Intervention de Philippe Bas

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 octobre 2018 à 9h05
Proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le traitement des abus sexuels sur mineurs et des faits de pédocriminalité commis dans une relation d'autorité au sein de l'église catholique en france — Nomination d'un rapporteur et examen du rapport portant avis sur la recevabilité de la proposition de résolution

Photo de Philippe BasPhilippe Bas, rapporteur :

Le 9 octobre 2018, M. Patrick Kanner et les membres du groupe socialiste et républicain ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur le traitement des abus sexuels sur mineurs et des faits de pédocriminalité commis dans une relation d'autorité, au sein de l'Église catholique, en France. Comme président du groupe, il a demandé la création de cette commission d'enquête au titre du « droit de tirage » pour l'année 2018-2019, en vertu de l'article 6 bis du Règlement.

La Conférence des présidents, qui doit examiner cette demande, se réunit aujourd'hui même. La commission des lois doit préalablement, conformément à la décision du Conseil constitutionnel du 25 juin 2009 et au Règlement du Sénat, en apprécier la recevabilité - et non l'opportunité - au regard de notre Règlement et de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, lequel régit les commissions d'enquête.

Dans le prolongement de l'ancienne distinction entre les commissions d'enquête stricto sensu et les commissions de contrôle, la jurisprudence de la commission des lois distingue deux cas de figure. Il convient donc d'abord de déterminer sous lequel ranger la demande. S'agit-il d'enquêter sur des faits déterminés, auquel cas il faut interroger le garde des sceaux sur l'existence éventuelle de procédures judiciaires en cours, ou bien s'agit-il d'enquêter sur la gestion d'un service public ou d'une entreprise nationale ?

À la lecture du libellé de cette proposition de résolution, la question ne se pose pas longtemps.

Le terme de « traitement », cependant, m'a paru justifier une interrogation. La résolution vise en effet le traitement des abus sexuels sur mineurs. Vise-t-on des faits de non-dénonciation de faits de pédocriminalité ? Auquel cas nous nous trouvons dans le cadre de faits déterminés, avec des dossiers judiciaires déjà ouverts. Vise-t-on, au contraire, la manière dont l'Église catholique de France s'est organisée pour prévenir, détecter et dénoncer des abus sexuels ou des faits de pédocriminalité ? Auquel cas l'on vise l'organisation et le fonctionnement même de l'Église de France. Mais l'Église de France est-elle un service public ? Si celle d'Alsace-Moselle, sous régime concordataire, peut être considérée comme telle, en revanche, depuis que l'Église n'assure plus l'état civil, depuis le vote de la loi de séparation des Églises et de l'État, on ne peut plus considérer l'Église de France comme un service public.

Interpréter le terme de « traitement » comme désignant les procédures mises en place par l'Église de France pour prévenir, détecter et dénoncer des abus sexuels et des faits de pédocriminalité nous conduirait, par conséquent, à une impasse, car la proposition de résolution ne serait pas recevable, ne relevant d'aucun des deux champs permettant de créer une commission d'enquête. L'interprétation la plus conforme au texte de l'exposé des motifs, et qui ouvre une chance à la recevabilité, serait de considérer que cette commission d'enquête porterait sur des faits déterminés, c'est-à-dire sur la manière dont certains abus sexuels et crimes pédophiles ont pu être commis et ne pas être dénoncés au sein de l'Église de France.

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