Intervention de Éliane Assassi

Réunion du 17 octobre 2018 à 14h30
Programmation 2018-2022 et réforme pour la justice — Article 53

Photo de Éliane AssassiÉliane Assassi :

Alors que le Gouvernement, dans la rédaction initiale de l’article, entendait déjà mettre en place la fusion des tribunaux d’instance et des tribunaux de grande instance avec la création de « chambres détachées », qui ont pour vocation de remplacer les tribunaux d’instance vidés de leur substance, le texte de la commission va encore plus loin en réintroduisant les « tribunaux de première instance », les TPI.

Aussi, alors que le Gouvernement n’excluait pas de conserver plusieurs tribunaux de grande instance sur un même département, il s’agit ici de consacrer le principe du tribunal unique par département, sous couvert de la complexité qu’engendrerait la spécialisation à l’échelle départementale.

Nous sommes opposés à la création de ces tribunaux.

D’abord, parce qu’elle ne répond en aucun cas au souci de proximité du justiciable avec les lieux de justice, d’autant que chacun connaît la disparité de nos départements. Il suffit, pour s’en convaincre, de comparer la situation dans mon département, la Seine-Saint-Denis, avec celle qui existe, par exemple, dans le département de la Haute-Saône. Comme le souligne le rapport d’information de nos collègues députés sur l’évaluation de l’action de l’État dans l’exercice de ses missions régaliennes en Seine-Saint-Denis, certains tribunaux sont logiquement sous-dimensionnés, tandis que d’autres sont surdimensionnés.

Poursuivant la même logique, nous nous interrogeons sur l’entêtement à vouloir réfléchir à l’échelle départementale, qui n’a, selon nous, pas beaucoup de pertinence.

Le souci de proximité sera d’autant moins respecté que les chambres détachées semblent n’avoir été pensées que dans l’optique de supprimer ensuite, sans rencontrer grande opposition, les sites de tribunaux d’instance.

De plus, nous sommes alertés par les syndicats, qu’il s’agisse du Syndicat de la magistrature ou de l’Union syndicale des magistrats, sur le fait que ces dispositions vont à l’encontre du principe du juge naturel. Un principe qui impose une affectation des dossiers en fonction de critères objectifs, selon des règles claires, précises, préétablies et stables, afin d’éviter que le juge ne soit choisi en fonction des affaires.

Or « le risque est important que les juges dont les décisions juridictionnelles auraient déplu ou qui seraient plus prompts que d’autres à la contestation des décisions de leur hiérarchie héritent des situations les plus inconfortables », dénonce le Syndicat de la magistrature.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article. La seule logique pécuniaire et gestionnaire guide ces mesures, au détriment de la justice de proximité et de l’égal accès au droit pour tous les justiciables de notre pays.

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