La séance est ouverte à quatorze heures trente.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n’y a pas d’observation ?…
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.
J’informe le Sénat qu’une candidature pour siéger au sein de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes a été publiée.
Cette candidature sera ratifiée si la présidence n’a pas reçu d’opposition dans le délai d’une heure prévu par notre règlement.
Madame la présidente, ce rappel au règlement concerne l’organisation des débats préalables aux Conseils européens.
Auparavant, les interventions de Mme la ministre chargée des affaires européennes et des présidents de commission étaient suivies de celles des groupes politiques et d’un débat interactif d’une heure. Ce dispositif a été maintenu, à l’exception des interventions des groupes politiques, qui ont été supprimées, ce que les membres du groupe socialiste et républicain regrettent.
Le bureau de la commission des affaires européennes, qui s’est réuni voilà quelques jours, a, par la voix de différents sénateurs, demandé que soit rétablie l’intervention des groupes politiques. Il nous a été indiqué que cette nouvelle organisation était expérimentale.
Nous déplorons que cette expérimentation ait lieu l’année précédant le scrutin européen, lequel se déroulera au mois de mai prochain.
Le président du groupe socialiste et républicain, Patrick Kanner, a d’ailleurs saisi M. le président du Sénat par courrier. Nous souhaitons que la conférence des présidents puisse réexaminer ce mode d’organisation le plus vite possible – peut-être même dès ce soir. En effet, la liste des intervenants du débat organisé aujourd’hui fait apparaître – j’ai fait le compte – que trente-quatre minutes sont accordées à un groupe politique, alors que les autres n’ont rien, sinon dans le cadre des questions-réponses.
Certes, et c’est un aspect positif, une réplique de trente secondes est désormais prévue lors du débat interactif. Qui plus est, et c’est un autre aspect positif que nous souhaitons voir conserver, la nouvelle mouture prévoit une réponse conclusive du président de la commission des affaires européennes.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Je vous confirme que ce sujet sera abordé lors de la conférence des présidents de ce soir.
La parole est à M. Jean Louis Masson, pour un rappel au règlement.
Madame la présidente, comme vous le savez, la Constitution prévoit que la langue de la République est le français. Or la commission spéciale sur le Brexit chargée du projet de loi d’habilitation, dont je fais partie, a reçu des documents provenant de la Commission européenne et, semble-t-il, de M. Barnier, dont la moitié est en anglais. Voilà qui est doublement scandaleux !
Il est tout d’abord scandaleux que soient transmis au Parlement français des documents en anglais. C’est une honte !
Ensuite, je ne comprends pas que le gouvernement français et, surtout, les députés européens, pourtant toujours prêts à donner des leçons – du moins ceux qui sont en place pour encore neuf mois –, tolèrent que les documents ne soient pas tous traduits en français. Les traités prévoient pourtant l’obligation que le français soit sur un pied d’égalité avec les autres langues. C’est inadmissible !
Par ailleurs, le Président de la République a soutenu, pour le secrétariat général de l’Organisation internationale de la francophonie, l’OIF, une Rwandaise qui s’est vantée d’avoir fait détruire au bulldozer les locaux de l’Alliance française. Mais où va-t-on ? Que fait ce gouvernement ?
Au lieu de mettre des bâtons dans les roues aux Britanniques qui veulent sortir de l’Union européenne, le Gouvernement ferait mieux de commencer par demander que l’on défende la langue française.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Pierre Laurent, pour un rappel au règlement.
Madame la présidente, mon rappel au règlement va dans le même sens que celui de M. Simon Sutour. Nous considérons que la nouvelle organisation du débat sénatorial préalable au Conseil européen est une incongruité démocratique.
Auparavant, une discussion générale était prévue, au cours de laquelle tous les groupes politiques pouvaient s’exprimer. Avec ce nouveau mode d’organisation, le temps de parole de mon groupe passe de huit minutes à deux minutes trente et prend la forme d’une seule question. Ainsi, l’essentiel du temps de parole est réservé aux commissions et, surtout, au Gouvernement, alors qu’il s’agit d’un débat d’initiative parlementaire.
J’ajoute que le cadre de ces débats était déjà largement en deçà des exigences démocratiques et pluralistes d’une véritable implication des parlements nationaux dans le débat européen. Or chacun sait que le fossé démocratique qui s’est créé entre les parlements nationaux, les citoyens de chaque pays et les institutions européennes participe de la crise que traverse actuellement l’Union européenne.
C’est pourquoi, à l’orée de la campagne des élections européennes et dans un moment où l’Union européenne est confrontée à des problèmes majeurs comme le Brexit, l’accueil des migrants et bien d’autres problèmes qui sont fondamentaux et existentiels pour l’Union européenne et pour les nations qui la composent, nous jugeons incompréhensible l’organisation qui a été retenue.
La leçon a été tirée pour les débats dits « de contrôle », puisque nous sommes en train de revenir à une forme de débat plus classique. Nous demandons de la même façon que soit revue cette nouvelle organisation et que l’on en revienne à un débat permettant à tout le monde de s’exprimer de manière plus longue et plus démocratique.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
Mes chers collègues, vous êtes encore quelques-uns à vouloir prendre la parole pour un rappel au règlement. Or il faut que nous puissions rapidement passer au débat et le mener à bien dans de bonnes conditions, car Mme la ministre chargée des affaires européennes doit ensuite rejoindre le Président de la République pour le Conseil européen.
La parole est à M. Philippe Bonnecarrère, pour un rappel au règlement.
Madame la présidente, très sereinement et très paisiblement, le groupe Union Centriste souhaite joindre sa voix aux demandes qui se sont exprimées pour revenir à une discussion générale permettant l’intervention des groupes politiques, et ce pour deux raisons.
D’une part, le nouveau format qui nous est proposé est fondé sur les dispositions applicables en matière de contrôle de l’action du Gouvernement.
Or, pour un débat préalable à un Conseil européen, ce n’est pas du tout cette logique qui doit prévaloir ; il s’agit au contraire d’une mise en perspective : avant le Conseil européen – nous mesurons bien l’importance de celui de ce soir, madame la ministre –, le Parlement peut donner sa vision des choses et son opinion. Par conséquent, il est important de revenir à une discussion générale et à une expression des groupes politiques.
D’autre part – c’est une raison de fond –, le temps de l’Europe est un temps long, qui nécessite un temps d’explication.
Le jeu des questions-réponses est bien sûr très intéressant, mais il conduit à une forme de technicisation de la discussion, si vous me permettez cette formule un peu technocratique. Ce qui est intéressant, c’est de pouvoir donner un souffle au débat et de permettre à chacun des mouvements politiques et à toutes les visions politiques qui existent et qui sont particulièrement marquées sur les questions européennes de s’exprimer pleinement. Or, quelles que soient votre courtoisie et la qualité de vos réponses, madame la ministre chargée des affaires européennes, le jeu des questions-réponses ne le permet pas.
C’est pourquoi nous espérons que les groupes politiques pourront, sous contrôle du bureau du Sénat et de la conférence des présidents, retrouver un rythme permettant une expression politique complète sur les questions européennes dont chacun mesure le caractère stratégique.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à M. André Gattolin, pour un rappel au règlement.
Madame la présidente, le groupe La République En Marche du Sénat s’associe à ces différents rappels au règlement concernant l’organisation de ce débat.
Philippe Bonnecarrère l’a très bien expliqué : il ne s’agit pas d’un débat de contrôle ; ce moment s’apparente plutôt à une procédure qui existe au sein de la commission des affaires européennes, au regard des droits que lui confèrent non seulement le traité de Lisbonne, mais aussi la réforme du traité constitutionnel européen, et qui consiste à donner un avis politique. C’est aussi une manière de soutenir ou d’accompagner le Gouvernement par des demandes émanant de la représentation nationale.
La nouvelle organisation de ce débat, qui ne garantit pas un véritable pluralisme d’expression des familles politiques, dans une enceinte dont c’est pourtant la mission même, et ce à quelques mois des élections européennes, nous paraît assez inopportune, je dirais même inconvenant d’un point de vue politique.
C’est pourquoi nous espérons et nous souhaitons ardemment que la conférence des présidents qui se tient ce soir revienne sur cette expérimentation, dont il aurait peut-être fallu examiner plus attentivement les modalités avant de la lancer, surtout dans ce contexte.
Acte vous est donné de votre rappel au règlement, mon cher collègue.
La parole est à Mme Colette Mélot, pour un rappel au règlement.
Madame la présidente, je ne puis que m’associer, au nom de mon groupe, aux propos qui viennent d’être tenus.
L’ordre du jour appelle le débat préalable à la réunion du Conseil européen du 18 octobre 2018.
Dans le débat, la parole est à Mme la ministre.
Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires étrangères, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse de vous retrouver pour préparer un Conseil européen sur le Brexit qui commence dans quelques heures – raison pour laquelle, comme l’a rappelé Mme la présidente, je devrai vous quitter dès seize heures quinze – et se poursuivra par un Conseil européen classique, puis par une réunion zone euro en format élargi.
Le principal sujet est bien sûr celui du Brexit, sur lequel j’ai eu l’occasion de travailler hier, ainsi que sur d’autres dossiers, au conseil Affaires générales, à Luxembourg, en particulier en rencontrant Michel Barnier.
La semaine dernière, les négociateurs avaient recherché et cru trouver un équilibre sur l’accord de retrait et sur la difficulté principale qui se posait encore, à savoir le traitement de la frontière irlandaise.
Il s’agissait alors de maintenir le principe d’une solution de dernier recours, ce que l’on appelle le backstop, qui permette de s’assurer que, si aucune autre solution n’était trouvée, l’Irlande du Nord continuerait à avoir accès au marché unique pour tout ce qui relevait de la mise en œuvre de l’accord du Vendredi saint et s’alignerait d’un point de vue réglementaire sur l’Union européenne. Cette solution aurait été assortie de contrôles aussi facilités que possible entre la Grande-Bretagne et l’Irlande du Nord.
En parallèle, l’idée était d’exprimer la disposition des deux parties à négocier une union douanière en bonne et due forme entre l’Union européenne et l’ensemble du Royaume-Uni, limitée dans le temps et qui aurait pris effet après la période de transition. Bien sûr, cette union douanière aurait dû s’accompagner de mesures spécifiques pour s’assurer de conditions de concurrence équitables de part et d’autre de la Manche et de l’assurance d’un accès des pêcheurs européens aux eaux britanniques.
Alors que, vendredi soir, l’accord paraissait atteint, dimanche, les négociateurs britanniques ont fait savoir qu’ils n’avaient pas de mandat politique pour poursuivre dans cette voie. À Londres, certains expriment aujourd’hui des difficultés à accepter le backstop ; la discussion se poursuit par ailleurs entre ceux qui sont favorables à une union douanière limitée dans le temps et ceux qui la refusent.
Mme May sera invitée à présenter son analyse tout à l’heure, puis les discussions se poursuivront à Vingt-Sept, comme à l’accoutumée, en présence de Michel Barnier, dont chacun s’accorde à reconnaître qu’il mène un travail exceptionnel.
Dans ces circonstances, nous demeurons confiants et déterminés. Ce type de rebondissements n’est pas surprenant dans une négociation aussi importante. Nous restons convaincus qu’un bon accord est encore possible, car c’est l’intérêt bien compris des deux parties.
Nous souhaitons donc que les négociations reprennent sur la base du travail technique accompli et que le Conseil européen puisse y revenir rapidement. Le temps presse : conclure un accord dans les prochaines semaines est indispensable, pour que celui-ci puisse être ratifié par le Parlement européen comme par la Chambre des communes. Cela suppose à mon sens que deux conditions soient réunies.
La première condition, c’est que, ce soir, à Bruxelles, Mme May fasse de nouveau le constat de l’unité des Européens sur les principes directeurs de la négociation, comme elle a eu à le faire à Salzbourg voilà quelques semaines.
Je rappelle ces principes directeurs : dans la relation future, il ne peut y avoir d’accès à la carte au marché unique, de concurrence faussée au détriment des entreprises européennes, d’accès privilégié pour les produits de la mer britanniques si les pêcheurs européens n’ont pas accès aux eaux britanniques, etc. Il faut aussi que Londres accepte toutes les conséquences de l’union douanière si elle prévoit d’y rester et renonce à passer des accords commerciaux en propre.
La seconde condition, c’est que nous soyons prêts pour tous les scénarios et pleinement convaincus qu’une absence d’accord demeure préférable à un mauvais accord, comme Mme May nous l’a répété depuis deux ans.
Le risque d’une absence d’accord n’étant pas négligeable, j’ai présenté avec Jean-Yves Le Drian, le 10 octobre dernier en conseil des ministres, un projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnances les mesures nécessaires en cas d’accord comme en cas d’absence d’accord.
Il est de notre responsabilité de nous y préparer. Ce projet de loi d’habilitation demeure général, car nous devrons, dans chaque domaine, nous adapter en fonction de l’évolution de la négociation, des mesures nationales qui seront prises par les Britanniques et de ce qui sera fait par l’Union européenne pour ce qui relève de sa compétence propre, ainsi que par nos partenaires européens.
Notre objectif est clair : il ne s’agit en aucun cas de « punir » le Royaume-Uni, qui serait de toute façon le grand perdant d’une absence d’accord, mais nous devons faire en sorte qu’un Brexit « sec » pèse le moins possible sur les citoyens de part et d’autre de la Manche et que nous puissions maintenir, autant que possible, la fluidité de nos échanges. Ce projet de loi sera examiné par le Sénat dès le 6 novembre prochain.
Au-delà du Brexit, le Conseil européen reviendra sur les questions migratoires. L’enjeu est la pleine mise en œuvre des conclusions du Conseil européen du mois de juin dernier, dans leurs trois dimensions.
Le premier volet est le renforcement de nos relations avec les pays d’origine, mais aussi de transit. L’Union européenne développe ses moyens, comme le fonds fiduciaire, et travaille avec les pays d’Afrique du Nord, pour aider ces derniers à mieux gérer les flux migratoires et à mieux poursuivre les trafiquants d’êtres humains.
Par ailleurs, la Commission européenne défend un projet nouveau, que nous soutenons, celui d’une alliance Afrique-Europe, pour des investissements et des emplois durables.
Le deuxième volet est un meilleur contrôle de nos frontières extérieures, ce qui passe par une forte montée en puissance de FRONTEX, comme le propose la Commission européenne et comme nous sommes en train d’y travailler.
Le troisième axe, c’est l’amélioration de nos règles internes, d’abord pour gérer les débarquements. Nous trouvons toujours une solution, comme cela a été le cas tout au long de l’été, et la France prend toujours sa part, mais nous avons collectivement besoin d’un mécanisme européen stable, qui aille au-delà du cas par cas, même si les discussions sont difficiles avec nos partenaires italiens. Nous sommes convaincus qu’une solution durable passe par la mise en place de centres contrôlés en Europe pour assurer une gestion pleinement européenne et solidaire des débarquements depuis le quai.
Au-delà, nous devons poursuivre les négociations sur la révision du mécanisme de Dublin et celle de la directive Retour.
J’en viens à la sécurité intérieure. Le contexte est particulièrement sensible après l’affaire Skripal et la récente cyberattaque menée contre l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques aux Pays-Bas, dont tout laisse à penser que la Russie et responsable.
En matière de lutte contre le terrorisme, nous souhaitons que le Conseil européen donne une nouvelle impulsion politique, afin que les propositions de la Commission européenne soient adoptées, notamment avant la fin de la législature, pour le retrait automatique et immédiat des contenus terroristes en ligne. Nous sommes également favorables à l’attribution au futur parquet européen de compétences antiterroristes. Par ailleurs, la lutte contre la désinformation devrait être au cœur des échanges du Conseil européen, notamment dans le contexte de la préparation des échéances électorales européennes.
Les chefs d’État et de gouvernement se réuniront lors du déjeuner du 18 octobre, en format zone euro dit « élargi ». Il est essentiel de renforcer la mobilisation de nos partenaires, car c’est en période calme, comme nous en traversons une aujourd’hui, qu’il faut mener les réformes qui nous permettront de gérer les crises de demain.
Notre objectif est de préparer les décisions que nous espérons voir prises par le sommet de la zone euro au mois de décembre prochain, à dix-neuf, sur la base de l’accord franco-allemand de Meseberg. Cela concerne à la fois l’Union bancaire, la réforme du Mécanisme européen de stabilité et la mise en place d’un filet de sécurité du Fonds de résolution unique, mais aussi la création d’un budget de la zone euro pour la convergence et la stabilisation.
Enfin, nous souhaitons que le Conseil européen aborde les enjeux climatiques, après le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC.
Nous nous sommes mis d’accord avec la Pologne pour que le Conseil européen exprime l’importance d’une très forte mobilisation de l’Union européenne lors de la COP24, à Katowice, au mois de décembre prochain, qui sera un rendez-vous crucial pour garantir l’efficacité de notre action climatique globale.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.
La parole est à M. le président de la commission des affaires étrangères.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l’Europe traverse une période de grande difficulté. Si nous voulions en prendre la mesure, l’ordre du jour du Conseil européen auquel vous allez assister, madame la ministre, en est une preuve supplémentaire. Ce Conseil européen devait presque revêtir un caractère historique ; il y a malheureusement peu de chances qu’il en soit ainsi.
Je me concentrerai sur deux des sujets que vous avez abordés, madame la ministre, les migrations et le Brexit.
La question migratoire, tout d’abord, n’en finit plus de déchirer l’Europe. C’est une onde de choc aux conséquences majeures, qui se fait sentir, scrutin après scrutin, du référendum sur le Brexit aux élections en Italie, en Suède et en Allemagne.
L’Union européenne se doit de réagir. C’est un sujet majeur pour les Européens, qui demandent légitimement une meilleure maîtrise de ces flux. Les choses bougent ! Lentement, certes, mais elles bougent : le renforcement la protection des frontières de l’Union européenne est en marche. Des avancées réelles ont été réalisées depuis trois ans, il faut en convenir : renforcement de FRONTEX, durcissement des contrôles aux frontières extérieures, coopération avec les pays tiers… Le nombre d’arrivées sur le sol européen a ainsi été réduit de 95 % par rapport au pic atteint au mois d’octobre 2015.
Pour autant, rien n’est réglé.
D’une part, sous l’action des trafiquants, les réseaux et les routes se recomposent sans cesse. Les derniers chiffres montrent ainsi une densification des arrivées par la Méditerranée occidentale, mais aussi une reprise des traversées en Méditerranée orientale. Est-ce l’effet d’un relâchement de la surveillance turque ?
D’autre part, un nombre important de candidats au départ dans les pays sources – particulièrement en Afrique – a l’Europe en ligne de mire. Or, faut-il le rappeler, le continent africain devrait voir sa population passer à 2, 4 milliards d’habitants d’ici à 2050.
La lucidité et le courage politique nous obligent à dire que le problème de la migration économique et climatique est devant nous, et non derrière nous.
La priorité est donc de consolider notre maîtrise des flux. Cela nécessite une action résolue, dans plusieurs directions.
Tout d’abord, il faut renforcer la coopération avec les pays de transit du voisinage de l’Europe, ceux de la rive sud de la Méditerranée, pour renforcer leurs frontières. Ce ne sera ni facile ni gratuit, mais il faut poursuivre dans cette voie, qui est efficace : la coopération avec le Maroc est à ce titre exemplaire.
C’est en coopérant avec les partenaires du voisinage que l’on trouvera des solutions pour mettre fin à la situation inextricable des migrants qui errent en mer, où, malheureusement, un grand nombre perd la vie. N’allons pas croire que nous pourrons leur imposer des « plateformes de débarquement » dont ils ne veulent pas : c’est une vue de l’esprit, la réponse des pays concernés est bien claire à ce sujet.
Dans le même temps, il est nécessaire de poursuivre et d’amplifier notre action en direction des pays sources par l’aide au développement, principalement en matière de maîtrise de leur démographie, mais aussi de la lutte contre les filières d’immigration clandestine. Lorsqu’il y a une volonté, il y a des résultats : l’engagement du Niger, jadis plateforme de tous les trafics, est exemplaire à cet égard.
Enfin, un effort significatif doit être fait pour améliorer l’efficacité des politiques d’éloignement des migrants irréguliers. Il y va de la crédibilité de notre politique migratoire.
Or, ayons le courage de le dire, nos résultats dans ce domaine ne sont pas encore à la hauteur. Au lieu de progresser, le taux de retour à l’échelle européenne a diminué de 46 % à 36 % en une année. Il est temps de prendre le taureau par les cornes et d’utiliser tous les leviers dont nous disposons pour faire aboutir les opérations de réadmission.
Dans ce domaine, nous ne sommes pas totalement dépourvus. Sachons donc être fermes dans notre dialogue – je pense particulièrement aux visas et à l’aide au développement. Des résultats sont possibles pour peu que l’on se mobilise. Madame la ministre, est-ce bien la conviction du Gouvernement ? Est-ce bien sa ligne de direction ?
J’en viens maintenant au Brexit, que vous avez évoqué il y a un instant. Je veux saluer tout d’abord l’engagement du Sénat, en particulier du groupe de suivi que je préside, avec Jean Bizet, et qui, au travers des auditions qu’il a menées, a apporté une réflexion véritablement utile et intéressante au regard de la situation actuelle.
Les Européens ont su rester unis au cours des derniers mois. Derrière cette question, vous le savez, mes chers collègues, c’est l’avenir même de l’Union européenne qui est en jeu. Pour la première fois, nous sommes à la veille d’un rétrécissement, d’un amoindrissement de notre projet collectif. Quel non-sens géostratégique !
Si la négociation en cours a su préserver notre unité, nous le devons pour beaucoup à notre négociateur Michel Barnier, que je salue également. Chacun a compris en effet que le Brexit ne remettait pas seulement en cause une idée, une histoire ou des principes, et qu’il aurait aussi un impact négatif concret et palpable pour nous tous Européens.
Concernant le nœud gordien irlandais, la seule proposition acceptable est aujourd’hui celle du filet de sécurité, ou backstop, que vous venez d’évoquer, soit la création d’une zone réglementaire et douanière commune entre l’Union et l’Irlande du Nord. Il ne s’agit bien évidemment ni d’annexer ni de réunifier l’Irlande, comme nous l’entendons caricaturer parfois. Nous le savons, ni la réunification ni la réapparition d’une frontière dure ne sont pour l’instant des options possibles.
Il nous reste donc à mobiliser toutes nos forces pour convaincre nos amis britanniques qu’une solution ad hoc est la seule possible. Cette solution doit être flexible, tenir compte de la géographie, de l’histoire et de notre proximité avec le Royaume-Uni. Je veux redire à nos amis irlandais, que nous avons rencontrés avant l’été, que nous serons avec eux dans cette négociation, car nous n’oublions pas qu’ils ont su se montrer solidaires du pack des vingt-sept États membres.
Le Sénat alerte depuis de longs mois sur les effets désastreux d’un no deal. Imagine-t-on une obligation de visa pour les ressortissants de l’Union européenne au Royaume-Uni ou les Britanniques dans l’Union européenne ? Quels droits sociaux, quels accès aux professions après le Brexit ? Les associations de citoyens ne cessent de nous alerter.
Nous avions proposé en juillet dernier avec Jean Bizet qu’un protocole séparé soit établi sur cette question, afin qu’elle puisse être réglée quoi qu’il advienne et que les citoyens ne deviennent pas un objet de marchandage.
Imagine-t-on, mes chers collègues, l’impact sur les transports aériens, maritimes, ferroviaires et routiers du contrôle sur les marchandises et sur les passagers qu’entraînerait ce no deal ?
Les ports français sont en première ligne. On vient de calculer que les investissements à réaliser s’élèveraient par exemple à 25 millions d’euros pour le seul port de Dunkerque. À Douvres, on estime qu’un allongement de deux minutes du délai de passage des camions pourrait déclencher un embouteillage de près de trente kilomètres. Si l’on ne considère que le trafic automobile, ce sont 1 100 camions qui traversent chaque jour la Manche de l’Union européenne vers le Royaume-Uni. Je vous laisse réfléchir aux conséquences que tout cela aurait.
En cas de no deal, des droits de douane s’appliqueraient immédiatement. Ils seraient par exemple de 4 % sur les pièces de voitures. Le secteur de l’automobile serait en très grande difficulté en Europe, et les consommateurs britanniques seraient frappés de plein fouet.
Au total, l’impact économique pourrait s’élever chaque année à 16 milliards d’euros pour les Britanniques, et à 44 milliards d’euros pour les Vingt-Sept, avec évidemment de nombreuses pertes d’emplois à la clé.
Madame la ministre, la France est-elle vraiment prête à un no deal ? Nous en doutons parfois, ne disposant toujours pas du contenu des ordonnances, qui ne sont pas prêtes. Le Sénat a mis en place une commission spéciale chargée d’examiner le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne, mais il faut maintenant que nous puissions connaître les textes.
Le temps presse, et nous serons très attentifs à ce que rien d’essentiel ne soit sacrifié dans le dernier tournant de la négociation et à ce que les mesures qui s’imposent soient prises dans les mois prochains.
Madame la ministre, avant votre départ pour ce Conseil européen, nous vous souhaitons bon courage.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Simon Sutour applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les présidents, mes chers collègues, si les questions migratoires et de sécurité intérieure occupent la majeure partie des points à l’ordre du jour du Conseil européen, celui-ci est avant tout décisif pour la poursuite des négociations relatives au Brexit. Il sera également l’occasion de réunir un sommet de la zone euro dans une configuration ouverte à l’ensemble des États membres.
Ces deux points sont des sujets capitaux pour la commission des finances.
Premièrement, alors que l’automne de 2018 avait toujours été présenté comme la date butoir pour parvenir à un accord sur le retrait britannique, ce Conseil européen s’ouvre malheureusement sur l’échec des négociations.
La rencontre de dimanche dernier entre le négociateur en chef pour l’Union européenne, Michel Barnier, et le ministre britannique chargé du Brexit, Dominic Raab, n’a pas permis une percée suffisante des négociations. La question persistante de la frontière irlandaise empêche la conclusion d’un accord, alors même que la Première ministre, Theresa May, apparaît contestée au sein de sa propre formation politique.
Un accord pourrait certes encore être conclu, mais le calendrier presse en raison des délais de ratification. Or la sécurisation rapide de nos relations futures avec le Royaume-Uni est d’une importance capitale pour notre économie et notre secteur financier.
Le Conseil européen de mars dernier a confirmé l’inclusion des services financiers dans le futur accord de libre-échange. Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a déjà évoqué par le passé la mobilisation des régimes d’équivalence existants.
Comme le rapporteur général de notre commission, Albéric de Montgolfier, l’a rappelé à plusieurs reprises dans le cadre de nos travaux sur la compétitivité des places financières, nous avons estimé qu’il était nécessaire de renforcer l’exigence des régimes d’équivalence.
Madame la ministre, pourriez-vous faire le point sur l’avancée des discussions relatives aux services financiers dans le cadre du Brexit ? Plus largement, quels leviers comptez-vous mobiliser à court terme pour assurer la compétitivité de la place financière de Paris ?
Plus le blocage des négociations perdure, plus la perspective d’un retrait sans accord devient réaliste. À ce titre, je tiens à souligner l’union sans faille des vingt-sept États membres, qui, depuis le début des négociations, sont parvenus à s’exprimer d’une seule voix pour défendre l’intégrité du marché unique.
Les institutions européennes, tout comme le gouvernement français, doivent se préparer à l’éventualité d’un échec des négociations. C’est chose faite pour la France, avec le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Ce projet de loi d’habilitation contient des dispositions relatives à la continuité de l’utilisation des conventions-cadres en matière de services financiers, indispensables pour la sécurisation de l’exécution de contrats conclus avant la perte du passeport européen par les établissements financiers britanniques.
Madame la ministre, le Conseil d’État a émis des réserves sur ce projet de loi et rappelé la nécessité d’indiquer au Parlement le champ de l’habilitation avec précision. Pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse à ce sujet ?
J’en viens à présent au sommet de la zone euro, qui traitera, une nouvelle fois, de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire.
Après la publication de la feuille de route franco-allemande, le sommet de la zone euro de juin dernier n’avait malheureusement pas tenu toutes ses promesses. Par conséquent, la gouvernance du Mécanisme européen de stabilité, destiné à servir de filet de sécurité au Fonds de résolution unique, ne sera discutée qu’au Conseil européen de décembre, en raison de la persistance de blocages entre les États membres.
Pourtant, le renforcement de l’union économique et monétaire est une priorité pour assurer la stabilité de l’Union européenne. Si le Fonds monétaire international, ou FMI, a relevé en avril dernier les prévisions de croissance de la zone euro pour 2018, il a aussi alerté sur les perspectives de long terme, ce qui nous oblige à « réparer le toit de l’Europe tant qu’il fait beau », selon les termes de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.
À ce titre, l’achèvement de l’union bancaire, annoncée depuis de longs mois, doit enfin être concrétisé. La réduction et le partage des risques vont de pair. L’augmentation du ratio de fonds propres des banques et la réduction du taux de prêts non performants au sein de la zone euro témoignent des progrès accomplis pour stabiliser notre système financier. Toutefois, il nous faudra rester vigilants en matière de créances douteuses, notamment dans les bilans des banques italiennes ou chypriotes.
De plus, comme l’a indiqué la commission des finances dans une proposition de résolution européenne adoptée il y a bientôt deux ans, la mise en place du système européen de garantie des dépôts ne doit pas se traduire par un effort contributif des banques françaises qui pèserait sur leur compétitivité.
Voici, madame la ministre, les deux observations que je souhaitais formuler sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et sur l’union bancaire. Dans quelle mesure, selon vous, le Conseil européen de décembre permettra-t-il de parvenir à un accord et de finaliser rapidement ces réformes ?
Enfin, je souhaiterais mentionner les défis à venir pour le budget européen. Alors que le commissaire européen au budget et aux ressources humaines, M. Oettinger, a appelé les États membres à faire du prochain cadre financier pluriannuel une priorité pour le Conseil européen de décembre, nous pouvons légitimement nous demander pourquoi ce point n’est pas inscrit à l’ordre du jour de demain.
La suppression de la contribution britannique au budget de l’Union européenne, ainsi que les désaccords affichés entre les États membres sur les priorités politiques à financer pour la période 2021-2027 font peser des incertitudes sur les orientations budgétaires de l’Union.
Comme l’a souligné notre rapporteur spécial Patrice Joly dans ses travaux de contrôle consacrés au cadre financier pluriannuel, l’Union doit se doter de moyens budgétaires à la hauteur de ses ambitions. Il nous faut être vigilants pour que les nouvelles priorités de l’Union européenne ne conduisent pas à remettre en cause la politique agricole commune, ou PAC, et la politique de cohésion.
Madame la ministre, pourriez-vous nous présenter un état des lieux des négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel ? Alors que l’examen du projet de loi de finances pour 2019 commencera prochainement, pouvez-vous nous indiquer les perspectives d’évolution de la contribution de la France au budget de l’Union européenne d’ici à 2027 ?
Par ailleurs, les propositions de la Commission européenne en matière de ressources pour le prochain cadre financier pluriannuel n’ont pas retenu la taxation des entreprises du secteur numérique, alors même que celle-ci pourrait constituer une ressource budgétaire pérenne pour l’Union.
Madame la ministre, la France a été un moteur dans l’élaboration de cette proposition de la Commission européenne. Êtes-vous optimiste quant à son adoption prochaine ? De quels leviers disposons-nous pour convaincre nos partenaires européens sur ce sujet ?
Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et républicain, du groupe La République En Marche et du groupe Union Centriste. – M. Bruno Sido applaudit également.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Anne-Catherine Loisier applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les présidents, mes chers collègues, ce Conseil européen va se réunir autour de trois questions majeures : le Brexit, la crise migratoire et la sécurité intérieure. Ces trois questions portent la marque de l’ampleur des défis que l’Europe doit relever.
En premier lieu sera discuté le Brexit. C’est l’occasion pour moi de rendre une nouvelle fois hommage au travail inlassable du négociateur en chef de l’Union, notre compatriote Michel Barnier. Malheureusement, en dépit de progrès réels, la conclusion d’un accord de retrait semble toujours buter sur le problème de l’Irlande.
Au travers de son groupe de suivi commun aux commissions des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et des affaires européennes, le Sénat a toujours plaidé pour un retrait ordonné du Royaume-Uni. Il a souhaité qu’une relation étroite puisse être maintenue avec ce grand pays.
Le Sénat a aussi lucidement identifié les priorités que l’Union européenne devait impérativement défendre dans la négociation, à savoir le caractère indissociable des quatre libertés de circulation – des biens, des personnes, des capitaux et des services. Celles-ci sont la contrepartie de l’accès au marché intérieur, un marché unique – on ne le répétera jamais assez –, qui est devenu au fil des ans le premier marché économique mondial.
Il ne saurait être envisagé de contourner l’indissociabilité des quatre libertés en segmentant par secteur l’accès au marché unique, tant dans l’accord de retrait que dans un accord fixant le cadre des relations futures entre l’Union européenne et le Royaume-Uni. Les « difficultés » de l’heure démontrent précisément que nos amis d’outre-Manche n’ont pas tout à fait observé cette indissociabilité.
Le groupe de suivi avait aussi clairement indiqué que le Royaume-Uni ne pouvait avoir une position plus favorable en dehors de l’Union que dedans.
En juillet dernier, nous avons tiré la sonnette d’alarme. Le groupe de suivi a pointé le risque de ne pas arriver à conclure dans les temps un accord de sortie ordonnée du Royaume-Uni de l’Union. Faute d’une position de négociation britannique crédible, nous avions fait valoir que l’Union européenne pouvait se retrouver le dos au mur. En particulier, le plan de Chequers s’apparente à un marché unique à la carte, inacceptable pour l’Union.
Malheureusement, notre analyse lucide semble se concrétiser. Le risque pour l’Union est bien que celle-ci se retrouve confrontée au choix entre un no deal et une remise en cause inacceptable de ses lignes rouges, au premier rang desquelles – j’y insiste –, l’intégrité du marché unique.
L’Irlande apparaît toujours comme le nœud gordien de l’accord de sortie. Faute de solution de rechange sérieuse de la part du Royaume-Uni, le filet de sécurité proposé par l’Union semble la solution la plus crédible pour éviter un retour à une frontière physique entre les deux Irlande. La commission spéciale du Sénat examinera avec vigilance et responsabilité le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour faire face à la situation qui résultera des négociations.
Je m’associe aux propos du président Cambon concernant l’attitude de nos amis irlandais, qui nous manifestent une grande fidélité et nourrissent de grandes attentes vis-à-vis de la position de la France. Je crois que nous ne les décevrons pas.
Le dossier migratoire est un autre sujet particulièrement difficile. Nos collègues Jean-Yves Leconte, Olivier Henno et André Reichardt présenteront demain à la commission des affaires européennes un rapport d’information sur l’espace Schengen. Leur rapport nourrira le débat de contrôle qui aura lieu le 30 octobre prochain, à la demande de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées et de la commission des affaires européennes.
Ce dossier est au cœur des réactions de nos opinions publiques. Il nourrit les populismes et témoigne malheureusement de la difficulté pour l’Union d’apporter des réponses rapides et coordonnées, alors même que des intérêts essentiels sont en cause.
L’Europe est attendue sur sa capacité à protéger ses frontières. Faute d’y parvenir, elle s’expose à de grands risques, qui pourraient se manifester dès les prochaines élections européennes. Certes, les flux ont sensiblement baissé par rapport au pic de 2015, mais on ne peut qu’être frappé par la lenteur du processus de décision. L’Europe s’inscrit dans le temps long des alliances, des accords, des compromis, ce qui, sur ce sujet, est extrêmement difficile.
Quand les 10 000 gardes-frontières supplémentaires seront-ils opérationnels ? Nous vous posons la question, madame la ministre. Où en est-on concrètement du projet de centres européens contrôlés et des plateformes de débarquement dans des pays tiers ? Peut-on espérer des progrès dans la réforme du système européen d’asile, qui est enlisée ?
Redisons-le : l’Europe ne peut être plus longtemps l’otage de réseaux criminels. Le secours en mer, qui constitue malheureusement un autre aspect de ce sujet, est une exigence humanitaire incontournable et un devoir au regard du droit international, mais l’Union européenne doit aussi agir contre les réseaux de passeurs.
Nous devons souligner une nouvelle fois l’urgence de partenariats ambitieux entre les pays d’origine et de transit dans l’esprit du sommet de La Valette. Soyons créatifs au travers de nouveaux mécanismes, à l’image du plan Juncker d’investissements pour l’Europe. En retour, l’Europe doit pouvoir compter sur la coopération active de ces pays en matière de réadmission.
C’est un autre sujet, qui sera abordé à un autre moment, mais la politique africaine de l’Union est en cours de réflexion et d’élaboration. Nous devons anticiper les flux migratoires qui risquent, demain, d’emporter l’Union. Comme l’a souligné le président Cambon, le continent africain pourrait voir sa population passer à 2, 5 milliards d’habitants en seulement trente ans…
La sécurité intérieure est un autre domaine où la plus-value européenne doit se manifester. Nous l’avons dit au Sénat après les attaques terroristes qui ont frappé la France. Face à des menaces de plus en plus hybrides, la réponse européenne doit d’abord être opérationnelle et intégrer les nouveaux défis, comme la cybersécurité. Il est crucial de renforcer l’échange d’informations et d’assurer l’interopérabilité des systèmes d’information.
Peut-on admettre plus longtemps que 85 % des données d’Europol proviennent de cinq pays, dont la France ? Europol doit jouer tout son rôle pour promouvoir la coopération policière européenne. De même, nous appuyons pleinement l’initiative de la Commission européenne tendant à étendre les compétences du parquet européen aux crimes terroristes à dimension transfrontalière.
Madame la ministre, tous mes vœux vous accompagnent pour ce difficile dîner de conciliation avec le Premier ministre Theresa May. Je pense que vous aurez le souci de protéger le marché unique européen, qui reste le premier marché économique mondial.
Applaudissements sur les travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. Simon Sutour applaudit également.
Nous allons maintenant procéder au débat interactif, dont la durée a été fixée à une heure par la conférence des présidents.
Je vous rappelle que chaque sénateur peut intervenir pour deux minutes maximum. S’ils sont sollicités, la commission des affaires européennes ou le Gouvernement pourront répondre pour deux minutes également.
Dans le cas où l’auteur de la question souhaite répliquer, il dispose de trente secondes supplémentaires, à la condition que le temps initial de deux minutes n’ait pas été dépassé.
Dans le débat interactif, la parole est à Mme Colette Mélot.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, dans son invitation adressée au chef d’État, le président du Conseil européen, Donald Tusk, a affirmé que l’absence d’accord était un scénario plus probable que jamais.
La question de la frontière entre l’Irlande et l’Irlande du Nord est bien entendu le point le plus délicat des négociations. En mars dernier, l’Union européenne et le Royaume-Uni s’étaient mis d’accord pour inclure dans l’accord une clause de sauvegarde, sorte de filet de sécurité pour garantir qu’aucune frontière ne soit réintroduite entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande.
Nous sommes favorables à cette option. D’une part, la restauration d’une frontière remettrait en question l’accord de paix du Vendredi saint de 1998, ce qui représente une menace pour la paix en Europe. D’autre part, elle compliquerait la vie des 30 millions d’Irlandais qui traversent la frontière chaque jour.
Nous souhaitons un mécanisme de contrôle administratif souple et non intrusif centré sur les marchandises. Ces contrôles pourraient être exercés loin de la frontière, dans les entrepôts ou en mer. Des solutions technologiques existent pour rendre ces contrôles légers, mais efficaces, et il serait souhaitable d’élargir ce type de contrôle souple, pour ne pas léser les entreprises. J’ai cru comprendre que des pays voisins et amis s’y prépareraient.
Ma question est donc la suivante, madame la ministre : quelle position le gouvernement français défendra-t-il dans les négociations relatives à l’Irlande du Nord ? La France est souvent présentée comme la voix la plus dure de ces négociations. Comment espérons-nous fédérer autour d’un compromis ?
Madame la présidente, mesdames et messieurs les sénateurs, madame Mélot, la position de la France, qui est aussi celle des Vingt-Sept, est portée par Michel Barnier, qui a reçu mandat des chefs d’États et de gouvernements pour négocier avec le Royaume-Uni.
Sur la question précise de la frontière irlandaise, nous souhaitons évidemment éviter une frontière dure – nous nous y sommes engagés – et, pour autant, nous protégeons l’intégrité du marché intérieur, puisque la frontière entre l’Irlande du Nord et la République d’Irlande est la seule frontière terrestre qui existera entre un Royaume-Uni sorti de l’Union européenne et le marché intérieur.
Le backstop a ainsi été décliné par Michel Barnier de la manière la moins intrusive et la plus facilitatrice possible. Je rappelle que la Première ministre, Mme May, avait accepté le principe du backstop en décembre dernier ; c’est d’ailleurs ce qui nous avait permis de dire que des progrès significatifs avaient été faits sur l’accord de retrait et que nous pouvions envisager la relation future.
Par ailleurs, il n’est pas exact de dire que la France a la position la plus dure dans la négociation du Brexit. Aucun pays, et certainement pas la France, ne souhaite punir Londres pour une décision que nous regrettons, mais que nous respectons. Lors du conseil des affaires générales qui s’est tenu hier, les Vingt-Sept étaient parfaitement unis sur ce qui était acceptable et ce qui ne le serait pas, à la fois sur le retrait et sur la relation future avec le Royaume-Uni.
Applaudissements sur les travées du groupe La République En Marche.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, a publié la semaine dernière un rapport assez retentissant sur les impacts qu’aurait une progression du réchauffement climatique de 1, 5 degré Celsius par rapport à l’aire préindustrielle.
Au rythme actuel d’émissions de gaz à effet de serre, ce niveau risque d’être atteint dès 2030. Le tableau que dresse le GIEC des conséquences de cette probable augmentation est des plus alarmants. Il s’en tient pourtant à un niveau de progression relativement réduit, car un autre enseignement important et inquiétant de ce rapport est que, à défaut d’un rehaussement de l’ambition des pays signataires de l’accord de Paris et de la mise en œuvre immédiate des mesures nécessaires, le réchauffement climatique pourrait atteindre 3 % d’ici à la fin du siècle, engendrant une situation pratiquement invivable pour la moitié de la planète.
Pour éviter un tel scénario catastrophe, le GIEC juge désormais absolument impérative une réduction d’au moins 45 % de nos émissions à horizon de 2030 par rapport au niveau de 2010. Un tel objectif, il faut le dire, se situe bien au-delà des engagements pris par l’Union européenne et ses États membres à la suite de la conférence de Paris sur le climat de décembre 2015.
La préparation de la prochaine Conférence des parties, ou COP, qui se tiendra à Katowice au tout début du mois de décembre étant à l’ordre du jour du Conseil européen qui s’ouvre aujourd’hui, pourriez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles initiatives la France entend prendre auprès de ses partenaires pour replacer l’Union européenne en position de leadership dans la lutte contre le réchauffement climatique ?
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Gattolin, vous avez raison, le rapport du GIEC nous alerte. Nous devons faire encore plus que ce à quoi nous nous sommes engagés.
C’est vrai pour l’ensemble du monde comme pour l’Union européenne, même si je rappelle que l’Union européenne a dépassé ses engagements. Nous avons en effet d’ores et déjà atteint les moins 20 % d’émissions de gaz à effet de serre que nous devions atteindre en 2020, puisque, dès 2016, nous étions à moins 23 %. La Commission suit régulièrement le décompte de nos engagements.
L’Union européenne a pris l’engagement d’être à moins 40 % d’émissions d’ici à 2030. Comme je l’annonçais dans mon propos liminaire, dans le cadre de la préparation de la COP24 de Katowice, nous proposons d’accélérer et d’augmenter nos engagements de réduction d’émissions pour 2030, afin de les porter à moins 45 % comme le recommande le GIEC.
Nous disposons des instruments pour le faire. Nous avons un marché européen des quotas de CO2, ou marché ETS, que nous essayons d’améliorer. Nous sommes favorables à la fixation d’un prix plancher du carbone et à la prise en compte de la fiscalité écologique dans le prochain budget européen – nous sommes d’ailleurs favorables à la création d’une taxe carbone à l’entrée dans l’Union européenne –, bref, nous réfléchissons à tous les moyens d’aller encore plus vite et plus loin dans nos engagements.
Par ailleurs, je rappelle que, lors du conseil des ministres de l’environnement de l’Union européenne de la semaine dernière, nous nous sommes mis d’accord sur une baisse des émissions de CO2 des véhicules neufs de moins 35 % d’ici à 2030. C’est un peu en dessous de ce que nous souhaitions a priori, mais c’est bien plus que ce que souhaitaient par exemple les Allemands.
Il s’agit d’un compromis, mais l’histoire n’est pas terminée, puisque le Parlement européen a demandé que nous descendions à moins 40 % et que les trilogues commencent.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la sortie prochaine du Royaume-Uni de l’Union européenne impose de s’interroger de nouveau sur le sens de la construction européenne. Les réponses apportées à ce questionnement essentiel déterminent les objectifs de la négociation en cours. Ce débat sur le projet n’est pas sans rapport avec le déclenchement, contre la Hongrie, de la procédure prévue à l’article 7 du traité sur l’Union européenne.
En effet, si l’Union est réduite à un marché unique, à une union douanière ou à une association économique, il est alors possible de concevoir une sortie du Royaume-Uni de l’Europe qui préserve l’essentiel des relations commerciales entre les deux entités. De la même façon, si nous acceptons que les valeurs démocratiques constitutives de l’Union soient bafouées par des États membres, alors il faudra se résoudre à accepter que ces pays s’engagent dans d’autres aventures sécessionnistes, renforcés qu’ils seront par la certitude de pouvoir gagner, in fine, eux aussi, un statut qui préserve leurs intérêts économiques essentiels.
Jusqu’à présent, l’Union européenne s’est construite sur une logique économique libérale qui a eu pour conséquence de détruire les solidarités sociales et nationales, sans jamais les remplacer par des formes supranationales de cohésion sociale, lesquelles auraient pu lui donner une légitimité politique. Ce double processus de dissociation économique et politique aboutit aujourd’hui à une crise majeure des démocraties européennes qui risque de les mener à l’abîme. Nous ne sauverons pas l’Europe sans le remettre radicalement en cause.
Dans l’immédiat, il faut tout mettre en œuvre pour protéger les accords du Vendredi saint et protéger la paix fragile qui règne dans l’île d’Irlande et ne pas oublier les démocrates de la Hongrie et d’ailleurs, qui ont besoin de l’Europe pour défendre leur État de droit. Épargner à l’Europe de nouveaux conflits et de nouvelles crises démocratiques : tels sont les enjeux humanistes que notre pays doit défendre.
Monsieur le sénateur Ouzoulias, vous avez raison, l’Union européenne, c’est avant tout un socle de valeurs communes. Ceux qui ont fondé l’Union européenne tournaient le dos à la barbarie, ceux qui l’ont rejointe tournaient le dos à la dictature. Nous ne devons jamais l’oublier.
Nous devons également garder en mémoire, lorsque nous parlons de la frontière irlandaise et des accords du Vendredi saint, que la paix a été possible en Irlande du Nord parce que le Royaume-Uni et la République d’Irlande appartenaient à la même Union européenne et parce que l’Union européenne a accompagné la mise en œuvre de ces accords. §C’est une des raisons pour lesquelles nous sommes si attentifs et si attachés à la préservation desdits accords.
Vous m’interrogez ensuite sur la dérive de certains États membres de l’Union européenne, sur leurs violations ou leurs menaces de violations de l’État de droit. Ceux qui ont rédigé le traité de Lisbonne n’imaginaient pas que nous aurions un jour à traiter de cette question à l’intérieur même de l’Union européenne. Pour ma part, je n’imaginais pas, en prenant mes fonctions, que cette question reviendrait aussi souvent au sein du conseil Affaires générales.
Hier, nous entendions à nouveau la Pologne sur ses réformes de la justice et nous lui rappelions nos préoccupations, au moment où la Commission a saisi la Cour de justice de l’Union européenne sur la réforme de la Cour suprême polonaise. Par ailleurs, nous avions un point d’information sur la situation des valeurs fondamentales de l’Union en Hongrie. Il est évident et essentiel que le Conseil se saisisse de ces sujets et qu’il dialogue. L’objectif est non pas de sanctionner ces pays juste pour les sanctionner, mais de les ramener vers les valeurs fondamentales de l’Union européenne, sans lesquelles il ne peut pas de toute façon y avoir de coopération de qualité, que ce soit en matière de police ou de justice, ou tout simplement de sécurité pour les acteurs économiques qui veulent travailler dans ces pays. Tout cela est rappelé de manière régulière.
Si nous pointons du doigt les violations ou les risques de violations de certains pays, c’est l’attitude de leurs gouvernements que nous déplorons, certainement pas celle des peuples, qui, pour la plupart, restent profondément attachés à l’Union européenne et savent ce qu’ils lui doivent, notamment en matière de politique de cohésion et de solidarité.
À cet égard, pardonnez-moi d’être en désaccord avec vous, monsieur le sénateur : l’Union européenne, c’est d’abord un immense mécanisme de solidarité entre les régions les plus riches et les régions plus pauvres, y compris au sein de pays riches comme le nôtre.
Mme Nathalie Loiseau, ministre. Je pense au Fonds social européen, au Fonds européen d’aide aux plus démunis. Ne caricaturons pas ce qu’est l’Union européenne.
M. André Gattolin applaudit.
J’étais hier soir avec des jeunes à Sceaux – ils étaient nombreux, deux cent cinquante – et nous avons parlé de l’Europe. Ils vivent dramatiquement ce qui se passe et nous demandent, à nous, politiques, de soutenir un projet dans lequel ils puissent se reconnaître.
Ce projet, il le décline très simplement : les droits de l’homme, une plus grande démocratie de l’Europe et la défense de l’environnement. Vous me permettrez, madame, de me faire leur porte-parole cet après- midi devant vous.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, le Sénat examinera au début du mois de novembre le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Nous aurons sans doute alors l’occasion de discuter, en détail, des conséquences de ce retrait pour notre pays et, bien entendu, pour l’ensemble de l’Union européenne.
En attendant, je souhaite évoquer l’une d’entre elles dès aujourd’hui : la perte budgétaire que va représenter le départ du Royaume-Uni, laquelle pourrait s’élever à plusieurs dizaines de milliards d’euros, selon les contours du futur accord. §( Mme la ministre fait un signe de dénégation.) Je vois que vous n’avez pas l’air d’accord avec moi, madame la ministre. Vous nous donnerez sans doute des précisions à cet égard.
Je m’interroge sur les négociations en cours à l’échelon européen s’agissant du prochain budget de l’Union européenne. Dans son relevé de conclusions, le Conseil européen du mois de juin avait pris note de l’ensemble des propositions sur le cadre financier pluriannuel pour la période 2021–2027 présenté par la Commission le 2 mai 2018, ainsi que des propositions législatives sectorielles pour les programmes soutenant les politiques européennes. À cet égard, je m’inquiète des moyens alloués à une politique sectorielle en particulier, la politique agricole commune.
Mon groupe avait approuvé le 6 juin dernier la proposition de résolution du Sénat en faveur de la préservation d’une PAC forte, conjuguée au maintien de ses moyens budgétaires. Depuis, dans une déclaration commune, dont on peut se féliciter, Berlin et Paris ont demandé « la stabilisation du budget de la PAC ». L’Allemagne est un allié de poids pour défendre les moyens de la PAC, qui, on le sait, pourraient baisser d’au moins 5 % si l’on s’en tient aux propositions de la Commission.
Madame la ministre, je ne méconnais pas les besoins croissants de l’Europe en matière de défense et dans le domaine du numérique, mais l’indépendance agricole et alimentaire représente également un enjeu très stratégique. La France, grande nation agricole au sein de l’Union européenne, contribue très fortement au maintien de cette indépendance.
J’en termine. C’est pourquoi j’aimerais connaître l’évolution des négociations financières sur la PAC, qui seront également décisives pour répondre au grand défi environnemental.
Monsieur le sénateur Collin, vous avez raison, le départ du Royaume-Uni se traduit aussi sur le plan budgétaire. Le budget européen perdra de 10 milliards à 12 milliards d’euros par an avec le départ du contributeur net qu’est le Royaume-Uni.
La négociation du prochain cadre financier pluriannuel est évidemment compliquée par ce départ, ainsi que par l’émergence de nouvelles priorités, sur lesquelles tout le monde s’accorde, qu’il s’agisse de la défense, de la réponse au défi migratoire ou d’une meilleure réponse aux besoins d’innovation de l’Union européenne.
Pour autant, comme vous, je considère que la politique agricole commune est plus moderne que jamais et qu’elle fait partie de ces politiques ayant une véritable valeur ajoutée européenne. Nous la défendons ardemment depuis le début, depuis la présentation du projet de budget par la Commission.
Nous avons dit que le budget de la PAC n’était pas acceptable et qu’il ne serait donc pas accepté. L’ex-ministre de l’agriculture Stéphane Travert a fédéré vingt et un États membres de l’Union européenne en faveur du maintien des crédits alloués à la PAC à vingt-sept par rapport aux crédits du cadre financier pluriannuel actuel.
Les négociations commencent à peine. La présidence autrichienne a émis certaines hypothèses, que nous avons immédiatement combattues. J’ai eu l’occasion de le faire hier lors du conseil Affaires générales. Au mois de décembre, le Conseil européen se saisira de la question du prochain budget européen. Nous souhaitons évidemment avancer vite mais pas à n’importe quel prix. Nous voulons un bon budget, et pas un budget à tout prix avant les élections européennes. D’autant qu’il nous paraît essentiel que les électeurs puissent s’exprimer sur leurs priorités. Nous devons décliner ces priorités dans un budget, et non l’inverse.
Madame le ministre, deux conceptions de l’Europe s’opposent : d’un côté, une Europe des nations respectant la souveraineté des états membres et les choix de chaque gouvernement ; de l’autre, une Europe à tendance fédéraliste, qui piétine la souveraineté des États membres pour imposer la pensée unique des pseudo-élites.
Plusieurs référendums ont déjà été contournés par les tenants de cette pensée unique, qui n’hésitent pas à bafouer la volonté des électeurs dès qu’elle ne va pas dans leur sens. Aujourd’hui, le Président Macron est à la pointe de la coalition qui essaie de saboter le Brexit en pourrissant la négociation.
Là encore, il s’agit de désavouer le suffrage universel en poussant les Britanniques à organiser un nouveau référendum. À la veille des élections européennes, le but est de faire croire à nos concitoyens que l’évolution vers une Europe fédérale est la seule solution possible pour l’avenir.
Les responsables ne sont pas de bonne foi lorsqu’ils prétendent négocier des conditions honnêtes de sortie, alors que, dans le même temps, ils exigent la création d’une frontière douanière à l’intérieur du Royaume-Uni pour en disjoindre l’Irlande du Nord. C’est aussi tordu que si, demain, l’Europe demandait à la France de créer une frontière douanière à l’intérieur de notre territoire, par exemple en séparant l’Alsace-Lorraine.
Au lieu de chercher à torpiller le Brexit, la France devrait réclamer sa juste part dans la répartition des sièges au sein du Parlement européen. Actuellement, les six députés maltais représentent chacun seulement 69 000 habitants alors que chacun des soixante-quatorze députés français représente 884 000 habitants. Pire encore, en totale violation du traité de Lisbonne, la France a un ratio d’habitants par siège plus défavorable que l’Allemagne.
Mme Fabienne Keller s ’ exclame.
Si ceux qui essaient de torpiller le Brexit parvenaient à leurs fins, cette injustice subsisterait. En effet, lors du Conseil européen du 19 juin 2018, la France a accepté que, en cas d’abandon du Brexit, la répartition actuelle des sièges soit maintenue à notre détriment, et ce en violation du traité de Lisbonne.
Madame le ministre, pensez-vous qu’il soit acceptable d’organiser les prochaines élections européennes dans ces conditions ?
Marques d ’ ironie sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur Masson, heureusement – heureusement ! – que Michel Barnier défend les intérêts des Européens et non ceux des Britanniques, comme vous êtes apparemment tenté de le faire !
Heureusement que, pour défendre les intérêts des citoyens et des entreprises européennes, nous veillons à ce que le départ du Royaume-Uni ne se fasse pas au détriment de l’Union européenne.
Heureusement que, s’agissant de la frontière irlandaise, nous préconisons une solution visant à préserver le marché intérieur, c’est-à-dire nos entreprises, c’est-à-dire nos emplois.
Les Britanniques quittent le Parlement européen. Pour ma part, je considère qu’il est temps de ne plus y voir M. Farage. Lui qui avait pour projet non seulement de faire sortir le Royaume-Uni de l’Union européenne, mais aussi de détruire cette dernière n’a pour autant jamais renoncé à son salaire de député européen !
Exclamations sur des travées du groupe Les Républicains.
À l’occasion de ce départ, nous avons pensé à réaffecter les sièges britanniques. Nous avons obtenu, contrairement aux informations qui vous ont été communiquées et qui sont inexactes, de rattraper ce qu’un mandat précédent n’avait pas su défendre, c’est-à-dire le nombre de députés européens auquel la France a droit. Grâce à cette nouvelle répartition, nous passons à soixante-dix-neuf députés européens français. C’est peut-être l’une des très rares conséquences positives du Brexit.
Je rappelle toutefois que notre objectif est d’essayer de limiter les dégâts de la sortie du Royaume-Uni, qui ne fera de toute façon que des perdants, et de limiter les dommages collatéraux. Il n’est certainement pas de punir les Britanniques.
Applaudissements sur des travées du groupe La République En Marche, du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des affaires européenne applaudit également.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, on répète en boucle que les Britanniques ont fait le choix de sortir de l’Union européenne. Mais de quelle sortie parle-t-on ? À J-162 de l’échéance, nous ne savons toujours pas ce que le mot « Brexit » signifie, ou pourrait signifier. À l’évidence, il n’existe pas de consensus au Royaume-Uni en faveur de quelque sortie que ce soit !
Dans un tel contexte, le mot « Brexit » résonne péniblement pour 5 millions de citoyens européens. Je parle de 3 millions d’Européens qui résident au Royaume-Uni et de 2 millions de Britanniques qui sont installés en Europe. La plupart d’entre eux n’ont pas été appelés à se prononcer sur cette décision. Pourtant, le Brexit les concerne individuellement, intimement. Je parle là non pas de tomates, de casseroles ou de véhicules automobiles, mais d’enfants, de femmes et d’hommes. Ils nous interpellent.
Les associations qui les représentent font un travail formidable. Je pense à the3million, à ln Limbo ou British in Europe. J’en profite pour saluer l’empathie de notre ambassadeur Jean-Pierre Jouyet à Londres, qui sait les entendre.
Le Gouvernement nous a demandé de nous préparer à l’éventualité d’une sortie sans accord. Or les droits des citoyens européens établis au Royaume-Uni, ainsi que ceux des Britanniques vivant en Europe, ont été traités au chapitre 2 du pré-accord de retrait de l’Union européenne, signé en mars dernier.
Dans l’hypothèse d’une sortie du Royaume-Uni sans accord, avez-vous prévu, madame la ministre, de préserver cette partie du pré-accord et ainsi de dissocier la question du statut de 5 millions de citoyens européens de celle d’un accord global sur le Brexit ?
Monsieur le sénateur Cadic, vous avez parfaitement raison : le départ du Royaume-Uni de l’Union européenne a des conséquences sur le sort de nos concitoyens présents sur le sol britannique et sur celui des Britanniques présents sur le sol européen. Pour cette raison, je me suis donc récemment rendue à Londres, à la fois pour rencontrer la communauté française et ses représentants et pour attirer l’attention des autorités britanniques sur l’attention qu’il convenait de porter à cette communauté, y compris en cas d’absence d’accord. J’ai reçu des engagements de la part des Britanniques sur le sort de notre communauté et, plus largement, des communautés européennes au cas où nous ne parviendrions pas à un accord.
Vous l’avez très bien dit, la moins mauvaise des solutions se trouve dans l’accord de retrait tel qu’il a été négocié. Nous nous sommes mis d’accord avec les Britanniques sur des mesures protectrices qui permettent à nos concitoyens de vivre, d’étudier, de travailler au Royaume-Uni, dans des conditions comparables à celles qu’ils connaissent aujourd’hui.
En cas d’absence d’accord, nous sommes évidemment déterminés à faire en sorte que la période de vie que nos concitoyens auraient passée au Royaume-Uni soit pleinement prise en compte au moment de leur retour en France. Je pense à leurs diplômes, à leurs qualifications professionnelles, à leurs années de cotisations maladie ou retraite. Nous ferons également en sorte que le sort des Britanniques présents sur notre sol soit comparable à celui auquel nous avons pensé dans l’accord de retrait, à une condition, c’est que les mesures prises par les Britanniques, pour nos ressortissants, soient du même niveau. Ma première préoccupation, c’est le sort de nos concitoyens présents au Royaume-Uni.
Je tiens à le répéter, la moins mauvaise des solutions figure dans l’accord de retrait. Nous nous efforçons d’obtenir un bon accord.
M. Olivier Cadic. Je vous remercie, madame la ministre, de cette réponse, et vous souhaite bon courage. Je vous assure que nous sommes tous derrière vous, contrairement à ce que l’intervention précédente pourrait donner à penser.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.
Madame la ministre, dans le cadre des négociations sur le Brexit, la pêche est un sujet de préoccupation depuis des mois. Cette question est importante pour notre économie locale, en particulier pour les régions littorales comme la Normandie, où les pêcheurs font vivre les territoires tout en respectant les nombreuses réglementations européennes.
Attachés à une pêche durable, les pêcheurs s’imposent même des règles de gestion raisonnée, comme pour la coquille Saint-Jacques, afin de préserver la ressource et de garantir des revenus réguliers, règles que les Britanniques ne reconnaissent pas. Vous le savez, le ratissage intense, mais, hélas ! pas illégal, de certaines zones de coquilles, en dehors du cadre défini par la profession, a donné lieu à des affrontements en mer ces dernières semaines.
Environ 20 % de la pêche française se pratique dans la zone économique exclusive britannique, sur la base de droits historiques et de la politique commune de la pêche. Ce pourcentage masque des disparités régionales très importantes. À Port-en-Bessin dans le Calvados, la moitié du poisson débarqué à la criée vient des côtes anglaises.
Les tenants du Brexit ont expliqué aux pêcheurs d’outre-Manche que, du fait de l’interdiction pour les flottilles européennes d’accéder aux eaux britanniques, cette richesse leur reviendrait. « We want our fish back ! » – que mon collègue Masson me pardonne –, nous disent-ils. Dans certains ports, jusqu’à 70 % d’entre eux ont voté pour la sortie de l’Union, tout en souhaitant néanmoins continuer à exporter leur pêche vers les pays de l’Union. Aujourd’hui 75 % de la pêche britannique est vendue dans l’Union.
Madame la ministre, ma question est simple : quelles initiatives prendrez-vous avec vos partenaires pour préserver les intérêts de la pêche française et européenne, après la période transitoire ou en cas de « no deal » ?
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains.
Monsieur le sénateur Allizard, j’y ai fait allusion dans mon propos introductif, la question de la pêche et des intérêts des pêcheurs français, mais aussi des pêcheurs irlandais, néerlandais, danois et belges, qui sont également concernés par la pêche dans les eaux territoriales britanniques, est au cœur de nos priorités dans la négociation du Brexit, quel que soit le scénario de la relation future. Nous ne nous sommes pas encore accordés sur ce point avec les Britanniques.
Je l’ai dit très clairement, la solution du maintien du Royaume-Uni dans l’union douanière, en tout cas pour une période donnée, solution explorée par les négociateurs, ne pourrait être véritablement envisagée qu’à condition que les droits de pêche des pêcheurs européens dans les eaux britanniques soient préservés.
Il est hors de question de laisser les produits de la pêche britannique entrer sur notre marché sans limitation – à cet égard, les chiffres que vous avez donnés sont très éclairants – alors même que nos pêcheurs n’auraient plus accès aux eaux britanniques.
C’est dans cet esprit que nous négocions. Michel Barnier en est parfaitement conscient, je lui en ai reparlé hier, de la même manière que j’en ai reparlé au vice-premier ministre irlandais. L’Irlande, qui est le premier pays à être touché par l’ensemble du Brexit et qui, de ce fait, a énormément de sujets brûlants, est sur la même ligne que nous. Je tiens à vous rassurer : cette ligne sera défendue.
Madame la ministre, merci. Vous le savez, un marin en mer, c’est quatre emplois à terre. Si les Britanniques devaient fermer leurs eaux, la perte de revenus pour les professionnels de la flottille européenne serait de l’ordre de 50 %. Le Brexit aura donc un fort impact économique et social, y compris dans ce secteur.
D’un point de vue politique, cette crise ajouterait encore à la défiance vis-à-vis de l’Europe. En l’état actuel de l’Union européenne, nous ne pouvons nous offrir ce luxe. Tous mes encouragements vous accompagnent aussi, madame.
Madame la ministre, voilà maintenant une année que le CETA, l’accord économique et commercial global, est entré en vigueur. Les premiers résultats économiques ont été publiés et semblent satisfaisants. On constate ainsi un accroissement significatif des échanges commerciaux et une augmentation des exportations de l’Union européenne vers le Canada de 7 %. Les exportations françaises à destination du Canada ont, elles, augmenté de 5, 5 %.
Il semble toutefois beaucoup plus compliqué de convaincre l’Union européenne et le Canada d’intégrer au CETA les dispositifs nécessaires afin de garantir que cet accord soit aussi bon pour l’environnement et le climat.
En septembre 2017, la commission Schubert, installée par le Gouvernement, soulignait le manque d’ambition du CETA en matière de protection de l’environnement et surtout l’absence de mesures visant à lutter contre le réchauffement climatique.
Le Gouvernement avait à la suite de cette commission élaboré un premier plan d’action. Un an plus tard, force est de constater qu’aucune mesure n’a été retenue par la Commission européenne. Le Président de la République vient donc d’annoncer qu’un second plan serait prochainement proposé. Espérons qu’il aura plus de succès !
Madame la ministre, si nous comprenons que le calendrier de l’accord de Paris sur le climat explique que ses conclusions ne se retrouvent pas dans le CETA, nous attendons aujourd’hui l’introduction de dispositifs complémentaires dans le CETA ou un accord bilatéral entre l’Union européenne et le Canada prévoyant la neutralité du CETA en matière de gaz à effet de serre, l’interconnexion des marchés du carbone et une taxation spécifique du transport maritime.
De la même façon, nous attendons, avec toute la société civile, une déclaration interprétative précisant le sens à donner aux dispositions sanitaires et environnementales insuffisamment claires, ainsi que des précisions sur l’application du principe de précaution.
L’accord avec le Canada est un accord vivant. Il doit, avant que le Gouvernement nous propose de le ratifier, être amélioré. L’Europe doit exporter ses marchandises, mais aussi ses standards sociaux et environnementaux. Elle doit conclure des accords qui respectent les droits humains et qui préservent la santé, la biodiversité et les équilibres écologiques.
Madame la ministre, pouvez-vous nous dire où en sont les discussions avec l’Union européenne et comment la France entend promouvoir ses standards et faire du respect de l’accord de Paris une condition sine qua non à la ratification du CETA ?
Mmes Laurence Rossignol, Nelly Tocqueville et Laurence Harribey applaudissent.
Monsieur le sénateur Marie, vous l’avez dit, et je vous en remercie, depuis un an, l’accord avec le Canada est entré en vigueur de manière provisoire et la Commission a pu faire un premier bilan. Il est très différent de celui que craignaient un certain nombre d’opposants au CETA. Cet accord de libre-échange est favorable à nos intérêts, à nos intérêts économiques et commerciaux en général, à nos intérêts agricoles en particulier, contrairement à certaines craintes qui avaient été exprimées. Je note par exemple que les exportations canadiennes de viande bovine à destination de l’Union européenne, loin d’avoir explosé, ont diminué en un an, depuis la mise en œuvre provisoire du CETA.
Cela étant dit, comme vous le relevez à raison, le CETA a été négocié avant la conclusion de l’accord de Paris sur le climat. On ne peut donc pas lui reprocher son anachronisme. Il convient toutefois de l’accompagner par des mesures eurocanadiennes pour la préservation de l’environnement et contre le changement climatique, mais aussi par des mesures bilatérales.
Vous l’avez dit, convaincre nos partenaires européens n’est pas chose aisée. Nous œuvrons fortement pour que l’accord de Paris soit mis en œuvre et pour que son respect soit une clause essentielle des nouveaux accords de libre-échange que nous serions amenés à signer à l’avenir. D’ailleurs, si nous nous opposons à la reprise des négociations d’un accord commercial avec les États-Unis, c’est parce que ce pays est sorti de l’accord de Paris.
Nous travaillons à titre bilatéral avec le Canada, qui est engagé dans la mise en œuvre de l’accord de Paris, et nous continuons à négocier avec nos partenaires européens afin que les accords de libre-échange prennent mieux en compte la dimension environnementale, dès à présent et à l’avenir.
Madame la ministre, le 28 juin dernier, le Conseil européen, qui s’était tenu, on s’en souvient, dans un contexte difficile, avait prévu de dresser un état des progrès réalisés sur les questions migratoires lors de sa prochaine réunion. Nous y sommes.
Pour surmonter les divisions européennes apparues notamment avec l’affaire de l’Aquarius et ses conséquences humanitaires, les chefs d’État et de gouvernement s’étaient mis d’accord sur deux concepts au mois de juin dernier : celui, d’une part, de plateformes régionales de débarquement, pour le débarquement des personnes secourues dans le cadre d’opérations de recherche et de sauvetage en mer, en coopération étroite avec les pays tiers concernés, ainsi que le Haut-Commissariat aux réfugiés et l’Organisation internationale pour les migrations ; celui, d’autre part, de centres contrôlés établis dans des États membres, uniquement sur une base volontaire, vers lesquels seraient transférées les personnes secourues, conformément au droit international. Ces centres devaient permettre de distinguer les migrants en situation irrégulière, qui feraient l’objet d’un retour, des personnes ayant besoin d’une protection internationale.
Près de quatre mois plus tard, madame la ministre, où en sont les négociations pour donner un contenu opérationnel à ces plateformes régionales de débarquement ? Où en sont les négociations sur les centres contrôlés ? Plus précisément, la mise en place des plateformes de débarquement requiert la coopération d’États tiers. On a beaucoup parlé de l’Égypte. Pouvez-vous nous donner des précisions sur ce point ?
Enfin, la réforme du règlement de Dublin se trouve aujourd’hui dans l’impasse. La présidence autrichienne souhaiterait éviter de lier solidarité et obligation d’accueil. Quelle est la position française sur ce lien ? Certains pays, on le sait, ne souhaiteraient pas nécessairement avancer sur ce dossier pour des raisons de politique intérieure. Pouvez-vous nous rassurer sur la détermination politique de la France à conclure cette réforme dans les meilleurs délais ?
Monsieur le sénateur Reichardt, nous ferons effectivement le point demain sur la mise en œuvre des conclusions du Conseil européen de juin. Les trois volets dont j’ai parlé dans mon propos introductif sont indissociables les uns des autres et sont le seul moyen d’avoir une politique migratoire européenne équilibrée, efficace et humaine.
S’agissant de la question que vous posez sur les plateformes de débarquement, à ce stade, aucun pays du sud de la Méditerranée n’a accepté que de telles plateformes soient installées sur son sol. La présidence autrichienne a formé de grands espoirs s’agissant de l’Égypte et s’est rendue dans ce pays à ce sujet. Il est possible que nous recevions en Europe le Président égyptien pour évoquer plus largement la manière dont les pays du sud de la Méditerranée peuvent nous aider à lutter contre les migrations illégales et comment nous pouvons soutenir leurs efforts, notamment en appuyant leurs gardes-côtes avec du matériel et de la formation. C’est ce qui me paraît le plus prometteur de ce point de vue.
S’agissant des centres contrôlés, je le disais aussi dans mon propos introductif, ils sont, selon nous, le seul moyen de traiter de manière pérenne des arrivées, des débarquements, même si ceux-ci ont diminué de 80 % depuis l’année dernière en Méditerranée centrale. Les difficultés tiennent uniquement au fait que l’Italie a fermé ses ports depuis le mois de juin.
Ces centres contrôlés sont là pour être la démonstration de la solidarité de l’Union européenne dès le débarquement sur le sol européen des personnes sauvées en mer. Cette solidarité nous paraît devoir être obligatoire. Les modalités de cette solidarité, elles, peuvent être variables. Mais le principe d’une solidarité obligatoire va de pair avec le maintien d’une responsabilité des pays de premier accueil. Nous avons besoin d’une responsabilité de ces pays de première entrée. Cependant, nous ne pouvons pas les condamner, par leur géographie, à porter seuls l’effort d’accueillir de vrais demandeurs d’asile ayant toute leur place dans l’Union européenne, mais aussi de raccompagner dans leur pays d’origine ceux qui détournent le droit d’asile par souci de migration économique illégale. Ces retours aussi doivent faire l’objet de davantage d’accompagnement européen.
Madame la ministre, la proximité des élections européennes exige que l’Europe réussisse sur ce dossier de l’immigration. La conclusion heureuse des négociations sur la réforme du règlement de Dublin est indispensable à cette réussite.
S’agissant des plateformes de débarquement, madame la ministre, vous l’avez dit, le faible empressement des pays de la rive sud de la Méditerranée à accueillir sur leur sol de telles plateformes exige que l’on réfléchisse aussi en termes d’aide au développement envers ces pays.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les annexes de l’ordre du jour du Conseil européen comportent des graphiques intéressants sur l’évolution des migrations depuis le début des années 2010 et soulignent le chemin parcouru en particulier depuis 2015, en 2016 et en 2017, pour contrôler nos frontières. Il faut donc aussi faire évoluer nos discours, car il n’y a plus aujourd’hui de crise migratoire, mais une crise de l’accueil, une crise humanitaire, une crise politique interne en Europe. Les maux sont différents, et il faut dire ce qui a été réalisé depuis deux ans sur ce sujet.
Aujourd’hui, je voulais vous parler des dix ans de la crise financière, dix ans pendant lesquels les critères de Copenhague, ceux que notre collègue Ouzoulias évoquait au sujet de la démocratie et des droits de l’homme, ont été totalement estompés par une version dure des critères de Maastricht, c’est-à-dire une exigence d’austérité budgétaire qui s’est imposée à l’ensemble de l’Europe.
La crise financière de 2008, pour cette raison, a fragilisé voire cassé l’image d’une Europe capable de protéger l’ensemble des citoyens européens. C’est ce que nous payons aujourd’hui, bien plus que la crise de l’accueil en Europe dont nous parlons depuis le début de ce débat ; c’est cela qui pèse sur l’image de l’Europe aujourd’hui !
Pourtant, l’union économique et monétaire n’est pas parachevée ; l’union bancaire est bancale. Ainsi, on a harmonisé les règles de protection des dépôts en Europe, mais les fonds de garantie restent nationaux. Sur ce sujet, finalement, rien n’a vraiment été fait depuis les rustines qui ont été mises en place après la crise financière.
On parle du budget de la zone euro, mais tout le monde s’accorde à dire que, après le sommet de Meseberg entre la Chancelière Angela Merkel et le Président de la République, …
… finalement, on parle d’un budget symbolique.
Madame la ministre, j’ai deux questions à vous poser : premièrement, avec quel budget financez-vous le budget de la zone euro, …
… alors que nous n’arrivons pas à boucler la prochaine période budgétaire européenne de 2020–2027 ? Deuxièmement, avec quelle gouvernance ? une gouvernance intergouvernementale non démocratique, comme les propositions du sommet de Meseberg, …
… ou avec le Parlement européen, pour superviser ce nouveau budget et son exécution ?
Monsieur le sénateur Leconte, nous partageons votre conviction : pour être prêts à affronter une nouvelle crise, nous devons absolument finaliser l’union bancaire. Des sujets progressent, contrairement à ce que vous dites. Un filet de sécurité appuyé sur le Mécanisme européen de stabilité, le MES, pour venir en aide aux banques en dernier ressort est une idée qui avance, mais la mutualisation des dépôts reste un sujet difficile.
Naturellement, le budget de la zone euro est un sujet essentiel, sur lequel nous sommes parfaitement engagés, convaincus. La déclaration de Meseberg était un pas en avant très significatif puisque, conformément au contrat de coalition, le gouvernement allemand a appuyé l’idée d’une capacité budgétaire de la zone euro à la fois pour l’investissement et pour la stabilisation. Nous sommes donc allés aussi loin que nous pouvions le faire.
Demain, à l’heure du déjeuner, nous allons évoquer les progrès de la réforme de la zone euro, essayer de convaincre nos partenaires qu’il faut le faire maintenant, sans attendre qu’une situation internationale, qui n’est pas aussi stable que certains le pensent et peut être troublée, nous y force.
S’agissant de la gouvernance, je partage votre point de vue et nous souhaitons un Parlement de la zone euro ou, a minima, une formation du Parlement européen dédiée aux sujets de la zone euro permettant un contrôle démocratique qui a cruellement manqué dans la crise précédente.
Mme Fabienne Keller applaudit.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste. – Mme Fabienne Keller applaudit également.
Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelques instants, le président Bizet soulignait que notre marché unique est le premier marché économique mondial. Je rappellerai, dans la continuité de la précédente intervention, que l’euro est aussi devenu la deuxième monnaie la plus utilisée au monde. « Soixante pays lient d’une manière ou d’une autre leur propre monnaie à l’euro. Mais nous devons faire plus pour permettre à notre monnaie unique de jouer pleinement son rôle sur la scène internationale », disait, voilà quelques semaines, Jean-Claude Juncker.
Paradoxalement, en Europe, 80 % des factures d’importation d’énergie sont réglées en dollars américains, alors que seulement 2 % de ces importations proviennent des États-Unis, et certains pays européens vont jusqu’à acheter des avions européens en dollars.
Pourtant, depuis sa mise en circulation le 1er janvier 2002, l’euro s’est affirmé comme une devise internationalement reconnue, notamment en matière de monnaie de réserve, juste derrière le dollar qui conserve, nous le savons, une position dominante dans le bilan des réserves de change des banques centrales, mais aussi en tant que monnaie de règlement des transactions commerciales, où il fait désormais presque jeu égal avec le dollar.
Toutefois, cela a déjà été évoqué, l’euro n’est pas encore reconnu comme un instrument d’investissement, et les actifs financiers sont toujours très largement libellés en dollar. La Banque centrale européenne, nous le savons, n’est pas de taille à lutter contre la Réserve fédérale des États-Unis, la FED, du fait notamment de la multitude d’émetteurs souverains hétérogènes.
Madame la ministre, à l’heure où l’extraterritorialité du droit américain, fondée notamment sur l’usage du dollar, menace de sanctions des entreprises européennes et, plus largement, la souveraineté diplomatique des pays membres de l’Union européenne et de la zone euro, je reviendrai, comme un certain nombre de mes collègues, sur la nécessité de renforcer cette union économique et monétaire de la zone euro et d’achever l’union bancaire et l’union des marchés de capitaux.
Applaudissements sur les travées du groupe Union Centriste.
Madame la sénatrice Loisier, l’euro doit être, comme le dollar, une monnaie de référence, vous l’avez dit, et la zone euro est une puissance économique équivalente à celle des États-Unis ou de la Chine.
L’euro est d’ores et déjà la deuxième monnaie la plus échangée dans le monde. Ainsi, 36 % des paiements internationaux étaient réalisés en euros en 2017, mais nous avons à l’évidence une importante marge de progression. L’exemple que vous donniez tout à l’heure était, de ce point de vue, éclairant, et ces 36 % ne reflètent pas le poids de la première économie mondiale.
Vous l’avez dit, dans son discours sur l’état de l’Union européenne, le 12 septembre dernier, le Président Juncker a indiqué vouloir développer davantage le rôle international de l’euro, pour en faire « l’instrument actif de la nouvelle souveraineté européenne ». On croirait entendre le Président de la République.
La Commission devrait préciser sa vision des choses d’ici à la fin de l’année, sans doute sous la forme d’une communication. Nous serons évidemment très attentifs aux propositions qu’elle pourra formuler à cet égard. Vous avez raison de le souligner, il y a un lien évident avec les sanctions américaines, puisque les autorités américaines considèrent qu’elles peuvent sanctionner toute entreprise, même étrangère, qui utilise le dollar.
Je me réjouis que la résolution européenne du Sénat sur les moyens de contrer l’effet extraterritorial des sanctions américaines ait mis cette dimension en avant.
Madame la ministre, je reviendrai sur le sujet du Brexit. Plus les négociations avancent, plus, vous l’avez rappelé, madame la ministre, la perspective d’un « no deal » se précise, et je salue votre anticipation à travers le projet de loi d’habilitation à prendre des ordonnances que vous avez déposé.
Comme vous le savez parfaitement, si l’on ne s’y prépare pas, l’absence d’accord pourrait avoir des conséquences dramatiques pour l’Irlande du Nord. Elle est, vous l’avez rappelé en introduction de votre présentation et je vous en remercie, au cœur du blocage actuel. Mme Colette Mélot a également abordé le sujet. Vous lui avez répondu, mais je voudrais rappeler, comme vous l’avez fait, madame la ministre, en réponse à M. Ouzoulias, que nous sommes en quelque sorte ramenés ici aux fondamentaux de l’Union européenne, à savoir la paix. Ce qui est en jeu, c’est la paix la plus récente en Europe, celle entre les deux Irlande.
Les positions actuelles – gouvernement britannique, unionistes et Union européenne –, vous le savez mieux que quiconque, semblent totalement inconciliables. Nous connaissons votre volonté et votre ténacité, madame la ministre, pour que les négociations reprennent rapidement. Néanmoins, face à cette situation inextricable, bien que Mme May ne se soit pas encore exprimée, pouvez-vous nous livrer quelques pistes ou éléments sur les démarches que la France entend engager pour essayer de débloquer cette situation ?
Nous avons un rôle particulier pour la préserver.
Le Président de la République s’est entretenu avec Mme May par téléphone en début de semaine et doit la rencontrer tout à l’heure. C’est d’ailleurs ce qui va m’obliger à partir d’ici à quelques minutes, puisque nous commençons les rencontres du Conseil européen par un entretien entre le Président de la République et la Première ministre britannique. Notre négociateur, Michel Barnier, est déterminé à obtenir un bon accord de retrait, qui permette une solution pour la frontière irlandaise.
La proposition d’étendre l’union douanière à l’ensemble du Royaume-Uni rend la situation de la frontière irlandaise beaucoup plus simple à gérer. Ou bien elle est acceptable en préservant la concurrence loyale et nos intérêts, notamment en matière de pêche, ou bien nous en revenons au filet de sécurité qui avait été agréé au mois de décembre et qui est, comme me le confiait hier le vice-premier ministre irlandais, une assurance tous risques pour la République d’Irlande, afin que, quoi qu’il arrive, on n’en revienne pas à une frontière dure.
Espérons qu’aucun des protagonistes de la situation ne caresse l’idée de revenir à une frontière dure. Cela a été très bien dit précédemment, ni le rétablissement d’une frontière ni la réunification de l’île d’Irlande ne sont des hypothèses sur lesquelles nous travaillons. Il faut donc trouver une autre solution.
Mme Fabienne Keller applaudit.
Madame la ministre, ma question lie l’une des priorités inscrites au prochain Conseil européen, la question migratoire, et un volet qui sera sans doute prioritaire dans le Conseil européen du mois de décembre, le budget.
Pourriez-vous faire le point sur le chantier relatif au programme européen destiné à soutenir les collectivités locales accueillant des réfugiés, un fonds envisagé en 2015 et proposé en avril 2018 devant le Conseil européen par le Président de la République ? Cette proposition soutenue par un certain nombre de parlementaires européens, notamment français, allemands et portugais, permettrait de prendre en compte la dimension territoriale de l’accueil et de l’intégration et, par là, de faire œuvre d’appropriation par les citoyens, en donnant une visibilité à ce que vous avez souligné précédemment, à savoir une politique européenne et, en même temps, solidaire.
Madame la sénatrice Harribey, nous avons en effet formulé cette proposition, et nous la portons pour le prochain budget européen. Au sein de la politique de cohésion de l’Union européenne, qui consiste à lutter contre les inégalités, à accompagner ceux qui en ont le plus besoin, une aide aux collectivités territoriales qui accueillent des migrants et des réfugiés nous paraît s’imposer comme un instrument permettant de financer du logement, de la formation, de l’accompagnement pour les personnes nouvellement arrivées sur le territoire européen. Au lieu d’être une politique de sanctions contre ceux qui n’accueillent pas, c’est une politique d’encouragement pour ceux qui le font. Nous savons d’ailleurs que ces propositions ont recueilli un écho jusque dans certaines communes de certains pays dont les gouvernements se disent hostiles à l’accueil des réfugiés politiques.
Nous portons donc cette proposition au sein du prochain budget européen. Les négociations sont en cours.
Je voudrais simplement insister sur l’importance de ne pas lâcher sur cet aspect de la question. Vous avez souligné l’importance d’une gestion européenne et solidaire de la question migratoire : c’est vrai sur le plan intergouvernemental, mais c’est indispensable aussi sur le plan local, pour tenter de freiner l’exploitation de cette question par les populismes en tous genres.
Mme la présidente. Je salue Mme la ministre, lui souhaite bon courage et lui adresse le soutien du Sénat pour le travail qui reste à accomplir.
Applaudissements sur des travées du groupe Union Centriste et du groupe Les Républicains. – Mme Colette Mélot et M. Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.
Madame la présidente, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires européennes, mes chers collègues, dans le monde, le nombre d’enfants migrants voyageant seuls a été multiplié par cinq depuis 2010. Selon l’UNICEF, au moins 300 000 enfants non accompagnés ont été enregistrés dans quatre-vingts pays en 2015. L’Europe n’est pas à l’abri de ce phénomène, puisque l’on estime qu’en 2016 un demandeur d’asile sur trois avait moins de dix-huit ans et 63 000 demandes d’asile d’enfants isolés ont été enregistrées dans l’Union européenne.
Comme vous le savez, ces mineurs qui prennent la route vers l’Europe sont particulièrement vulnérables. Être parvenus jusque sur le territoire européen ne met pas fin à leurs problèmes, car, au sein même des États membres, les normes et les pratiques nationales ne suffisent pas à garantir leurs droits, voire contreviennent parfois aux impératifs de protection.
Les procédures de détermination d’âge, les conditions d’accueil, les formalités varient d’un État à un autre. L’Italie, par exemple, enregistre un nombre d’arrivées qui n’a cessé de croître.
Mon département, les Hautes-Alpes, enregistre depuis 2015 un nombre exponentiel de mineurs non accompagnés provenant majoritairement du continent africain, de la Guinée et de la Côte d’Ivoire. Nous sommes passés de 15 dossiers en 2015 à 2 028 dossiers en 2018, alors que l’année n’est pas terminée ! Cette situation est sans précédent pour le conseil départemental des Hautes-Alpes. L’aide sociale à l’enfance a dû faire face à l’hébergement d’urgence de ces jeunes gens qui se déclarent tous « mineurs » lorsqu’ils arrivent et, par conséquent, à des évaluations en très grand nombre.
À ce jour, cette situation très disparate entre les États membres fait la part belle au trafic humain et des filières se sont organisées afin d’acheminer ces jeunes jusqu’aux frontières nationales via les cols de Montgenèvre ou de l’Échelle.
Bien que la situation des mineurs non accompagnés, les MNA, ait conduit à un plan d’action, on ne peut pas dire que la situation se soit améliorée, au contraire. Pourtant adopté en 2017 par les quarante-sept États membres du Conseil de l’Europe, ce document n’a aucun impact puisqu’il n’est pas contraignant. Quelle en sera l’évolution ?
Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, madame la sénatrice Patricia Morhet-Richaud, ce sujet des mineurs non accompagnés, nous le vivons toutes et tous sur nos territoires. Nous en mesurons l’impact humain, naturellement, mais également l’effet sur nos budgets départementaux.
Vous évoquiez des filières organisées, et nous devons clairement tout mettre en œuvre pour permettre enfin l’adoption de sanctions contre les réseaux de passeurs, ces trafiquants qui jouent de la misère humaine. À cet égard, saluons le fait que les Nations unies aient pu, voilà quelques semaines, adopter des sanctions à l’égard de certains passeurs installés en Libye.
La réponse de fond passe également, on le sait, par le renforcement d’une politique d’aide publique au développement qui permette d’offrir de véritables perspectives dans les pays d’origine. Naturellement, les routes qui sont empruntées par ces mineurs ne sont pas celles de la liberté, mais celles de la nécessité. De ce point de vue, la France accompagne l’action européenne. Comme vous le savez, il existe un plan européen doté de 4 milliards d’euros, avec un effet levier sur 44 milliards d’euros. La France s’est également réengagée massivement dans sa politique de développement, avec une part de 0, 38 % de son revenu national brut, qui doit monter progressivement à 0, 55 % d’ici à la fin du quinquennat.
C’est là, à travers des réponses très concrètes liées à l’auto-entrepreneuriat, à l’investissement dans des microentreprises, des petites entreprises que nous arriverons à donner un espoir et un avenir à cette jeunesse pour lui éviter ces traversées de la mort.
Bien sûr, il est important que l’Europe conduise des actions fortes dans les pays d’Afrique, notamment subsaharienne, pour endiguer ce phénomène migratoire. Il est également nécessaire que les mineurs non accompagnés fassent l’objet d’un accord entre les pays membres, faute d’en payer le prix fort.
Monsieur le secrétaire d’État, parmi les trois chantiers européens pour organiser la maîtrise du phénomène migratoire, la sécurité des frontières extérieures, l’harmonisation de la politique des États membres et la réduction des incitations à la migration irrégulière, il me semble utile de revenir sur la question de la sécurisation des frontières européennes.
Le mandat confié à l’Agence européenne FRONTEX pour contrôler les frontières de l’Union européenne n’est certainement pas à la hauteur des enjeux. Là comme dans bien d’autres domaines, hélas, l’inertie européenne risque de nous coûter cher à l’arrivée et de nourrir les populismes, l’Union européenne n’étant pas en mesure d’assurer la fouille, la saisie, le déroutement ou la destruction des navires utilisés en haute mer pour le trafic des migrants dans les eaux territoriales libyennes, ni de lutter contre les passeurs et de neutraliser leur chaîne logistique pour empêcher le départ des bateaux de migrants. La lutte à la source est largement en deçà des besoins : seuls 110 passeurs ont été arrêtés depuis 2015.
Malgré un renforcement du budget de FRONTEX, près de 340 millions d’euros en 2018 contre 143 millions en 2015, son efficacité reste à démontrer, avec 1 300 agents sans équipement propre et sans pouvoir réel. La situation devrait évoluer d’ici à 2020, il en a été question vendredi dernier à Luxembourg. Mais, une fois de plus, l’Union n’anticipe pas les crises ; elle les subit. Plusieurs pays restent réticents à l’idée de faire des gardes-frontières européens une force en mesure de déployer ses effectifs aux frontières de l’Union.
Compte tenu des moyens limités pour contrôler les frontières extérieures, je ne suis pas certain que le souhait de la Commission européenne appelant vendredi dernier à mettre fin à la prolongation des contrôles aux frontières intérieures de l’espace Schengen soit de nature à rassurer tous les membres de l’Union européenne et leurs peuples.
M. Laurent Duplomb applaudit.
Monsieur le sénateur Priou, à cette excellente question, comme la précédente, nous allons tâcher d’apporter quelques éléments de réponse. Nous partageons en grande partie l’analyse. L’Europe est clairement à la croisée des chemins. Nous devons être capables d’un sursaut qui permette la mise en place de politiques pérennes, avec de vraies réponses. Comme vous le disiez, 1 300 hommes – ils étaient 200 il y a quelques années –, c’est dérisoire face au défi migratoire que nous connaissons.
La réponse ne réside pas uniquement dans les dispositifs nationaux. Il est d’ailleurs assez paradoxal de voir M. Salvini s’afficher avec M. Orbán, puisque c’est bien parce que l’un a fermé ses frontières que l’autre s’est retrouvé avec un nombre important de migrants. Nous devons donc unir nos efforts et, de ce point de vue, la Commission a inscrit au débat le renforcement de FRONTEX. Ainsi, 10 000 personnels, provenant pour une part significative d’effectifs nationaux, seraient sous commandement FRONTEX, avec un commandement unifié. Par ailleurs, il faut sûrement réfléchir au renforcement des compétences juridiques de FRONTEX pour avoir un meilleur contrôle européen à nos frontières.
Les discussions s’engagent. Naturellement, la France continuera à défendre une vision ambitieuse : la réponse est dans la solidarité, mais aussi dans la responsabilité, qui est d’allouer des moyens humains, financiers, budgétaires, là où le besoin s’en fait cruellement ressentir.
Dans les mois qui viennent, ces sujets seront au cœur de la campagne pour les élections européennes.
Plusieurs pays de l’Union européenne craignent pour leur souveraineté puisque l’agence FRONTEX a vocation à assumer des responsabilités dévolues aux États. On constate une nouvelle fois, hélas, que l’Europe ne parle pas d’une seule et même voix. La crise migratoire et son cortège de drames humains, point évoqué par de précédents orateurs, est une réalité depuis de trop nombreuses années. Espérons que nous aurons enfin, dans ce domaine, une politique efficace.
Monsieur le secrétaire d’État, ma question complète celle qu’a posée ma collègue Patricia Morhet-Richaud.
Le nombre d’enfants non accompagnés ou séparés arrivant dans les États de l’Union européenne s’est considérablement accru ces dernières années. L’âge des enfants non accompagnés est une question décisive pour leur assurer une protection et leur offrir des garanties dans le contexte de la migration. Il s’agit en effet d’un processus très complexe ayant pour but de définir le régime juridique applicable à un individu qui peut être lourd de conséquences pour celui-ci.
Or, parmi les obstacles juridiques opposés à la prise en charge immédiate des enfants isolés, figure en première ligne la tendance constante des administrations des États membres à contester leur minorité, soit parce qu’ils n’ont pas de papier certifiant leur état civil, soit parce que l’authenticité de ces papiers est remise en cause.
En effet, les méthodes appliquées pour définir l’âge de l’enfant diffèrent d’un État membre à l’autre, et les procédures d’évaluation ne sont pas toujours fiables. Il n’existe actuellement aucune procédure d’évaluation, qu’elle soit médicale ou autre, permettant de déterminer sans marge d’erreur l’âge exact d’une personne. Ces disparités peuvent se traduire par une série d’incidences négatives pour les enfants, telles que faire l’objet d’une erreur d’identification en tant qu’adulte ou être placé en rétention avant et pendant le processus de détermination de l’âge.
Les enfants qui ne sont pas reconnus comme tels risquent d’être laissés en marge du dispositif. Outre le risque qu’ils n’accordent pas à un enfant la gamme des droits qui sont les siens, certains processus de détermination de l’âge peuvent même, dans leur conception et leur mise en œuvre, traumatiser ces enfants déjà bien vulnérables.
À cela s’ajoute la gravité des résultats de l’évaluation pour les personnes qui en font l’objet et les répercussions potentiellement néfastes du processus sur leur santé physique et mentale, ce qui souligne la nécessité d’élaborer des lignes directrices, dans le cadre relatif aux droits de l’homme, applicables à la détermination de l’âge. Je me dois de rappeler que les conséquences d’une mauvaise estimation…
… peuvent conduire à héberger des enfants avec des adultes et les exposer à des risques accrus de traite.
Pourriez-vous, monsieur le secrétaire d’État, me préciser l’action que mène le Conseil européen en faveur de l’harmonisation des procédures d’application de la détermination de l’âge ?
Madame la sénatrice Nicole Duranton, la description que vous venez de faire est, hélas, totalement exacte, et l’on voit bien les incidences potentielles que la situation actuelle peut effectivement avoir sur des mineurs. Nous sommes dans un domaine où, très clairement, seule l’initiative de la Commission permettrait de débattre. À ce stade, force est de constater qu’une telle initiative n’a pas été prise et que le sujet n’a pas été mis sur la table, sûrement parce que la Commission estime justement que la différence et la variété des régimes existant dans les différents pays européens ne permettraient pas de dégager de lignes médianes ou, en tous les cas, communes. Nous pouvons le regretter au regard des conséquences potentielles.
Mais il y a peut-être matière à agir. La France, au travers, notamment, de son action en matière d’aide publique au développement, parce que tout est lié, accompagne un certain nombre de gouvernements et d’États dans la fiabilisation de leurs registres d’état civil. Naturellement, dès lors qu’il y a des fraudes documentaires, cela n’est plus possible. Néanmoins, le travail important mené sur ce sujet pourrait permettre d’apporter une réponse dans le temps, structurelle, au sujet que vous posez. De ce point de vue, je peux vous assurer de la détermination intacte du Gouvernement, comme l’indique le nombre de projets qui se multiplient dans le cadre de cette aide au développement.
Le sujet reste donc entier, et vous faites bien de le soulever. Je vais relayer cette préoccupation à Nathalie Loiseau pour que, dans le cadre du Conseil européen, elle soit évoquée devant nos collègues européens, parce qu’on ne peut pas rester ad vitam aeternam sans réponse.
Mme Nicole Duranton. Je vous remercie, monsieur le secrétaire d’État, de votre réponse et j’espère que la France va agir rapidement. Je suis membre de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, qui défend les droits de l’homme et la démocratie, et il m’apparaît comme absolument indispensable et nécessaire de trouver une coordination entre les États et les diverses autorités, pour respecter les droits de ces enfants.
M. François Bonhomme applaudit.
Pour conclure le débat, la parole est à M. le président de la commission des affaires européennes.
Au terme de ce débat, je voudrais remercier Mme la ministre chargée des affaires européennes et vous-même, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, de la qualité et de la pertinence de nos échanges. La nouvelle formule appliquée à ce type de débat n’a pas spécialement constitué un handicap pour la réactivité et la pertinence des interventions. Elle fera sans doute l’objet d’une discussion dans un autre lieu.
En ce qui concerne le Brexit, je souhaiterais porter votre attention sur trois ou quatre points.
Vous l’avez entendu, monsieur le secrétaire d’État, nous sommes effectivement, à part l’un d’entre nous, si je puis dire, extrêmement soucieux de l’évolution du dossier. Nos amis britanniques ne semblent tout simplement pas bien comprendre l’indivisibilité des quatre libertés – liberté de circulation des biens, des personnes, des services et des capitaux – et ne veulent pas y souscrire. On ne peut pas fragiliser le marché unique, qui, je le rappelle, est le premier marché économique mondial. À partir du moment où ils ne veulent pas rester dans le marché unique, au sein d’une union douanière, il n’y a pas d’autre solution que de rétablir des contrôles aux frontières. Mieux vaut donc un « no deal » qu’un « bad deal », et c’est vers cette solution que nous nous orientons. Dont acte. Chacun prendra ses responsabilités, il faudra être pragmatique et intelligent. Mais ce n’est absolument pas ce que nous aurions souhaité.
Faut-il le rappeler, la question de la « frontière » – je mets des guillemets à dessein – entre l’Ulster et la République d’Irlande fit l’objet de l’une des conclusions de l’accord du Vendredi saint. Celui-ci prévoyait sa suppression et le rétablissement de la paix dans cette partie de l’Union européenne, qui en est aussi l’une des portes d’entrée. Dans le cadre de l’accord du Vendredi saint, l’Union européenne resta dans l’ombre mais fut particulièrement active, y compris financièrement, pour favoriser la conclusion de cet accord signé en 1998. C’est la raison pour laquelle nous n’abandonnerons pas nos collègues et amis irlandais, à charge pour le gouvernement britannique de considérer que, s’il n’entend pas fragiliser la souveraineté du Royaume-Uni, car fragilisation il y aura, il prend le risque de rallumer la guerre civile, ce dont l’Union européenne ne sera absolument pas comptable.
En deuxième point, j’aborderai le sujet de la pêche, que Mme la ministre a eu la délicatesse d’évoquer, même s’il se situe, en quelque sorte aux frontières de ce dossier du Brexit. C’est un sujet extrêmement important, et je remercie notre collègue Pascal Allizard de l’avoir lui aussi mis en avant.
La pêche à la coquille Saint-Jacques relève plutôt d’un gentleman ’ s agreement. L’ambassadeur de Grande-Bretagne en France, M. Llewellyn, nous l’a rappelé récemment dans un courrier, le DEFRA, à savoir le ministère chargé de la politique britannique en matière de pêche maritime, travaille sur cette question. Le concept de développement durable doit être au cœur de la solution à ce problème, à terme. Autrement dit, il n’est pas question d’imaginer une non-harmonisation et des périodes de pêche et des outils de pêche.
Tout à fait. Sinon, ce dossier ne pourra faire l’objet d’une résolution durable dans le cadre de ce qu’il est convenu d’appeler le sustainable development. Rappelons à nos amis pêcheurs britanniques que tout ce qu’ils pêchent est renvoyé sur le territoire de l’Union à hauteur de 70 %. S’il faut en arriver à avoir un étiquetage des produits de pêche britannique, nous y viendrons et je suis persuadé que le consommateur européen saura faire la différence.
Monsieur le secrétaire d’État, la Commission européenne se montre quelque peu provocatrice en ce qui concerne le mécanisme pour l’interconnexion en Europe, le MIE, et la problématique des couloirs maritimes. Le MIE devrait être révisé à échéance 2023. Ce n’est pas possible d’attendre, il faut le réviser tout de suite, parce que la problématique liée au Brexit interfère avec ce mécanisme d’interconnexion maritime de l’Union européenne.
J’invite donc le ministère des affaires européennes à se charger du problème, sur lequel nous serons extrêmement vigilants. Au Sénat, un groupe de travail et de suivi mixte, composé de membres de la commission des affaires européennes et de la commission du développement durable, se penchera sur la question.
Dans l’optique du projet de loi d’habilitation permettant au Gouvernement de légiférer par ordonnances, nous avons commencé à organiser un certain nombre d’auditions. Des professionnels nous en ont fait la réflexion, il y a, d’ores et déjà, un infléchissement, une réorganisation des flux routiers et des flux maritimes, et ce bien avant le résultat de ce que sera, demain, le Brexit. Dès maintenant, certains États, comme les Pays-Bas, la Belgique, sont véritablement, au travers de leur administration, aux côtés de leurs entreprises nationales. Cela veut dire précisément que ce serait moins le cas du gouvernement français, et je tenais à le signaler.
Au menu du Conseil européen figurera également la problématique de l’union bancaire, de la stabilité du fonds de résolution, de la convergence. Derrière tout cela, …
… c’est la solidité de l’euro qui est au cœur des réflexions. Aujourd’hui encore, l’euro n’est utilisé qu’à hauteur de 36 % des accords commerciaux internationaux. Il faut gagner quelques points supplémentaires.
J’en termine, madame la présidente, en évoquant l’accord de Paris. Toutes les dispositions à connotation environnementale sont au cœur des discussions des accords de libre-échange.
Je souhaite que, là aussi, la procédure de Dublin soit accélérée. Au-delà du sujet des migrations proprement dit, cela arrangera nos rapports avec notre voisin qu’est l’Italie.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains et du groupe Union Centriste. – M. le président de la commission des affaires étrangères et M. Jean-Claude Requier applaudissent également.
Nous en avons terminé avec le débat préalable à la réunion du Conseil européen du 18 octobre 2018.
Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à seize heures quarante, est reprise à seize heures quarante-cinq.
L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en procédure accélérée, du projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice (projet n° 463 [2017–2018], texte de la commission n° 13, rapport n° 11, tomes I et II).
Dans la discussion du texte de la commission, nous en sommes parvenus, au sein du titre V, au chapitre V.
TITRE V
RENFORCER L’EFFICACITÉ ET LE SENS DE LA PEINE
Chapitre V
Diversifier les modes de prise en charge des mineurs délinquants
L’amendement n° 66 rectifié bis, présenté par Mme Troendlé, MM. Babary et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles et Ginesta, Mme Giudicelli, MM. Grand et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené, Hugonet et Huré, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Retailleau, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mme Thomas et MM. Vogel, Vaspart et Paccaud, est ainsi libellé :
Avant l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifiée :
I. – Le 2° de l’article 20 est abrogé.
II. – L’article 20-2 est ainsi modifié :
1° À la première phrase du premier alinéa, les mots : « plus de treize » sont remplacés par les mots : « moins de seize » ;
2° Le deuxième alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Toutefois, si le mineur est âgé de plus de seize ans, le tribunal pour enfants et la cour d’assises des mineurs peuvent, compte tenu des circonstances de l’espèce et de la personnalité du mineur ainsi que de sa situation, décider qu’il y a lieu de le faire bénéficier de la diminution de peine prévue au premier alinéa. Cette décision doit être spécialement motivée.
« Le mineur âgé de plus de seize ans ne peut pas bénéficier de la diminution de peine prévue au précédent alinéa dans les cas suivants :
« 1° Lorsqu’un crime d’atteinte volontaire à la vie ou à l’intégrité physique ou psychique de la personne a été commis en état de récidive légale ;
« 2° Lorsqu’un délit de violences volontaires, un délit d’agression sexuelle, un délit commis avec la circonstance aggravante de violences a été commis en état de récidive légale. »
La parole est à M. François Bonhomme.
Les mineurs d’aujourd’hui ne sont plus ceux de 1945 ; c’est une évidence. Le cadre légal de la justice des mineurs doit donc être adapté pour en tenir compte. Ainsi, les auteurs de cet amendement souhaitent restreindre l’excuse pénale de minorité applicable aux jeunes âgés de seize à dix-huit ans. En effet, les mineurs de plus de seize ans représentent près de la moitié des mineurs impliqués dans des affaires pénales. La nature des actes qu’ils peuvent commettre justifie donc qu’ils fassent l’objet de sanctions proportionnées et dissuasives.
Les auteurs de l’amendement n° 66 rectifié bis posent incontestablement un problème de fond important. Il s’agit de savoir comment traiter les mineurs, les jeunes âgés de moins de dix-huit ans, en matière pénale, à partir du moment où l’actualité projette, je n’ose pas dire quotidiennement, mais encore récemment, sur nos écrans, la violence qui est celle aujourd’hui d’une partie de notre jeunesse.
Nos collègues proposent d’abaisser la majorité pénale. Si cette question de fond extrêmement importante a fait l’objet, voilà plusieurs années déjà, d’un rapport de M. André Varinard, qui avait exprimé un certain nombre d’interrogations, voire d’inquiétudes, nous n’avons pas vraiment avancé sur le sujet.
Plus récemment, au sein du Sénat, une mission d’information a travaillé sur les problèmes de minorité et l’enfermement des mineurs, d’ailleurs pilotée par notre collègue Catherine Troendlé. Ayant rendu son rapport voilà un peu plus de trois semaines, elle n’a pas spécialement abordé le sujet de l’abaissement de l’âge de la majorité pénale.
Dans le cadre du présent texte, le Gouvernement nous propose de nous pencher exclusivement sur les majeurs, puisque n’y est pas abordée la responsabilité pénale des mineurs. Pour autant, nous ne pouvons pas négliger le fait que la question se pose. Soit nous considérons qu’il convient de la mettre de côté et de ne pas nous en occuper, soit nous adoptons l’amendement et intégrons une telle disposition, un peu rapidement sans doute, dans le texte. La commission préférerait mener un travail complémentaire, un vrai travail de fond sur ce sujet, pour en appréhender l’ensemble des éléments. Abaisser l’âge de la majorité et de la responsabilité pénales n’est pas une petite décision sans conséquence pour un public par nature jeune. Même si les faits de violence visés sont de plus en plus importants, il convient de regarder les différents aspects un peu plus dans le détail et d’évaluer la situation de façon beaucoup plus précise.
C’est la raison pour laquelle la commission demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer. Mais ce n’est pas une demande de retrait sèche, si je puis dire, sans, d’ailleurs, que cela ait quoi que ce soit à voir avec la sortie sèche de détention. L’idée, derrière, c’est que puisse être mené un travail, confié à un groupe de collègues, au sein de la commission ou dans le cadre d’autres instances, afin d’approfondir ce point, avant, éventuellement, de revenir devant l’assemblée avec un travail beaucoup plus fourni, si je puis me permettre cette expression. Il ne s’agit pas de nier que la problématique soulevée par les auteurs de cet amendement est une problématique réelle, dont il faut aujourd’hui tenir compte, j’allais presque dire malheureusement.
Madame la présidente, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, je partage pleinement la position de M. le rapporteur, qui demande un retrait que je qualifierai de progressif, même si je ne suis pas certaine de l’exactitude de cette notion.
Monsieur le sénateur Bonhomme, j’ai d’abord quelques doutes sur la constitutionnalité de la disposition que vous proposez. Je vous rappelle que le Conseil constitutionnel a érigé au rang de principe fondamental reconnu par les lois de la République le principe de l’atténuation de la responsabilité pénale des mineurs - c’est une décision de 2002.
Ensuite, à première vue, il me semble que la mise en œuvre d’une telle disposition ne serait pas nécessairement efficace. D’ores et déjà, en l’état actuel du droit, il est possible de prononcer à l’égard des mineurs des peines de prison longues, voire très longues, y compris en utilisant l’excuse de minorité, qui est d’ailleurs une obligation lorsque le mineur est âgé entre treize et seize ans et qui n’est qu’une possibilité entre seize et dix-huit ans. Aujourd’hui, plus de 850 mineurs sont incarcérés.
Enfin, je dirais que cette proposition peut nous interroger parce que, tout de même, le public visé est encore, si je puis dire, en formation, son discernement n’étant pas totalement établi ni déterminé. Comme vient de le dire M. le rapporteur, c’est un travail général de réflexion qu’il faut mener autour de l’ordonnance de 1945. Peut-être pourriez-vous vous proposer pour l’engager. Je n’y verrais, pour ma part, que des avantages. À l’évidence, la question mérite en tout cas d’être retravaillée : donc demande de retrait ; sinon, avis défavorable.
Je n’ai pas besoin de convoquer l’actualité, qui vient se télescoper avec ce débat, pour débattre de la légitimité de la question. J’ai bien noté, monsieur le rapporteur, ainsi que vous-même, madame la ministre, d’une certaine façon, que vous ne repoussiez pas le sujet et qu’il était, bien au contraire, parfaitement légitime. Je conçois tout à fait que cette proposition puisse être le préalable à une étude de fond menée dans le cadre d’un groupe de travail.
Je retire donc l’amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 66 rectifié bis est retiré.
L’amendement n° 67 rectifié bis, présenté par Mme Troendlé, MM. Bascher et Bazin, Mmes Berthet et A.M. Bertrand, M. Bizet, Mme Bonfanti-Dossat, MM. Bonhomme et Bonne, Mme Bories, M. Bouchet, Mme Boulay-Espéronnier, MM. J.M. Boyer et Brisson, Mme Bruguière, M. Calvet, Mme Canayer, M. Cardoux, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Charon et Chatillon, Mme Chauvin, MM. Chevrollier, Courtial, Cuypers, Dallier et Danesi, Mme L. Darcos, M. Daubresse, Mme Delmont-Koropoulis, M. Dériot, Mmes Deroche, Deromedi, Deseyne et Di Folco, M. Dufaut, Mme Dumas, M. Duplomb, Mme Duranton, M. Émorine, Mmes Estrosi Sassone et Eustache-Brinio, MM. B. Fournier, Frassa et Genest, Mme F. Gerbaud, MM. Gilles, Ginesta et Grosperrin, Mme Gruny, MM. Guené et Hugonet, Mmes Imbert et M. Jourda, MM. Joyandet, Karoutchi, Kennel et Laménie, Mmes Lamure, Lanfranchi Dorgal et Lassarade, M. D. Laurent, Mme Lavarde, MM. Lefèvre, de Legge et H. Leroy, Mme Lherbier, M. Magras, Mme Malet, MM. Mandelli et Mayet, Mmes M. Mercier et Micouleau, M. de Montgolfier, Mme Morhet-Richaud, MM. Morisset, Mouiller, de Nicolaÿ, Nougein, Panunzi, Paul, Pellevat, Pemezec, Perrin, Piednoir, Pierre, Pillet, Pointereau et Poniatowski, Mme Primas, M. Priou, Mmes Procaccia et Raimond-Pavero, MM. Raison, Rapin, Retailleau, Revet, Savary, Savin, Schmitz, Segouin, Sido et Sol, Mme Thomas et MM. Vogel, Vaspart et Paccaud, est ainsi libellé :
Avant l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa de l’article 20-5 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifié :
1° À la première phrase, les mots : « seize à dix-huit ans » sont remplacés par les mots et la phrase : « treize à dix-huit ans. L’accord des parents est nécessaire pour les mineurs âgés de moins de seize ans. » ;
2° À la dernière phrase, le mot : « seize » est remplacé par le mot : « treize ».
La parole est à M. François Bonhomme.
Afin de permettre au juge d’adapter la peine sans recourir à l’emprisonnement ou à des sanctions éducatives de moindre portée, cet amendement prévoit que la peine consistant en l’exécution de travaux d’intérêt général, actuellement limitée aux mineurs de plus de seize ans, peut être prononcée à partir de l’âge de treize ans. Entre treize ans et seize ans, les parents devront donner leur accord préalable.
Sur cet amendement, je formulerai, pratiquement pour les mêmes raisons que précédemment, une demande de retrait. Le recours aux travaux d’intérêt général pour des jeunes mineurs est une proposition qui mérite aussi d’être étudiée, car très intéressante sur le principe. Encore faut-il le faire dans le cadre de ce travail global que nous voulons mener, de façon à avoir une vision d’ensemble et parfaitement cohérente. En effet, l’accueil d’un mineur au sein d’une collectivité locale, voire d’une structure associative à caractère privé, s’organise, se prépare. Il faut y travailler et étudier l’ensemble de la problématique.
Même avis, aussi bien pour des raisons légales, que je ne détaille pas ici, que pour des raisons d’immaturité du mineur âgé de treize à quinze ans. Il est assez difficile d’envisager le prononcé d’une peine de cette nature. Cela mérite d’être envisagé dans un ensemble plus large.
J’ai bien noté que le sujet serait aussi abordé dans le cadre du groupe de travail ad hoc évoqué. Je retire donc cet amendement, madame la présidente.
I. – L’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi modifiée :
1° L’article 33 est ainsi modifié :
a) La dernière phrase du premier alinéa est supprimée ;
b) Après le même premier alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre de ce placement, le magistrat ou la juridiction peut, durant le temps et selon les modalités qu’il détermine, autoriser l’établissement à organiser un accueil temporaire du mineur dans d’autres lieux afin de préparer la fin du placement ou de prévenir un incident grave.
« La violation des obligations auxquelles le mineur est astreint en vertu des mesures qui ont entraîné son placement dans le centre, y compris en cas d’accueil dans un autre lieu, peut entraîner, selon le cas, le placement en détention provisoire ou l’emprisonnement du mineur. » ;
c) Au deuxième alinéa, les mots : « à l’alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « au premier alinéa » ;
2° Au premier alinéa de l’article 40, après le mot : « devra », sont insérés les mots : « fixer les modalités du droit de visite et d’hébergement des parents et ».
II. – À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, le juge des enfants, le juge d’instruction, le juge des libertés et de la détention ou la juridiction de jugement peut prononcer une mesure éducative d’accueil de jour à l’égard d’un mineur dans les cas prévus aux cinquième et dixième alinéas de l’article 8, au 1° du II de l’article 10-2, aux articles 15 et 16, au premier alinéa de l’article 20-10 et à l’article 24-6 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante.
La mesure éducative d’accueil de jour consiste en une prise en charge pluridisciplinaire, en journée, collective, et dont la continuité est garantie à partir d’un emploi du temps individualisé, adapté aux besoins spécifiques du mineur.
Elle est ordonnée pour une durée de six mois renouvelable deux fois. Cette mesure peut se poursuivre après la majorité de l’intéressé, avec son accord.
Cette mesure est confiée par le magistrat ou la juridiction de jugement à un service ou un établissement du secteur public ou du secteur associatif habilité de la protection judiciaire de la jeunesse.
Les ressorts dans lesquels cette mesure peut être prononcée et exercée à titre expérimental, dont le nombre ne peut excéder vingt, sont définis par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation.
L ’ article 52 est adopté.
L’amendement n° 14 rectifié, présenté par Mme Guidez et M. Delahaye, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le 2° de l’article 133-13 du code pénal, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« …° Pour la condamnation unique soit à un emprisonnement n’excédant pas un an, soit à une peine autre que la réclusion criminelle, la détention criminelle ou l’emprisonnement, après la réalisation d’un service militaire volontaire de douze mois ou d’un service militaire adapté de huit mois minimum suite à l’exécution de la peine. Cet alinéa ne s’applique pas aux personnes condamnées pour des faits commis en état de récidive légale. »
La parole est à Mme Jocelyne Guidez.
Le service militaire volontaire est un formidable tremplin républicain pour de nombreux jeunes en rupture avec l’école, le monde professionnel et, parfois même, avec la justice, qui ont donc décidé de se reprendre en main. Cet amendement vise à favoriser la réinsertion des jeunes ayant commis des faits relevant de la petite délinquance, par le biais d’un encadrement militaire volontaire. Il est d’ailleurs inspiré par les services des armées prenant en charge les jeunes déscolarisés.
« Donnez une chance à la chance, alors elle devient nécessité », écrivait André Regnier dans Les I nfortunes de la raison. La mesure que je propose tend à accorder à ces jeunes non pas une réponse laxiste, mais bien cette seconde chance. Il s’agit d’un système incitatif, dès lors que ces jeunes volontaires bénéficieront d’une réduction du délai d’effacement de leur casier judiciaire, s’alignant sur la durée maximale du service, à savoir un an ou huit mois, au lieu de trois ou cinq ans.
Un tel dispositif est de nature à responsabiliser les jeunes délinquants en quête de réhabilitation du fait de la nature volontaire d’une inscription à ces types de service militaire. Par ailleurs, la nature de cet encadrement leur permet de renouer directement avec le respect de l’ordre et de la discipline, ainsi qu’avec le sens du dévouement envers le bien public.
Enfin, le but de ce service militaire étant de favoriser l’insertion professionnelle, cet encadrement a vocation à permettre à ces jeunes de se réinsérer durablement dans la société. En Île-de-France, ce sont près de 72 % des jeunes engagés au sein de ce service qui sont insérés professionnellement.
À travers cet amendement, j’entends ainsi consacrer un droit à l’oubli pour des jeunes ne demandant qu’à se reconstruire une vie digne et honorable, par le biais de l’effort et du travail.
La commission souhaiterait connaître l’avis du Gouvernement sur cet amendement.
La réhabilitation peut être définie comme le rétablissement du condamné dans son honneur et sa probité par l’effacement de la condamnation et de toutes les déchéances et les incapacités qui peuvent en résulter. Il existe actuellement deux modalités principales de réhabilitation : soit une réhabilitation de plein droit, qui a lieu après l’exécution de la peine principale ; soit une réhabilitation après une décision judiciaire.
Les auteurs de l’amendement envisagent de créer un nouveau cas de réhabilitation, évidemment au-delà de l’absence de nouvelles condamnations dans certains délais. En cas de condamnation unique à une peine de prison qui n’excède pas un an ou à une peine d’une autre nature que de l’emprisonnement, dès lors que l’intéressé n’est pas en état de récidive légale, ils proposent que la réhabilitation puisse être acquise si, après l’exécution de la peine, la personne concernée réalise un service militaire volontaire d’une durée de douze mois ou un service militaire adapté d’une durée de huit mois.
L’objectif de cet amendement est évidemment tout à fait compréhensible et mérite d’être souligné. Mais, en dehors des cas de réhabilitation judiciaire, qui permettent un contrôle du juge sur la sortie de la délinquance d’une personne condamnée, il me semble indispensable que s’écoule une certaine durée entre la condamnation d’une personne et l’effacement de toute incapacité ou déchéance. C’est une question de sécurité.
Par ailleurs, dans le dispositif de l’amendement, la sécurité ne paraît pas tout à fait acquise. La réforme proposée se trompe d’objet en touchant aux règles de réhabilitation légale, qui permettent l’effacement d’une condamnation du B2 du casier judiciaire. Les condamnations prononcées contre les mineurs ne figurent pas au B2, seulement accessible aux administrations ou à certains organismes privés.
Globalement, je suis donc défavorable à cet amendement, pour des raisons à la fois de sécurité et d’efficacité.
Je suis attachée à cet amendement, et ce pour une raison simple. Pour des petits délits, car c’est bien de cela qu’il s’agit, il est dommage, surtout que c’est plutôt demandé par l’armée, de ne pas tendre la main à ces jeunes désireux de faire des efforts.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 75 rectifié bis, présenté par MM. Paccaud, Bizet, Bouchet, J.M. Boyer, Brisson, Calvet, Cambon, Chaize, Chatillon et Cuypers, Mme L. Darcos, M. Decool, Mmes Deroche, Deromedi, Duranton, F. Gerbaud et Gruny, MM. Guerriau, Houpert, Joyandet, Karoutchi, Kennel, Kern, Lagourgue, Laménie, Lefèvre, Leleux et H. Leroy, Mme Lherbier, MM. Longeot et Longuet, Mme Lopez, M. Maurey, Mme Morhet-Richaud, MM. Pellevat et Pointereau, Mmes Procaccia, Puissat et Raimond-Pavero, M. Sol, Mme Thomas et M. Wattebled, est ainsi libellé :
Après l’article 52
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifiée :
1° L’article 50 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« …° Lorsque le bénéficiaire a été définitivement condamné pour un acte de nature terroriste, défini au chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal. » ;
2° L’article 51 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsque la personne bénéficiant de l’aide juridictionnelle a été condamnée sur le fondement du chapitre Ier du titre II du livre IV du code pénal, la juridiction saisie prononce le retrait total de l’aide juridictionnelle. »
La parole est à M. Olivier Paccaud.
Cet amendement vise à retirer l’aide juridictionnelle aux personnes condamnées pour acte de terrorisme.
Depuis mars 2012 et les attentats de Toulouse perpétrés par Mohammed Merah, la France a subi une quinzaine d’attentats, avec un bilan effroyable : plus de 240 morts, victimes de la folie et de la haine islamistes.
Dans la plupart des cas, les terroristes kamikazes y ont aussi laissé leur vie, et rares sont ceux qui ont pu être interpellés afin d’être jugés. C’est cependant le cas de Salah Abdeslam, seul rescapé du commando du 13 novembre 2015.
Si son procès est attendu, de nombreux Français ont appris avec stupéfaction que cet individu allait bénéficier de l’aide juridictionnelle pour payer sa défense.
Même s’il s’agit là d’un cas heureusement rare, nous ne pouvons que nous interroger sur le bien-fondé de l’exercice de ce droit pour les auteurs d’actes terroristes.
En effet, les actes terroristes ne sont pas des crimes et des délits comme les autres. À travers leurs victimes, les terroristes s’attaquent aussi et surtout à une société, à une civilisation et à une vision de l’humanité.
Nous sommes tous attachés à la notion d’État de droit. Mais, de même que la liberté d’expression n’autorise aucunement à dire ou à écrire n’importe quoi, le principe de l’aide juridictionnelle ne saurait être dévoyé.
En donnant corps, en 1972, à l’aide juridictionnelle, qui permet à tous les citoyens, quel que soit leur niveau social, d’avoir accès à une défense juridique, les législateurs avaient-ils imaginé que ce droit servirait un jour les intérêts d’un terroriste ? Il est permis d’en douter, surtout lorsque l’insolvabilité supposée de l’accusé est totalement contradictoire avec les moyens dont il a bénéficié pour échafauder ses projets meurtriers.
Aussi, par souci de défense des intérêts de la Nation et de la cohésion sociale, je vous propose, avec la quarantaine de cosignataires de cet amendement, de retirer le bénéfice de l’aide juridictionnelle aux auteurs d’actes terroristes ainsi qu’à leurs complices.
Cet amendement soulève un problème de principe et, parfois, on ne peut pas transiger avec les principes.
Nous sommes dans un système démocratique où les droits de la défense doivent être assurés, y compris pour l’auteur d’un crime abominable, quelle que soit notre opinion à son égard. C’est un principe incontestable, qui doit le rester selon nous.
En effet, si nous faisons droit à cette demande, pourquoi ne pas l’étendre demain aux agressions sexuelles ou aux crimes contre l’humanité ? La discussion peut s’étendre à l’infini.
Il faut donc accorder à celui qui doit se défendre la possibilité de le faire, en lui permettant de prendre un conseil, y compris au moyen de l’aide juridictionnelle. C’est le premier principe.
Mais il y a aussi un second principe. Si l’on peut prouver la solvabilité de celui qui comparaît, on peut soit ne pas accorder l’aide juridictionnelle, soit la récupérer a posteriori. Cette possibilité est peu utilisée, ce qui est regrettable. Il faudrait la mettre en œuvre plus régulièrement.
Je le redis donc aux nombreux collègues qui ont cosigné cet amendement : il y a des choses auxquelles on ne peut pas toucher, quelle que soit la gravité du crime commis. Je sais que l’attribution de l’aide juridictionnelle peut choquer dans ce cas, …
… mais on ne peut pas remettre en cause un droit fondamental.
En conséquence, la commission sollicite le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.
Je partage l’avis de M. le rapporteur.
Bien sûr, la situation que vous évoquez peut paraître extrêmement choquante, je le conçois aisément. Toutefois, c’est bien en réaffirmant de manière principielle les valeurs fondamentales auxquelles nous croyons que nous pourrons répondre à la barbarie résultant des actes auxquels vous vous référez, monsieur le sénateur.
C’est la raison pour laquelle je souhaiterais également que vous puissiez retirer cet amendement.
J’ajoute, sur un plan strictement juridique, qu’un tel amendement pourrait être considéré comme contraire à nos principes et valeurs constitutionnels, contraire au principe d’égalité, contraire au principe du droit à un recours juridictionnel effectif, contraire au principe de l’exercice des droits de la défense, et contraire aussi à l’ensemble des principes confirmés par la Cour européenne des droits de l’homme.
Ces raisons juridiques me semblent toutefois secondes dans notre discussion, et je rappellerai en priorité les valeurs qui fondent notre démocratie.
Je ne le retire en aucun cas, madame la présidente.
J’avancerai tout d’abord une raison juridique simple : le retrait de l’aide juridictionnelle est déjà prévu dans notre législation ; c’est rare, mais possible dans des cas bien définis.
Vous m’avez ensuite parlé de principes, monsieur le rapporteur, madame la ministre, et j’ai bien entendu vos arguments.
Je ne suis pas persuadé toutefois que le principe de base d’une société soit de défendre ceux qui souhaitent la détruire !
Je ne suis pas persuadé que répondre à la barbarie par un État de droit qui commence par nier la nécessité de se défendre soit ce qu’attendent nos concitoyens.
Une société doit avant tout reposer sur un pacte social, ce que l’on appelle le « contrat républicain ».
Ce qu’attendent avant tout nos concitoyens, c’est que la société les protège et que le Gouvernement soit là pour les défendre. Or comment un contribuable pourrait-il accepter que ceux qui menacent notre pays soient financièrement et juridiquement défendus par ce pays ?
Notre société n’a pas vocation à être masochiste, encore moins schizophrène. Aussi, je le répète, je ne retire pas mon amendement.
Mme Vivette Lopez applaudit.
Puisqu’il est question de principes, je rappellerai que nous sommes dans un État de droit.
Nos règles prévoient, notamment en matière criminelle, que l’accusé doit être assisté d’un avocat, auxiliaire de justice, lequel est le cas échéant commis d’office. On a d’ailleurs constaté, parfois, que certains terroristes ne voulaient même pas d’un avocat commis d’office.
Le mot « aide juridictionnelle » peut paraître choquant, en ce sens qu’on a l’impression que c’est une aide que l’on accorde à l’accusé. En réalité, le fonctionnement légitime de notre société veut que, dans un procès pénal, il y ait le procureur, les magistrats de la cour d’assises spéciale, composée uniquement de juges professionnels, et une défense, qui n’est pas là forcément pour soutenir l’action du terroriste, mais pour garantir l’équité du procès.
Supprimer l’aide juridictionnelle signifierait que les avocats commis d’office doivent travailler sans indemnité.
Il appartient le cas échéant à l’État de recouvrer ces sommes s’il est démontré que l’intéressé a de l’argent.
Il serait préférable, en effet, de ne pas parler d’aide juridictionnelle, mais plutôt de rétribution de l’auxiliaire de justice commis d’office – il faudra peut-être trouver un jour une formule pour rassurer nos concitoyens.
Un procès contre des terroristes coûte de toute façon très cher à l’État, si l’on prend en compte le temps d’instruction et de procédure, sans compter les moyens de sécurité qu’il faut déployer pour s’assurer du maintien en détention et des conditions de survie des auteurs présumés. Ce n’est pas l’indemnisation versée à l’avocat commis d’office qui va ruiner la France, bien au contraire !
Les criminels de guerre ont bien pu faire appel à un avocat, lors des procès de Munich ou d’ailleurs. Il s’agit des grands principes de notre droit et il faut les accepter.
Je me suis demandé si j’allais cosigner cet amendement. À la réflexion, je me suis rappelé le procès de Barbie à Lyon, de même que d’autres procès où les accusés avaient été défendus. La France ne peut pas renoncer à donner une défense à un accusé, même au plus horrible des personnages ou à celui qui a perpétré des crimes contre l’humanité.
Cette disposition serait en outre sans effet. Comme vient de le rappeler notre collègue, l’avocat commis d’office se rendra au prétoire, car c’est aussi pour lui une tribune – ne perdons pas cela de vue non plus.
Notre collègue a eu raison de soulever le problème et de souligner le caractère très choquant de cette aide. On pourrait sans doute, madame le garde des sceaux, changer l’expression écrite, trouver un autre terme. L’opinion publique ne comprendra pas quand on lui expliquera que l’avocat est payé par les contribuables.
Le devoir du parlementaire, c’est aussi d’expliquer aux Françaises et aux Français que si les plus grands criminels n’avaient pas accès à une défense, nous ne serions plus la France !
Je tenais à soutenir cet amendement et à saluer l’initiative de M. Olivier Paccaud et d’autres collègues.
Je comprends les réponses de M. le rapporteur et de Mme la ministre. Certes, nous sommes dans un État de droit et nous le respectons. Mais beaucoup de nos concitoyens ne le comprennent plus et nous, législateurs, nous nous demandons parfois à quoi nous servons. Nous n’avons aucune marge de manœuvre pour proposer quelque chose.
Notre collègue a rappelé les chiffres : 241 victimes innocentes des attentats. Mais on pourrait prendre aussi l’exemple des victimes de « prédateurs » ou de chauffards – même quand ils sont jugés, les peines sont souvent très limitées par rapport à la détresse des familles des victimes. Combien de piétons se font écraser ? Combien de délits de fuite ? Tout se recoupe !
Je peux comprendre votre réponse, monsieur le rapporteur, madame la ministre, mais je resterai cohérent et soutiendrai cet amendement.
Je n’ai pas grand-chose à ajouter aux propos de nos collègues Jacques Bigot et Jean-Pierre Grand.
On ne peut pas soupçonner Jean-Pierre Grand d’être le complice de ceux qui veulent abattre la démocratie ou de ceux qui voudraient être trop généreux ou trop indulgents avec les terroristes.
Mais, de grâce, mes chers collègues, nous sommes dans un État de droit, dans un pays où le droit est empreint d’humanisme, mais aussi de quelque chose de céleste.
Ce serait donner une décoration supplémentaire aux terroristes que de leur retirer l’aide juridictionnelle.
Nous sommes au Sénat, nous avons un État de droit et des principes supérieurs à défendre.
Bien sûr, il est parfois difficile pour un élu de ne pas suivre la foule, mais son rôle est aussi, parfois, de guider le peuple.
Je vous en conjure, mes chers collègues, ne cédons pas ! Ce serait une très vilaine image au regard de tout ce qui s’est passé dans cette maison depuis des siècles.
Applaudissements sur des travées du groupe Les Républicains. – Mme Sophie Joissains, ainsi que MM. Éric Jeansannetas et Thani Mohamed Soilihi applaudissent également.
C’est vraiment aller à contresens que de vouloir défendre des gens qui veulent anéantir nos familles et perturber le fonctionnement de notre société.
Nous ne pouvons pas tendre la joue pour recevoir de nouveaux coups. Même si j’ai conscience que d’aucuns pourraient être tentés, demain, d’élargir son champ, cette proposition me semble constituer un signe fort et il appartient, notamment aux juristes et aux avocats que compte notre assemblée, de réfléchir à la manière dont les avocats pourraient éventuellement être rémunérés pour leur action dans ce cadre.
Mais il me paraît très difficile d’expliquer aux Français que leur argent va servir à défendre des terroristes.
Je voudrais vous faire part, mes chers collègues, d’une expérience personnelle.
Victime en 2000 d’un colis piégé lors d’un attentat politique perpétré par des militants d’extrême droite se réclamant d’une philosophie néonazie – cet attentat a fait deux victimes innocentes –, j’ai été partie civile au procès d’assises.
Deux fois cinq jours de procès d’assises, c’est extrêmement lourd, mais primordial pour que les familles de victimes puissent faire leur travail de deuil, que la vérité éclate et que la justice soit rendue. Je n’aurais jamais pu concevoir que les accusés, surtout l’accusé principal qui a été condamné deux fois à 27 ans de prison, ne soient pas défendus.
C’est effectivement l’honneur de notre démocratie de garantir ce droit fondamental à la défense. Si l’on créait aujourd’hui une brèche en la matière, le Parlement devrait vraisemblablement débattre dans quelque temps de la réhabilitation de la peine de mort, même si son interdiction a été inscrite de manière très forte dans la Constitution.
Je le dis avec émotion, j’ai vécu tout cela, et il est important que, au nom de la République française, qui a souvent servi de phare pour la démocratie à l’échelle du monde, nous puissions défendre ces droits fondamentaux.
Applaudissements sur des travées du groupe socialiste et républicain et du groupe du Rassemblement Démocratique et Social Européen. – M. Thani Mohamed Soilihi applaudit également.
Le témoignage de notre collègue Priou se suffit à lui-même.
Soyons clairs, les avocats des terroristes ne défendent pas leurs crimes, mais leur droit à être défendus. Comme l’a rappelé Jacques Bigot, l’aide judiciaire est destinée au conseil de ces personnes. Si l’on n’établit pas clairement cette distinction, on pourra ouvrir à l’infini des portes impossibles à refermer.
La force absolue d’un État de droit, qui permet la cohésion sociale globale que vous avez évoquée il y a quelques instants, repose sur le fait que chacun puisse avoir les moyens de se défendre, y compris le pire d’entre nous. C’est la seule garantie qui vaille dans un État de droit digne de ce nom.
J’ai des scrupules, madame la présidente, à vous demander la parole après tant d’interventions de nos collègues, de notre rapporteur et de Mme la garde des sceaux, qui m’ont paru très convaincantes et pertinentes.
Je voudrais dire aux auteurs de cet amendement que tout accusé est présumé innocent jusqu’à ce qu’il ait été déclaré coupable. La question ne devrait donc même pas se poser : nous ne pouvons pas punir quelqu’un en lui refusant un avocat pris en charge par l’aide juridictionnelle avant de savoir s’il est coupable. Et nous ne pouvons pas savoir s’il est coupable s’il n’a pas été défendu au cours d’un procès.
Supposons qu’une cour d’assises se réunisse. L’accusé, poursuivi pour complicité d’attentat terroriste, clame son innocence. Au cours du procès, coup de théâtre : il a été pris pour un autre… La cour d’assises est convaincue de son innocence et le relaxe.
L’accusé ayant été poursuivi pour un acte de terrorisme, il n’aurait pas eu droit à un avocat, selon cet amendement. Tant que le procès n’a pas eu lieu, la personne poursuivie est présumée innocente et doit pouvoir être défendue. La défense d’un accusé n’est pas une forme de complicité avec lui. Simplement, dans un État de droit, on ne peut pas mettre en prison, parfois à perpétuité, quelqu’un qui n’a pas été défendu. Et si cette personne n’a pas les moyens d’assurer sa défense, l’aide juridictionnelle doit évidemment être appliquée. Ce n’est pas faire preuve de complaisance à l’égard des terroristes que de rappeler cette règle fondamentale de notre État de droit.
Monsieur le président de la commission des lois, vous n’avez pas bien lu l’amendement…
Monsieur Paccaud, vous avez déjà exprimé les raisons pour lesquelles vous maintenez votre amendement, vous ne pouvez donc plus prendre la parole…
Je dois apporter une explication indispensable. Cet amendement prévoit en effet expressément que le retrait de l’aide juridictionnelle n’est pas possible avant jugement, ab initio – ce serait bien évidemment anticonstitutionnel. Le retrait de l’aide juridictionnelle ne peut intervenir qu’après la condamnation, vous avez raison.
Pour conclure, Je ne peux accepter qu’on nous fasse passer pour des antidémocrates. Je peux défendre ce type d’amendement et être démocrate. Je veux bien toutes les critiques du monde, mais me faire passer pour quelqu’un qui n’est pas un démocrate, non !
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
TITRE V bis
ACCROÎTRE LA MAÎTRISE DES DÉPENSES D’AIDE JURIDICTIONNELLE
(Division et intitulé nouveaux)
L’article 1635 bis Q du code général des impôts est ainsi rétabli :
« Art. 1635 bis Q. – I. – Par dérogation aux articles 1089 A et 1089 B, une contribution pour l’aide juridique de 20 à 50 € est perçue par instance introduite en matière civile, commerciale, prud’homale, sociale ou rurale devant une juridiction judiciaire ou par instance introduite devant une juridiction administrative.
« II. – La contribution pour l’aide juridique est exigible lors de l’introduction de l’instance. Elle est due par la partie qui introduit une instance.
« III. – Toutefois, la contribution pour l’aide juridique n’est pas due :
« 1° Par les personnes bénéficiaires de l’aide juridictionnelle ;
« 2° Par l’État ;
« 3° Pour les procédures introduites devant la commission d’indemnisation des victimes d’infraction, devant le juge des enfants, le juge des libertés et de la détention et le juge des tutelles ;
« 4° Pour les procédures de traitement des situations de surendettement des particuliers et les procédures de redressement et de liquidation judiciaires ;
« 5° Pour les procédures introduites par les salariés devant un conseil de prud’hommes ;
« 6° Pour les recours introduits devant une juridiction administrative à l’encontre de toute décision individuelle relative à l’entrée, au séjour et à l’éloignement d’un étranger sur le territoire français ainsi qu’au droit d’asile ;
« 7° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 521-2 du code de justice administrative ;
« 8° Pour la procédure mentionnée à l’article 515-9 du code civil ;
« 9° Pour la procédure mentionnée à l’article L. 34 du code électoral ;
« 10° Pour les procédures de conciliation mentionnées à l’article 4 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle et celles déléguées par le juge, en vertu d’une disposition particulière, au conciliateur de justice.
« IV. – Lorsqu’une même instance donne lieu à plusieurs procédures successives devant la même juridiction, la contribution n’est due qu’au titre de la première des procédures intentées.
« V. – Lorsque l’instance est introduite par un auxiliaire de justice, ce dernier acquitte pour le compte de son client la contribution par voie électronique.
« Lorsque l’instance est introduite sans auxiliaire de justice, la partie acquitte cette contribution par voie de timbre mobile ou par voie électronique.
« Les conséquences sur l’instance du défaut de paiement de la contribution pour l’aide juridique sont fixées par voie réglementaire.
« VI. – La contribution pour l’aide juridique est affectée au Conseil national des barreaux.
« VII. – Un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application du présent article. »
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L’amendement n° 135 est présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Kerrouche, Leconte, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Jasmin, Lubin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain.
L’amendement n° 204 est présenté par MM. Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet et les membres du groupe La République En Marche.
L’amendement n° 299 rectifié est présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jacques Bigot, pour présenter l’amendement n° 135.
Nous souhaitons supprimer l’article 52 bis, par lequel la commission entend mettre en place un système de frais de justice pour assurer le financement de l’aide juridictionnelle.
Je rappelle que la loi du 29 juillet 2011 de finances rectificative avait instauré une contribution pour l’aide juridique forfaitaire de 35 euros. À l’époque, il s’agissait de financer l’obligation pour l’État d’indemniser des avocats commis d’office lors des gardes à vue.
La Cour de cassation avait considéré que l’avocat devait être présent dès la première heure de garde à vue, ce qui avait engendré des dépenses importantes.
Cette contribution avait été supprimée par la loi de finances pour 2014, mais la commission avait déjà souhaité la rétablir dans une proposition de loi votée en octobre 2017 ; nous nous y étions opposés.
Très peu de personnes bénéficient de l’aide juridictionnelle, le plafond de revenus afin de pouvoir y prétendre avoisinant 1 200 euros.
De nombreuses personnes issues des classes moyennes, qui n’ont pas forcément de gros moyens, vont être obligées de payer une contribution pour financer une aide juridictionnelle qui ne bénéficiera qu’à quelques-uns. Une fois de plus, on va taxer des personnes qui disposent de revenus à peine supérieurs à ceux dont disposent les bénéficiaires de l’aide juridictionnelle. C’est extrêmement dangereux et insatisfaisant. Les entreprises pourront en répercuter le montant dans leurs frais généraux, mais, pour les classes moyennes qui vont s’adresser à la justice notamment pour un divorce ou pour régler un conflit de voisinage, on va créer un coût d’accès à la justice, et ce n’est pas normal.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi, pour présenter l’amendement n° 204.
Comme l’a souligné notre collègue Jacques Bigot, l’article 52 bis vise à rétablir la contribution pour l’aide juridique, supprimée par la loi du 29 décembre 2013 de finances pour 2014. Elle serait désormais modulée, de 20 à 50 euros, en fonction du type d’instance engagée.
À l’instar du dispositif supprimé, ladite contribution n’aurait pas à être acquittée pour certaines matières contentieuses, auxquelles cet article ajoute les procédures engagées par les salariés devant les conseils de prud’hommes. Les personnes éligibles à l’aide juridictionnelle ne seraient pas non plus redevables de la contribution.
N’y a-t-il pas là une contradiction, voire quelque chose de choquant ? Non seulement cette disposition constitue une entrave financière non négligeable à la charge du justiciable, mais ce financement complémentaire de l’aide juridictionnelle tend à faire peser sur les seuls justiciables les moins fortunés le fonctionnement des institutions judiciaires. Ce n’est pas notre vision de la justice.
Il faut davantage conclure à la nécessité d’une refonte du système de l’aide juridictionnelle. Des études ont été engagées, avec notamment une piste de réflexion sur la taxation des conventions d’assurance.
En l’état, nous nous opposons donc à l’article 52 bis.
La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l’amendement n° 299 rectifié.
Comme l’ont rappelé nos collègues, la contribution pour l’aide juridique avait été supprimée en 2013 par le projet de loi de finances pour 2014, au motif que, depuis sa création, en 2011, elle avait découragé des justiciables à aller en justice.
Comme l’estimait la Chancellerie en 2013, « les contentieux de faible montant, comme les injonctions de payer, ont connu une diminution des saisines du juge de l’ordre de 13 % entre le premier semestre de l’année 2011 et le premier semestre de l’année 2012. Cette baisse, contemporaine de l’introduction du timbre à 35 euros, laisserait présumer que celui-ci constitue un obstacle à l’accès au juge, à tout le moins dans les petits litiges dont le gain escompté est faible. »
Il nous semble que ce constat, valable en 2013, doit continuer d’être regardé comme tel en 2018 : une réintroduction de la contribution pour l’aide juridique aurait des effets en premier lieu sur les petits litiges, ce qui s’oppose à la recherche d’une justice de proximité.
Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements identiques ?
La commission des lois a émis un avis défavorable sur ces trois amendements, puisqu’ils ont pour objet de supprimer la contribution pour l’aide juridique que nous avons réinstaurée dans ce texte, à l’article 52 bis, après sa suppression en 2013.
Elle serait désormais modulée de 20 euros à 50 euros, en fonction du type d’instance engagée. Ce droit de timbre existe actuellement en cause d’appel, son montant étant de 225 euros. Le rétablissement de cette contribution, qui rapportait chaque année à peu près 50 millions d’euros aux caisses de l’État, a le mérite d’apporter une réponse simple, pérenne, efficace aux difficultés permanentes de financement de l’aide juridictionnelle, dont les dépenses sont en augmentation continue, pour un coût limité pour le justiciable, grâce à la modulation prévue par le dispositif que nous avons intégré dans le texte.
Comme lors de sa mise en place en 2011, cette contribution n’aurait pas à être acquittée pour certains contentieux, auxquels cet article, d’ailleurs, ajoute les procédures engagées par les salariés devant le conseil des prud’hommes. Par ailleurs, comme par le passé, les personnes éligibles à l’aide juridictionnelle ne seraient pas non plus redevables de cette contribution.
La commission des lois, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, a introduit un nouveau titre qui vise à accroître la maîtrise des dépenses d’aide juridictionnelle. C’est évidemment un objectif que partage pleinement le Gouvernement, mais, pour autant, nous n’avions pas décidé d’inclure dans cette loi de programmation et de réforme de la justice des dispositions sur l’aide juridictionnelle. Je redis ici ce que j’ai eu l’occasion de préciser devant la commission qui m’a entendue : il y a évidemment une difficulté, que je qualifierai de pérenne, autour de la notion d’aide juridictionnelle, qui tient à sa construction. Nous avons donc décidé de demander un rapport à l’Inspection générale de la justice et à l’Inspection générale des finances. Ce rapport, qui vient de nous être rendu, évoque un certain nombre de pistes, dont, notamment, le droit de timbre, tel que votre commission le propose ici, mais pas seulement. D’autres orientations sont exposées, par exemple sur les contrats d’assurance juridique, et d’autres encore.
Nous sommes convenus avec les représentants des avocats, c’est-à-dire avec le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et la Bâtonnière de Paris, de prendre le temps du dialogue et de la construction d’un dispositif pérenne autour de ce projet. C’est la raison pour laquelle, volontairement, nous n’avons pas mis de dispositions à ce sujet dans le projet de loi que je vous présente.
Cependant, je vous indique que nous avons budgété pour l’année 2019 des provisions suffisantes pour, d’une part, évidemment, maintenir le paiement de l’aide juridictionnelle dans les conditions dans lesquelles elle fonctionne aujourd’hui, et, d’autre part, prévoir également une augmentation liée à l’accroissement de la représentation obligatoire qui est prévu dans le projet que je vous propose. Nous avons donc sécurisé les financements dans le budget 2019.
Je pourrai vous présenter les dispositions résultant de cette concertation, que nous pourrions conduire ensemble, à l’occasion de la discussion du budget 2020.
Enfin, sur la disposition précise du rétablissement proposé par votre commission de la contribution pour l’aide juridique, que l’on appelle familièrement droit de timbre, avec un montant modulé entre 20 et 50 euros, je me pose plusieurs questions. D’une part, je m’interroge sur la précision de cet article au regard du principe d’égalité devant les charges publiques, dans la mesure où aucun critère n’est défini pour déterminer le montant de cette contribution au sein de cette fourchette de 20 à 50 euros. Il y a donc un doute sur une question juridique.
D’autre part, plus généralement, force est de constater que la réintroduction d’un droit de timbre fait l’objet de débats qui traversent non seulement le Parlement – le Sénat et, sans doute, l’Assemblée nationale –, mais aussi notre société, comme le montre le dépôt des trois amendements de suppression. Le droit de timbre, bien sûr, peut-être conçu comme une manière de responsabiliser les justiciables dans leur présence au sein du service public de la justice en les sensibilisant sur le coût réel de la justice et sur les saisines abusives. Toutefois, le paiement des frais de justice est une question qui, j’y insiste, est très sensible, et qui s’applique différemment selon les pays d’Europe. Il y a en effet un certain nombre de pays européens dans lesquels les frais de justice s’appliquent, ce qui ne doit pas être négligé, mais, en France, si tel a pu être le cas un moment, il n’en est plus ainsi. Ces dispositions méritent donc des échanges approfondis dans le cadre de la navette parlementaire. À ce stade, je m’en remets à la sagesse du Sénat, tout en ayant conscience que la difficulté et la délicatesse des débats sur ce sujet nous conduiront à approfondir cette question avec l’Assemblée nationale.
En 2014, Jacques Mézard et moi-même avions rendu un rapport sur l’aide juridictionnelle, dans lequel nous avions pris acte de la suppression du droit de timbre, lequel posait des problèmes d’accès à la justice et d’égalité. Nous avions proposé deux pistes, qui n’ont pas été explorées depuis : la hausse des droits d’enregistrement et, dans le même temps, la taxation des contrats d’assurance protection juridique. Je pense déposer un amendement allant dans ce sens lors de la prochaine discussion budgétaire, et, en attendant, je ne voterai pas cet article.
Mes chers collègues, le droit de timbre n’est en aucun cas une difficulté pour l’accès à la justice. Il est au contraire le moyen de financer l’aide juridictionnelle, sans laquelle un million de personnes n’auraient pas accès à la justice chaque année. Quand vous êtes impliqués dans un procès, vous versez plusieurs milliers d’euros à un avocat, du moins dans un certain nombre de cas, et vous seriez incapables de verser 20 euros à 50 euros de droit de timbre pour assurer le financement solidaire de l’aide juridictionnelle et permettre à d’autres d’accéder à la justice… Il me semble qu’il y a là une contradiction majeure. Chacun sait bien que la justice n’est pas gratuite, en réalité, et que le droit de timbre est simplement une contribution solidaire pour l’accès de tous à la justice. Il faut autoriser cette contribution, qui permettra de régler bien des problèmes d’accès à la justice dans notre pays.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 135, 204 et 299 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 52 bis est adopté.
Après l’article 18 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, il est inséré un article 18-1 ainsi rédigé :
« Art. 18 -1. – Toute demande d’aide juridictionnelle est précédée de la consultation d’un avocat. Celui-ci vérifie que l’action envisagée n’apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.
« Cette consultation n’est pas exigée du défendeur à l’action, de la personne civilement responsable, du témoin assisté, de la personne mise en examen, du prévenu, de l’accusé, du condamné et de la personne faisant l’objet de la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.
« La rétribution due à l’avocat pour cette consultation est prise en charge au titre de l’aide juridictionnelle si le demandeur remplit les conditions pour en bénéficier, à l’exception de celles fixées à l’article 7.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. »
Je suis saisie de quatre amendements identiques.
L’amendement n° 42 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 93 est présenté par Mme Joissains.
L’amendement n° 183 est présenté par le Gouvernement.
L’amendement n° 300 rectifié est présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 42.
Cet article, qui a été introduit par les rapporteurs du texte, s’inspirant d’une mesure adoptée par le Sénat lors de l’examen de la proposition de loi sur le redressement de la justice, prévoit que toute demande d’aide juridictionnelle est précédée de la consultation d’un avocat, lequel vérifie que l’action envisagée n’apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement.
Selon nous, cette mesure porte atteinte au principe d’accessibilité de la justice, en ajoutant un obstacle supplémentaire au parcours du justiciable qui souhaite saisir la justice, mais qui n’en a pas les moyens.
Par ailleurs, confier aux avocats, qui sont des acteurs privés, une mission relevant de l’autorité de l’administration, dans le seul objectif de réaliser des économies, n’est pas admissible.
Rappelons que « la justice est la sanction des injustices établies », pour reprendre les mots d’Anatole France, qui devraient nous inspirer.
La parole est à Mme Sophie Joissains, pour présenter l’amendement n° 93.
Cette mission donnée à l’avocat est, certes, une mission de filtre, mais c’est surtout une mission de pré-jugement, ce qui, je pense, n’est pas le rôle de l’avocat, par nature partisan. De surcroît, il se retrouverait juge et partie dans cette position, ce qui n’est pas conforme à nos principes juridiques. Dans le rapport que Jacques Mézard et moi-même avions rendu, nous avions prévu le contrôle de la recevabilité au fond de l’affaire par le bureau d’aide juridictionnelle dans sa composition pluripartite.
La parole est à Mme la garde des sceaux, pour présenter l’amendement n° 183.
C’est un amendement de suppression de l’article 52 ter introduit par la commission.
Je vais évidemment vous présenter une série d’amendements de suppression pour les raisons que j’ai indiquées précédemment, à savoir que je ne souhaite pas introduire de dispositions sur l’aide juridictionnelle. Soit je détaille à chaque fois les raisons pour lesquelles je souhaite la suppression, soit on considère que ma position est liée à la problématique générale, si vous m’y autorisez, madame la présidente.
Ils seront considérés comme étant défendus.
La parole est à Mme Josiane Costes, pour présenter l’amendement n° 300 rectifié.
Comme cela vient d’être dit et comme cela a été évoqué lors de l’examen de la proposition de loi pour le redressement de la justice, la réforme proposée pour le contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle rendant obligatoire la consultation préalable d’un avocat pose de nombreuses questions de principe et de mise en œuvre. En effet, ce dispositif tend à faire porter sur les avocats la charge d’un contrôle aujourd’hui effectué par l’administration, un contrôle qui devrait, au contraire, être renforcé, comme vous le proposez par ailleurs, messieurs les rapporteurs. D’autres l’ont déjà souligné, il s’agit également d’un obstacle supplémentaire entre le justiciable et le juge. C’est pour ces raisons que nous y sommes opposés.
L’avis est défavorable sur ces quatre amendements identiques.
Je rappelle simplement que l’article 52 ter a pour objet de prévoir la consultation obligatoire d’un avocat préalablement au dépôt d’une demande d’aide juridictionnelle, à l’exception des actions pour lesquelles le justiciable est défendeur ou, en matière pénale, des demandes relevant de l’admission provisoire à l’aide juridictionnelle en raison de leur caractère urgent.
Il s’agit de rendre effectives les dispositions prévues à l’article 7 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, qui n’a jamais été appliqué en pratique. Cet article prévoit que l’aide juridictionnelle est accordée à la personne dont l’action n’apparaît pas manifestement irrecevable ou dénuée de fondement. Bien sûr, la mise en place de cette mesure supposera une organisation spécifique des barreaux, ainsi que divers ajustements pratiques qui devront être réglés par le pouvoir réglementaire.
Ce dispositif, s’il fonctionne correctement, devrait améliorer grandement le contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle. Cette attribution obéit aujourd’hui à une logique de guichet, disons les choses telles qu’elles sont : 90 % des demandes formulées en première instance donnent lieu à une admission, alors que ce taux est de 23, 5 % en cassation, où l’aide juridictionnelle est refusée aux demandeurs si aucun moyen de cassation sérieux n’est relevé. Un grand nombre de rapports ont été rendus ces dernières années sur ce sujet-là, proposant divers dispositifs, qui, finalement, n’ont jamais été mis en œuvre. Il est temps d’essayer d’apporter une solution pratique.
Mme la présidente. Le Gouvernement est bien sûr favorable aux trois amendements identiques au sien, madame la ministre ?
Mme la garde des sceaux acquiesce.
Je mets aux voix les amendements identiques n° 42, 93, 183 et 300 rectifié.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 52 ter est adopté.
L’article 21 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « peut recueillir » sont remplacés par le mot : « recueille » ;
2° Le deuxième alinéa est ainsi rédigé :
« À cet effet, il consulte les services de l’État et des collectivités publiques, les organismes de sécurité sociale et les organismes qui assurent la gestion des prestations sociales. Ceux-ci sont tenus de lui communiquer, sans pouvoir opposer le secret professionnel, tous renseignements permettant de vérifier que l’intéressé satisfait aux conditions exigées pour bénéficier de l’aide juridictionnelle. »
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 43 rectifié est présenté par Mmes Assassi, Benbassa et Apourceau-Poly, M. Bocquet, Mmes Brulin, Cohen et Cukierman, MM. Gay et Gontard, Mme Gréaume, MM. P. Laurent et Ouzoulias, Mme Prunaud et M. Savoldelli.
L’amendement n° 180 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 43 rectifié.
L’argumentaire développé pour défendre la suppression de l’article 52 ter est tout aussi valable pour cet article 52 quater. Dans le même esprit affiché par les rapporteurs de vouloir assurer un meilleur contrôle de l’attribution de l’aide juridictionnelle, cet article sous-entend que certains justiciables feraient la demande de l’aide juridictionnelle alors que leurs ressources seraient suffisantes pour se payer les services d’un avocat par leurs propres moyens.
Il est donc proposé de récupérer les informations nécessaires pour juger du bien-fondé des demandes en sollicitant les organismes de sécurité sociale et les organismes assurant la gestion des prestations sociales.
Cette logique de suspicion à l’égard des plus vulnérables n’est pas acceptable, d’autant moins lorsque l’on connaît les difficultés que rencontrent les personnes les plus précaires pour accéder aux informations concernant leurs droits en matière d’aide juridictionnelle.
Puis-je considérer que votre amendement n° 180 est défendu, madame la garde des sceaux ?
Je veux simplement ajouter que la consultation des administrations qui détiennent des informations pertinentes pour l’instruction d’une demande d’aide juridictionnelle est prévue dans le cadre du projet informatique visant à simplifier les demandes d’aide juridictionnelle. Nous voulons en effet numériser ces demandes.
Par ailleurs, le ministère de la justice s’est engagé dans une démarche de convention avec la Caisse nationale des allocations familiales – CNAF –, ainsi que l’a préconisé la mission, dont je vous parlais précédemment, confiée à l’Inspection générale de la justice et à l’Inspection générales des finances sur diverses pistes d’amélioration pour l’aide juridictionnelle, afin de permettre aux bureaux d’aide juridictionnelle d’avoir accès aux données mises à disposition par la CNAF et qui sont nécessaires à l’instruction d’une demande d’aide juridictionnelle, via notamment le service « Mon compte partenaire ».
Pour toutes ces raisons, il me semble que la modification de la loi proposée par la commission n’est pas nécessaire.
La commission est défavorable à ces deux amendements identiques.
En réalité, madame la ministre, nous visons le même objectif. La seule différence, c’est que la commission des lois souhaite rendre obligatoire la consultation par les bureaux d’aide juridictionnelle des services ou organismes sociaux compétents pour apprécier les ressources des demandeurs. Notre souhait est d’être efficace, naturellement.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L ’ article 52 quater est adopté.
Au premier alinéa de l’article 44 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique, le mot : « étrangères » est remplacé par le mot : « relatives ».
L’amendement n° 182, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
L’article 52 quinquies vise à confier l’ensemble de la procédure de recouvrement de l’aide juridictionnelle au Trésor public. L’État peut recouvrer les sommes versées aux bénéficiaires de l’aide juridictionnelle auprès de la partie adverse, quand celle-ci perd son procès. Dans ce cas, on utilise la procédure de recouvrement de recettes non fiscales. Les états de recouvrement sont adressés au cours d’appel, lesquelles transmettent ensuite les titres de recettes au service du Trésor public. L’Inspection générale des finances et l’Inspection générale de la justice, dans le rapport dont je fais état depuis maintenant quelques amendements, ont examiné ce point et elles ont conclu qu’il était contre-productif de modifier une nouvelle fois le circuit de recouvrement. En effet, il serait nécessaire de revoir encore le rôle de chaque acteur, de modifier les applications informatiques, ce qui, selon elles, ne serait pas pertinent.
La direction générale des finances publiques a fait évoluer son dispositif de recouvrement des recettes non fiscales pour plus d’efficacité. Elle a confié le recouvrement au comptable de l’ordonnateur qui émet le titre de perception. Il me semble que cela devrait améliorer le taux de recouvrement. Nous allons également, comme je l’ai déjà dit, développer un nouveau système d’information pour gérer l’aide juridictionnelle, ce qui devrait faciliter l’identification des sommes à recouvrer. Je demande donc la suppression de l’article 52 quinquies.
L’avis est défavorable, puisque l’article que nous avons introduit améliore le taux de recouvrement des sommes versées au bénéfice de l’aide juridictionnelle à la suite d’une décision de retrait de l’aide ou auprès de la partie condamnée aux dépens ou qui perd son procès, dès lors que celle-ci n’est pas bénéficiaire de l’aide juridictionnelle, en confiant ce recouvrement au Trésor public, dont on connaît la capacité « à faire ». En pratique, le retrait de l’aide juridictionnelle n’est que très rarement ordonné, puisqu’il représente environ 0, 1 % du nombre annuel d’admissions. Et quand il l’est, les sommes ne sont recouvrées que dans 3 % ou 4 % des cas.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 52 quinquies est adopté.
L’amendement n° 74 rectifié, présenté par MM. Reichardt, Henno, Daubresse et Pellevat, Mme N. Goulet, MM. Longeot, Charon et Lefèvre, Mmes Lassarade et Billon, MM. Kern, Bazin et Mandelli, Mme M. Mercier, MM. Kennel, Milon, Joyandet, Grand et Huré, Mme Deseyne, MM. Courtial et Moga, Mme Imbert, MM. Laménie et Sido, Mmes A.M. Bertrand et Lamure et MM. Duplomb, J.M. Boyer et Houpert, est ainsi libellé :
Après l’article 52 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article 2 de la loi n° 91–647 du 10 juillet 1991 relative à l’aide juridique est complété par une phrase ainsi rédigée : « Lorsqu’elle agit devant la juridiction administrative, il est tenu compte, dans l’appréciation des ressources, de celles de ses membres, dans les conditions fixées par décret en Conseil d’État. »
La parole est à M. André Reichardt.
Cet amendement a pour but de mettre fin aux abus de recours à l’aide juridictionnelle par des associations qui se sont constituées à cette seule fin. En effet, des personnes qui auraient individuellement les moyens de se pourvoir en justice, notamment à l’encontre de l’administration dans le cadre de recours contre un permis de construire, utilisent une association qu’elles créent elles-mêmes, ou dont elles deviennent membres dans ce but, pour le faire, leur association, dépourvue de moyens, bénéficiant de l’aide juridictionnelle.
De tels abus, à mon sens, ne sont pas acceptables et constituent un véritable détournement de l’esprit de la loi. Dès lors, il est proposé de limiter ces abus en conditionnant l’accès des associations à l’aide juridictionnelle à l’appréciation des ressources non seulement de l’association, mais également de leurs membres, à tout le moins lorsque lesdites associations sont requérantes devant les juridictions administratives.
Cet amendement prévoit que, devant les juridictions administratives, les ressources des membres des associations soient prises en compte pour apprécier si elles sont éligibles à l’aide juridictionnelle. Cette proposition nous pose deux difficultés. D’une part, son application est limitée aux actions devant les juridictions administratives, alors que les dispositions de l’article 2 de la loi de 1991 concernent les règles relatives à l’attribution de l’aide juridictionnelle devant toutes les juridictions. Il n’y a aucune justification à créer un régime différent pour l’attribution de l’aide juridictionnelle devant les juridictions administratives. D’autre part, il est discutable de confondre le patrimoine d’une association avec celui de ses membres. L’action est naturellement engagée au nom et dans l’intérêt de l’association, et non pas au nom de tel ou tel membre en particulier. Il est donc difficile, pour ne pas dire compliqué, de faire supporter les frais du procès aux membres de l’association qui auraient du patrimoine.
Dans ces conditions, je sollicite le retrait de cet amendement, faute de quoi j’émettrai un avis défavorable.
J’entends naturellement les observations du rapporteur. Vous l’aurez compris, si je me suis résolu à déposer cet amendement, c’est parce qu’il y a effectivement des abus. Aussi, monsieur le rapporteur, j’aimerais bien que l’on me dise comment y faire face.
Enfin, je me suis limité aux juridictions administratives, parce que, comme je l’ai indiqué, nous sommes face à des personnes qui ne souhaitent pas engager leurs propres deniers pour des actions de contestation d’un permis, qui, très souvent, sont hypothétiques. En revanche, elles permettent, derrière, il faut le dire, de négocier un retrait desdites actions. Or ces actions ont tendance à proliférer. Vous me dites qu’il n’est pas possible de procéder ainsi, mais il ne faut pas s’étonner ensuite si des associations voient le jour à cette seule fin.
Le problème soulevé par notre collègue André Reichardt est sérieux. Sur le fond, je soutiens sa démarche. Néanmoins, je suis sensible à l’argument du rapporteur par rapport aux deux ordres de juridiction. Limiter cette disposition à l’ordre administratif ne me semble pas convenir. Comme tout ce qui touche à l’aide juridictionnelle, ce sujet mérite réflexion. Cependant, je le répète, sur le fond, je soutiens notre collègue qui dénonce un détournement de l’aide juridictionnelle. On ne peut qu’aller dans son sens, mais, compte tenu des arguments opposés par Mme la garde des sceaux et par M. le rapporteur, je ne voterai pas cet amendement en l’état.
Outre l’argument tenant à l’ordre de juridiction choisi, je tiens à rappeler à notre collègue qu’il existe aujourd’hui des conditions dans lesquelles les associations sont déclarées recevables ou irrecevables à engager leur action. Par exemple, pour certaines d’entre elles, il y a une condition d’existence depuis plus d’un an avant le contentieux engagé. Enfin, la loi Élan, que nous avons votée hier après une CMP réussie, durcit encore les conditions de recevabilité des associations à l’aide juridictionnelle dans les cas abusifs que vous évoquez.
Y a-t-il d’autres moyens auxquels nous pouvons réfléchir pour essayer d’éviter le détournement, qui est parfois réel, sans aucun doute ? Je ne remets absolument pas en cause ce que vous soulevez, mais il nous faudra un peu plus creuser le sujet.
À ce stade, l’avis reste défavorable.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 134, présenté par MM. J. Bigot et Sueur, Mme de la Gontrie, MM. Kanner, Durain, Kerrouche, Leconte, Fichet et Houllegatte, Mmes Préville, Meunier, Jasmin, Lubin et Blondin, MM. Jeansannetas, Cabanel et Montaugé, Mmes G. Jourda, Taillé-Polian et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 52 quinquies
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport évaluant le financement de l’aide juridictionnelle.
La parole est à M. Jacques Bigot.
À travers cet amendement, nous demandons au Gouvernement de réaliser un rapport pour présenter au Parlement une évaluation des modalités budgétaires de l’aide juridictionnelle.
Nous avons souhaité déposer cet amendement en constatant que le projet de loi prévoyait une amplification de la représentation obligatoire par avocat, et donc un coût supplémentaire pour l’aide juridictionnelle. Cependant, le texte adopté par la commission et par le Sénat n’ira pas tout à fait dans le même sens. Par ailleurs, madame la garde des sceaux, vous nous avez annoncé une réforme tirant les conséquences de réflexions en cours, donc je suis prêt à retirer l’amendement si vous me dites simplement que nous aurons de nouveau un débat ou des informations sur cette question de l’aide juridictionnelle, qui concernant l’accès à la justice, nous préoccupe.
Je me tiens évidemment à votre disposition si vous souhaitez m’auditionner sur le sujet que vous évoquez.
Le travail que je souhaite conduire avec les avocats se terminera au printemps 2019, en mai ou juin, et se traduira, comme je vous l’ai annoncé précédemment, dans le budget 2020.
Cela me laisse donc le temps de venir vous présenter ces évolutions soit au moment de la préparation du prochain projet de loi de finances, soit lors de la discussion des crédits consacrés à la mission « Justice », soit à l’occasion d’une audition spécifique.
L’amendement n° 134 est retiré.
TITRE VI
RENFORCER L’ORGANISATION DES JURIDICTIONS
Chapitre Ier
Améliorer l’efficacité en première instance
L’amendement n° 306 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Castelli et Collin, Mme N. Delattre, M. Gabouty, Mmes Jouve et Laborde et MM. Menonville, Requier, Roux, Vall et Dantec, est ainsi libellé :
Avant l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À titre expérimental et pour une durée de trois ans à compter de la publication de la présente loi, la délocalisation ponctuelle d’une partie des services de greffe peut être mise en œuvre par le président du tribunal de première instance, afin d’améliorer l’accès à la justice des territoires du ressort éloignés des juridictions.
Les départements dans lesquels cette mesure peut être prononcée pendant la durée de l’expérimentation, dont le nombre ne peut excéder vingt, sont déterminés par arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice.
Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Lors des auditions que nous avons conduites en préparation de l’examen de ce projet de loi, nous avons pu constater la grande créativité et ingéniosité des agents des juridictions qui, face aux contraintes budgétaires, parviennent néanmoins à faire de nécessité vertu ! Ces initiatives doivent être valorisées et méritent d’être examinées.
Une initiative particulière a retenu notre attention, qui va dans le sens d’une justice de proximité, la délocalisation partielle et ponctuelle des services de greffe dans des territoires du ressort éloignés des juridictions et moins bien desservis. Une telle évolution pourrait compenser en partie le mouvement tendant à concentrer les juridictions dans les métropoles, mouvement qui – nous en discuterons plus tard – affecte l’accessibilité géographique de certains de nos concitoyens à la justice.
Nous considérons que de telles pistes de réforme devraient faire l’objet d’une étude plus approfondie.
La commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
En premier lieu, si le tribunal de première instance comporte plusieurs sites, en remplacement des anciens tribunaux d’instance, il y aura nécessairement des fonctionnaires de greffe à demeure dans ces sites.
En deuxième lieu, la commission se demande ce que pourrait signifier en pratique une « délocalisation ponctuelle ». Combien de temps durera-t-elle ? Quelques mois, quelques semaines, voire quelques jours ?
En troisième lieu, quelle sera la mission du greffier ainsi délocalisé ? S’il n’a pas accès aux applications informatiques de la justice, dans le cadre du service d’accueil unique du justiciable, s’il ne travaille pas dans un bâtiment judiciaire opérationnel, que pourra-t-il faire, concrètement ? Il ne s’agit pas d’une permanence de consultation juridique, qui, d’ailleurs, ne relève pas de la compétence des greffiers.
En quatrième lieu, la vacance de postes actuellement constatée dans les greffes conduit à s’interroger sur la réaction des chefs de juridiction à l’idée de cette expérimentation qui devrait distraire un certain nombre de moyens humains dont la nécessité est aujourd’hui établie dans les tribunaux existants.
En cinquième et dernier lieu, le ministère de la justice peut décider de localiser des greffes détachés, donc permanents, dans certains sites, pour maintenir l’accessibilité de l’institution judiciaire. Il en existe quatre en métropole pour les tribunaux de grande instance et quatre en outre-mer pour des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance. Aujourd’hui, ces greffes détachés en métropole sont tous placés auprès de la chambre détachée d’un tribunal de grande instance – Guingamp, Marmande, Millau ou Dole –, mais il a existé des greffes détachés seuls et on pourrait en recréer demain. Toutefois, la formule n’a pas rencontré, il faut le reconnaître, un grand succès compte tenu de l’isolement des fonctionnaires concernés.
Il faut aussi mentionner la présence d’un greffier dans un grand nombre de maisons de justice et du droit, qui devraient, à terme, rejoindre les SAUJ, les services d’accueil unique du justiciable. Telles sont les raisons – objectives, autant que faire se peut ! – pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable.
Avis également défavorable. J’exposerai un peu plus tard la conception générale de l’organisation territoriale que je propose.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
I. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 121-1, les mots : «, les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance » sont remplacés par les mots : « et dans les tribunaux de première instance » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 121-3, les mots : «, le président du tribunal de grande instance, et le magistrat chargé de la direction et de l’administration du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « et le président du tribunal de première instance » ;
2° bis
3° Au premier alinéa de l’article L. 121-4, les mots : «, les juges des tribunaux d’instance et de grande instance » sont remplacés par les mots : « et les juges des tribunaux de première instance » ;
3° bis
4° À l’article L. 123-1, les mots : « grande instance, les tribunaux d’instance, les tribunaux d’instance ayant compétence exclusive en matière pénale » sont remplacés par les mots : « première instance » ;
4° bis
« Art. L. 123 -1 -1. – Les fonctionnaires des greffes des tribunaux de première instance sont affectés soit au siège du tribunal, soit au siège d’une chambre détachée. Par décision conjointe du président du tribunal et du procureur de la République près ce tribunal, prise après avis du directeur des services de greffe, leur affectation peut être modifiée, pour nécessité de service et pour une durée limitée.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article. » ;
5° À la deuxième phrase de l’article L. 123-4, les mots : « d’instance, des tribunaux de grande instance et » sont supprimés ;
5° bis A
« Art. L. 124 -1. – Tout projet de création ou de suppression et tout projet de modification du siège ou du ressort d’un tribunal de première instance ou d’une chambre détachée donnent lieu à une évaluation, au vu des observations présentées par le premier président de la cour d’appel et le procureur général près cette cour ainsi que par le conseil départemental, dont il est rendu compte dans un rapport public.
« La même procédure est applicable aux tribunaux pour enfants ainsi qu’aux juridictions mentionnées à l’article L. 261-1.
« Un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application du présent article, notamment les critères sur la base desquels la création ou la suppression ou la modification du siège ou du ressort d’une juridiction ou d’une chambre détachée doit être justifiée. » ;
5° bis
5° ter
5° quater
5° quinquies
6° Après l’article L. 211-4-1, il est inséré un article L. 211-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 211 -4 -2. – Le tribunal de première instance connaît des demandes formées en application du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges. » ;
7° L’article L. 211-5 est abrogé ;
7° bis
7° ter
8°
Supprimé
8° bis
9° L’article L. 212-1 est ainsi modifié :
a)
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« En matières disciplinaire ou relative à l’état des personnes, sous réserve des dispositions particulières aux matières de la compétence du juge aux affaires familiales, le tribunal de première instance ne peut statuer à juge unique. » ;
10° L’article L. 212-2 est ainsi modifié :
a) Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« Lorsqu’une affaire, compte tenu de l’objet du litige ou de la nature des questions à juger, est portée devant le tribunal de première instance statuant à juge unique, le renvoi à la formation collégiale peut être décidé, d’office ou à la demande de l’une des parties, dans les cas prévus par décret en Conseil d’État. Cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours. » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
10° bis
11° Au début de la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre II, il est ajouté un article L. 212-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 212 -6 -1. – À titre exceptionnel, les attributions du directeur des services de greffe mentionnées aux articles 26, 26-1, 26-3, 31, 31-2, 31-3, 33-1, 511 et 512 du code civil peuvent être exercées par un directeur des services de greffe du ressort de la cour d’appel ou, à défaut, par un greffier chef de greffe exerçant ses fonctions au sein du ressort du tribunal de première instance concerné, par décision conjointe du premier président de la cour d’appel et du procureur général près cette cour. » ;
12° Au début de la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre II, il est ajouté un article L. 212-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 212 -7. – Le tribunal de première instance peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres détachées, dont le siège et le ressort sont fixés par décret.
« Les compétences matérielles minimales de l’ensemble des chambres détachées sont fixées par décret en Conseil d’État.
« Des compétences supplémentaires peuvent être attribuées à ces chambres, par une décision conjointe du premier président de la cour d’appel et du procureur général près cette cour, sur proposition conjointe du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République près ce tribunal. » ;
12° bis
12° ter
13° Après la sous-section 3 du chapitre III du titre Ier du livre II, est insérée une sous-section 3-1 ainsi rédigée :
« Sous-section 3 -1
« Le juge des tutelles
« Art. L. 213 -4 -1. – Dans chaque tribunal de première instance, un ou plusieurs magistrats du siège sont délégués dans les fonctions de juge des tutelles des majeurs.
« Le juge des tutelles connaît :
« 1° De la sauvegarde de justice, de la curatelle, de la tutelle des majeurs et de la mesure d’accompagnement judiciaire ;
« 2° Des actions relatives à l’exercice du mandat de protection future ;
« 3° Des demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d’état de manifester sa volonté, aux fins d’être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de ce dernier serait nécessaire, ou aux fins d’être habilité à le représenter ;
« 4° De la constatation de la présomption d’absence ;
« 5° Des demandes de désignation d’une personne habilitée et des actions relatives à l’habilitation familiale prévue à la section 6 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil. » ;
13° bis
14°
Supprimé
14° bis
14° ter
« Sous-section 6
« Le juge chargé des contentieux de proximité
« Art. L. 213 -8 -1. – Dans chaque tribunal de première instance, un ou plusieurs magistrats du siège sont délégués dans les fonctions de juge chargé des contentieux de proximité.
« Le juge chargé des contentieux de proximité connaît, en matière civile, des actions personnelles ou mobilières jusqu’à la valeur de 10 000 euros et des demandes indéterminées qui ont pour origine l’exécution d’une obligation dont le montant n’excède pas 10 000 euros.
« Il connaît également :
« 1° De la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire ;
« 2° Des actions tendant à l’expulsion des personnes qui occupent aux fins d’habitation des immeubles bâtis, sans droit ni titre ;
« 3° Des actions dont un contrat de louage d’immeubles à usage d’habitation ou un contrat portant sur l’occupation d’un logement est l’objet, la cause ou l’occasion, ainsi que des actions relatives à l’application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement ;
« 4° Des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel ;
« 5° Des actions relatives à l’application du chapitre II du titre Ier du livre III du code de la consommation ;
« 6° Des actions relatives à l’inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels prévu à l’article L. 751-1 du code de la consommation. » ;
14° quater
15° L’article L. 215-1 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
b) Après les mots : « siège du tribunal », la fin du second alinéa est ainsi rédigée : « de première instance. » ;
15° bis
16° Le chapitre V du titre Ier du livre II est complété par des articles L. 215-3 à L. 215-7 ainsi rédigés :
« Art. L. 215 -3. – Le greffe du tribunal de première instance, sous le contrôle du juge, tient les registres de publicité légale tenus au greffe du tribunal de commerce.
« Art. L. 215 -4. – Les fonctions de tribunal pour la navigation du Rhin sont exercées par un tribunal de première instance spécialement désigné, conformément à la convention révisée pour la navigation du Rhin, signée à Mannheim le 17 octobre 1868.
« Les fonctions de tribunal de première instance pour la navigation de la Moselle sont exercées par un tribunal de première instance spécialement désigné, conformément à la loi n° 66-379 du 15 juin 1966 déterminant, en application de la convention franco-luxembourgeoise du 27 octobre 1956, les juridictions compétentes pour la navigation de la Moselle.
« Art. L. 215 -5. – Le service du livre foncier est assuré au sein du tribunal de première instance selon des modalités fixées par décret.
« Art. L. 215 -6. – Le tribunal de première instance connaît :
« 1° De la tutelle, des administrations légales et des curatelles de droit local ;
« 2° Du partage judiciaire et de la vente judiciaire d’immeubles, des certificats d’héritier et des scellés ;
« 3° Des registres des associations et des registres des associations coopératives de droit local.
« Art. L. 215 -7. – Le tribunal de première instance connaît de la saisie conservatoire prévue à l’article L. 511-51 du code de commerce. » ;
16° bis
16° ter
16° quater
17° Le titre II du livre II est abrogé.
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre Ier est complétée par un article 39-4 ainsi rédigé :
« Art. 39 -4. – Quand un département compte plusieurs tribunaux de première instance, le procureur général peut désigner l’un des procureurs de la République de ce département pour représenter, sous son autorité, l’ensemble des parquets dans le cadre de leurs relations avec les autorités administratives du département, notamment pour l’application du dernier alinéa de l’article 39-2, et d’assurer la coordination des activités s’y rapportant. Celui-ci tient les autres procureurs informés de ses diligences et rend compte au procureur général. » ;
2° Au début de l’article 52-1, sont ajoutés deux alinéas ainsi rédigés :
« Il y a un ou plusieurs juges d’instruction dans chaque département.
« Lorsqu’il existe plusieurs tribunaux de première instance dans un département, un décret peut fixer la liste des tribunaux dans lesquels il n’y a pas de juge d’instruction. Ce décret précise quel est le tribunal de première instance dont le ou les juges d’instruction sont compétents pour connaître des informations concernant des infractions relevant, en application de l’article 43, de la compétence du procureur de la République du tribunal dans lequel il n’y a pas de juge d’instruction. » ;
3° L’article 80 est ainsi modifié :
a) Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Le procureur de la République près le tribunal de première instance dans lequel il n’y a pas de juge d’instruction est compétent pour requérir l’ouverture d’une information devant le ou les juges d’instruction du tribunal de première instance compétents en application du deuxième alinéa ou des quatrième et avant-dernier alinéas de l’article 52-1, y compris en faisant déférer devant eux les personnes concernées.
« Dans les cas prévus au premier alinéa du présent II bis, le réquisitoire introductif peut également être pris par le procureur de la République près le tribunal de première instance au sein duquel se trouvent le ou les juges d’instruction et qui est à cette fin territorialement compétent sur l’ensemble du ressort de compétence de sa juridiction en matière d’information, y compris pour diriger et contrôler les enquêtes de police judiciaire.
« Le procureur de la République près ce tribunal de première instance est seul compétent pour suivre le déroulement des informations mentionnées aux deux premiers alinéas jusqu’à leur règlement.
« En cas de renvoi devant la juridiction de jugement, l’affaire est renvoyée, selon le cas, devant le tribunal de police, le tribunal correctionnel, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises initialement compétents. » ;
b) Le début de la première phrase du III est ainsi rédigé : « Si le procureur de la République près le tribunal de première instance dans lequel il y a un ou plusieurs juges d’instruction ou dans lequel il y a un pôle de l’instruction constate qu’une personne est déférée devant lui en vue de l’ouverture d’une information en application du deuxième alinéa du II ou en application du deuxième alinéa du III et qu’il estime que ne doit être ouverte aucune information ou aucune information relevant de la compétence du pôle ne doit être ouverte … (le reste sans changement). » ;
4° Le premier alinéa de l’article 712-2 est ainsi rédigé :
« Un ou plusieurs magistrats du siège sont chargés des fonctions du juge de l’application des peines dans les tribunaux de première instance dont la liste est fixée par décret. Il existe au moins un juge d’application des peines par département. »
III
1° À la seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 621-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
2° Le livre VII est ainsi modifié :
a) Aux première et seconde phrases du premier alinéa de l’article L. 722-4, au dernier alinéa de l’article L. 722-7 et à l’article L. 722-10, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
b) Le titre III est ainsi modifié :
– à l’article L. 731-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
– à la fin de l’article L. 731-2, les mots : «, à l’exception des affaires qui relèvent de la compétence du tribunal d’instance en application des dispositions du chapitre III du titre II du livre II du code de l’organisation judiciaire » sont supprimés ;
– à la première phrase de l’article L. 731-3, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 732-3 et à l’article L. 732-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
c) Au premier alinéa, deux fois, de l’article L. 743-4, à la troisième phrase du premier alinéa de l’article L. 743-6, aux premier, deuxième et troisième alinéas de l’article L. 743-7, au second alinéa de l’article L. 743-8, à la première phrase du premier alinéa de l’article L. 743-9, à l’article L. 743-10 et à l’article L. 744-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
IV
V
1° Au second alinéa de l’article L. 1134-10, aux première et seconde phrases du premier alinéa et au second alinéa de l’article L. 1422-1, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
2° À la fin du dernier alinéa de l’article L. 1423-11, les mots : « d’instance » sont remplacés par les mots : « de première instance » ;
3° À la première phrase du premier alinéa et aux deuxième et dernier alinéas de l’article L. 1454-2, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
4° Le 3° de l’article L. 1521-3 est abrogé ;
5° À la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 2323-4, à la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 2323-39, au dernier alinéa de l’article L. 2325-38, au second alinéa de l’article L. 2325-40, à la première phrase du deuxième alinéa et aux première et dernière phrases du troisième alinéa de l’article L. 2325-55, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
6° L’article L. 3252-6 est abrogé ;
7° Aux troisième et quatrième alinéas de l’article L. 7112-4, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première ».
VI
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 44 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 94 est présenté par Mme Joissains.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l’amendement n° 44.
Alors que le Gouvernement, dans la rédaction initiale de l’article, entendait déjà mettre en place la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance avec la création de « chambres détachées », qui ont pour vocation de remplacer les tribunaux d’instance vidés de leur substance, le texte de la commission va encore plus loin en réintroduisant les « tribunaux de première instance », les TPI.
Aussi, alors que le Gouvernement n’excluait pas de conserver plusieurs tribunaux de grande instance sur un même département, il s’agit ici de consacrer le principe du tribunal unique par département, sous couvert de la complexité qu’engendrerait la spécialisation à l’échelle départementale.
Nous sommes opposés à la création de ces tribunaux.
D’abord, parce qu’elle ne répond en aucun cas au souci de proximité du justiciable avec les lieux de justice, d’autant que chacun connaît la disparité de nos départements. Il suffit, pour s’en convaincre, de comparer la situation dans mon département, la Seine-Saint-Denis, avec celle qui existe, par exemple, dans le département de la Haute-Saône. Comme le souligne le rapport d’information de nos collègues députés sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, certains tribunaux sont logiquement sous-dimensionnés, tandis que d’autres sont surdimensionnés.
Poursuivant la même logique, nous nous interrogeons sur l’entêtement à vouloir réfléchir à l’échelle départementale, qui n’a, selon nous, pas beaucoup de pertinence.
Le souci de proximité sera d’autant moins respecté que les chambres détachées semblent n’avoir été pensées que dans l’optique de supprimer ensuite, sans rencontrer grande opposition, les sites de tribunaux d’instance.
De plus, nous sommes alertés par les syndicats, qu’il s’agisse du Syndicat de la magistrature ou de l’Union syndicale des magistrats, sur le fait que ces dispositions vont à l’encontre du principe du juge naturel. Un principe qui impose une affectation des dossiers en fonction de critères objectifs, selon des règles claires, précises, préétablies et stables, afin d’éviter que le juge ne soit choisi en fonction des affaires.
Or « le risque est important que les juges dont les décisions juridictionnelles auraient déplu ou qui seraient plus prompts que d’autres à la contestation des décisions de leur hiérarchie héritent des situations les plus inconfortables », dénonce le Syndicat de la magistrature.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. La seule logique pécuniaire et gestionnaire guide ces mesures, au détriment de la justice de proximité et de l’égal accès au droit pour tous les justiciables de notre pays.
La parole est à Mme Sophie Joissains, pour présenter l’amendement n° 94.
Cela vient d’être dit, je ne vais pas gloser beaucoup plus, il est beaucoup plus facile de fermer une chambre détachée qu’une juridiction.
La ruralité est quand même aujourd’hui en grande difficulté. Elle se heurte à des problèmes de transports, à des fermetures de commerces, d’écoles, de services publics.
Le service public de la justice doit continuer à être accessible. Bien qu’on assure qu’il n’y aura aucune fermeture de tribunal, le texte permettra de facto, en faisant disparaître le statut qui les protégeait et en les réduisant à des chambres détachées, de faciliter leur fermeture.
Je ne peux évidemment pas être favorable à cet article, qui fragilise grandement la justice de proximité.
La commission est défavorable à ces deux amendements, qui visent à supprimer purement et simplement le projet de rapprochement entre les TGI et les tribunaux d’instance, projet soutenu par la commission des lois pour les raisons et dans les conditions que j’exposerai plus loin.
Je serai très bref, me contentant de dire que nous ne voterons pas la suppression de cet article proposée dans les amendements identiques. Nous l’avions déjà dit, en octobre 2017, puis lors de la mission d’information sur le redressement de la justice, nous sommes favorables au regroupement des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance. Je perçois une volonté commune en ce sens et ne m’exprimerai pas sur la dénomination, dont Mme la garde des sceaux parlera tout à l’heure.
Les amendements ne sont pas adoptés.
L’amendement n° 185, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
I. – Le code de l’organisation judiciaire est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa de l’article L. 121-1, les mots : «, les tribunaux de grande instance et les tribunaux d’instance » sont remplacés par les mots : « et dans les tribunaux de grande instance » ;
2° Au premier alinéa de l’article L. 121-3, les mots : «, le président du tribunal de grande instance, et le magistrat chargé de la direction et de l’administration du tribunal d’instance » sont remplacés par les mots : « et le président du tribunal de grande instance » ;
3° Au premier alinéa de l’article L. 121-4, les mots : «, les juges des tribunaux d’instance et de grande instance » sont remplacés par les mots : « et les juges des tribunaux de grande instance » ;
4° À l’article L. 123-1, les mots : «, les tribunaux d’instance, les tribunaux d’instance ayant compétence exclusive en matière pénale » sont supprimés ;
5° À l’article L. 123-4, les mots : « des tribunaux d’instance, » sont supprimés ;
6° Après l’article L. 211-4-1, il est inséré un article L. 211-4-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 211 -4 -2. – Le tribunal de grande instance connaît des demandes formées en application du règlement (CE) n° 861/2007 du Parlement européen et du Conseil du 11 juillet 2007 instituant une procédure européenne de règlement des petits litiges. » ;
7° L’article L. 211-5 est abrogé ;
8° Au début de la sous-section 2 de la section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre II, il est ajouté un article L. 211-9-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 211 -9 -3. – I. – Lorsqu’il existe plusieurs tribunaux de grande instance dans un même département, l’un d’entre eux peut être spécialement désigné par décret pour connaître seul, dans l’ensemble de ce département :
« 1° De certaines des matières civiles dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État, en tenant compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières ;
« 2° De certains délits et contraventions dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État, en tenant compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières. Cette liste ne peut comporter les délits mentionnés à l’article 398-1 du code de procédure pénale, à l’exception des délits prévus par le code du travail, le code de l’action sociale et des familles, le code de la sécurité sociale, la législation sociale des transports, le code de l’environnement, le code rural et de la pêche maritime, le code forestier, le code minier, le code de l’urbanisme, le code de la consommation et le code de la propriété intellectuelle.
« Il peut être saisi des infractions connexes aux délits et contraventions mentionnées au 2°.
« II. – Pour la mise en œuvre du I du présent article, le premier président de la cour d’appel et le procureur général près cette cour peuvent proposer la désignation de tribunaux de leur ressort après avis des chefs de juridiction concernés. »
9° L’article L. 212-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En matières disciplinaires ou relatives à l’état des personnes, sous réserve des dispositions particulières aux matières de la compétence du juge aux affaires familiales et du juge des contentieux de la protection, le tribunal de grande instance ne peut statuer à juge unique. » ;
10° L’article L. 212-2 est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « est de droit, sur la demande non motivée d’une des parties formulée selon les modalités et les délais fixés par un décret en Conseil d’État », sont remplacés par les mots et une phrase ainsi rédigée : « peut être décidé, d’office ou à la demande de l’une des parties, dans les cas prévus par décret en Conseil d’État. Cette décision constitue une mesure d’administration judiciaire qui n’est pas susceptible de recours. » ;
« Lorsqu’une affaire, compte tenu de l’objet du litige ou de la nature des questions à juger, est portée devant le tribunal de grande instance statuant à juge unique, le renvoi à la formation collégiale » ;
b) Le second alinéa est supprimé ;
11° La section 3 du chapitre II du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 212-6-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 212 -6 -1. – À titre exceptionnel, les attributions du directeur des services de greffe mentionnées aux articles 26, 26-1, 26-3, 31, 31-2, 31-3, 33-1, 511 et 512 du code civil peuvent être exercées par un directeur des services de greffe du ressort de la cour d’appel ou, à défaut, par un greffier chef de greffe exerçant ses fonctions au sein du ressort du tribunal de grande instance concerné, par décision conjointe du premier président de la cour d’appel et du procureur général près cette cour. » ;
12° À l’intitulé de la section 4 du chapitre II du titre Ier du livre II, le mot : « détachées » est remplacé par les mots : « de proximité » ;
13° La même section 4 du chapitre II du titre Ier du livre II est complétée par un article L. 212-7 ainsi rédigé :
« Art. L. 212 -7. – Le tribunal de grande instance peut comprendre, en dehors de son siège, des chambres de proximité dénommées « tribunaux de proximité », dont le siège et le ressort ainsi que les compétences matérielles sont fixés par décret.
« Ces chambres peuvent se voir attribuer, dans les limites de leur ressort, des compétences matérielles supplémentaires, par une décision conjointe du premier président de la cour d’appel et du procureur général près cette cour, après avis conjoint du président du tribunal de grande instance et du procureur de la République près ce tribunal. » ;
14° Après l’article L. 213-4, il est inséré une sous-section 3-1 ainsi rédigée :
« Sous-section 3-1
« Le juge des contentieux de la protection
« Art. L. 213 -4 -1. – Au sein du tribunal de grande instance, un ou plusieurs juges exercent les fonctions de juge des contentieux de la protection.
« Art. L. 213 -4 -2. – Le juge des contentieux de la protection exerce les fonctions de juge des tutelles des majeurs.
« Il connaît :
« 1° De la sauvegarde de justice, de la curatelle, de la tutelle des majeurs et de la mesure d’accompagnement judiciaire ;
« 2° Des actions relatives à l’exercice du mandat de protection future ;
« 3° Des demandes formées par un époux, lorsque son conjoint est hors d’état de manifester sa volonté, aux fins d’être autorisé à passer seul un acte pour lequel le concours ou le consentement de ce dernier serait nécessaire, ou aux fins d’être habilité à le représenter ;
« 4° De la constatation de la présomption d’absence ;
« 5° Des demandes de désignation d’une personne habilitée et des actions relatives à l’habilitation familiale prévue par la section 6 du chapitre II du titre XI du livre Ier du code civil.
« Art. L. 213 -4 -3. – Le juge des contentieux de la protection connaît des actions dont un contrat de louage d’immeubles à usage d’habitation ou un contrat portant sur l’occupation d’un logement est l’objet, la cause ou l’occasion, ainsi que des actions relatives à l’application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d’habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations de logement.
« Art. L. 213 -4 -4. – Le juge des contentieux de la protection connaît des actions relatives à l’application du chapitre II du titre Ier du livre III du code de la consommation.
« Art. L. 213 -4 -5. – Le juge des contentieux de la protection connaît des actions relatives à l’inscription et à la radiation sur le fichier national recensant les informations sur les incidents de paiement caractérisés liés aux crédits accordés aux personnes physiques pour des besoins non professionnels prévu à l’article L. 333-4 du code de la consommation.
« Art. L. 213 -4 -6. – Le juge des contentieux de la protection connaît des mesures de traitement des situations de surendettement des particuliers et de la procédure de rétablissement personnel.
« Art. L. 213 -4 -7. – Le juge des contentieux de la protection peut renvoyer à la formation collégiale du tribunal de grande instance qui statue comme juge des contentieux de la protection.
« La formation collégiale comprend le juge qui a ordonné le renvoi. » ;
15° Après le quatrième alinéa de l’article L. 213-6, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il connaît de la saisie des rémunérations, à l’exception des demandes ou moyens de défense échappant à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire. » ;
16° Au second alinéa de l’article L. 215-1, les mots : « ou par un juge chargé du service du tribunal d’instance du domicile du débiteur » sont supprimés ;
17° Le chapitre V du titre Ier du livre II est complété par cinq articles ainsi rédigés :
« Art. L. 215 -3. – Le greffe du tribunal de grande instance, sous le contrôle du juge, tient les registres de publicité légale tenus au greffe du tribunal de commerce.
« Art. L. 215 -4. – Les fonctions de tribunal pour la navigation du Rhin sont exercées par un tribunal de grande instance spécialement désigné, conformément à la convention révisée pour la navigation du Rhin, signée à Mannheim le 17 octobre 1868.
« Les fonctions de tribunal de première instance pour la navigation de la Moselle sont exercées par un tribunal de grande instance spécialement désigné, conformément à la loi n° 66-379 du 15 juin 1966 déterminant, en application de la convention franco-luxembourgeoise du 27 octobre 1956, les juridictions compétentes pour la navigation de la Moselle.
« Art. L. 215 -5. – Le service du livre foncier est assuré au sein du tribunal de grande instance selon les modalités fixées par décret.
« Art. L. 215 -6. – Le tribunal de grande instance connaît :
« 1° De la tutelle, des administrations légales et des curatelles de droit local ;
« 2° Du partage judiciaire et de la vente judiciaire d’immeubles, des certificats d’héritier et des scellés ;
« 3° Des registres des associations et des registres des associations coopératives de droit local.
« Art. L. 215 -7. – Le tribunal de grande instance connaît de la saisie conservatoire prévue à l’article L. 511-51 du code de commerce. » ;
18° Le titre II du livre II du code de l’organisation judiciaire est abrogé.
II. – Le code de procédure pénale est ainsi modifié :
1° Après l’article 39-3 du code de procédure pénale, il est inséré un article 39-4 ainsi rédigé :
« Art. 39 -4. – Quand un département compte plusieurs tribunaux de grande instance, le procureur général peut désigner l’un des procureurs de la République de ce département pour représenter, sous son autorité, l’ensemble des parquets dans le cadre de leurs relations avec les autorités administratives du département, notamment pour l’application du dernier alinéa de l’article 39-2, et d’assurer la coordination des activités s’y rapportant. Celui-ci tient les autres procureurs informés de ses diligences et rend compte au procureur général. » ;
2° Au début de l’article 52-1, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« Il y a un ou plusieurs juges d’instruction dans chaque département.
« Lorsqu’il existe plusieurs tribunaux de grande instance dans un département, un décret peut fixer la liste des tribunaux dans lesquels il n’y a pas de juge d’instruction. Ce décret précise quel est le tribunal de grande instance dont le ou les juges d’instruction sont compétents pour connaître des informations concernant des infractions relevant, en application de l’article 43, de la compétence du procureur de la République du tribunal dans lequel il n’y a pas de juge d’instruction. » ;
3° L’article 80 est ainsi modifié :
a) Après le II, il est inséré un II bis ainsi rédigé :
« II bis. – Le procureur de la République près le tribunal de grande instance dans lequel il n’y a pas de juge d’instruction est compétent pour requérir l’ouverture d’une information devant le ou les juges d’instruction du tribunal de grande instance compétents en application du deuxième alinéa ou en application des quatrième et cinquième alinéas de l’article 52-1, y compris en faisant déférer devant eux les personnes concernées.
« Dans les cas prévus au premier alinéa, le réquisitoire introductif peut également être pris par le procureur de la République près le tribunal de grande instance au sein duquel se trouvent le ou les juges d’instruction et qui est à cette fin territorialement compétent sur l’ensemble du ressort de compétence de sa juridiction en matière d’information, y compris pour diriger et contrôler les enquêtes de police judiciaire.
« Le procureur de la République près ce tribunal de grande instance est seul compétent pour suivre le déroulement des informations visées aux alinéas précédents jusqu’à leur règlement.
« En cas de renvoi devant la juridiction de jugement, l’affaire est renvoyée, selon le cas, devant le tribunal de police, le tribunal correctionnel, le tribunal pour enfants ou la cour d’assises initialement compétents. » ;
b) Au III, les mots : « pôle de l’instruction constate qu’une personne est déférée devant lui en vue de l’ouverture d’une information en application du deuxième alinéa du II et qu’il estime que ne doit être ouverte » sont remplacés par les mots : « ou plusieurs juges d’instruction ou dans lequel il y a un pôle de l’instruction constate qu’une personne est déférée devant lui en vue de l’ouverture d’une information en application du deuxième alinéa du II ou en application du deuxième alinéa du III et qu’il estime que ne doit être ouverte aucune information ou » ;
4° Le premier alinéa est de l’article 712-2 est ainsi rédigé :
« Un ou plusieurs magistrats du siège sont chargés des fonctions du juge de l’application des peines dans les tribunaux de grande instance dont la liste est fixée par décret. Il existe au moins un juge d’application des peines par département. »
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Je voudrais vous présenter ici un peu plus longuement que je ne l’ai fait en réponse aux amendements précédents, le projet d’évolution de l’organisation territoriale que je porte pour la justice.
Comme j’ai eu l’occasion de l’affirmer à plusieurs reprises, je souhaite une justice plus simple, plus lisible et plus efficace pour les citoyens, une justice qui s’adapte aux évolutions de notre société tout en restant proche des citoyens. Cette proximité me paraît en effet une caractéristique essentielle du service public de la justice dans notre pays.
Cela doit se traduire physiquement par des lieux de justice très proches des citoyens et par le développement du numérique, qui permettra de renforcer la qualité des décisions qui seront prises tout en facilitant le travail des personnels de justice.
La commission des lois du Sénat a compris cette ambition, d’une part, en votant, comme je le proposais, le regroupement administratif des tribunaux de grande instance et des tribunaux d’instance et, d’autre part, en renonçant à la création, envisagée un temps par votre assemblée, d’un tribunal départemental unique.
Je suis donc satisfaite que nous puissions ainsi converger au moins sur ces points.
La commission des lois souhaite introduire une nouvelle dénomination en créant un tribunal de première instance. Je ne partage pas ce choix parce que, selon moi, dans l’esprit de nos concitoyens, le tribunal de première instance renvoie à l’idée de tribunal départemental, que j’évoquais précédemment et que je ne souhaite pas créer. Il me semble nécessaire, sur ce point, de lever une certaine ambiguïté.
Je vous le disais précédemment, je souhaite maintenir l’ensemble des lieux de justice partout où ils se trouvent aujourd’hui, mais je souhaite également pouvoir évoluer en partant de projets territoriaux construits avec les acteurs locaux de la justice. Nous pourrons ainsi, à mon sens, renforcer l’organisation judiciaire tout en nous préoccupant de préserver la proximité par rapport aux citoyens et aux justiciables et d’assurer la qualité eu égard à des contentieux qui exigent une grande technicité de la part des magistrats comme les avocats.
Le projet de loi portant réforme de la justice contient donc plusieurs propositions d’évolutions. Ainsi, il est proposé, dans le cadre du regroupement administratif entre le tribunal de grande instance et les tribunaux d’instance, la transformation des tribunaux d’instance en chambres de proximité, dénommées tribunaux de proximité, là où il existe aujourd’hui des tribunaux d’instance isolés.
Cette proposition se fonde sur le fait que, demain, le justiciable n’aura plus qu’une entrée unique, par une requête unique, devant le tribunal, quel qu’il soit, qu’il s’agisse du tribunal de grande instance, du tribunal d’instance, d’un tribunal d’instance isolé ou bien d’un tribunal d’instance regroupé au sein du tribunal de grande instance, comme cela se passe d’ailleurs aujourd’hui dans beaucoup de villes moyennes.
Ces tribunaux de proximité, issus des actuels tribunaux d’instance, verront leur socle de compétences garanti par décret. Ce socle de compétences comprendra l’ensemble des compétences dévolues aux anciens tribunaux d’instance, notamment tout ce qui s’attachera aux tutelles ou à la consommation, ainsi que les contentieux civils de moins de 10 000 euros. Au fond, c’est la justice du quotidien. Et, à ce titre, elle doit être rendue en proximité, en très grande proximité, condition que remplissent les actuels tribunaux d’instance. Nous allons plus loin et c’est pourquoi je dis que nous confortons la justice de proximité : ces tribunaux de proximité pourront se voir attribuer des compétences supplémentaires par décision des chefs de cour, par exemple, en matière familiale, s’il en est besoin. S’il apparaît vraiment nécessaire de gonfler les compétences des tribunaux d’instance, des tribunaux de proximité, eh bien, on y adjoindra du contentieux en matière familiale.
Après avoir beaucoup discuté avec les juges d’instance actuels, avec l’ensemble des magistrats et des syndicats qui les représentent, j’ai décidé de revoir mon projet initial et de créer un juge des contentieux de la protection. Destiné à remplacer les juges d’instance, il aura en charge l’ensemble des dossiers de la justice du quotidien. Il traitera du surendettement, de la consommation, des baux d’habitation et des tutelles, de tout ce qui forge le contentieux du quotidien.
La création de ce juge des contentieux de la protection viendra conforter cette justice de proximité qui me semble mériter toute notre attention. Les juges d’instance que j’ai auditionnés m’en ont convaincue, certains des contentieux dont ils sont chargés méritent d’être traités par une personne dotée des compétences, qualités et capacités en la matière. Je crois important de le dire, au fond, ce que j’ai voulu faire, c’est donner un visage au traitement des questions de vulnérabilité économique et sociale. Pour moi, c’est un aspect essentiel.
La prise en compte de ces fragilités mérite en effet une affectation dans les tribunaux de proximité, comme au siège des tribunaux de grande instance. J’observe au passage que votre commission des lois m’a rejointe pour partie en créant un juge des tutelles et un juge des contentieux de proximité. Je propose, pour ma part, un juge unique prenant en charge l’ensemble de ces dossiers.
Votre commission des lois m’a rejointe, mais pour partie seulement, car elle ne choisit pas, contrairement à moi, de faire protéger la spécialisation de ces fonctions par la loi organique. Nous divergeons également sur le socle de compétences. Dans le projet que je porte, les contentieux civils de moins de 10 000 euros doivent être dévolus non à un juge particulier – l’option que vous retenez – mais à une chambre de proximité. Je le dis bien, ce qui prime pour moi, c’est que la justice du quotidien soit proche du justiciable, et je peux le garantir.
Tous les tribunaux de proximité sont maintenus, les juges de proximité, appelés juges des contentieux de la protection, auront une garantie pour juger des contentieux du quotidien, de la vulnérabilité.
Autre ambition, la spécialisation. Ce que je mets en place, c’est non pas une spécialisation totale, absolue, car cela n’a pas de sens, mais une spécialisation dévolue à des contentieux techniques. Mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous le savez, il est très rare que les avocats soient « multicartes », si j’ose utiliser cette expression. Cela arrive, bien sûr, mais la plupart d’entre eux sont spécialisés : certains en droit pénal, d’autres en droit des affaires, d’autres encore en droit de la propriété littéraire et artistique, ou en droit de l’environnement, et la liste n’est pas exhaustive. Eh bien, il me semble que nous devons, dans certaines hypothèses, rendre cette spécialisation envisageable pour nos magistrats.
C’est la raison pour laquelle j’ai proposé que, dans les départements qui auraient plusieurs tribunaux de grande instance – les tribunaux de grande instance seront tous maintenus ! – avec leurs socles de compétences actuels, ces tribunaux noue un dialogue afin de nous faire remonter un projet offrant la possibilité de se spécialiser, pour l’un, sur telle compétence technique, pour l’autre, sur telle autre compétence technique et pour l’autre encore, sur telle autre compétence technique.
L’écriture de mon projet a évolué pour tenir compte des craintes exprimées par les avocats et les territoires. J’ai donc décidé que ces compétences spécialisées ne pourraient porter que sur des compétences techniques, d’une part, et de faible volumétrie, d’autre part. Cela pourrait représenter globalement jusqu’à 10 % des contentieux gérés dans un tribunal. Mais le tribunal qui perdra 10 % du contentieux qu’il gère gagnera la même part, venue d’ailleurs, l’idée étant de créer des pôles de compétences techniques.
Je veux le souligner, il y a eu un progrès important par rapport au texte initial. En effet, n’y figuraient ni la création du juge des contentieux de la protection, ni la spécialisation sur les compétences techniques et de faible volumétrie. Ces notions, je les ai introduites à la demande des syndicats de magistrats et des professionnels du droit.
Votre commission m’a rejointe sur un certain nombre de points. Je pense notamment à mon idée d’ouvrir la possibilité de confier à l’un des procureurs, dans les départements qui en comptent plusieurs, un rôle de coordination des politiques publiques judiciaires sous le contrôle du procureur général. Il s’agit là aussi d’un point important, qui mérite d’être souligné ici.
Telle est donc l’architecture globale que je propose, proximité, maintien de tous les tribunaux et spécialisation dans un certain nombre de contentieux.
Voilà les précisions que je voulais apporter pour présenter cet amendement, qui tend à rédiger l’article.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Puisque Mme la ministre a procédé à une présentation globale, je tiens à faire de même. Cela m’évitera d’y revenir lors de l’examen des prochains amendements, de façon à aller rapidement, sans toutefois nous précipiter !
Sourires.
Même si le projet de loi, dans sa rédaction initiale, allait moins loin que la proposition de loi adoptée par le Sénat en octobre 2017, la commission et le Gouvernement convergeaient sur la réforme de l’organisation judiciaire de première instance. On ne peut donc que déplorer la volonté du Gouvernement de rétablir purement et simplement son texte sur ce sujet, rejetant en bloc les différentes modifications apportées par la commission – pas toutes, je le signale.
Avant d’en venir à cet amendement, qui est contraire à notre position, je fais un point général. La commission a approuvé le principe de la fusion entre le tribunal de grande instance et les tribunaux d’instance de son ressort, sans remise en cause de la carte judiciaire, ni création d’un tribunal unique par département, tout en conservant les sites des anciens tribunaux d’instance, en dehors du siège de cette nouvelle juridiction unifiée sous forme de chambre détachée.
Le socle des compétences des chambres détachées serait fixé nationalement, par décret. Des compétences supplémentaires pourraient leur être attribuées au cas par cas, sur décision des chefs de cour, en fonction des circonstances et des priorités locales. Cela correspond à la proposition formulée par la commission en 2017, que le Sénat avait adoptée.
Puisque le tribunal d’instance sera supprimé, faisant disparaître la distinction entre l’instance et la grande instance, il a semblé plus clair de retenir la dénomination de tribunal de première instance pour la nouvelle juridiction. Le Gouvernement avait envisagé, dans un premier temps, de garder la dénomination de tribunal d’instance pour les chambres détachées, ce qui nous paraissait une source de confusion.
Le Gouvernement propose à présent la dénomination de « tribunal de proximité ». Or, outre que cette dénomination donne l’impression de recréer les juridictions de proximité supprimées depuis plusieurs années, on ne peut pas donner à ces sites judiciaires le nom de « tribunal », car ils n’en sont plus.
De plus, comment comprendre la coexistence d’un tribunal de grande instance sans tribunal d’instance et d’un tribunal de proximité qui n’est pas vraiment un tribunal ? Ce choix sémantique serait sans doute pour certains justiciables une source de confusion. Il est faux de dire que le tribunal de grande instance est bien identifié aujourd’hui, sinon nous ne ferions pas la réforme !
Sur cette question de dénomination, le Gouvernement a fait état d’un problème constitutionnel. Il ne paraît pas que l’argument soit recevable, il relève plutôt du nominalisme juridique. On ne pourrait pas réformer les tribunaux de grande instance ou seulement modifier leur dénomination au motif que l’article 65 de la Constitution évoque la nomination des présidents des tribunaux de grande instance par le Conseil supérieur de la magistrature. Dans ce cas, comment le Conseil supérieur de la magistrature peut-il statuer, aujourd’hui, sur la nomination des présidents des tribunaux de première instance dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique, alors qu’ils ne sont pas formellement cités dans la Constitution ?
De plus, pour répondre aux incertitudes sur la carte judiciaire, la commission a voulu mettre en place un dispositif encadrant toute modification du siège ou du ressort, toute création et toute suppression d’une juridiction de première instance. C’est une garantie de concertation avec les milieux judiciaires, les élus locaux – nous pourrions peut-être y rajouter les barreaux –, s’appuyant sur une évaluation publique, sans remettre en cause la compétence du pouvoir réglementaire.
Pour faire face à ces inquiétudes, en particulier des fonctionnaires des greffes, nous avons prévu une garantie d’emploi au siège du nouveau tribunal ou au siège d’une chambre détachée, sous réserve d’une possibilité de délégation ponctuelle d’un fonctionnaire d’un site dans un autre, sur décision des chefs de juridiction. Cette garantie n’est pas nécessaire pour les magistrats, qui sont plus mobiles. D’ailleurs, il suffit de voir comment fonctionnent aujourd’hui les quelques chambres détachées qui existent en métropole. Nous nous sommes simplement fondés sur cette pratique.
Par ailleurs, comme le Gouvernement n’a finalement pas voulu aller jusqu’à la création d’un tribunal unique de première instance par département, il a été prévu une sorte de palliatifs, dont certains sont plus convaincants que d’autres. La moitié des départements comportent plusieurs tribunaux de grande instance, et cette situation est un facteur important.
Nous avons accepté certains de ces palliatifs : d’une part, la possibilité, et non l’obligation, pour le procureur général de désigner, vous l’avez rappelé, madame la ministre, un procureur chef de file, notamment pour les politiques partenariales, même si nous avons des doutes sur son application pratique, car cela exigera une coordination entre parquets ; d’autre part, la possibilité de ne pas avoir un juge d’instruction et un juge de l’application des peines dans chaque tribunal de grande instance. S’il est pertinent de renforcer le travail en équipe des juges d’instruction et de favoriser la cosaisine, la question semble moins évidente pour les juges de l’application des peines qui ont aussi une importante activité civile.
Nous avons refusé un autre de ces palliatifs : la spécialisation, dans certaines matières civiles et pénales de grande technicité et de faible volumétrie, au sein d’un même département. La procédure nous paraît extrêmement lourde, pour des gains d’efficacité faible, a fortiori dans des départements qui ne comportent que des petits tribunaux de grande instance, avec de faibles effectifs de magistrats, en supposant que les présidents de ces tribunaux parviennent à se mettre d’accord ! De plus, comment le justiciable pourrait-il s’y retrouver, alors qu’il ne sait pas à quel tribunal s’adresser ? En tous les cas, ce serait complexe. On risque, ce n’est pas exclu, de créer de nouveaux contentieux sur la compétence. Ces dispositions de spécialisation infradépartementale ne nous semblent pas utiles, sauf à vouloir – nous n’en faisons pas le procès –, à moyen terme, dévitaliser certains tribunaux sans le dire, mais dans ce cas, il aurait fallu aller directement au tribunal unique, ce sur quoi nous avions déjà débattu.
Enfin, il reste la question du devenir du juge d’instance. Aujourd’hui, c’est une fonction spécialisée, c’est-à-dire que tout juge d’instance est nommé par décret dans un tribunal de grande instance pour assurer le service d’un tribunal d’instance donné. Même s’il peut participer à d’autres activités juridictionnelles, ce statut est une source de rigidité. Dans un premier temps, le Gouvernement a proposé de supprimer ce statut de juge d’instance, comme nous l’avions d’ailleurs suggéré nous-mêmes en 2017. Ainsi, seuls seraient spécialisées des fonctions relevant totalement ou en partie du champ pénal, compte tenu des garanties supplémentaires pouvant paraître nécessaires à cette matière, juge d’instruction, juge des libertés et de la détention, juge des enfants et juge de l’application des peines. Je rappelle que c’est d’ailleurs le Sénat qui, en 2001, a créé cette catégorie des fonctions spécialisées en les soumettant à des règles particulières de durée dans les fonctions.
Pour assurer un traitement effectif et satisfaisant des contentieux de la vie courante, nous avions proposé, en 2017, de créer un juge chargé des contentieux de proximité. Nous avons repris cette proposition. Dans le cadre de l’ordonnance annuelle de roulement, le président du tribunal déléguerait des magistrats dans ces fonctions, tout comme pour le juge des affaires familiales. Ce magistrat pourrait alors siéger dans les chambres détachées et participer plus facilement aux activités du tribunal. Nous pensons, en particulier aux audiences correctionnelles.
Il semblerait que le Gouvernement a, quant à lui, changé d’idée. Il propose de maintenir le juge d’instance spécialisé sous le nom de « juge des contentieux de la proximité ». Outre que ce nom ne nous paraît pas complètement adapté au regard des compétences attribuées, une telle modification du projet de loi maintiendrait, dans l’organisation de première instance, une rigidité dans l’affectation des magistrats qui risquerait, au bout du compte, d’ôter à la réforme une partie de son intérêt. L’un de ses objectifs est en effet d’autoriser le patron de la juridiction à utiliser ces magistrats à la fois comme juges de proximité et dans les juridictions correctionnelles.
Telles sont les raisons pour lesquelles la commission des lois a émis un avis défavorable sur l’amendement n° 185.
J’ai été très intéressé par ces deux exposés. Je partage, comme mon groupe, la position définie par la commission, mais je constate que les différences se sont réduites et je relève, de manière générale, un certain nombre d’avancées.
Cela dit, madame la ministre, mes chers collègues, il y a quelque chose de terrible dans la politique : on observe toujours une grande différence entre ce que vous voulez faire et ce que les gens comprennent, entre ce que vous dites et ce que les gens entendent.
J’en prendrai un exemple très simple, madame la garde des sceaux. Vous vous êtes venue récemment dans mon département, dont je parle rarement : le Loiret. Arrivée à Orléans, vous avez pu constater une crainte qui existe et que, toutes les semaines, j’entends s’exprimer. Vous savez bien que se trouve dans le Loiret, à 90 kilomètres d’Orléans, Montargis. Entre ces deux villes s’étend une forêt magnifique, la plus grande forêt domaniale de France. Or Montargis a déjà perdu son tribunal de commerce, et ses habitants croient que, par cette réforme, vous allez encore fermer son tribunal de grande instance. Je leur explique que, ni dans la proposition de la commission ni dans celle du Gouvernement, tel ne sera le cas, mais ils ont en eux cette peur, parce qu’on a déjà parlé de tellement de choses.
J’estime, madame la ministre, que vos propos sont de nature à complètement les rassurer, de même que ceux de M. le rapporteur.
Cela dit, il subsiste encore un problème : la spécialisation. Selon vous, madame la garde des sceaux, peut-être les deux tribunaux de grande instance du département demeureront-ils, mais ils seront spécialisés. Je ne crois pas être le seul à avoir entendu cela. Beaucoup d’affaires portées dans un tribunal partiront vers l’autre. Dès lors, quand les justiciables seront concernés, ils devront faire ces 90 kilomètres, alors qu’il n’y a plus de train – on a fait l’erreur de le supprimer voilà longtemps.
Vous nous dites, madame la ministre, de ne pas nous inquiéter. Vous feriez, à vous entendre, de l’homéopathie. Vous nous assurez que, de toute façon, la spécialisation ne concernera que très peu d’affaires, 10 % tout au plus.
Pour ma part, je n’ai pas de raison de ne pas vous croire, mais j’ai envie de vous poser une question : si c’est si homéopathique, à quoi cela sert-il ? Les gens, qui ont un certain bon sens, le voient ainsi : soit cela sert à quelque chose de répartir ainsi les tâches, auquel cas on devra aller loin, ce sera coûteux et la justice ne sera plus aussi proche, soit c’est homéopathique, et dans ce cas, pourquoi le faire, madame la ministre ?
Je me permets de me faire ici l’écho de réflexions peut-être simplistes, mais que voulez-vous ? Nous sommes au milieu des habitants de ces villes, nous tous les rencontrons tous les jours ; c’est pourquoi je me suis permis de m’exprimer ainsi.
Vous avez bien fait !
La parole est à M. Jacques Bigot, pour explication de vote.
Je pensais y renoncer, madame la présidente, tant Jean-Pierre Sueur a bien exprimé les inquiétudes qui existent sur le terrain.
Nous sommes très majoritairement en phase sur les perspectives d’organisation des tribunaux de première instance ou de grande instance. Les propositions faites tant par le Gouvernement que par la commission quant au juge des contentieux de la protection représentent à mes yeux une bonne démarche.
Simplement, tous ceux qui, parmi nous, y sont favorables devront accomplir un vrai travail d’explication sur le terrain afin de rassurer. Il faudra peut-être également avoir un échange dans quelque temps, madame la garde des sceaux, sur les retours qui nous seront parvenus afin de nous assurer que cette organisation fonctionne bien. En effet, notre but à tous est le bon fonctionnement de la justice.
L’urgence, pour nos concitoyens, est de parvenir à mettre en place, notamment grâce à l’informatique et au développement des greffiers, le service d’accueil unique du justiciable. Le système de renseignement devra être performant, ce qui n’est pas simple et requiert des moyens ; l’article 1er de ce projet de loi devrait le permettre.
Je rejoins d’une certaine manière notre collègue Jean-Pierre Sueur, sénateur du Loiret. Si nous prenons souvent en exemple nos départements, c’est parce que, modestement, nous préférons parler de ce que nous connaissons ; parler de ce qu’on ne connaît pas, on ne le fait pas forcément.
Cet article 53 a pour objet, en modifiant le code de l’organisation judiciaire, d’améliorer la répartition et l’organisation des juridictions et ainsi l’efficacité de la justice. Cela pose des dilemmes. Il y a quelques années, on avait débattu d’une réforme de la carte judiciaire, ce qui avait fait couler beaucoup d’encre. Le temps passe, mais nous en gardons tous quelques souvenirs.
Certes, nous restons naturellement attachés à nos tribunaux de grande instance ; néanmoins, il est vrai que les explications particulièrement pédagogiques de Mme la garde des sceaux comme de M. le rapporteur nous mettent face à un dilemme.
Il faut toujours garder en tête les moyens humains. Nous participons régulièrement aux audiences de rentrée des tribunaux de nos départements, au cours desquelles on procède à l’installation de nouveaux magistrats. Dans certains de nos départements, il s’agit souvent de la première affectation de jeunes magistrats, profession particulièrement féminisée. Or, du point de vue des moyens humains, certains postes de magistrats restent parfois non pourvus ; de même dans les greffes.
Indéniablement, ces problèmes de gouvernance se posent. Nous y serons confrontés lors de l’examen de la mission « Justice » au sein du projet de loi de finances.
Cela dit, objectivement, après avoir écouté les interventions de Mme la ministre et de M. le rapporteur, je me rallie à l’avis de la commission.
Je tiens à répondre, très brièvement, au mot « inquiétude » qui a été soulevé par M. Sueur. Évidemment, j’entends les inquiétudes, puisque, comme vous le mentionniez, monsieur le sénateur, je me rends très régulièrement sur le terrain, dans diverses régions de France.
Les inquiétudes sont tantôt réelles, tantôt suscitées ; il ne faut pas non plus le nier. Cela dit, je répondrai à cette réalité, puisque ces inquiétudes ont pu exister. Elles sont tout de même moins présentes maintenant, puisque nous avons tout à la fois évolué et fait un très gros effort d’explication.
Je répondrai que, en réalité, nous souhaitons vraiment que les choses fonctionnent de manière beaucoup plus fluide et aisée sur le terrain.
Vous vous interrogiez également, monsieur le sénateur, sur une éventuelle contradiction : si, demandiez-vous, la spécialisation – mot qui peut encore inquiéter – porte sur des contentieux de faible volume, quel est son intérêt ? Eh bien, l’intérêt est grand !
Je rappellerai d’abord que les projets de spécialisation remonteront du terrain ; rien ne sera imposé par l’administration centrale. Si trois tribunaux, dans un même département, ne nous adressent aucun projet de travail collectif, rien ne se passera. C’est donc vraiment une impulsion du terrain. Je souhaite néanmoins qu’elle ait lieu et je vois déjà, d’ailleurs, que les personnes concernées sont intéressées par cette proposition et y travaillent.
Par ailleurs, même si cela ne porte, comme je vous l’ai expliqué, que sur quelques contentieux de faible volumétrie – c’est avec les représentants des avocats que nous avons voulu introduire ces mots pour répondre aux inquiétudes qu’ils pouvaient ressentir –, il s’agira de contentieux extrêmement techniques qui nécessitent parfois un grand investissement de la part des magistrats, qui ne les traitent que rarement. C’est pourquoi nous suggérons qu’un seul tribunal se charge de ce type de contentieux dans un même département.
Je crois que c’est de nature à apaiser les inquiétudes : au fond, l’investissement du magistrat chargé de ces contentieux sera plus productif, ce qui permettra une jurisprudence plus harmonisée et donc plus égale pour les citoyens. Chacun selon moi y trouvera bénéfice.
Je ne suis donc pas certaine qu’il y ait lieu de s’inquiéter, à la fois parce que la spécialisation n’est pas une obligation à ce stade et parce qu’il s’agit de contentieux techniques qui nécessitent un fort investissement ; je crois donc que chacun pourra y trouver des avantages.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 368, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 100
Remplacer la seconde occurrence de la référence :
III
par la référence :
II bis
La parole est à M. le corapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 367, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 104
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le corapporteur.
Comme rien n’est simple dans ce bas monde, l’avis du Gouvernement est défavorable, car cet amendement vise à tirer les conséquences de dispositions adoptées par votre commission auxquelles le Gouvernement n’adhère pas.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 372, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 118
Rédiger ainsi cet alinéa :
5° À la première phrase du quatrième alinéa de l’article L. 2312–15, à la première phrase du premier alinéa du II de l’article L. 2312–46 et à la première phrase du deuxième alinéa et aux première et dernière phrases du troisième alinéa de l’article L. 2315–74, le mot : « grande » est remplacé par le mot : « première » ;
La parole est à M. le corapporteur.
L’avis est défavorable, pour les mêmes raisons que pour le précédent amendement.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 53 est adopté.
L’amendement n° 301 rectifié, présenté par Mme Costes, MM. Arnell et A. Bertrand, Mme M. Carrère, MM. Collin, Gabouty et Guérini, Mmes Jouve et Laborde et MM. Requier, Roux, Vall et Dantec, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À la troisième phrase de l’article L. 123–4 du code de l’organisation judiciaire, les mots : « partiel ou » sont supprimés.
La parole est à Mme Josiane Costes.
Cet amendement concerne les juristes assistants de l’ordre administratif. Il vise à s’assurer que ces juristes assistants ne puissent être recrutés à temps partiel dans l’ordre judiciaire. Il s’agit d’éviter que ces fonctions ne se transforment en emplois précaires.
L’avis est également défavorable, pour des raisons de souplesse.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 251, présenté par MM. Yung, Mohamed Soilihi, de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 211-10 du code de l’organisation judiciaire est complété par une phrase ainsi rédigée : « Le nombre de ces tribunaux ne peut être supérieur à cinq. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Cet amendement vise à concrétiser une recommandation que notre collègue Richard Yung et notre ancien collègue Laurent Béteille avaient formulée, en 2011, dans leur rapport d’information sur l’évaluation de la loi du 29 octobre 2007 de lutte contre la contrefaçon.
Cette loi avait marqué une étape très importante dans la spécialisation des juridictions civiles en matière de propriété intellectuelle. Sur l’initiative de notre assemblée, elle avait notamment renvoyé au pouvoir réglementaire le soin de confier une compétence exclusive en la matière à certains tribunaux. Le tribunal de grande instance de Paris est ainsi seul compétent pour les brevets d’invention, les certificats d’utilité, les certificats complémentaires de protection et les topographies de produits semi-conducteurs. Par ailleurs, dix tribunaux de grande instance, dont celui de Paris, connaissent des actions relatives aux autres titres de propriété intellectuelle.
Cette concentration de compétences présente de nombreux avantages : non seulement elle améliore le fonctionnement de l’institution judiciaire, mais elle est aussi un élément essentiel de rayonnement international du droit français et de l’attractivité juridique du territoire français dans un contexte de forte concurrence des systèmes juridiques nationaux.
Il ressort de l’analyse du volume des dossiers traités par chacun des dix TGI spécialisés que cinq d’entre eux traitent moins de 5 % du contentieux de la propriété intellectuelle. Cette situation n’est pas satisfaisante au regard de la technicité du contentieux concerné et de l’impérieuse nécessité d’assurer une justice de qualité.
Afin d’y remédier, nous proposons de réduire de moitié le nombre de TGI pouvant être désignés pour connaître des actions en matière de marques, de dessins et modèles, d’indications géographiques, d’obtentions végétales et de propriété littéraire et artistique. Ce renforcement de la spécialisation des juridictions civiles permettrait notamment d’harmoniser la jurisprudence.
Pour ce qui concerne le contentieux marginal des obtentions végétales, il conviendrait de le confier au seul TGI de Paris : le nombre minimal de tribunaux de grande instance spécialisés en matière d’obtentions végétales a certes été supprimé du code de la propriété intellectuelle en 2011 ; néanmoins, le tableau V annexe à l’article D. 211–5 du code de l’organisation judiciaire indique que dix TGI sont toujours compétents pour connaître des actions en matière d’obtention végétale. Cela n’est pas raisonnable quand on sait que ce contentieux représente en moyenne une dizaine d’affaires par an.
La réduction à cinq du nombre de tribunaux spécialisés en la matière ne nous semble pas justifiée au regard de difficultés particulières qui auraient pu être constatées. L’harmonisation des jurisprudences est par ailleurs assurée normalement par les cours supérieures. Il n’y a donc pas de nécessité de réduire le nombre existant. La commission demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, son avis sera défavorable.
Je suis très sensible à votre amendement, monsieur le sénateur. Vous allez en effet dans le sens de ce que je porte : la recherche d’une spécialisation pour des contentieux techniques et de volumétrie relativement faible.
Toutefois, j’émets à mon tour une demande de retrait, parce qu’il me semble que les dispositions proposées relèvent du domaine réglementaire, et non du domaine de la loi. C’est pourquoi je ne souhaite pas donner une suite favorable à votre amendement.
J’aurais préféré que mon collègue Richard Yung puisse le retirer lui-même. Néanmoins, comme il m’a donné plein mandat, je consens à le retirer, madame la présidente.
L’amendement n° 251 est retiré.
L’amendement n° 250, présenté par MM. Yung, Mohamed Soilihi, de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le chapitre III du titre XIII du livre IV du code de procédure pénale est complété par un article 706-1-… ainsi rédigé :
« Art. 706 -1 - … – Les tribunaux de grande instance compétents pour l’enquête, la poursuite, l’instruction et le jugement des délits prévus par le code de la propriété intellectuelle, autres que ceux qui apparaissent d’une grande ou d’une très grande complexité, sont déterminés par voie réglementaire. La compétence de ces tribunaux s’étend aux infractions connexes. Leur nombre ne peut être supérieur à cinq. »
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Cet amendement vise lui aussi à concrétiser une recommandation que notre collègue Richard Yung et notre ancien collègue Laurent Béteille avaient formulée en 2011.
Ils avaient fait le constat de l’insuffisance de la réponse pénale au phénomène de la contrefaçon ordinaire, c’est-à-dire des délits de contrefaçon autres que ceux qui présentent une grande complexité. Les juridictions répressives se voient toujours reprocher leur manque de fermeté tant sur les sanctions pénales que sur les indemnisations civiles.
Cette timidité de la réponse pénale s’explique notamment par l’absence de spécialisation des juridictions répressives. Elle est par ailleurs la principale raison pour laquelle les juridictions répressives sont peu saisies d’atteintes aux droits de la propriété intellectuelle.
Afin de remédier à cette situation préjudiciable aux titulaires de droits, nous proposons de confier à cinq tribunaux correctionnels une compétence exclusive pour le dossier simple de contrefaçon. En revanche, nous ne proposons pas de modifier le traitement pénal des affaires de contrefaçon présentant une grande complexité ; ces affaires continueraient de relever de la compétence des juridictions interrégionales spécialisées, conformément à l’article 704 du code de procédure pénale.
Enfin, nous considérons que la mise en place de la disposition prévue dans le présent amendement devrait nécessairement s’accompagner de la création, au sein des juridictions spécialisées, d’une chambre mixte de propriété intellectuelle associant des magistrats civilistes et pénalistes. Une telle initiative permettrait selon nous une amélioration du dialogue des juges ainsi qu’une harmonisation des montants d’indemnisation versés aux titulaires de droits.
La commission souhaite le retrait de cet amendement, pour la même raison que pour l’amendement précédent.
L’amendement n° 250 est retiré.
L’amendement n° 371 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L’article 21 du code civil local est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les registres des associations et les registres des associations coopératives de droit local peuvent être tenus sous forme électronique dans les conditions définies par les articles 1366 et 1367 du code civil. »
II. - L’article 2 de la loi n° 2002-306 du 4 mars 2002 portant réforme de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, dans ses dispositions relatives à la publicité foncière est ainsi modifié :
1° Le 1° est complété par les mots : «, du registre des associations et du registre des associations coopératives de droit local tenus par les tribunaux d’instance des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle et peut assurer ou faire assurer l’informatisation de ces registres et de leurs annexes conservés sur support papier » ;
2° Le 2° et le 3° sont complétés par les mots : «, des registres des associations et des registres des associations coopératives de droit local, ainsi que de leurs annexes » ;
3° Le 4° est complété par les mots : « pour ces registres informatisés » ;
4° Au 5°, les mots : « du livre foncier à titre de simple renseignement » sont remplacés par les mots : « des registres du livre foncier, des registres des associations et des registres des associations coopératives de droit local, ainsi que de leurs annexes ».
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Le livre foncier, système de publicité foncière propre à l’Alsace-Moselle, a fait l’objet d’une informatisation, de telle manière que les données figurant sur ces registres sont consultables par internet et que la quasi-totalité des requêtes en inscription est aujourd’hui déposée par voie électronique. Un établissement public d’exploitation du livre foncier informatisé, l’EPELFI, a été créé à cette occasion. En lien avec les bureaux fonciers des tribunaux d’instance, l’EPELFI assure l’exploitation et la maintenance du système informatique qui a été conçu, ainsi que la sécurisation des données et de leur intégrité.
Souhaitant tirer profit de l’expérience de l’EPELFI en informatisation de registre, je vous soumets cet amendement, qui vise à étendre le champ de compétence de l’EPELFI à l’informatisation du registre des associations et du registre des associations coopératives de droit local. On permettra ainsi la consultation ou la réalisation des démarches à distance, à l’instar des dispositifs qui ont déjà été mis en place dans les autres départements pour les associations dites « loi 1901 ».
Cet amendement vise à répondre à une demande de modernisation et de consolidation de l’informatisation de ces registres formulée par des acteurs locaux et relayée par le sénateur Jacques Bigot au travers d’un amendement n° 168.
Cet amendement a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, mais la situation financière de l’EPELFI permettrait en réalité d’absorber cette nouvelle activité sans dépense nouvelle. En effet, la tenue des registres dont la gestion lui serait transférée est actuellement sous la responsabilité du ministère de la justice. Leur transfert à l’EPELFI, qui dispose déjà des fonds pour financer le projet et ne sollicitera donc pas de nouvelles contributions de la part du ministère de la justice, ne crée donc pas de charge nouvelle pour l’État, au contraire.
Le Gouvernement a donc souhaité reprendre cet amendement à son compte, dans une rédaction plus aboutie. Les démarches des usagers seront ainsi facilitées, et les missions que les greffes des tribunaux d’instance d’Alsace-Moselle exercent au titre des registres des associations s’en verront allégées.
Je voudrais remercier Mme la ministre d’avoir porté cet amendement au sein de ce texte, et MM. les rapporteurs de leur avis favorable. Mes chers collègues, le droit des associations, représenté dans nos trois départements d’Alsace et de Moselle par la loi de 1908, impose qu’un registre de ces associations soit tenu par les tribunaux d’instance, ce qui n’est pas le cas. Si ces registres doivent exister, on ne peut pas le faire de manière non informatisée. Cela fait des années qu’on en parle, l’informatisation du livre foncier a été un succès, et je suis convaincu que cette informatisation des registres des associations et des associations coopératives sera extrêmement utile.
Je veux remercier à mon tour Mme la ministre pour cet amendement. Il est important, parce qu’il rend possible l’informatisation du registre des associations en Alsace-Moselle, ce qui permettra des démarches en ligne. C’est attendu par les associations.
Cet amendement est également important parce qu’il modernise un texte de droit local, administrant ainsi la preuve que cette modernisation est possible sur l’initiative de l’État ; il faut bien avouer, madame la ministre, que jusqu’à aujourd’hui cela n’allait pas franchement de soi !
Je me permets d’espérer que cet acte volontariste du Gouvernement en faveur de la modernisation du droit local pourra se prolonger encore longtemps. En effet, vous le savez bien, tout droit qui n’évolue pas, qui ne se modernise pas, est condamné. Les Alsaciens-Mosellans souhaitent que leur droit local puisse continuer à être dynamique.
Enfin, madame la garde des sceaux, je voudrais vous souhaiter plus de succès pour cet amendement que Jacques Bigot et moi-même avons eu par le passé. Lors de l’examen de la loi Égalité et citoyenneté, nous avions déjà déposé un amendement similaire, qui avait reçu un avis défavorable du Gouvernement. On nous avait en effet opposé l’article 40 de la Constitution : ses dispositions auraient accru les charges de l’État. Nous avions déjà fait savoir à l’époque que tel n’était pas le cas, comme vous l’avez reconnu tant dans l’exposé des motifs de votre amendement que dans vos propos à l’instant : la réalité montre clairement que l’EPELFI dispose des moyens nécessaires pour assurer la tenue de ce registre et qu’on ne sollicitera pas l’État à cet égard. Eh bien, tant mieux ! Il vaut mieux avoir raison avant l’heure que trop tard…
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 53.
L’amendement n° 252, présenté par MM. Yung, Mohamed Soilihi, Richard, de Belenet et les membres du groupe La République En Marche, est ainsi libellé :
Après l’article 53
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard un an après la publication de la présente loi, un rapport évaluant la possibilité de créer un tribunal de la propriété intellectuelle pour les entreprises, en vue de faciliter l’accès à la justice des petites et moyennes entreprises et de simplifier le règlement des petits litiges ayant trait à la propriété intellectuelle. Ce rapport s’appuie notamment sur les expériences étrangères.
La parole est à M. Thani Mohamed Soilihi.
Cet amendement est défendu, madame la présidente, et je suis prêt à le retirer dès qu’on m’en fera la demande.
Je remercie M. le sénateur Mohamed Soilihi de sa proposition.
J’en suis désolée pour M. le sénateur Détraigne, mais l’avis est défavorable.
L ’ amendement est adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 187, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À titre expérimental, dans deux régions, et pour une durée de trois ans à compter du lendemain de la publication de la présente loi :
1° Afin d’améliorer l’accès au service public de la justice et d’en favoriser la qualité ainsi que d’assurer la cohérence de son action, notamment vis-à-vis des services et administrations de l’État et des collectivités territoriales, dans le respect de l’indépendance de l’activité juridictionnelle, les premiers présidents de cours d’appel et les procureurs généraux près ces cours, désignés par décret, assurent, sans préjudice des attributions dévolues à ces derniers par les articles 34 à 38 du code de procédure pénale, des fonctions d’animation et de coordination, sur un ressort pouvant s’étendre à celui de plusieurs cours d’appel situées au sein d’une même région ;
2° Des cours peuvent être spécialement désignées par décret pour juger, sur le ressort de plusieurs cours d’appel d’une même région, les recours contre les décisions des juridictions de première instance rendues dans les matières civiles dont la liste est déterminée par décret en Conseil d’État en tenant compte du volume des affaires concernées et de la technicité de ces matières.
Six mois au moins avant le terme de l’expérimentation, le Gouvernement adresse au Parlement un rapport procédant à son évaluation.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
L’avis défavorable que j’ai émis sur l’amendement précédent était précisément lié à l’amendement que je défends maintenant et qui vise à rétablir l’article 54, supprimé par votre commission.
Cet article permet de confier à des chefs de cours d’appel, à titre expérimental, des missions d’animation et de coordination pour un ressort qui s’étend à plusieurs cours d’appel sur une même région. Cette expérimentation – je le dis bien ici – serait limitée à deux régions. L’objet de cet amendement est donc de la rétablir.
Ce pilotage régional a pour but de créer de la cohérence dans les politiques conduites par les cours d’appel et de renforcer l’autorité judiciaire face à l’ensemble de ses partenaires régionaux. Peuvent être citées, à titre d’exemple, la mise en cohérence des procédures d’hospitalisation sous contrainte, en relation avec l’Agence régionale de santé, ou encore l’harmonisation des seuils de transactions douanières, avec la direction régionale des douanes.
Cet article permet ensuite d’expérimenter, dans ces deux mêmes régions, la spécialisation des cours d’appel dans des matières civiles qui seront déterminées par décret en Conseil d’État. Par rapport au projet initial du Gouvernement, l’amendement que je défends ajoute une précision importante : les matières qui pourraient donner lieu à cette spécialisation seront déterminées en tenant compte de leur technicité et de leur faible volume. Au fond, nous proposons au niveau des cours d’appel un mécanisme similaire à celui que j’ai exposé précédemment devant vous au niveau des tribunaux de grande instance.
Ce dispositif fait donc qu’il n’est pas question d’expérimenter cette spécialisation pour des contentieux de masse. Cette expérimentation doit au contraire, en spécialisant les magistrats, permettre d’améliorer la qualité de la justice rendue dans les contentieux les plus techniques et donc de favoriser l’homogénéisation de la jurisprudence au niveau régional.
Les conclusions de cette expérimentation seront transparentes ; un rapport complet sera remis au Parlement. Je vous demande donc de bien vouloir rétablir l’article 54 dans la version que vous propose ici le Gouvernement.
L’avis est défavorable, car le rétablissement de l’article 54 serait contraire à la position de la commission. Sans vouloir être désagréables, nous ne voyons pas une utilité réelle à l’expérimentation que prévoit cet article au sein des cours d’appel de deux régions administratives.
D’une part, certains chefs de cour se verraient confier des fonctions d’animation et de coordination des autres chefs de cour à l’échelle d’une région administrative. Outre que ces fonctions ne sont pas précisément définies, elles contribueraient, nous semble-t-il, à développer une forme de hiérarchisation implicite entre les cours, qui existe déjà en matière budgétaire et qui n’est pas réellement acceptée, à supposer que les chefs de cour s’y prêtent.
En matière budgétaire, il existe aujourd’hui, dans le cadre du dialogue de gestion avec la direction des services judiciaires, des cours responsables du budget opérationnel de programme – connu sous le sigle BOP – et d’autres, simples unités opérationnelles. Mais cette distinction ne se traduit pas par une réelle hiérarchisation, laquelle ne serait pas tout à fait acceptable, les cours disposant pour l’essentiel des mêmes compétences juridictionnelles.
D’autre part, il est proposé de spécialiser certaines cours dans des matières civiles. La commission est à cet égard extrêmement réservée.
L’article 54 a été supprimé fort heureusement, car il fait partie de ceux qui inquiètent sur le terrain.
La France est maintenant divisée en treize grandes régions. Dans la mienne, le Grand Est, nous avons vu de quelle manière on fait évoluer les académies : on commence par annoncer qu’un recteur sera une sorte de coordinateur, puis, quelque temps après, il n’y a plus qu’un seul rectorat pour la région…
On sent bien que l’objectif est, au moins sur une partie du territoire national, de rapprocher les cours d’appel et d’en supprimer certaines. On le fait de manière très subtile et discrète, mais nous ne sommes pas dupes !
C’est la raison pour laquelle, madame la garde des sceaux, d’accord avec la commission, je voterai contre votre amendement de rétablissement de l’article 54, qui préfigure la suppression de cours d’appel.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
En conséquence, l’article 54 demeure supprimé.
Chapitre III
Dispositions diverses
I. – Dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour :
1° Tirer les conséquences, dans les textes et codes en vigueur, de la suppression du tribunal d’instance et de la création du tribunal de première instance en résultant prévues par l’article 53 de la présente loi et abroger les dispositions devenues sans objet ;
2° Aménager et mettre en cohérence, par coordination, les dispositions des textes et codes en vigueur relatives à la compétence du tribunal de première instance et celles relatives à l’institution, la compétence, l’organisation, le fonctionnement et les règles de procédure de toute juridiction lorsque celles-ci sont définies par référence au tribunal d’instance ;
3° Tirer les conséquences de la suppression du tribunal d’instance dans les textes et codes en vigueur régissant les juridictions de Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna.
II. – L’ordonnance prévue au I est prise dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation de la présente loi.
III. – Un projet de loi de ratification est déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de l’ordonnance mentionnée au I.
Madame la garde des sceaux, l’article 55 autorise, comme souvent pour Wallis-et-Futuna, le recours aux ordonnances. Nonobstant mes réticences de principe à l’égard de cette procédure, je comprends la complexité de la transposition de la loi aux cas particuliers que représentent certaines collectivités d’outre-mer. Je tiens toutefois à soulever quelques points et inquiétudes en ce qui concerne l’organisation judiciaire à Wallis-et-Futuna.
Je ne reviendrai pas sur le cas, enfin réglé, de la collégialité du tribunal siégeant en formation correctionnelle. Il a fallu l’intervention du Conseil constitutionnel à la faveur d’une question prioritaire de constitutionnalité pour faire réagir le gouvernement de l’époque, en 2016.
Je dirai quelques mots, en revanche, de l’aide juridictionnelle à Wallis-et-Futuna.
Cette aide est actuellement assurée par des citoyens défenseurs, à qui je rends hommage : ils font un travail formidable, tout en étant trois fois moins payés que des avocats. Pour autant, le risque de contestation de ce système est latent. Il n’y a aucune raison pour que les habitants de Wallis-et-Futuna n’aient pas droit à des avocats commis d’office, comme les citoyens de métropole, dans le cadre de l’aide juridictionnelle !
Je suis bien conscient qu’aucun avocat ne souhaite ouvrir un bureau à Wallis, et que les avocats du barreau de Nouméa ne se bousculeront pas pour faire plusieurs heures d’avion et, surtout, rester bloqué deux ou trois jours à Wallis, puisque nous ne sommes desservis que par deux vols par semaine.
Reste qu’il est aujourd’hui possible, grâce à la mise en place du câble, d’utiliser la visioconférence. Si celle-ci, bien sûr, ne remplace pas complètement la présence physique d’un avocat, elle constitue une vraie piste.
J’espère, madame la garde des sceaux, qu’il vous sera possible de tenir compte de cette remarque importante dans le cadre des ordonnances que votre ministère va préparer, afin de faire progresser la question de l’aide juridictionnelle à Wallis-et-Futuna.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L’amendement n° 45 est présenté par Mmes Assassi et Benbassa, M. Collombat et les membres du groupe communiste républicain citoyen et écologiste.
L’amendement n° 95 est présenté par Mme Joissains.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michelle Gréaume, pour présenter l’amendement n° 45.
Nous sommes évidemment opposés à cet article, pour diverses raisons.
La première est le recours à la procédure de l’article 38, qui dessaisira le Parlement de son rôle dans la confection de la loi au profit d’une concertation limitée, dont les participants ne sont pas connus et dont les motivations sont éloignées de l’intérêt général.
Notre opposition sur la forme à la procédure de l’article 38 résulte également de la tendance importante observée ces trois derniers quinquennats à un recours aux ordonnances de plus en plus élargi. Comme si la procédure d’habilitation était devenue, avec la procédure accélérée d’examen des projets de loi, l’une des armes fatales de l’exécutif face au possible renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement à la suite de l’application concrète de la session unique.
Ce sont ainsi plus de 500 projets de loi potentiels qui ont été transformés en ordonnances au cours de chacun des deux derniers quinquennats. L’actuel prend le même chemin.
En ce qui concerne la modification à venir de la carte judiciaire, les craintes les plus sérieuses peuvent naître de la technocratie en action, transformant la présence territoriale de nos tribunaux en algorithmes plus ou moins obscurs, qui ne valideront par avance qu’une présence obligée des services judiciaires et juridiques.
Or, mes chers collègues, la carte judiciaire participe de l’aménagement du territoire. Toutes les évolutions qu’elle pourrait subir conduisent naturellement à s’interroger sur le sens que l’on peut donner à cette notion d’aménagement du territoire, comme au respect de l’un des principes républicains les plus essentiels : l’égalité d’accès aux droits, contrepartie naturelle de la participation des citoyens au financement de l’action publique.
Mettre en cause la carte judiciaire, ainsi que le prévoit l’article 55, n’est pas la meilleure manière d’attacher les citoyens aux valeurs de notre État de droit.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous proposons la suppression de cet article.
Cet amendement vise à supprimer l’article 55, que nous souhaitons conserver. Avis défavorable.
L’avis est défavorable : l’habilitation demandée nous servira simplement à mettre en cohérence, dans différentes parties du code, des éléments purement techniques liés à des changements de dénomination – par exemple, le passage de « tribunal d’instance » à « tribunal de proximité ».
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L’amendement n° 190, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Alinéas 2 à 4
Rédiger ainsi ces alinéas :
1° Tirer les conséquences, dans les textes et codes en vigueur, de la suppression du tribunal d’instance et de la création du juge des contentieux de la protection prévues par l’article 53 de la présente loi et abroger les dispositions devenues sans objet ;
2° Aménager, mettre en cohérence ou modifier les dispositions des textes et codes en vigueur relatives à la compétence du tribunal de grande instance et celles relatives à l’institution, la compétence, l’organisation, le fonctionnement et les règles de procédure de toute juridiction lorsque celles-ci sont définies par référence au tribunal d’instance ou au juge du tribunal d’instance,
3° Tirer les conséquences de la suppression du tribunal d’instance et de la création du juge des contentieux de la protection dans les textes et codes en vigueur régissant les juridictions de Saint-Pierre-et-Miquelon, la Nouvelle-Calédonie, la Polynésie française et les îles Wallis et Futuna.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
En cohérence avec la création du juge des contentieux de la protection, que j’ai évoquée précédemment, je demande au Sénat d’autoriser le Gouvernement à prendre par ordonnance les mesures de coordination qui seront nécessaires pour tirer les conséquences de la création de ce nouveau juge spécialisé.
Cet amendement a en outre pour objet de restaurer la référence au tribunal de grande instance, le maintien de cette dénomination permettant, ainsi que je l’ai déjà expliqué, de conforter la lisibilité de notre organisation judiciaire.
L’avis est défavorable, le Sénat n’ayant pas adopté la rédaction proposée par le Gouvernement pour l’article 53.
L ’ amendement n ’ est pas adopté.
L ’ article 55 est adopté.
I. – Au 1° de l’article L. 111-5 du code des procédures civiles d’exécution, après les mots : « d’une somme d’argent déterminée », sont insérés les mots : « ou déterminable, », et après les mots : « prestation d’une quantité déterminée », sont insérés les mots : « ou déterminable ».
II. – Le I du présent article a un caractère interprétatif.
L’amendement n° 366, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le corapporteur.
M. François-Noël Buffet, corapporteur. Il s’agit d’un amendement quasi rédactionnel.
M. Alain Richard rit.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 55 bis est adopté.
TITRE VII
DISPOSITIONS RELATIVES À L’ENTRÉE EN VIGUEUR ET À L’APPLICATION OUTRE-MER
I. – L’article 4 s’applique aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, à l’exception des II bis et II ter, qui s’appliquent aux instances introduites à compter du lendemain de la publication de la présente loi, et des V et VI qui s’appliquent aux instances introduites à compter de la date fixée au I de l’article 114 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle.
II. – L’article 12 entre en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 1er septembre 2020. Lorsque la requête initiale a été présentée avant l’entrée en vigueur de la présente loi, l’action en divorce ou en séparation de corps est poursuivie et jugée conformément à la loi ancienne. Dans ce cas, le jugement rendu après l’entrée en vigueur de la présente loi produit les effets prévus par la loi ancienne.
II bis
III. – L’article 14 est applicable à compter d’une date définie par décret en Conseil d’État et au plus tard le 1er janvier 2021.
IV. – L’article 17 s’applique dès son entrée en vigueur aux mesures de protection ouvertes antérieurement, à l’exception du deuxième alinéa de l’article 512 du code civil qui entrera en vigueur à une date fixée par décret et au plus tard le 31 décembre 2023. La vérification et l’approbation des comptes annuels de gestion établis antérieurement à cette entrée en vigueur restent dévolus au directeur des services de greffe judiciaires dans les conditions des articles 511 et 513 du même code dans leur rédaction antérieure à la publication de la présente loi.
IV bis
IV ter
À cette date, les procédures ouvertes en application du livre VI du code de commerce en cours devant les tribunaux de grande ou de première instance sont transférées en l’état aux tribunaux des affaires économiques territorialement compétents. Les convocations et citations données aux parties peuvent être délivrées avant la date d’entrée en vigueur pour une comparution postérieure à cette date devant la juridiction nouvellement compétente. Il n’y a pas lieu de renouveler les actes, formalités et jugements régulièrement intervenus antérieurement au transfert des procédures, à l’exception des convocations et citations données aux parties qui n’auraient pas été suivies d’une comparution devant la juridiction antérieurement compétente. Les parties ayant comparu devant la juridiction antérieurement compétente sont informées par l’une ou l’autre des juridictions qu’il leur appartient d’accomplir les actes de la procédure devant la juridiction à laquelle les procédures sont transférées. Les archives et les minutes du greffe des juridictions antérieurement compétentes sont transférées au greffe des tribunaux des affaires économiques compétents.
V. – L’article 802-2 du code de procédure pénale, dans sa rédaction issue du V de l’article 32, s’applique aux perquisitions et aux visites domiciliaires intervenues à compter de la publication de la présente loi.
VI. – Le II des articles 34 et 36 et les articles 41 et 42 entrent en vigueur le premier jour du troisième mois suivant la publication de la présente loi.
VI bis
VI ter
VII. – Sous réserve du IX, le titre V de la présente loi entre en vigueur un an après la publication de la présente loi, à l’exception du IV de l’article 43 et des I à VII de l’article 50. Les peines de contrainte pénale prononcées avant cette entrée en vigueur s’exécutent jusqu’à leur terme conformément aux dispositions applicables au jour de leur prononcé, sous la réserve que les attributions confiées au président du tribunal de grande instance ou au juge par lui désigné par l’article 713-47 du code de procédure pénale sont exercées par le juge de l’application des peines.
VIII. – L’article 49 entre en vigueur six mois après la publication de la présente loi.
IX. – L’article 53 entre en vigueur le 1er janvier 2020.
L’amendement n° 361, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Supprimer cet alinéa.
La parole est à M. le corapporteur.
L’avis est défavorable, par cohérence avec ma demande de rétablissement de l’article 12.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 373, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. – Alinéa 3
Remplacer les mots :
Les troisième et quatrième alinéas de l’article 13 sont applicables
par les mots :
L’article L. 212-5-2 du code de l’organisation judiciaire entre en vigueur
B. – Alinéa 4
Remplacer les mots :
est applicable
par les mots :
entre en vigueur
C. – Alinéa 5, première phrase
1° Remplacer les mots :
son entrée en vigueur
par les mots :
le lendemain de la publication de la présente loi
2° Après les mots :
512 du code civil
insérer les mots :
, dans sa rédaction résultant de l’article 17,
3° Remplacer le mot :
entrera
par le mot :
entre
La parole est à M. le corapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 56 est adopté.
I. – Sans préjudice de l’application de plein droit des dispositions de la présente loi relatives à l’état et à la capacité des personnes dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et dans les Terres australes et antarctiques françaises :
1° Le II de l’article 4, l’article 14, le II de l’article 19 et le 2° du I de l’article 37 de la présente loi sont applicables en Nouvelle-Calédonie ;
2° Le II de l’article 4, l’article 14, le II de l’article 19 et le 2° du I de l’article 37 de la présente loi sont applicables en Polynésie française ;
3° Le II de l’article 2, le II et IV de l’article 4, le I de l’article 5, les articles 13 et 14, le II de l’article 19 et le 2° du I de l’article 37 de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna ;
4° L’article 3, le II de l’article 4, l’article 7, les articles 13 et 14 et le 2° du I de l’article 37 de la présente loi sont applicables dans les Terres australes et antarctiques françaises ;
5° Le titre III bis de la loi n° 72-626 du 5 juillet 1972 instituant un juge de l’exécution et relative à la réforme de la procédure civile est complété par un article 11-4 ainsi rédigé :
« Art. 11 -4. – Les articles 11-1 à 11-3 sont applicables dans les îles Wallis et Futuna. »
II. – L’article 711-1 du code pénal est ainsi rédigé :
« Art. 711 -1. – Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »
III. – Le premier alinéa de l’article 804 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le présent code est applicable, dans sa rédaction résultant de loi n° … du … de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, sous réserve des adaptations prévues au présent titre et aux seules exceptions : ».
IV. – Le code de la route est ainsi modifié :
1° Le treizième alinéa de l’article L. 243-1 et le douzième alinéa des articles L. 244-1 et L. 245-1 sont complétés par une phrase ainsi rédigée : « À cette fin, l’officier ou l’agent de police judiciaire peut requérir un médecin, un interne, un étudiant en médecine autorisé à exercer la médecine à titre de remplaçant, ou un infirmier pour effectuer une prise de sang. » ;
2° Le vingt-deuxième alinéa de l’article L. 243-1 et le vingt-et-unième alinéa des articles L. 244-1 et L. 245-1 sont ainsi rédigés :
« “Les officiers ou les agents de police judiciaire, soit sur instruction du procureur de la République, soit à leur initiative et, sur l’ordre et sous la responsabilité de ceux-ci, les agents de police judiciaire adjoints peuvent, même en l’absence d’infraction préalable ou d’accident, soumettre toute personne qui conduit un véhicule à des épreuves de dépistage de l’imprégnation alcoolique par l’air expiré. » ;
3° Au second alinéa des articles L. 243-2, L. 244-2 et L. 245-2, après le mot : « loi », la fin est ainsi rédigée : « n° … du … de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. »
V. – À l’article L. 3826-3 du code de la santé publique, les mots : « dans leur rédaction résultant de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 » sont remplacés par les mots : « loi n° … du … de programmation 2018-2022 et de réforme de la justice ».
VI. – L’article 69 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi rédigé :
« Art. 69. – La présente loi est applicable, dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française, en Nouvelle-Calédonie et dans les Terres australes et antarctiques françaises. »
VII. – Le premier alinéa de l’article 44 de l’ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante est ainsi rédigé :
« Sous réserve des adaptations prévues aux articles 45 et 46, les dispositions de la présente ordonnance, à l’exception du deuxième alinéa de l’article 16 bis, des articles 25, 26, 39 à 41, sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi n° … du … de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, en Nouvelle-Calédonie et dans les territoires de la Polynésie française et des îles Wallis et Futuna. »
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ma troisième intervention est la plus délicate, puisqu’il s’agit de financement. Elle portera sur la prise en charge de la construction de la prison et de l’intégration des gardes dans l’administration pénitentiaire par le biais du dispositif de la loi Sauvadet.
Vos réponses, madame la garde des sceaux, satisfont nos attentes, et je vous en remercie sincèrement. Reste un point essentiel que je souhaite soulever à l’occasion de l’examen de l’article 57, qui prévoit l’application d’une partie de la future loi à Wallis-et-Futuna : le financement du service pénitentiaire sur ce territoire.
Bien que la justice soit une compétence régalienne, la gestion du service pénitentiaire à Wallis-et-Futuna fait l’objet d’une convention de 1997 entre l’État et le territoire. Le principe en est que le territoire avance les frais de fonctionnement et que l’État les lui rembourse. Des différences comptables importantes ont cependant été constatées au détriment du territoire par la mission d’audit envoyée par Paris en octobre 2015.
Cette mission envisageait la prise en compte du service pénitentiaire par le ministère de la justice pour le 1er janvier 2019. Qu’en est-il, madame la garde des sceaux, et surtout quid des fonds engagés sur le budget territorial qui n’ont pas encore été remboursés ? La créance du territoire entre 2011 et fin 2017 s’élève à plus de 19 millions de francs, soit environ 160 000 euros, une somme importante pour un petit territoire comme le nôtre.
Madame la garde des sceaux, la justice demeure une mission régalienne par excellence : elle ne saurait incomber aux collectivités territoriales !
Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, j’ai par-devers moi l’ensemble des éléments de réponse aux trois questions que vous m’avez posées. Il me paraît plus correct, si vous en êtes d’accord, de vous adresser par écrit ces réponses
M. Robert Laufoaulu opine.
L’amendement n° 362, présenté par M. Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. – Alinéas 2 et 3
Avant la seconde occurrence de la référence :
II
insérer la référence :
1° du
B. – Alinéas 6 et 7
Supprimer ces alinéas.
La parole est à M. le corapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 363, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 4
Supprimer les mots :
Le II de l’article 2,
La parole est à M. le corapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 193, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer deux alinéas ainsi rédigés :
…° Le V. de l’article 51 de la présente loi est applicable en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie et dans les îles de Wallis et Futuna.
…° L’article 50 … de la présente loi est applicable sur l’ensemble du territoire de la République.
La parole est à Mme la garde des sceaux.
Il s’agit de l’application en outre-mer du moratoire sur l’encellulement individuel et du vote des détenus.
Les délais de mise en œuvre du programme immobilier pénitentiaire nécessitent de reporter le moratoire sur l’encellulement individuel à 2022 sur le territoire de la République dans son ensemble, y compris les îles de Wallis et Futuna, la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie. Une disposition expresse doit prévoir l’applicabilité de cette mesure dans ces collectivités soumises au principe de spécialité législative.
De même, il est nécessaire de prévoir l’applicabilité sur l’ensemble du territoire de la République des nouvelles dispositions sur le vote par correspondance des personnes détenues, telles qu’elles ont été annoncées par le Président de la République.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 374, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 7
Insérer deux paragraphes ainsi rédigés :
… – À l’article 4 de l’ordonnance n° 2012–1222 du 2 novembre 2012 portant extension et adaptation à Wallis-et-Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie des dispositions du droit civil et du droit de l’action sociale relatives à la protection juridique des majeurs, la référence : « 511 » est remplacée par la référence : « 512 ».
… – L’article 511 du code civil dans sa rédaction antérieure à la publication de la présente loi reste applicable dans les îles Wallis et Futuna, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie jusqu’à l’entrée en vigueur du deuxième alinéa de l’article 512 du code civil dans sa rédaction résultant de l’article 17 de la présente loi et dans les conditions prévues au IV de l’article 56 de la même présente loi.
La parole est à M. le corapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 375, présenté par MM. Buffet et Détraigne, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 13
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
…°Aux treizième, quatorzième et dernier alinéas de l’article L. 243-1, aux douzième, treizième et dernier alinéas de l’article L. 244-1 et aux douzième, treizième et dernier alinéas de l’article L. 245-1, les mots : « et examens médicaux, cliniques et » sont remplacés par les mots : « ou examens médicaux, cliniques ou » ;
La parole est à M. le corapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 376, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 16
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
3° Les articles L. 243–2, L. 244–2 et L. 245–2 sont ainsi modifiés :
a) Le début du second alinéa est ainsi rédigé : « Le I de l’article L. 235–1 est applicable dans sa rédaction…(le reste sans changement). » ;
b) Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 235–2 est applicable dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de programmation 2018–2022 et de réforme pour la justice. »
La parole est à M. le corapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L’amendement n° 377, présenté par M. Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Alinéa 17
Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :
V. – L’article L. 3826–3 du code de la santé publique est ainsi modifié :
1° Après le premier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L’article L. 3353–3 est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction résultant de la loi n° … du … de programmation 2018–2022 et de réforme pour la justice. »
2° Le début du second alinéa est ainsi rédigé : « L’article L. 3353–4 est applicable dans les îles Wallis et Futuna dans sa rédaction…(le reste sans changement). »
La parole est à M. le corapporteur.
L ’ amendement est adopté.
L ’ article 57 est adopté.
L’amendement n° 364, présenté par MM. Détraigne et Buffet, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Remplacer l’année :
par l’année :
La parole est à M. le corapporteur.
Il s’agit d’un amendement de coordination avec la modification de la période de programmation.
L ’ amendement est adopté.
En conséquence, l’intitulé du projet de loi est ainsi modifié.
Nous avons terminé l’examen des articles du projet de loi.
Je vous rappelle que les explications de vote sur l’ensemble du texte se dérouleront le mardi 23 octobre prochain, à quatorze heures trente. Le vote, par scrutin public solennel, aura lieu le même jour, de quinze heures trente à seize heures, en salle des conférences.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Madame la garde des sceaux, mes chers collègues, la conférence des présidents devant se réunir à dix-neuf heures trente, il me faudra suspendre la séance à dix-neuf heures vingt-cinq au plus tard.
Il nous reste cinq minutes pour entamer, si vous le souhaitez, l’examen du projet de loi organique relatif au renforcement de l’organisation des juridictions.
Dans le cas contraire, je suspendrai la séance maintenant, et la discussion du projet de loi organique commencera ce soir, à vingt et une heures trente.
Assentiment.
Mes chers collègues, nous allons donc maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt-et-une heures trente, sous la présidence de M. Thani Mohamed Soilihi.