Intervention de Nicole Belloubet

Réunion du 17 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 52 bis

Nicole Belloubet :

La commission des lois, comme vient de l’expliquer M. le rapporteur, a introduit un nouveau titre qui vise à accroître la maîtrise des dépenses d’aide juridictionnelle. C’est évidemment un objectif que partage pleinement le Gouvernement, mais, pour autant, nous n’avions pas décidé d’inclure dans cette loi de programmation et de réforme de la justice des dispositions sur l’aide juridictionnelle. Je redis ici ce que j’ai eu l’occasion de préciser devant la commission qui m’a entendue : il y a évidemment une difficulté, que je qualifierai de pérenne, autour de la notion d’aide juridictionnelle, qui tient à sa construction. Nous avons donc décidé de demander un rapport à l’Inspection générale de la justice et à l’Inspection générale des finances. Ce rapport, qui vient de nous être rendu, évoque un certain nombre de pistes, dont, notamment, le droit de timbre, tel que votre commission le propose ici, mais pas seulement. D’autres orientations sont exposées, par exemple sur les contrats d’assurance juridique, et d’autres encore.

Nous sommes convenus avec les représentants des avocats, c’est-à-dire avec le Conseil national des barreaux, la Conférence des bâtonniers et la Bâtonnière de Paris, de prendre le temps du dialogue et de la construction d’un dispositif pérenne autour de ce projet. C’est la raison pour laquelle, volontairement, nous n’avons pas mis de dispositions à ce sujet dans le projet de loi que je vous présente.

Cependant, je vous indique que nous avons budgété pour l’année 2019 des provisions suffisantes pour, d’une part, évidemment, maintenir le paiement de l’aide juridictionnelle dans les conditions dans lesquelles elle fonctionne aujourd’hui, et, d’autre part, prévoir également une augmentation liée à l’accroissement de la représentation obligatoire qui est prévu dans le projet que je vous propose. Nous avons donc sécurisé les financements dans le budget 2019.

Je pourrai vous présenter les dispositions résultant de cette concertation, que nous pourrions conduire ensemble, à l’occasion de la discussion du budget 2020.

Enfin, sur la disposition précise du rétablissement proposé par votre commission de la contribution pour l’aide juridique, que l’on appelle familièrement droit de timbre, avec un montant modulé entre 20 et 50 euros, je me pose plusieurs questions. D’une part, je m’interroge sur la précision de cet article au regard du principe d’égalité devant les charges publiques, dans la mesure où aucun critère n’est défini pour déterminer le montant de cette contribution au sein de cette fourchette de 20 à 50 euros. Il y a donc un doute sur une question juridique.

D’autre part, plus généralement, force est de constater que la réintroduction d’un droit de timbre fait l’objet de débats qui traversent non seulement le Parlement – le Sénat et, sans doute, l’Assemblée nationale –, mais aussi notre société, comme le montre le dépôt des trois amendements de suppression. Le droit de timbre, bien sûr, peut-être conçu comme une manière de responsabiliser les justiciables dans leur présence au sein du service public de la justice en les sensibilisant sur le coût réel de la justice et sur les saisines abusives. Toutefois, le paiement des frais de justice est une question qui, j’y insiste, est très sensible, et qui s’applique différemment selon les pays d’Europe. Il y a en effet un certain nombre de pays européens dans lesquels les frais de justice s’appliquent, ce qui ne doit pas être négligé, mais, en France, si tel a pu être le cas un moment, il n’en est plus ainsi. Ces dispositions méritent donc des échanges approfondis dans le cadre de la navette parlementaire. À ce stade, je m’en remets à la sagesse du Sénat, tout en ayant conscience que la difficulté et la délicatesse des débats sur ce sujet nous conduiront à approfondir cette question avec l’Assemblée nationale.

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