Intervention de Vincent Eblé

Réunion du 17 octobre 2018 à 14h30
Débat préalable à la réunion du conseil européen du 18 octobre 2018

Photo de Vincent EbléVincent Eblé :

Madame la présidente, madame la ministre, messieurs les présidents, mes chers collègues, si les questions migratoires et de sécurité intérieure occupent la majeure partie des points à l’ordre du jour du Conseil européen, celui-ci est avant tout décisif pour la poursuite des négociations relatives au Brexit. Il sera également l’occasion de réunir un sommet de la zone euro dans une configuration ouverte à l’ensemble des États membres.

Ces deux points sont des sujets capitaux pour la commission des finances.

Premièrement, alors que l’automne de 2018 avait toujours été présenté comme la date butoir pour parvenir à un accord sur le retrait britannique, ce Conseil européen s’ouvre malheureusement sur l’échec des négociations.

La rencontre de dimanche dernier entre le négociateur en chef pour l’Union européenne, Michel Barnier, et le ministre britannique chargé du Brexit, Dominic Raab, n’a pas permis une percée suffisante des négociations. La question persistante de la frontière irlandaise empêche la conclusion d’un accord, alors même que la Première ministre, Theresa May, apparaît contestée au sein de sa propre formation politique.

Un accord pourrait certes encore être conclu, mais le calendrier presse en raison des délais de ratification. Or la sécurisation rapide de nos relations futures avec le Royaume-Uni est d’une importance capitale pour notre économie et notre secteur financier.

Le Conseil européen de mars dernier a confirmé l’inclusion des services financiers dans le futur accord de libre-échange. Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, a déjà évoqué par le passé la mobilisation des régimes d’équivalence existants.

Comme le rapporteur général de notre commission, Albéric de Montgolfier, l’a rappelé à plusieurs reprises dans le cadre de nos travaux sur la compétitivité des places financières, nous avons estimé qu’il était nécessaire de renforcer l’exigence des régimes d’équivalence.

Madame la ministre, pourriez-vous faire le point sur l’avancée des discussions relatives aux services financiers dans le cadre du Brexit ? Plus largement, quels leviers comptez-vous mobiliser à court terme pour assurer la compétitivité de la place financière de Paris ?

Plus le blocage des négociations perdure, plus la perspective d’un retrait sans accord devient réaliste. À ce titre, je tiens à souligner l’union sans faille des vingt-sept États membres, qui, depuis le début des négociations, sont parvenus à s’exprimer d’une seule voix pour défendre l’intégrité du marché unique.

Les institutions européennes, tout comme le gouvernement français, doivent se préparer à l’éventualité d’un échec des négociations. C’est chose faite pour la France, avec le projet de loi d’habilitation à prendre par ordonnance les mesures de préparation au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne. Ce projet de loi d’habilitation contient des dispositions relatives à la continuité de l’utilisation des conventions-cadres en matière de services financiers, indispensables pour la sécurisation de l’exécution de contrats conclus avant la perte du passeport européen par les établissements financiers britanniques.

Madame la ministre, le Conseil d’État a émis des réserves sur ce projet de loi et rappelé la nécessité d’indiquer au Parlement le champ de l’habilitation avec précision. Pouvez-vous nous apporter des éléments de réponse à ce sujet ?

J’en viens à présent au sommet de la zone euro, qui traitera, une nouvelle fois, de l’approfondissement de l’Union économique et monétaire.

Après la publication de la feuille de route franco-allemande, le sommet de la zone euro de juin dernier n’avait malheureusement pas tenu toutes ses promesses. Par conséquent, la gouvernance du Mécanisme européen de stabilité, destiné à servir de filet de sécurité au Fonds de résolution unique, ne sera discutée qu’au Conseil européen de décembre, en raison de la persistance de blocages entre les États membres.

Pourtant, le renforcement de l’union économique et monétaire est une priorité pour assurer la stabilité de l’Union européenne. Si le Fonds monétaire international, ou FMI, a relevé en avril dernier les prévisions de croissance de la zone euro pour 2018, il a aussi alerté sur les perspectives de long terme, ce qui nous oblige à « réparer le toit de l’Europe tant qu’il fait beau », selon les termes de Jean-Claude Juncker, président de la Commission européenne.

À ce titre, l’achèvement de l’union bancaire, annoncée depuis de longs mois, doit enfin être concrétisé. La réduction et le partage des risques vont de pair. L’augmentation du ratio de fonds propres des banques et la réduction du taux de prêts non performants au sein de la zone euro témoignent des progrès accomplis pour stabiliser notre système financier. Toutefois, il nous faudra rester vigilants en matière de créances douteuses, notamment dans les bilans des banques italiennes ou chypriotes.

De plus, comme l’a indiqué la commission des finances dans une proposition de résolution européenne adoptée il y a bientôt deux ans, la mise en place du système européen de garantie des dépôts ne doit pas se traduire par un effort contributif des banques françaises qui pèserait sur leur compétitivité.

Voici, madame la ministre, les deux observations que je souhaitais formuler sur l’approfondissement de l’Union économique et monétaire et sur l’union bancaire. Dans quelle mesure, selon vous, le Conseil européen de décembre permettra-t-il de parvenir à un accord et de finaliser rapidement ces réformes ?

Enfin, je souhaiterais mentionner les défis à venir pour le budget européen. Alors que le commissaire européen au budget et aux ressources humaines, M. Oettinger, a appelé les États membres à faire du prochain cadre financier pluriannuel une priorité pour le Conseil européen de décembre, nous pouvons légitimement nous demander pourquoi ce point n’est pas inscrit à l’ordre du jour de demain.

La suppression de la contribution britannique au budget de l’Union européenne, ainsi que les désaccords affichés entre les États membres sur les priorités politiques à financer pour la période 2021-2027 font peser des incertitudes sur les orientations budgétaires de l’Union.

Comme l’a souligné notre rapporteur spécial Patrice Joly dans ses travaux de contrôle consacrés au cadre financier pluriannuel, l’Union doit se doter de moyens budgétaires à la hauteur de ses ambitions. Il nous faut être vigilants pour que les nouvelles priorités de l’Union européenne ne conduisent pas à remettre en cause la politique agricole commune, ou PAC, et la politique de cohésion.

Madame la ministre, pourriez-vous nous présenter un état des lieux des négociations relatives au prochain cadre financier pluriannuel ? Alors que l’examen du projet de loi de finances pour 2019 commencera prochainement, pouvez-vous nous indiquer les perspectives d’évolution de la contribution de la France au budget de l’Union européenne d’ici à 2027 ?

Par ailleurs, les propositions de la Commission européenne en matière de ressources pour le prochain cadre financier pluriannuel n’ont pas retenu la taxation des entreprises du secteur numérique, alors même que celle-ci pourrait constituer une ressource budgétaire pérenne pour l’Union.

Madame la ministre, la France a été un moteur dans l’élaboration de cette proposition de la Commission européenne. Êtes-vous optimiste quant à son adoption prochaine ? De quels leviers disposons-nous pour convaincre nos partenaires européens sur ce sujet ?

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