Je vous remercie de l'intérêt continu de votre commission pour nos travaux. Notre présentation, avec mon collègue Patrice Caro, s'articulera en deux temps : les méthodes de travail du CNESCO d'une part, les rapports sur l'engagement citoyen des jeunes et sur les inégalités territoriales, d'autre part.
Le CNESCO, créé en 2013, assume trois missions : la production, en toute indépendance, d'évaluations, leur diffusion et l'expertise des évaluations produites par le Ministère. Sa gouvernance fait écho à son indépendance : majoritairement constitué de scientifiques, le CNESCO accueille également quatre parlementaires représentatifs des forces politiques ainsi que des membres du Conseil économique, social et environnemental (CESE). Aucun membre de l'éducation nationale n'y siège, en raison de l'impossibilité d'être à la fois juge et partie dans une instance chargée de l'évaluation de ce ministère. Ce conseil est en outre flanqué d'un comité consultatif, qui rassemble une grande diversité d'acteurs éducatifs : représentants des personnels et des syndicats de l'éducation nationale, entreprises, collectivités territoriales, et familles. Ce comité, qui participe à la définition de l'agenda et à la diffusion de nos travaux, examine également les résultats des évaluations.
La structure de décision, à laquelle participent les parlementaires, est indépendante, tout en demeurant en lien très étroit, non seulement avec l'écosystème du ministère de l'éducation nationale, mais aussi avec la communauté éducative comprise au sens large.
Le CNESCO évalue avec bienveillance et rigueur les résultats de l'école, c'est-à-dire à la fois les acquis des élèves et l'apport des dispositifs scolaires. Les thématiques choisies par le conseil peuvent être sensibles. Son évaluation se veut à la fois scientifique et participative : scientifique, car ses évaluations reposent sur des études rigoureuses conduites par des spécialistes issus, principalement, du monde universitaire, et participatives, afin d'être en phase avec les acteurs de terrain qui aident à formuler des évaluations et à rompre avec les évaluations antérieures conduites de manière isolée. Le CNESCO, en tant que levier du changement, a ainsi pour but de proposer des mesures concrètes et pratiques.
Fort de son réseau de 250 chercheurs, issus de toutes disciplines, y compris des politiques et des universitaires, le CNESCO est en mesure d'envisager une pluralité de méthodologies, y compris en examinant les pratiques en vigueur à l'étranger. Il n'est donc pas prisonnier d'une chapelle de pensée, mais constitue une communauté scientifique au service de l'école. Notre conseil analyse ainsi les effets de l'école, en termes non seulement d'acquisition scolaire, mais aussi les effets externes de l'école, comme l'employabilité en lycée professionnel ou la conscience de la citoyenneté. Ses 31 rapports portent sur des thématiques très larges : la pédagogie, le décrochage scolaire, les inégalités sociales, la mixité sociale à l'école, les problèmes d'employabilité de certaines filières professionnelles ou encore l'orientation, sur laquelle le travail de votre commission a suscité toute notre attention. Près de 1 300 acteurs de terrain, qui sont autant de relais de nos travaux, ont participé à la phase d'évaluation consultative à l'issue de laquelle sont arrêtées des propositions concrètes.
Le CNESCO veille également à la lisibilité de ses rapports. D'ailleurs, notre site Internet est très consulté : le rapport sur les inégalités sociales à l'école a été téléchargé à 50.000 reprises ; ce chiffre contrastant avec la faible audience des rapports présentés par l'inspection générale. Notre diffusion est donc massive, à l'instar des conférences de consensus qui affichent systématiquement complet. Nous influençons également les mesures prises au niveau du cabinet ministériel. La méthodologie originale du CNESCO intéresse les pays étrangers, comme le Maroc et le Chili.
Le comité d'évaluation et de contrôle des politiques publiques de l'Assemblée nationale qualifie le CNESCO d'« instance productive, indépendante et transparente ». Il reconnaît également la qualité de la méthode d'évaluation du système scolaire du conseil et insiste sur la diffusion de la culture de l'évaluation au sein du système scolaire, appelant d'ailleurs de ses voeux le renforcement de ses moyens et de ses missions. La disposition du projet de loi prévoyant la disparition du CNESCO s'inscrit manifestement à l'encontre du constat de l'Assemblée nationale !
Le CNESCO a produit une enquête inédite sur l'engagement citoyen et l'attitude civique des lycéens, sur lequel nous avions une cécité collective depuis quinze ans. 16 000 collégiens et lycéens, ainsi que des chefs d'établissements et des enseignants, ont participé à cette étude à la fois statistique et qualitative qui aborde notamment les connaissances civiques, la confiance dans l'autre, le respect de la démocratie, la laïcité, ainsi que le respect des normes et des règles. Le premier volet, que vous venons de publier, porte sur les attitudes civiques des élèves qui vont conditionner leur engagement de citoyens à l'âge adulte. La confiance dans la vie politique et les institutions, - à l'exception de l'armée qui recueille une vaste majorité d'opinions favorables -, et la politique s'avère modérée chez les 17-18 ans. Si 60 % des jeunes estiment comprendre les problèmes de la France, seuls 37 % s'estiment en mesure de participer à sa vie politique. Ce chiffre ne peut que nous interpeller. Les garçons manifestent également une plus grande défiance à l'égard du système démocratique tandis que les filles doutent majoritairement de leur capacité à agir. Si ces réponses émanent principalement de jeunes issus de milieux défavorisés, les meilleurs élèves connaissent également une distance par rapport à l'engagement citoyen. Est-ce la conséquence de la promotion sans fin des compétences scolaires au détriment du lien social tout au long de leur scolarité ?
Si les jeunes ne font pas preuve de défiance vis-à-vis du droit de vote, ils demeurent acquis à son exercice intermittent, lors des grands enjeux, comme les élections présidentielles et législatives. Ils veulent s'engager autrement que dans le militantisme classique : 44 % dans le bénévolat ou encore dans des formes ponctuelles sans affiliation, comme les pétitions ou les manifestations. Or, l'école ne répond pas à ces volontés d'engagement : deux-tiers des élèves de terminale n'ont pas participé à un projet citoyen, alors que celui-ci est obligatoire depuis plusieurs années. Le rôle de délégué est lui remis en cause, puisque 50 % des élèves qui l'assument considèrent ne pas être écoutés lors des conseils de classe.
Patrice Caro, avec toute une équipe, a travaillé sur la thématique des inégalités scolaires d'origine territoriale en analysant les disparités socio-spatiales dans les territoires et leurs incidences sur l'offre éducative et la qualité du corps enseignant ; l'ensemble de ces facteurs induisant une inégalité des résultats scolaires. Nous vous transmettrons ultérieurement les résultats de notre étude sur l'Ile de France. En outre, la cartographie interactive, que le CNESCO a élaborée, permet d'évaluer, à l'échelle des quartiers, les ressources mises à disposition par l'Éducation nationale et ses résultats.