Intervention de Jean-Yves Leconte

Commission des affaires européennes — Réunion du 18 octobre 2018 à 8h35
Justice et affaires intérieures — Espace schengen : rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique de mm. andré reichardt jean-yves leconte et olivier henno

Photo de Jean-Yves LeconteJean-Yves Leconte, rapporteur :

Il faut choisir. Soit vous dites que vous tenez à Schengen, même s'il rencontre des difficultés. Soit vous dites que nous avons changé de contexte, et que Schengen est une contrainte. Si vous ne rappelez pas les acquis de Schengen, vous laissez croire aux gens que c'est uniquement une contrainte. Si vous ne dites pas que, depuis quatre ans, l'Union européenne a fait baisser les flux, comment les citoyens pourraient-ils le savoir ? C'est cela la différence entre un populiste et un responsable politique ! Je propose donc de supprimer le point 17. Le sens de la réforme de Schengen ne peut pas être de rétablir des contrôles aux frontières intérieures.

Au point 18, il faut faire des choix. Si nous approuvons l'objectif « d'une véritable police aux frontières européenne », nous ne pouvons pas conserver « invite à mieux concilier le respect de la souveraineté nationale et l'intervention de Frontex en cas de défaillance d'un État membre dans sa mission de protection des frontières extérieures de l'Union européenne ». Je propose de remplacer cette phrase par « rappelle que la communautarisation de la surveillance des frontières implique une convergence progressive des politiques migratoires des États membres. »

Au point 21, je propose de préciser que la distinction ne se fait pas au doigt mouillé, mais grâce à la procédure de demande d'asile, en remplaçant « rappelle que les réfugiés doivent être distingués des migrants obéissant à des motivations économiques » par « rappelle que c'est la procédure d'étude d'une demande d'asile qui a vocation à distinguer les personnes en besoin de protection de celles obéissant à d'autres motivations, dont les motivations économiques ».

À la fin du point 22, je propose de remplacer « reste facultative » par « si son utilisation devait être confirmée, reste facultative, et que l'application éventuelle de celle-ci ne fragilise ni les coopérations entre les États membres de l'Union européenne en matière d'asile, ni leur respect de la convention de Genève ». Depuis que j'ai fait cette proposition, le tribunal administratif a deux fois refusé des « dublinages » vers l'Italie, compte tenu de la politique migratoire italienne. Si on met en place des pays tiers sûrs, en dehors de l'Union, nous ne pourrons pas accentuer la coopération européenne en matière d'asile. Au contraire, les pratiques actuelles seront remises en cause. Un avis du Conseil d'État le confirme : la France ne pourra pas faire appel à la reconduite dans des pays tiers sûrs, car cela serait contraire à nos principes en matière de droit d'asile. Cette situation risque aussi de ne plus permettre à notre pays de renvoyer vers un État membre qui aurait cette pratique.

Je propose de rédiger le point 24 comme suit : « Demande que la réforme en cours du code communautaire des visas limite à des situations très exceptionnelles les possibilités de lier la politique des visas à la délivrance des laissez-passer consulaires. Il convient en effet de prendre en compte l'ensemble des dimensions de nos relations avec les pays d'origine, à savoir notamment les intérêts commerciaux, universitaires, de sécurité, ou les liens historiques ». Si nous en faisons une politique générale, nous nous affaiblissons.

Je propose enfin d'ajouter trois points après le point 26 : « Rappelle qu'une condition de l'interopérabilité entre les fichiers et le développement des possibilités pour les États membres de renseigner et d'utiliser les systèmes d'information européens exigent le respect strict de l'État de droit et de la séparation des pouvoir par l'ensemble des États membres » ;

« Demande que les personnes ayant obtenu une protection internationale bénéficient d'un droit d'installation dans l'Union européenne identique à celui des ressortissants du pays lui ayant accordé l'asile » - ainsi, une fois qu'un réfugié dispose d'une protection, il aura le droit de changer de pays, ce qui dédramatise la situation avec les pays de première arrivée ;

« Demande que la mise en place d'un système de répartition solidaire entre les États membres s'accompagne d'un mécanisme européen d'évaluation de l'instruction des demandes d'asile, afin que les demandeurs concernés par cette répartition disposent d'un droit égal à la protection qui ne dépendrait pas du pays d'accueil ». Certains pays, obligés de prendre des demandeurs d'asile sous peine d'être privés de fonds de cohésion, auront tendance à le leur refuser systématiquement.

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