chambre de commerce et d'industrie France-Japon, qui nous ont confirmé l'existence de nombreuses opportunités pour les entreprises françaises, dès lors que sont bien appréhendées les spécificités du monde économique japonais. À ce titre, l'organisation des Jeux Olympiques et Paralympiques de 2020 est identifiée comme un accélérateur pour l'innovation et le déploiement de nouvelles infrastructures.

Enfin, nous avons pu visiter la Diète du Japon, qui est un Parlement bicaméral regroupant la chambre des représentants et la chambre des conseillers, comparable à notre Haute Assemblée. Nous avons rencontré plusieurs conseillers membres du groupe d'amitié Japon-France pour échanger avec eux sur les enjeux environnementaux et les relations franco-japonaises, dont nous fêtons cette année les 160 ans, ce qui donne lieu à de nombreuses manifestations culturelles dans nos deux pays.

Voilà, mes chers collègues, les éléments que je voulais vous livrer au sujet de ce déplacement. Je ne doute pas que mes collègues qui ont participé à cette mission viendront compléter mon propos.

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