Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous retrouver pour préparer un Conseil européen sur le Brexit qui commence dans quelques heures – raison pour laquelle, comme l’a rappelé Mme la présidente, je devrai vous quitter dès seize heures quinze – et se poursuivra par un Conseil européen classique, puis par une réunion zone euro en format élargi.
Le principal sujet est bien sûr celui du Brexit, sur lequel j’ai eu l’occasion de travailler hier, ainsi que sur d’autres dossiers, au conseil Affaires générales, à Luxembourg, en particulier en rencontrant Michel Barnier.
La semaine dernière, les négociateurs avaient recherché et cru trouver un équilibre sur l’accord de retrait et sur la difficulté principale qui se posait encore, à savoir le traitement de la frontière irlandaise.
Il s’agissait alors de maintenir le principe d’une solution de dernier recours, ce que l’on appelle le backstop, qui permette de s’assurer que, si aucune autre solution n’était trouvée, l’Irlande du Nord continuerait à avoir accès au marché unique pour tout ce qui relevait de la mise en œuvre de l’accord du Vendredi saint et s’alignerait d’un point de vue réglementaire sur l’Union européenne. Cette solution aurait été assortie de contrôles aussi facilités que possible entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord.
En parallèle, l’idée était d’exprimer la disposition des deux parties à négocier une union douanière en bonne et due forme entre l’Union européenne et l’ensemble du Royaume-Uni, limitée dans le temps et qui aurait pris effet après la période de transition. Bien sûr, cette union douanière aurait dû s’accompagner de mesures spécifiques pour s’assurer de conditions de concurrence équitables de part et d’autre de la Manche et de l’assurance d’un accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques.
Alors que, vendredi soir, l’accord paraissait atteint, dimanche, les négociateurs britanniques ont fait savoir qu’ils n’avaient pas de mandat politique pour poursuivre dans cette voie. À Londres, certains expriment aujourd’hui des difficultés à accepter le backstop ; la discussion se poursuit par ailleurs entre ceux qui sont favorables à une union douanière limitée dans le temps et ceux qui la refusent.
Mme May sera invitée à présenter son analyse tout à l’heure, puis les discussions se poursuivront à Vingt-Sept, comme à l’accoutumée, en présence de Michel Barnier, dont chacun s’accorde à reconnaître qu’il mène un travail exceptionnel.
Dans ces circonstances, nous demeurons confiants et déterminés. Ce type de rebondissements n’est pas surprenant dans une négociation aussi importante. Nous restons convaincus qu’un bon accord est encore possible, car c’est l’intérêt bien compris des deux parties.
Nous souhaitons donc que les négociations reprennent sur la base du travail technique accompli et que le Conseil européen puisse y revenir rapidement. Le temps presse : conclure un accord dans les prochaines semaines est indispensable, pour que celui-ci puisse être ratifié par le Parlement européen comme par la Chambre des communes. Cela suppose à mon sens que deux conditions soient réunies.
La première condition, c’est que, ce soir, à Bruxelles, Mme May fasse de nouveau le constat de l’unité des Européens sur les principes directeurs de la négociation, comme elle a eu à le faire à Salzbourg voilà quelques semaines.
Je rappelle ces principes directeurs : dans la relation future, il ne peut y avoir d’accès à la carte au marché unique, de concurrence faussée au détriment des entreprises européennes, d’accès privilégié pour les produits de la mer britanniques si les pêcheurs européens n’ont pas accès aux eaux britanniques, etc. Il faut aussi que Londres accepte toutes les conséquences de l’union douanière si elle prévoit d’y rester et renonce à passer des accords commerciaux en propre.
La seconde condition, c’est que nous soyons prêts pour tous les scénarios et pleinement convaincus qu’une absence d’accord demeure préférable à un mauvais accord, comme Mme May nous l’a répété depuis deux ans.
Le risque d’une absence d’accord n’étant pas négligeable, j’ai présenté avec Jean-Yves Le Drian, le 10 octobre dernier en conseil des ministres, un projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires en cas d’accord comme en cas d’absence d’accord.
Il est de notre responsabilité de nous y préparer. Ce projet de loi d’habilitation demeure général, car nous devrons, dans chaque domaine, nous adapter en fonction de l’évolution de la négociation, des mesures nationales qui seront prises par les Britanniques et de ce qui sera fait par l’Union européenne pour ce qui relève de sa compétence propre, ainsi que par nos partenaires européens.
Notre objectif est clair : il ne s’agit en aucun cas de « punir » le Royaume-Uni, qui serait de toute façon le grand perdant d’une absence d’accord, mais nous devons faire en sorte qu’un Brexit « sec » pèse le moins possible sur les citoyens de part et d’autre de la Manche et que nous puissions maintenir, autant que possible, la fluidité de nos échanges. Ce projet de loi sera examiné par le Sénat dès le 6 novembre prochain.
Au-delà du Brexit, le Conseil européen reviendra sur les questions migratoires. L’enjeu est la pleine mise en œuvre des conclusions du Conseil européen du mois de juin dernier, dans leurs trois dimensions.
Le premier volet est le renforcement de nos relations avec les pays d’origine, mais aussi de transit. L’Union européenne développe ses moyens, comme le fonds fiduciaire, et travaille avec les pays d’Afrique du Nord, pour aider ces derniers à mieux gérer les flux migratoires et à mieux poursuivre les trafiquants d’êtres humains.