Intervention de Christophe-André Frassa

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 17 octobre 2018 à 9h05
Proposition de loi organique relative à la lutte contre la manipulation de l'information nouvelle lecture — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Christophe-André FrassaChristophe-André Frassa, rapporteur :

La présentation de mon rapport pour avis sur la proposition de loi et de mon rapport au fond sur la proposition de loi organique sera brève. Après l'échec sans surprise des commissions mixtes paritaires, l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, n'a pas changé grand-chose à ses rédactions de première lecture. Je rappelle que nous avions rejeté les deux textes en adoptant des questions préalables, à l'initiative respectivement de la commission de la culture et de notre commission.

Le texte des députés nous revient presque intact. Deux points seulement ont été modifiés. D'abord pour donner, de l'aveu même de la rapporteure de la commission des lois de l'Assemblée, « une portée plus opérationnelle » (sic) à la définition des fausses informations susceptibles de donner lieu à une procédure de référé. Celle-ci peut être engagée lorsque « des allégations ou imputations inexactes ou trompeuses d'un fait de nature à altérer la sincérité du scrutin à venir sont diffusées de manière délibérée, artificielle ou automatisée et massive par le biais d'un service de télécommunication publique en ligne ». Ensuite, pour créer une voie d'appel dans le cadre de la procédure de référé ad hoc instituée pour lutter contre les fausses informations : la cour d'appel se prononcerait dans les 48 heures suivant sa saisine.

Ce sont les deux seules novations. Je propose un rejet des textes, puisque les objections demeurent : risque d'atteintes aux droits et libertés constitutionnellement garantis et inefficacité du dispositif contre les vraies manipulations. Contrairement à ce que pense l'Assemblée nationale, je n'ignore pas l'existence des « usines à trolls » et des « fermes à clics » ; je sais que la désinformation numérique peut avoir des effets dommageables. Mais la précipitation et l'amateurisme ne sont pas de bonnes méthodes face à ces phénomènes. Nos collègues députés n'ont songé qu'en nouvelle lecture, et en séance publique, à créer une voie d'appel spécifique dans le cadre de la procédure de référé ad hoc qu'ils ont imaginée !

Je vous proposerai une fois encore d'adopter une question préalable sur la proposition de loi organique, car le Sénat est attaché aux libertés fondamentales.

Un nouveau ministre de la culture sera au banc du Gouvernement : il aura l'occasion de nous dire son sentiment, puisque comme député, il n'avait pas pris part au vote sur ces textes, et avait déclaré en substance à la radio en juin 2018 qu'ils n'étaient pas le moyen le plus approprié pour lutter contre les fake news.

Telle députée ne voit plus la différence entre des comptes twitter parodiques et la réalité des faits : elle en appelle à la censure des premiers au nom de la lutte contre les fausses informations. Je lui opposerai la pensée de Saint-Augustin : « Humanum fuit errare, diabolicum est per animositatem in errore manere. » Se tromper est humain, mais persévérer dans l'erreur par arrogance est diabolique.

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