Mon intervention, au regard de l'importance et de la sensibilité du sujet, sera solennelle.
Le Parlement est le lieu où l'on parle : nous vous proposons d'agir. Témoignage chrétien a lancé, il y a une dizaine de jours, une pétition qui a reçu 30 000 signatures. Un quart des réponses ont été dépouillées, dont certaines comportent des témoignages. Je vous demande d'en écouter quelques-uns, par respect pour celles et ceux qui les ont écrits.
« Je signe cette pétition pour mon papa et toutes les autres victimes, parce que la résilience commence par la reconnaissance. »
« Je n'avais que douze ans et parce qu'alors, personne ne m'a cru, je ne peux que soutenir une telle initiative. »
« Ex-victime, j'ai été confronté au déni, à l'omerta, à la prescription, bref, au muselage familial, scolaire et institutionnel. »
« Pour celui qui a violé mon petit frère et s'est défroqué pour échapper à la justice et qui se trouve protégé parce que son frère est un haut-gradé de l'armée, je réclame justice. Toute action qui peut amener l'autorité sous toutes ses formes à regarder les choses en face est salutaire. »
« C'était à Tarbes, chez les assomptionnistes, j'avais douze ans, j'en ai soixante-douze. Il a fallu des dizaines d'années pour que je comprenne que c'était ça qui avait bousillé ma vie. »
Et je ne vous ai cité que quelques exemples.
Je me souviens des rapports présentés par notre collègue Marie Mercier, de l'émotion, de l'indignation qu'ils avaient soulevées, et nous avons agi.
Créer cette commission d'enquête, c'est avoir le soutien de 88 % des Français, afin, non pas contre l'Église, mais pour l'Église, de laver les soupçons qui pèsent sur elle. C'est le sens de l'appel de Témoignage chrétien, un appel au secours, ainsi que nous l'avons ressenti lorsque nous avons reçu ceux qui en ont pris l'initiative. Un appel dans le droit fil du message du pape du 20 août dernier et du travail mené en Australie, en Irlande, aux États-Unis ou en Allemagne par des commissions indépendantes, y compris d'initiative gouvernementale.
Indépendance, probité, recherche de l'intérêt général par-delà toute préoccupation partisane, telle est l'image du Sénat que nous avons donnée, notamment dans la récente affaire Benalla - et je tiens à saluer le travail de nos rapporteurs Muriel Jourda et Jean-Pierre Sueur, sous l'autorité du président Bas. Nous avons bien travaillé pour le bicamérisme, et continuons à le faire.
Nous savons les questions qui se posent ; elles ont été en partie abordées par le président Bas. Le sujet entre-t-il bien dans le champ de compétence des commissions d'enquête ? Pourquoi se limiter à l'Église catholique ? Y a-t-il des risques d'interférence dans des procédures judiciaires en cours ? Y a-t-il remise en cause du principe de séparation de l'Église et de l'État ?
Je ne sais comment vous accueillerez nos réponses, mais je suis sûr d'une chose : l'Église n'a pas pu, n'a pas su, n'a pas voulu - et je ne hiérarchise pas ces constats - traiter les causes d'un immense drame humain. En créant cette commission d'enquête, nous prendrons notre part dans la manifestation de la vérité, de manière sans doute imparfaite et incomplète, mais en responsabilité et en transparence. Vous y opposer serait fermer les yeux et les oreilles et transformer les témoignages que je viens d'évoquer en réalité d'aujourd'hui et de demain pour les enfants menacés.
Tel est le sens de la démarche que nous avons engagée et je souhaite, monsieur le président, eu égard à la sensibilité de ce dossier, que nous puissions nous déterminer à bulletin secret sur la recevabilité.